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25/05/2023 | FRANCE | N°21/01892

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 25 mai 2023, 21/01892


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2023



N° RG 21/01892 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USME



AFFAIRE :



S.A.S. BVC [Localité 6] NORD



C/



[V] [O] épouse [R]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 18/02603




Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sophie GACHET-BARETY de la SELEURL GACHET-BARETY AVOCATS



Me Anne-constance COLL de la SELASU CABINET COLL







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 21/01892 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USME

AFFAIRE :

S.A.S. BVC [Localité 6] NORD

C/

[V] [O] épouse [R]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 18/02603

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sophie GACHET-BARETY de la SELEURL GACHET-BARETY AVOCATS

Me Anne-constance COLL de la SELASU CABINET COLL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. BVC [Localité 6] NORD

N° SIRET : 450 941 471

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie GACHET-BARETY de la SELEURL GACHET-BARETY AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2113

APPELANTE

****************

Madame [V] [O] épouse [R]

née le 30 Septembre 1988 à [Localité 7]

de nationalité Tunisienne

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Anne-constance COLL de la SELASU CABINET COLL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0653

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats et du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

A compter du 21 juillet 2016, Madame [V] [O] a été engagée par la société BVC [Localité 5] Nord, en qualité d'auditeur en sécurité alimentaire, statut Etam, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée qui a été renouvelé puis suivi d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 juillet 2017. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale dite Syntec.

Par courrier recommandé du 26 avril 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 25 mai 2018 et qui a été suivi de son licenciement pour insuffisance professionnelle par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mai 2018, quand celle-ci était placée en arrêt de travail pour maladie ordinaire depuis le 3 mai 2018.

Par requête reçue au greffe le 11 octobre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le versement de diverses sommes, notamment pour des faits de harcèlement moral.

Par jugement du 16 avril 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :    

- dit que le licenciement de Madame [V] [O] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamné la Sarl BVC [Localité 5] Nord au paiement des sommes suivantes :

* au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : 950 euros,

* au titre du préjudice distinct : 3 500 euros,

* au titre de l'article 700 code de procédure civile : 950 euros,

- débouté Madame [V] [O] de ses autres demandes ;

- reçu la demande reconventionnelle de la Sarl BVC [Localité 5] Nord mais n'y a pas fait droit,

- condamné la Sarl BVC [Localité 5] Nord aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe du 16 juin 2021, la société BVC [Localité 5] Nord a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 4 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimée déposées le 24 mai 2022. Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt rendu sur déféré le 1er décembre 2022.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 16 septembre 2021,

auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas BVC [Localité 5] Nord demande à la cour de :

La déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

en conséquence,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit que le licenciement de Madame [V] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamné la Sarl BVC [Localité 5] Nord au paiement des sommes suivantes :

950 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

3.500 euros au titre du préjudice distinct ;

950 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Reçu la demande reconventionnelle de la SARL BVC [Localité 5] nord mais n'y fait pas droit ;

Condamné la Sarl BVC [Localité 5] Nord aux entiers dépens ; statuant à nouveau :

- dire que le licenciement de Madame [O] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

- débouter Madame [O] de l'ensemble de ses demandes ;

en tout état de cause,

- condamner Madame [O] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ;

- condamner Madame [O] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour infirmation du jugement entrepris quant au caractère réel et sérieux du motif du licenciement pour insuffisance professionnelle, l'appelante soutient que dans le cadre de son activité consistant à conseiller ses clients sur le respect de normes réglementaires en matière d'hygiène et de sécurité alimentaire, la salariée a cumulé les erreurs dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées conformément à sa qualification.

Ainsi, s'agissant de l'absence de compte rendu devant être réalisé le 27 avril 2018 auprès d'une cliente, le premier juge évoque une absence de la cliente lors de l'audit en contradiction avec la notion de visite inopinée alors qu'il ne s'agit pas d'une telle visite mais du défaut de réalisation d'un compte rendu au motif de l'absence de la directrice de l'hôtel concerné par l'audit quand,

d'une part, la non-disponibilité de la cliente lors de sa venue dans l'établissement pour effectuer ce compte rendu n'est pas avéré, alors, d'autre part, qu'il appartenait à la salariée de prévenir cette dernière de sa présence sur le site pour effectuer ce compte rendu.

Sur ce point, la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, énonce : « 'En effet, et alors même que nous vous avons signifié à plusieurs reprises que nous attendions des progrès dans l'exécution de vos fonctions, vous persistez à commettre des erreurs qui mettent en péril notre crédibilité vis-à-vis de nos clients'Ainsi, vous n'avez pas fait le point attendu avec la cliente le 27 avril en affirmant qu'elle n'était pas à l'Hôtel alors qu'elle indique le contraire' ».

L'employeur produit aux débats l'attestation de la cliente qui fait part de son « insatisfaction quant à l'audit réalisé par Madame [V] [O] le 27/04/2018 », celle-ci précisant que la salariée est partie sans faire de compte rendu alors qu'elle était personnellement présente dans l'établissement, ce qui provoqué son mécontentement manifesté par téléphone auprès de l'employeur.

Cette attestation est corroborée par un mail envoyé le 27 avril 2018 par la même directrice, laquelle, répondant à la salariée qui affirmait qu'elle n'avait pas pu faire le point documentaire avec elle en raison du fait qu'elle n'était pas présente, confirme qu'elle était bien présente.

De même, s'agissant de la transmission d'informations erronées à la clientèle également mentionnée dans la lettre de licenciement et que le premier juge a considéré ne pas devoir retenir en ce que ce point ne résistait pas à l'analyse après lecture des deux e-mails à une demi-heure d'intervalle, l'employeur fait valoir à juste titre que les éléments produits aux débats lui permettent de faire la démonstration inverse dès lors qu'il en ressort que par mail du 23 avril 2018 la salariée a dû corriger une information inexacte donnée à un client auquel elle a affirmé que la réglementation imposait la mention du poids exact d'un produit qui devait figurer en « brut » pour se raviser dans le mail suivant en indiquant qu'il convenait de mentionner le poids « net ». A cet égard, l'employeur justifie d'un document édité par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, relatif à la tromperie sur la marchandise pouvant en résulter, pénalement répréhensible. Il invoque la perte de confiance de la clientèle en raison de ce type d'erreur.

Par ailleurs, sur le fait d'interroger les clients à plusieurs reprises pour solliciter les mêmes informations, l'employeur produit aux débats le mail de la salariée envoyé le 20 mars 2018 qui questionne un client sur le fait pour le personnel de « posséder » ou non «  à sa disposition » les équipements de protection individuelle, citant entre parenthèses certains d'entre eux avec des points de suspension, alors que le client, faisant référence à un rendez-vous qui avait déjà eu lieu au cours du mois précédent, lui demandait confirmation de ce que le type de produit concerné était bien autorisé à condition d'utiliser les équipements de protection en conséquence.

A ce sujet, l'employeur se réfère également à l'attestation de Madame [G] que le premier juge a estimé ne pas pouvoir « en toute hypothèse remplacer des pièces objectives (plaintes de clients par exemple) », sans préciser en quoi cette attestation ne serait pas probante, ou ne le serait

qu'insuffisamment, ni la confronter à d'éventuels éléments apportés par la salariée susceptibles de contredire utilement ce témoignage. De plus, si le jugement mentionne que la salariée a été jugée compétente pour remplacer cette dernière lors d'un congé maternité, cette affirmation, qui n'est pas autrement étayée, est de surcroît non seulement inopérante quant à la démonstration d'une incapacité objective de la salariée à remplir des missions qui lui avaient été effectivement confiées et qui relevaient de ses fonctions comme de sa qualification, mais, en outre, erronée, en ce que Madame [G] était employée par la société BVC [Localité 5] Sud en tant que consultante auditrice quand la salariée travaillait pour la société BVC [Localité 5] Nord. Or, Madame [G], qui livre un témoignage direct illustré de situations concrètes, indique, notamment, que lors de son retour de congé en juillet 2017 elle a été à plusieurs reprises sollicitée par la salariée pour les mêmes questions chez les mêmes clients, et ce, de manière récurrente et quasi-continue, et qu'au bout d'un an l'intéressée posait les mêmes questions, ne s'intéressait pas à la veille réglementaire et ne pouvait pas être autonome sur le poste.

Pareillement, le premier juge retient la compétence de la salariée pour former sa remplaçante alors que l'employeur justifie des propres compétences de cette dernière dont le curriculum vitae mentionne qu'elle possédait un Master 2 en analyse des risques sanitaires liés à l'alimentation obtenu à « AgroParisTech » ainsi que des compétences acquises notamment en matière de droit de l'alimentation, d'analyse du risque microbiologique et chimique liés à l'alimentation, de qualité et sécurité microbiologique et chimique des aliments.

Enfin, quant aux erreurs d'appréciation des risques, la lettre de licenciement mentionne l'audit réalisé pour la société Kaspia. Il ressort en effet de l'attestation de Madame [G] que celle-ci a constaté, vers avril 2017, qu'alors que le terrain de ce client indiquait clairement une situation sensible susceptible d'entraîner une suspension d'agrément, la salariée lui avait attribué un « score record ».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement doit être infirmé en ce qu'il dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et, conséquemment, en ce qu'il condamne l'employeur au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être également infirmé en ce qu'il condamne l'employeur au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre d'un préjudice distinct qu'il ne fait découler que de la mise en 'uvre d'une procédure de licenciement menée durant l'hospitalisation de la salariée en ajoutant : « la bonne foi et la loyauté inhérentes à l'exécution du contrat de travail n'étant plus de mise », alors que la seule circonstance de l'engagement d'un licenciement pour insuffisance professionnelle au cours d'une période d'hospitalisation ne constitue pas en elle-même ni un abus dans l'exercice, par l'employeur, de son droit de licencier, ni des conditions brutales ou vexatoires de licenciement, ni la démonstration d'une exécution du contrat de travail exempte de bonne foi ou de loyauté.

En équité, le jugement sera infirmé en ce qu'il alloue à la salariée une somme au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et quant aux dépens.

En revanche, le jugement doit être confirmé en ce qu'il déboute la salariée de ses autres demandes et ne fait pas droit à la demande formée par la société au titre de l'article 700 susvisé.

En équité, il n'est pas fait application des mêmes dispositions en appel et les dépens d'appel seront mis à l'entière charge de la salariée, partie succombante.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit bien-fondé le licenciement pour insuffisance professionnelle de Madame [V] [O].

La déboute de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice distinct, et d'indemnité de procédure.

Dit qu'elle doit supporter les entiers dépens de première instance.

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris.

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de quiconque.

Condamne Madame [V] [O] aux entiers dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01892
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.01892 ?
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