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25/05/2023 | FRANCE | N°21/01231

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 25 mai 2023, 21/01231


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83E



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2023



N° RG 21/01231 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UOYS



AFFAIRE :



S.A.S. PSA AUTOMOBILES



C/



[T] [D]



Syndicat SYMNES CFDT







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 18/0

2042



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Céline COTZA de la ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES



Me Marc BORTEN de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 21/01231 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UOYS

AFFAIRE :

S.A.S. PSA AUTOMOBILES

C/

[T] [D]

Syndicat SYMNES CFDT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 18/02042

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Céline COTZA de la ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES

Me Marc BORTEN de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. PSA AUTOMOBILES

N° SIRET : 542 065 479

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Marc BORTEN de l'ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: R271

APPELANTE

****************

Madame [T] [D]

née le 27 Décembre 1973 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0392

Syndicat SYMNES CFDT

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentant : Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0392

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats et du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

****************

Par contrat de travail à durée indéterminée du 15 octobre 1998, Madame [T] [D] a été engagée à compter du 1er novembre 1998 par la société Psa Automobiles en qualité d'ingénieur brevet, en dernier lieu en position 2 statut cadre, à temps partiel. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Elle est devenue titulaire de mandats de représentant du personnel à compter de 2012.

Après autorisation de l'inspection du travail du 19 décembre 2019, Madame [D] a été licenciée par la société le 19 décembre 2019, pour insuffisance professionnelle. La salariée a contesté la décision de l'inspection du travail devant le tribunal administratif de Versailles, qui a rejeté ses moyens par une décision du 27 janvier 2022.

Un accord de droit syndical destiné à aménager le déroulement des carrières des salariés titulaires de mandats syndicaux, a été adopté au sein de la société depuis 1998, et modifié pour la dernière fois en 2009.

Par requête reçue au greffe le 31 juillet 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir dire que la société n'a pas respecté les termes de l'accord de droit syndical et d'obtenir le versement de diverses sommes, notamment au titre de faits de discrimination syndicale.

Par jugement du 5 mars 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :    

- dit et jugé, qu'il y avait lieu d'appliquer les dispositions légales en vigueur en termes de prescription des faits de deux ans lies à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail selon l'article L. 1471-1 du code du travail ;

- dit et jugé que Madame [T] [D] n'a été victime d'aucune discrimination dans l'évolution de sa carrière en raison de ses activités de salarié mandaté ;

- débouté de ce fait Madame [T] [D] et le Syndicat Symnes Cfdt de leurs demandes de dommages et intérêts au titre d'une discrimination syndicale ;

- débouté par conséquent Madame [T] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution des articles 21 et 22 de la convention collective applicable ;

- condamné la société Psa Automobiles Sa à la somme de 3 916 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à assurer l'employabilité par l'obligation de formation et d'adaptation professionnelle, envers son salarie Madame [T] [D] ;

- débouté chacune des parties de leur demande d'article 700 du code de procédure civile;

- ordonné l'exécution provisoire de droit ;

- dit et jugé que les sommes allouées seront assorties des intérêts légaux de droit ;

- condamné la société Psa Automobiles Sa aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 23 avril 2021, la société Psa Automobiles a relevé appel de cette décision qui lui a été notifiée le 1er avril 2021.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 24 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Psa Automobiles demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et y faire droit dans son intégralité ;

- déclarer Madame [T] [D] et le syndicat Symnes Cfdt mal fondés en leur appel incident ;

en conséquence,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 3 916 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à assurer l'employabilité par l'obligation de formation et d'adaptation professionnelle envers son salarié Madame [D], dit et jugé que les sommes allouées seront assorties des intérêts légaux de droit, l'a déboutée de sa demande d'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens ;

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée et le syndicat Symnes Cfdt de leurs demandes au titre d'une discrimination syndicale et de l'inexécution des articles 21 et 22 de la convention applicable ;

en conséquence et statuant à nouveau,

- débouter Madame [T] [D] et le syndicat Symnes Cfdt de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner Madame [T] [D] et le syndicat Symnes Cfdt à lui payer, solidairement, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Madame [T] [D] et le syndicat Symnes Cfdt aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Psa à la somme de 3 916 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de formation et d'adaptation professionnelle ;

infirmer le jugement sur le surplus

statuer de nouveau et :

en conséquence,

- condamner la société Psa Automobiles Sa à lui payer les sommes suivantes :

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution des articles 21 et 22 de la convention collective ;

7 590 euros « titre de la discrimination syndicale » ;

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société à payer au Symnes Cfdt la somme de :

1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner au paiement des intérêts légaux au jour de la saisine avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code de procédure civile ;

- condamner aux entiers dépens et frais d'exécution ;

- dire et juger qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir les sommes relevant du droit proportionnel prévu à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 seront remis à la charge du défendeur et s'ajouteront aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

L'employeur fait valoir qu'une partie du préjudice réclamé par la salariée au titre de la discrimination syndicale étant censé correspondre à un manque à gagner salarial allégué depuis 2012 au visa d'une exécution prétendument fautive de ses obligations contractuelles et/ou conventionnelles, la prescription applicable est celle prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail en ce qu'elle est relative, notamment, à toute action portant sur l'exécution du contrat de travail, ou, subsidiairement, celle énoncée à l'article L. 3245-1 du même code pour les créances salariales. Il en en conclut que l'action est prescrite pour la période antérieure au 31 juillet 2016 ou, subsidiairement, au 31 juillet 2015.

Toutefois, l'action n'est pas prescrite dès lors que la salariée, comme le syndicat, qui dénoncent une discrimination syndicale au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail qui leur est apparue au cours de l'année 2016, en invoquant les règles probatoires prévues par l'article L. 1134-1 de ce code, soutiennent à juste titre que la prescription applicable est celle prévue par l'article L. 1134-5 du même code pour les actions en réparation du préjudice résultant d'une discrimination qui se prescrivent par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination, les dommages et intérêts devant réparer l'entier préjudice résultant de cette dernière, pendant toute sa durée.

Il en résulte que l'action n'est pas prescrite.

Sur les demandes de dommages et intérêts

La salariée fait valoir qu'en raison de ses mandats électifs, d'une part, son évolution dans la grille de classification conventionnelle a été plus lente puisque cette grille n'a pas été correctement appliquée sur les bulletins de paie faute de toute mention sur son coefficient hiérarchique devant évoluer tous les trois ans au sein de la position II, l'empêchant ainsi d'évoluer pour pouvoir

prétendre à un passage en position III, d'autre part, son évolution salariale a été moins favorable sur la période considérée, soit depuis l'année 2012, que celle de ses collègues, tel que démontré par la comparaison de l'évolution de sa rémunération par rapport à la moyenne de la catégorie professionnelle dont elle relève, n'ayant pas même correspondu à celle à laquelle elle pouvait prétendre au titre de l'application de l'accord du 22 décembre 2009 sur l'exercice du droit syndical prévoyant un mécanisme de revalorisation de la rémunération des salariés mandatés afin que ces derniers ne subissent pas de préjudice de rémunération par rapport aux salariés de la même catégorie professionnelle, dont l'application par l'employeur au détriment des salariés qu'il vise, ne permet pas de supprimer les écarts de salaire injustifiés en raison d'une méthode de calcul consistant à calculer la moyenne d'évolution de la rémunération cumulée sur trois ans pour vérifier ensuite si le salarié bénéficie du même pourcentage d'augmentations cumulées de sa rémunération sur ces trois années, quand il résulte de l'article 4.2.4 de l'accord que l'employeur doit vérifier chaque année l'évolution salariale des salariés concernés au regard de la comparaison de leur augmentation de salaires par rapport à leurs collègues sur les trois années antérieures.

Elle ajoute que cette discrimination syndicale s'est également traduite par l'absence de toute formation depuis 2012, de sorte qu'elle n'a pu prétendre à la même évolution de carrière que ses collègues.

L'employeur soutient pour sa part qu'il n'existe aucune obligation de devoir mentionner les coefficients sur les bulletins de paie qui conformément à l'article R. 3243-1 du code du travail mentionnent le niveau attribué à la salariée, laquelle n'établit nullement un rapprochement chronologique entre le défaut d'évolution allégué de son coefficient, affirmation que les bulletins démontrent être inexacte, et l'exercice de son mandat de représentant du personnel. Il fait valoir que l'accord de 2009 ne vise pas à assurer au salarié mandaté la même rémunération que la moyenne des rémunérations de sa catégorie mais a uniquement pour finalité de garantir aux salariés mandatés une évolution de leur rémunération par comparaison avec la moyenne des rémunérations au sein de la catégorie concernée, l'atteinte de cet objectif devant résulter d'une appréciation conforme à l'article 4.2.4 de l'accord, non pas sur l'année en rectifiant un écart éventuel de rémunération, mais sur une période de trois ans jugée représentative pour, en cas d'écart significatif, en déduire la nécessité de procéder à une mesure salariale corrective. Il indique que cette appréciation découle du fait que tous les salariés ne sont pas augmentés individuellement chaque année, ce que reflètent les fiches individuelles remises aux organisations syndicales à l'occasion des réunions annuelles de suivi de la rémunération des mandatés. Il reproche à la salariée de ne pas préciser la source de l'information relative à la rémunération moyenne de sa catégorie ni si les accessoires du salaire sont inclus. Il se réfère à ses propres tableaux et graphiques démontrant selon lui le défaut de tout retard dans l'évolution des rémunérations moyennes de la salariée comparée à celle de sa catégorie entre 2012 et 2018, le tout proratisé selon le temps partiel considéré, tirant le constat de son propre tableau que sur cette même période la rémunération annuelle de la salariée a augmenté, de 2012 à 2017, de 3,14%, alors que celle de sa catégorie a progressé de 4,41% en référence à des périodes triennales, et de 3,94% versus 6,15%

en additionnant annuellement les pourcentages d'évolution, laissant dès lors apparaître l'atteinte de l'objectif fixé par l'accord syndical. Il ajoute que la salariée, licenciée pour insuffisance professionnelle avec l'autorisation de l'inspection du travail, n'a pas rempli ses objectifs malgré de nombreuses formations de coaching dans des proportions significatives dès lors qu'elle ne les a atteints qu'à hauteur de 20% en 2016, 20% en 2017 et 9% en 2018 ; que la salariée, qui s'est vue allouée par le premier juge, statuant ultra petita, des dommages et intérêts de ce chef, ne démontre pas ni l'inégalité de traitement qu'elle allègue en matière de formation, ni que sa capacité à occuper un emploi ait pu se trouver impactée, ni avoir été confrontée à des évolutions significatives auxquelles elle n'aurait pas été préparée, alors que les salariés mandatés ont pu constater un très faible niveau d'offre de formation et qu'elle a bénéficié de formations sauf en 2011, 2013 et 2014.

Sur ce :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de ses activités syndicales.

Selon l'article L. 2141-5 alinéa 1 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L'article L. 1134-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de la discrimination qu'elle estime avoir subie en raison de ses mandats électifs à compter de 2012 dont elle justifie sans être utilement contredite sur ce point, la salariée invoque l'absence de repère pour déterminer l'évolution de sa situation hiérarchique et salariale au sein de

la classification conventionnelle par défaut de mention du coefficient, non obligatoire, sur les bulletins de salaire qu'elle fournit correspondant aux mois de décembre des années 1998 à 2017 et sur lesquels est inscrite sa position, successivement 1 et 2. Ces éléments n'établissent aucun lien avec une activité syndicale ou l'exercice d'un mandat à compter de l'année 2012.

En revanche, les éléments de fait présentés par la salariée qui pris ensemble laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale sont les suivants :

- l'accord sur l'exercice du droit syndical du 22 décembre 2009 qui affirme la volonté des signataires notamment de promouvoir l'exercice de la mission des représentants du personnel élus et des modalités permettant de conforter le développement professionnel et le déroulement de carrière des salariés mandatés, et de préciser les conditions d'exercice des missions, dont l'article 4.2 intitulé « Gestion de carrière, évolution et développement des compétences du personnel mandaté » est notamment suivi d'un article 4.2.4 intitulé « Modalités pratiques » qui notamment prévoit que « Sous réserve de satisfaire à ses obligations professionnelles, chaque mandaté évoluera comme la moyenne de la population à laquelle il appartient », et que « Pour être significative, cette évolution comparée s'appréciera sur une période de l'ordre de 3 ans » avant d'ajouter : « Les parties conviennent que des échanges seront organisés pour définir les éléments à prendre en compte dans les comparaisons. » ;

- un tableau chiffrant le manque à gagner chaque année entre 2011 et 2017 en comparant sa rémunération perçue avec la rémunération calculée sur la base de l'évolution moyenne de sa catégorie professionnelle ;

- un tableau mentionnant, pour chaque année de 2011 à 2018, l'écart de rémunération déduit de la comparaison entre, d'une part, la rémunération qu'elle a perçue selon les fiches individuelles remises par l'employeur en adéquation sur ce point avec le propre tableau établi par ce dernier, ainsi que le pourcentage d'augmentation année par année qui en résulte, d'autre part, la rémunération moyenne annuelle de sa catégorie professionnelle au vu des éléments chiffrés des bilans annuels « plan salarial » de la direction des ressources humaines, et le pourcentage annuel d'augmentation qui s'en déduit ;

- des extraits des procès-verbaux de réunions ordinaires du comité social et économique du 29 octobre 2020, 28 janvier 2021, 31 mars 2022, qui mentionnent des réponses apportées par la direction sur l'atteinte des objectifs de l'ensemble des collaborateurs, soit, une moyenne de 81,65% en 2017, de 82,35% en 2018, de 82,92% en 2019, de 84,27% en 2020, de 84,38% en 2021 ; des documents et mails relatifs à l'évaluation de la salariée et à ses objectifs, notamment sur les années 2012 à 2016 ;

- l'absence de toute formation depuis 2012 au vu de documents internes.

Afin de démontrer, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à une telle discrimination, l'employeur objecte :

- qu'à l'occasion du préambule de l'accord du 22 décembre 2009, les partenaires sociaux ont tenu à souligner que les engagements pris par le direction dans l'accord du 15 juillet 1998, en matière

d'analyse complète des situations de salaire et de carrière de l'ensemble des salariés mandatés, ont été tenus, comme l'ont été ceux relatifs à d'éventuelles révisions des situations de ces salariés mandatés ; toutefois, force est d'observer que le préambule de l'accord de 2009 est exempt d'une telle mention contrairement à celui du 25 juin 2001, auquel il s'est substitué et dont il se borne à rappeler qu'il a posé les principes et les règles relatifs à l'exercice du droit syndical et au dialogue social ; de plus, à compter de l'année 2016, le syndicat Symnes Cfdt Pca La Garenne a, à plusieurs reprises, expressément interpellé la direction sur « des écarts significatifs de rémunération » entre ses mandatés et l'évolution normale qui devait résulter selon elle de l'application des accords de 2001 et 2009, signés notamment par le syndicat Cfdt, comportant la même garantie de rémunération et donnant lieu à la tenue de réunions de suivi des mandatés et à l'établissement de fiches de suivi par la direction ;

- que la source des éléments chiffrés présentés par la salariée est inconnue ; quand il apparaît que les données chiffrées auxquelles la salariée se réfère et qui pour certaines sont identiques à celles qu'il intègre dans ses calculs au vu de ses propres pièces, s'agissant notamment des rémunérations annuelles comparées, proviennent de documents internes élaborés à partir de données et d'informations détenues par lui, dont les documents établis dans le cadre du suivi mis en place en application de l'accord ;

- qu'entre 2012 et 2018 la rémunération perçue par la salariée était conforme à celle de sa catégorie professionnelle et n'a pas été dépourvue d'augmentations, y compris dans les dernières années en dépit d'une insuffisance manifeste de résultats, celle-ci n'ayant pas rempli ses objectifs qualitatifs et quantitatifs de son poste d'ingénieur brevet, ce qui a conduit à son licenciement pour insuffisance professionnelle autorisé par l'inspection du travail, à la fin de l'année 2019 ; tous faits que font effectivement ressortir les éléments produits aux débats desquels il s'infère, notamment, que même en considérant les particularités de la relation de travail, dont un temps de travail très partiel, la performance de la salariée au cours des dernières années de la relation contractuelle était très largement inférieure aux attentes et à celle de ses collègues ;

- qu'il ressort de son tableau établi en fonction des données chiffrées relatives à l'évolution de rémunération cumulée sur trois années pour la salariée et la catégorie professionnelle de comparaison, qu'une action corrective a été appliquée en 2015 afin de réduire l'écart entre l'évolution des rémunérations de la salariée et de cette catégorie ; en effet, s'il résulte de la comparaison annuelle, appréciée sur une période de trois années conformément aux accords précités, entre les évolutions, exprimées en pourcentages, de la rémunération de la salariée et de la moyenne de sa catégorie professionnelle, que sur la période considérée, de 2012 à 2018, des écarts négatifs ont été révélés, ces écarts, limités à environ 10% sur l'ensemble de la période, ont partiellement donné lieu à une correction ;

- que la salariée n'établit pas que sa capacité à occuper un emploi ait pu se trouver impactée, ni avoir été confrontée à des évolutions significatives auxquelles elle n'aurait pas été préparée, alors qu'elle a bénéficié de formations de 2012 à 2018 ; néanmoins, l'employeur ne prouve pas que la salariée a effectivement bénéficié des formations alléguées au cours de la période considérée, ou que cette dernière en aurait refusées ; il ne démontre pas avoir respecté son obligation générale

de formation et ne saurait se prévaloir de sa carence en la matière, étant légalement tenu d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ; ainsi, l'employeur ne justifie par aucun élément objectif étranger à toute discrimination le fait que la salariée n'a plus bénéficié de formation au cours de la période d'exercice de son mandat.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la discrimination syndicale ne résulte pas de l'application, bien qu'imparfaite, des accords de droit syndical par l'employeur, mais uniquement de l'absence de formation.

En réparation de l'entier préjudice que lui cause la discrimination syndicale subie, il sera alloué à la salariée la somme nette de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En l'absence de preuve de préjudices distincts résultant du non-respect des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts spécifiques présentée de ce chef. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il condamne l'employeur à payer à la salariée la somme de 3 916 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Sur la demande indemnitaire du syndicat

Au vu du dispositif des conclusions qui seul saisit la cour, le syndicat sollicite le paiement à son profit de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi collectivement par les salariés du fait de la discrimination syndicale au regard, notamment, de ses conséquences en termes de désengagement collectif des salariés pour la défense de l'intérêt collectif de la profession.

L'employeur soutient que le syndicat ne justifie pas de son préjudice.

La situation de discrimination syndicale ci-dessus retenue concernant un salarié mandaté cause un préjudice au syndicat en pénalisant les salariés en raison de leur engagement et en décourageant les vocations, préjudice qui sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme nette de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les intérêts au taux légal

Les intérêts au taux légal courent sur les sommes allouées, à compter du présent arrêt, et il y a lieu à capitalisation de ces intérêts conformément à l'article L. 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles

En équité, il convient de ne faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit de la salariée et du syndicat ; la somme de 1 000 euros sera allouée à la salariée et celle de 500 euros au syndicat, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens

La société, partiellement succombante, doit supporter la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur le droit proportionnel

Le juge du fond n'est pas compétent pour statuer sur l'application du droit proportionnel de l'huissier de justice dans le cadre de l'exécution forcée de la décision qu'il prononce. En tout état de cause, une telle demande, formulée au visa de l'article 10 du Décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ne pourrait être que rejetée, cet article ayant été abrogé par le Décret n° 2016-230 du 26 février 2016. Au surplus, l'article 11 du décret de 1996, lui-même abrogé, prévoyait que le droit visé à l'article 10 n'était pas dû lorsque le recouvrement ou l'encaissement était effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :

Dit non-prescrite l'action de Madame [T] [D].

Condamne la société Psa Automobiles à payer à Madame [T] [D] la somme nette de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Condamne la société Psa Automobiles à payer au syndicat Symnes Cfdt la somme nette de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Dit que les intérêts au taux légal courent sur ces sommes à compter du présent arrêt et qu'il y a lieu à capitalisation de ces intérêts conformément à l'article L. 1343-2 du code civil.

Condamne la société Psa Automobiles à payer à Madame [T] [D] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Psa Automobiles à payer au syndicat Symnes Cfdt la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société Psa Automobiles aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01231
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.01231 ?
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