La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/05/2023 | FRANCE | N°21/07553

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 25 mai 2023, 21/07553


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58E



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2023



N° RG 21/07553 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U42Z







AFFAIRE :



SA ABEILLE IARD ET SANTE



C/



S.A.S.U. PIECES AUTO EXPRESS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° RG : 2021F00390>


Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claire RICARD



Me Constance DEGOT



TC NANTERRE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58E

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 21/07553 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U42Z

AFFAIRE :

SA ABEILLE IARD ET SANTE

C/

S.A.S.U. PIECES AUTO EXPRESS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 3

N° RG : 2021F00390

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD

Me Constance DEGOT

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA ABEILLE IARD ET SANTE venant aux droits de la société AVIVA ASSURANCES

RCS Nanterre n° 306 522 665

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Bertrand NERAUDAN et Me Catherine GIRARD REYDET, Plaidants, avocats au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S.U. PIECES AUTO EXPRESS

RCS Bobigny n° 832 544 860

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Constance DEGOT, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 64

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Pièces Auto Express (société PAE), ayant son siège à [Localité 6], a pour activité l'achat-vente de pièces détachées, accessoires, pneumatiques, entretien et réparation d'automobiles et de motos. Elle indique avoir pris à bail des locaux commerciaux sis au [Adresse 2] à [Localité 6].

Elle a souscrit le 26 septembre 2018 une police d'assurances n°78020988 dite 'Garagistes Vulcain' de responsabilité civile automobile auprès de la compagnie Aviva Assurances (Aviva).

Le 11 août 2019, un incendie s'est déclaré dans ses locaux.

Le président de la société PAE, M. [L] [X], a déposé plainte auprès du commissariat de [Localité 8], signalant la destruction et la disparition d'une partie de ses stocks, équipements et matériels qu'il attribue à un vol avant l'incendie.

M. [X] a déclaré ce vol le 11 août 2019 à sa compagnie d'assurance Aviva, qui a mandaté le cabinet Sedgwick lequel a, par rapport du 23 août 2019, conclu à un incendie d'origine criminelle, en retenant trois départs de feu.

La société Aviva a aussi mandaté un enquêteur privé M.[T], qui a remis son rapport le 3 septembre 2019.

Par lettre recommandée du 22 novembre 2019, la société Aviva a refusé la prise en charge dudit sinistre, en indiquant que « la preuve d'une déclaration inexacte quant aux conséquences du sinistre est parfaitement démontrée ».

Par lettre recommandée du 22 janvier 2020, la société PAE a mis en demeure la société Aviva de l'indemniser à hauteur du préjudice qu'elle estime avoir subi, soit la somme de 43.281,49€.

Elle a, par lettre du 12 juin 2020, réitéré sa demande à la société Aviva.

Par acte d'huissier du 10 février 2021, la société PAE a fait assigner la société Abeille Iard et Santé venant aux droits de la société Aviva devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- condamné la société Aviva à payer à la société PAE la somme de 22.000 € à titre d'indemnité d'assurance,

- débouté la société PAE de sa demande de dommages-intérêts pour inexécution fautive,

- condamné la société Aviva à payer à la société PAE la somme de 2.000 € au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire.

Par déclaration du 21 décembre 2021, la société Aviva Assurances a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 25 mai 2022, la société Abeille Iard et Santé (la société Abeille) venant aux droits de la société Aviva demande à la cour de :

- recevoir la société Aviva en son appel,

- l'y dire bien fondée,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Aviva à payer à la société PAE la somme de 22.000 € à titre d'indemnité d'assurance ainsi que la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- faire application de la clause de déchéance de garantie prévue au contrat et débouter la société PAE de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

- faire application de la règle proportionnelle prévue au contrat d'assurance et réduire l'indemnité de sinistre à la somme de 39.043,93 €,

- recevoir la société Aviva en sa demande reconventionnelle,

- l'y dire bien fondée,

Y faisant droit,

- condamner la société PAE à payer à la société Aviva la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Brodu, avocat aux offres de droit,

-débouter la société PAE de son appel incident tendant à voir porter son préjudice de la somme de 22.000 € à celle de 43.281,49 €, outre 5.000 € à titre de dommages et intérêts et 2.500 € au titre des frais irrépétibles de justice, ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2022, la société PAE demande à la cour de :

- débouter la société Aviva de son appel, fin et conclusions,

Statuant à nouveau,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 9 décembre 2021 en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à l'évaluation du montant du préjudice subi par la société PAE et au débouté de sa demande de dommages et intérêts,

Sur le préjudice,

- condamner la société Aviva à indemniser la société PAE de l'intégralité des conséquences du sinistre du 11 août 2019 qui s'élèvent à ce jour à la somme de 43.281,49 €,

Sur les dommages et intérêts,

- condamner la société Aviva à payer à la société PAE une somme de 5.000 € en réparation de l'inexécution fautive de ses obligations contractuelles,

Sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Aviva à payer la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin la société Aviva en tous les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 février 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la demande principale

La société Abeille, venant aux droits de la société Aviva, soutient que M. [L] [X] serait un gérant de paille, que c'est son frère M. [K] [X] qui serait le vrai gérant de la société PAE, et que celui-ci aurait décidé d'incendier les locaux afin de percevoir l'indemnité d'assurance. Elle relève que l'assuré n'a pas réparé le système de vidéo-surveillance alors qu'il partait quelques jours en vacances et connaissait le fort conflit entre son voisin et le bailleur, empêchant l'identification des auteurs, et ne lui avait pas déclaré l'existence de deux sinistres avant la conclusion du contrat d'assurance. Elle ajoute que deux personnes ont témoigné que le matériel de la société PAE avait été déménagé et que son activité avait cessé avant l'incendie. Elle précise que le bailleur M. [J] avait informé la société PAE qu'elle devait quitter les lieux et que cette société n'avait fourni aucune pièce comptable pour justifier de son préjudice, alors qu'il lui appartenait d'établir la perte de son matériel.

Elle rappelle le fondement contractuel de la déchéance de garantie, et soutient être fondée à la solliciter du fait de la mauvaise foi et de l'exagération du sinistre par le gérant de la société PAE. Elle dénonce la mauvaise foi de M. [X], qui a déclaré exploiter les lieux alors qu'il faisait l'objet d'une procédure d'expulsion, et identifie faussement un bailleur, alors que son expulsion avait été prononcée et qu'il avait vidé le local de son matériel. Elle précise que le locataire du terrain, M. [J], qui avait sous-loué à la société PAE, était sans droit ni titre depuis 2017 et devait quitter les lieux le 18 juillet 2019. Elle déduit du transfert du matériel de la société PAE que celle-ci n'a subi aucun préjudice, et conteste l'affirmation de la société PAE selon laquelle l'incendie visait les locaux qu'elle louait à Mme [N] et non ceux loués à M. [J].

Elle ajoute que la société PAE et M. [J] étant confrontés à des difficultés financières, ils ont envisagé d'incendier les locaux loués afin de récupérer l'indemnité d'assurance. Elle rappelle que les matériels de la société PAE avaient été transférés ailleurs, que M. [X] a déclaré qu'il n'y avait pas de système de vidéo-surveillance alors que les locaux en étaient équipés mais que celui-ci était curieusement défectueux depuis la veille du sinistre, ce qui n'a pas empêché M. [X] de partir en vacances sans effectuer de réparation.

Elle souligne que M. [L] [X] a déclaré à la signature du contrat d'assurance n'avoir pas subi de dommage, ce qui est inexact car il en avait connu deux, et n'a pas déclaré à son assureur que la société PAE était occupant sans droit ni titre et devait quitter les lieux, contrairement aux dispositions contractuelles. Elle avance que les factures présentées par la société PAE ne sont pas crédibles, apparaissent sans lien avec le sinistre, et portent sur du remplacement de matériel de bureau, relevant également que des avoirs non pas été pris en compte.

La société PAE soutient que les allégations de déclarations fausses et de mauvaise foi sont inexactes, et souligne que la société Aviva prétend qu'il existe de fortes présomptions pour que M. [X] soit à l'origine de l'incendie de son garage, mais n'a pas déposé plainte contre lui. Elle avance que la société Aviva fait état d'un conflit entre M. [J] (qui lui a sous-loué le local en cause) et M. [X], car M. [J] ne payant pas ses loyers était sous le coup d'une expulsion, ce dont la société Aviva a déduit que la société PAE, mécontente, avait menacé d'incendier les locaux dès le mois de janvier 2019.

Elle conteste la crédibilité de l'enregistrement d'une conversation à laquelle son gérant M. [L] [X] ne participe pas, et déclare n'avoir pas transféré son activité, puisque son autre établissement ouvert en juillet 2019 est équipé de matériel neuf et non de celui provenant des locaux incendiés. Elle relève que les observations du voisin sur ses propres vidéos de surveillance sont corroborées par l'attestation du bailleur et de nature à mettre hors de cause M. [X].

Elle écarte toute exagération du sinistre, et sollicite la somme de 43.281,49 € à ce titre.

*****

La société Aviva fait état des conditions générales de son contrat Aviva Multirique Pro, qui contient notamment l'indication suivante, visant la déchéance de garantie :

'- Mauvaise foi ou tentative d'escroquerie :

Si, à l'occasion de la déclaration d'un sinistre, nous établissons votre mauvaise foi ou une tentative d'escroquerie portant notamment sur la nature, les circonstances, les causes ou les conséquences de l'événement, vous perdez droit à la garantie.

Ainsi, le droit à garantie est perdu dans les cas suivants :

' Exagération du montant du dommage,

' Déclaration de disparition ou de détérioration de biens n'existant pas lors d'un sinistre,

' Dissimulation ou soustraction de tout ou partie des biens assurés,

' Emploi, comme justificatifs, de documents inexacts ou de moyens frauduleux,

' Omission volontaire de la déclaration de l'existence d'autres assurances portant sur les mêmes risques, ...

- Négligence ou retard dans la communication des informations relatives au sinistre.'

La société Aviva fonde son refus de garantie sur les éléments rapportés par l'agent d'investigation [Y] [T] qu'elle a missionné pour enquêter sur les circonstances de l'incendie.

La cour observe que si l'origine criminelle de l'incendie n'est pas contestée, la procédure pénale ouverte concernant l'incendie, dans le cadre de laquelle M. [L] [X] gérant de la société PAE avait déposé plainte, a été clôturée sans identification des auteurs. De plus, à la suite des éléments rassemblés par l'enquêteur qu'elle avait missionné, la société Aviva n'a pas déposé plainte à l'encontre de M. [L] [X].

La société PAE explique que les locaux qu'elle occupe appartiennent pour une partie à Mme [N] et pour une autre partie à une SCI Lauren, un bail ayant été signé au profit de M.[J], qui les lui a sous-loué depuis le mois d'octobre 2017.

Est versée une convention de sous-location conclue le 9 octobre 2017 entre M. [J], le loueur, et la société PAE, le sous-locataire, pour une durée de deux ans sauf renouvellement ; est également versé le bail commercial conclu le 12 novembre 2001 entre la SCI Lauren et M. [J].

M. [L] [X] fait état d'un autre contrat de sous-location, du 26 octobre 2017, qui n'est pas produit devant la cour mais qu'il a communiqué à l'enquêteur de la société Aviva, et dont l'authenticité est contestée par M. [J].

M.[J] indique avoir informé lors de la signature du contrat avec la société PAE de leur déménagement futur car la SCI Lauren voulait récupérer les locaux, ce que conteste M. [L] [X] selon lequel il n'a pas été prévenu avant le sinistre que la SCI Lauren voulait récupérer son bien. La cour observe que la convention de sous-location du 9 octobre 2017 ne fait pas état d'un tel projet de reprise.

Par ailleurs, la société PAE ne verse pas de contrat la liant à Mme [N], qui dans son attestation ne fait pas état d'un contrat la liant à cette société.

Il est justifié que M. [J] avait fait l'objet, le 19 avril 2019, d'un commandement de quitter les lieux, au vu d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Bobigny du 19 avril 2017. Il n'est pas établi que cet acte, délivré par la SCI Lauren bailleresse, ait été signifié à la société PAE, de sorte qu'il ne peut en être déduit qu'elle était informée de la prochaine expulsion.

M. [L] [X] reconnaît avoir transféré une partie de son activité, à la mi-mai 2019, dans son nouvel établissement à [Localité 7].

Si la société Aviva produit deux attestations de voisins du site de [Localité 4] indiquant pour l'un que la société PAE avait cessé son activité deux ou trois mois avant l'incendie et qu'une semaine avant le matériel avait été déménagé, et pour l'autre qu'il n'avait pas vu les responsables de la société PAE jusqu'à la fin de la semaine précédant l'incendie, la société PAE produit une attestation contraire de Mme [Z] indiquant que la société était bien en activité durant le mois d'août 2019 ; en outre, il ressort de l'attestation de M. [H] que l'installation de blocs de pierre par le propriétaire du terrain en bordure de celui-ci n'était pas de nature à bloquer l'accès à la société PAE.

Enfin, l'enquêteur missionné par la société Aviva rapporte que tous les matériels présents dans le garage de [Localité 7] sont neufs, ce qui écarte l'hypothèse de transfert du matériel de l'établissement de [Localité 6] à ce nouvel établissement, transfert que la société Aviva ne démontre pas.

La société Aviva soutient que l'incendie a été expressément évoqué par M. [K] [X], frère de M. [L] [X], lors d'une conversation avec M. [J] que celui-ci a enregistrée, celui-ci faisant aussi état d'un projet des preneurs de 'mettre le feu au batiment' exprimé en janvier 2019.

Cependant, outre le fait que la probité de M. [J] ne semble pas établie, les conditions de captation et de retrancription de cet enregistrement ne sont pas connues, il ne concernerait pas M. [L] [X] mais son frère, lequel conteste être l'auteur de ces déclarations. Aussi, la société Aviva ne peut en déduire qu'il est établi par cette pièce que M. [K] [X] est le véritable dirigeant de la société PAE, et qu'il aurait organisé l'incendie en cause.

S'il est à regretter que M. [L] [X] n'ait pas fait réparer la vidéo-surveillance avant son départ, l'enquêteur de la société Aviva précise qu'il était parti pour un week-end à [Localité 5], et la brièveté de ce séjour peut expliquer cette négligence, qui n'a en tout état de cause pas contribué au dommage.

De plus, l'installation de vidéo-surveillance de l'établissement voisin a permis à son gérant, M. [H], de visionner le déroulement des faits lors desquels 'deux individus de type noir, africains je pense' qui seraient selon lui 'entrés au niveau du garage 187 Power Cars et on le voit prendre la fuite... quelques minutes après on voit de la fumée'.

Mme [N], propriétaire d'une partie des terrains et locaux dans cette zone, a déposé une main-courante le 13 août 2019 indiquant qu'après avoir fait appel le 9 août 2019 à une société pour barricader son terrain, occupé sans droit ni titre par la société 187 Power Cars, elle aurait été menacée ainsi : 'son frère [note de la cour : comprendre le gérant de la société 187 Power Cars] et lui d'origine africaine m'ont menacée de brûler tout ce qui avait (sic) sur le terrain et à l'intérieur si je ne leur louais pas le terrain', et la société Aviva ne peut relever que l'incendie ne s'est pas propagé sur le terrain de Mme [N] pour écarter cet élément de contexte, les locaux étant voisins.

Outre le climat d'incivilités et de non droit relevé par le jugement, il ressort de ce qui précède qu'il existe une réelle incertitude sur le responsable de l'incendie, étant rappelé que l'enquête pénale a été classée car l'auteur n'avait pas été identifié.

Le fait que M. [L] [X] ait déclaré lors de la souscription de son contrat auprès de la société Aviva n'avoir pas fait l'objet de sinistres, alors qu'il avait connu une tentative de vol en 2018 et un bris de glace en 2017, est insuffisant à démontrer une volonté de dissimulation de sa part, et le jugement sera suivi en ce qu'il a retenu qu'il s'agissait de sinistres de faibles montants, non à même d'induire la mauvaise foi de l'assurée.

La société Aviva ne peut se fonder sur les déclarations de M. [J], notamment quant aux actes auxquels il est partie, pour établir la mauvaise foi de la société PAE. Aussi il ne saurait être retenu que la société PAE a été informée de manière certaine du projet d'expulsion concernant M. [J], le locataire dont elle tirait le bénéfice de la sous-location.

La société PAE n'a pas accepté la résiliation de son bail, de sorte que les dispositions contractuelles du contrat d'assurance applicables dans ce cas ne peuvent être utilement invoquées par la société Aviva.

La société Aviva ne démontre pas davantage que la société PAE aurait délibérément exagéré le sinistre, étant rappelé que son départ des locaux avant l'incendie n'a pas été retenu.

Ainsi l'assureur ne justifie pas que les déclarations de la société PAE, notamment sur les factures de la société Pilkington correspondant à des commandes passées entre le 9 mars et le 15 juillet 2019, seraient exagérées ; il en est de même s'agissant des factures de la société DCA Plate-forme. La retranscription d'échanges de deux SMS non explicites intervenus plus d'un an et six mois avant l'incendie, selon l'appelante, entre MM. [J] et M. [X], n'est pas suffisante à établir l'exagération fautive dénoncée par l'appelante, concernant des factures postérieures à ces SMS.

Les factures de la société Office Dépôt, si elles correspondent à du matériel de bureau, sont datées du 6 novembre 2017 au 31 août 2018, soit presque une année pour la plus récente avant l'incendie, de sorte qu'il est probable que ces matériels avaient été utilisés. Cependant, au vu de la relative modicité de leur montant total (534 €), il ne peut en être déduit que la société PAE a cherché à tromper la société Aviva en exagérant son sinistre.

Il en est de même de la facture de la société Chimirec, d'un montant limité (194,25 €), qui apparaît concerner la collecte de fûts de récupération d'huiles usagées, la société PAE n'établissant pas que des fûts étaient encore en sa possession lors de l'incendie.

Il en sera également ainsi pour la facture de la société Diac concernant un crédit-bail pour un véhicule, la société PAE indiquant au soutien de cette demande qu'elle a dû faire face à ce paiement alors qu'elle n'avait plus d'activité, sans l'expliquer alors qu'elle avait un second établissement à [Localité 7].

Enfin, l'absence de déduction des avoirs, dont il sera tenu compte pour déterminer le montant de l'indemnisation accordée, ne saurait manifester la volonté de la société PAE d'exagérer son sinistre de manière délibérée, alors qu'elle a produit aux débats les documents révélant leur existence.

En conséquence, le grief lié à l'exagération du sinistre par la société PAE ne sera pas retenu.

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a indiqué que la société Aviva était mal fondée à invoquer la déchéance de garantie, et que la société PAE pouvait solliciter l'indemnisation de son préjudice au titre de la mise en jeu de la police.

Sur le préjudice

La société Aviva soutient qu'alors que la superficie indiquée dans le contrat d'assurance est de 100 m², l'expertise qu'elle a diligentée retient une surface de 230 m², de sorte qu'il convient de réduire l'indemnité d'assurance par application d'une règle proportionnelle. Elle sollicite que soit retenu un montant de 39.043,93 €.

La société PAE conteste le mode d'évaluation retenu par le jugement, qui s'est fondé sur l'analyse du bilan 2018 et une projection de la valeur des stocks à la fin de l'année 2018. Elle demande à être indemnisée à hauteur de l'intégralité des pertes déclarées, qui n'ont pas été contestées par l'assureur, soit 43.281,49 €.

*****

La surface indiquée dans le contrat d'assurance est de 100 m², comme dans la convention de sous-location du 9 octobre 2017.

Si la société Aviva indique que la surface réelle exploitée était de 230 m², différence de surface au vu de laquelle elle sollicite la diminution proportionnelle de l'indemnisation due, elle ne peut se fonder pour justifier de ce calcul que sur l'indication d'une surface dressée par l'expert qu'elle a désigné, sans contrôle contradictoire. Il ne sera par conséquent pas fait droit à sa demande à ce titre.

La société PAE demande le paiement d'une somme 43.281,49 €, en se fondant sur un listing de factures qu'elle produit.

Pour autant et comme précédemment indiqué, il doit en être déduit les montants correspondant aux factures des sociétés Office Dépôt (534 €), Chimirec (194,25 €), et Diac (319,60 €).

La société PAE ne peut solliciter, au titre de l'indemnisation du sinistre, la prise en charge de frais d'abonnement de télésurveillance (Verisure), de frais d'abonnement de Gta-Pro web (ordi 3000), ou de redevances de services Databox (Solera Autodata).

Par ailleurs, certaines factures correspondent à des commandes de pièces détachées ou de produits d'entretien destinés aux voitures, passées plusieurs mois avant l'incendie, sans que la société PAE ne démontre que les pièces et matériels étaient encore présents dans les locaux au moment de l'incendie.

Il convient également de prendre en compte les avoirs dont il est établi que la société PAE bénéficiait.

Aussi la cour, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du préjudice de la société PAE, fixera son montant à 22.000 €, confirmant ainsi le jugement.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société PAE de sa demande de dommages-intérêts, la seule réception d'un courrier de relance n'étant pas suffisant à établir que cette société s'est trouvée dans une situation économique délicate du fait de la société Aviva.

Son préjudice n'apparaît pas davantage établi en appel qu'en 1ère instance, et il ne sera pas fait droit à cette demande.

La condamnation de la société Aviva au paiement des dépens et frais irrépétibles de 1ère instance sera confirmée.

Succombant en son appel, la société Abeille venant aux droits de la société Aviva sera condamnée au paiement des dépens d'appel, et d'une somme de 1.500 € à la société PAE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Déboute la société Abeille venant aux droits de la société Aviva de ses demandes,

Condamne la société Abeille venant aux droits de la société Aviva à payer à la société PAE la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Abeille venant aux droits de la société Aviva en tous les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/07553
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.07553 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award