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25/05/2023 | FRANCE | N°21/01194

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 25 mai 2023, 21/01194


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83H



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2023



N° RG 21/01194 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UORR



AFFAIRE :



[M] [F]



Syndicat SYMEF CFDT



C/



S.A.S. PSA AUTOMOBILES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 18/02041



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES



Me Marc BORTEN de la ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83H

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 21/01194 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UORR

AFFAIRE :

[M] [F]

Syndicat SYMEF CFDT

C/

S.A.S. PSA AUTOMOBILES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 18/02041

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES

Me Marc BORTEN de la ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [F]

né le 08 Février 1971 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Autre qualité : Intimé dans 21/01232 (Chambre Sociale)

Représentant : Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0392

Syndicat SYMEF CFDT venant aux droits du SYMNES CFDT

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Autre qualité : Intimé dans 21/01232 (Chambre Sociale)

Représentant : Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0392

APPELANTS

****************

S.A.S. PSA AUTOMOBILES

N° SIRET : 542 065 479

[Adresse 2]

[Localité 3]

Autre qualité : Appelant dans 21/01232 (Chambre Sociale)

Représentant : Me Marc BORTEN de l'ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: R271

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats et du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

****************

Par contrat de travail à durée indéterminée du 27 mai 1998, Monsieur [M] [F] a été engagé à compter du 1er septembre 2018 par la société Psa Peugeot Citroën, devenue Psa Automobiles, en dernier lieu ingénieur, cadre, position 3 A, à proportion de 90% d'un temps plein. Il est titulaire de mandats syndicaux depuis 2007, en dernier lieu élu du comité social et économique. Il a successivement occupé divers mandats électifs. La convention collective nationale applicable est celle des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Un accord de droit syndical destiné à aménager le déroulement des carrières des salariés titulaires de mandats syndicaux, a été adopté au sein de la société depuis 1998, et a été modifié pour la dernière fois en 2009.

Par requête reçue au greffe le 31 juillet 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir dire que la société n'a pas respecté les termes de l'accord de droit syndical et d'obtenir le versement de diverses sommes, notamment au titre de faits de discrimination syndicale.

Par jugement du 5 mars 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :    

- dit et jugé qu'il y avait lieu d'appliquer les dispositions légales en vigueur en termes de prescription des faits de deux ans liés à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail selon l'article L. 1471-1 du code du travail ;

- dit et jugé que Monsieur [F] n'avait pas été victime d'aucune discrimination dans l'évolution de sa carrière en raison de ses activités de salarié mandaté ;

- débouté de ce fait Monsieur [F] et le syndicat Symnes Cfdt de leurs demandes de dommages et intérêts au titre d'une discrimination syndicale ;

- condamné la société Psa Automobiles Sa à la somme de 5 333 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à assurer l'employabilité par l'obligation de formation et d'adaptation professionnelle envers son salarié Monsieur [M] [F] ;

- débouté chacune des parties de leur demande d'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de droit ;

- dit et jugé que les sommes allouées seront assorties des intérêts légaux de droit ;

Condamné la société Psa Automobiles Sa aux entiers dépens.

Par déclarations reçues au greffe les 20 et 23 avril 2021, procédures jointes, le salarié et le syndicat Symnes, puis la société Psa Automobiles, ont respectivement relevé appel de cette décision qui leur a été notifiée le 1er avril 2021.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva avant le prononcé de la clôture de l'instruction le 27 février 2023, soit le 5 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, le salarié et « Symef Cfdt venant aux droits du Symnes Cfdt », demandent à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Psa à la somme de 5 333 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de formation et d'adaptation professionnelle ;

infirmer le jugement sur le surplus

statuer de nouveau et :

- condamner la société Psa Automobiles Sa à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes:

31 719 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société à payer au Symnes Cfdt la somme de :

1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner au paiement des intérêts légaux au jour de la saisine avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code de procédure civile ;

- condamner aux entiers dépens et frais d'exécution ;

- dire et juger qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir les sommes relevant du droit proportionnel prévu à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 seront remis à la charge du défendeur et s'ajouteront aux dépens

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 24 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sa Psa Automobiles demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses appels principal et incident et y faire droit dans leur intégralité ;

- déclarer Monsieur [M] [F] et le syndicat Symnes Cfdt mal fondés en leurs appels principal et incident ;

en conséquence,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 5 333 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à assurer l'employabilité par l'obligation de formation et d'adaptation professionnelle envers son salarié Monsieur [M] [F], dit et jugé que les sommes allouées seront assorties des intérêts légaux de droit, l'a déboutée de sa demande d'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens ;

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié et le syndicat Symnes Cfdt de leurs demandes au titre d'une discrimination syndicale et de l'inexécution des articles 21 et 22 de la convention applicable ;

en conséquence et statuant à nouveau,

- débouter Monsieur [M] [F] et le syndicat Symnes Cfdt de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner Monsieur [M] [F] et le syndicat Symnes Cfdt à lui payer, solidairement, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [M] [F] et le syndicat Symnes Cfdt aux entiers dépens d'appel.

Par des conclusions de procédure remises par le Rpva le 21 mars 2023, Monsieur [M] [F] et « Symef Cfdt venant aux droits du Symnes Cfdt », demandent à la « Cour de PARIS » de :

- prononcer la révocation de la clôture intervenue par ordonnance du 27 février 2023 ;

- fixer la clôture à la date de l'audience de plaidoirie, soit le 27 mars 2023.

Ils font valoir que : le 16 janvier 2023, la cour a fixé un calendrier de procédure (annulant et remplaçant le calendrier précédemment fixé en raison de contraintes internes) dans ce dossier prévoyant une date de clôture au 27 février 2023 à 9 heures, en vue d'une plaidoirie fixée au 27 mars 2023 à 14 heures ; le 24 février 2023 à 15h06, le conseil de la société Psa a communiqué des conclusions n° 3 comportant près de 4 pages supplémentaires (comparativement aux conclusions n°2 précédemment communiquées) ; leur conseil n'a pas été en mesure, d'une part, de prendre utilement connaissance de ces écritures préalablement à la clôture du 27 février 2023 à 9 heures et, d'autre part, de les soumettre à « son client » pour observations ; en conséquence, afin de pouvoir assurer le respect du contradictoire, « Monsieur [F] » sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 27 février 2023, et le report de la clôture à la date de l'audience de plaidoirie, qui selon lui n'a pas lieu d'être modifiée, soit le 27 mars 2023 à 14 heures.

Par des conclusions au fond remises par le Rpva le 21 mars 2023, les mêmes parties demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Psa à la somme de 5 333 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de formation et d'adaptation professionnelle ;

- infirmer le jugement sur le surplus ;

Statuer de nouveau et :

- condamner la société Psa Automobiles Sa à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes:

31 719 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

1 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- condamner la société à payer au Symnes Cfdt la somme de :

1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

1 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

- condamner au paiement des intérêts légaux au jour de la saisine avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code de procédure civile ;

- condamner aux entiers dépens et frais d'exécution ;

- dire et juger qu'en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir les sommes relevant du droit proportionnel prévu à l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 seront remis à la charge du défendeur et s'ajouteront aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

Par application des dispositions de l'article 907 renvoyant notamment à l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Cet article exige que la cause de nature à justifier la révocation se soit révélée postérieurement à la clôture, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les dernières conclusions de la société Psa Automobiles que le salarié et le syndicat estiment tardives, leur ayant été révélées plusieurs jours avant la date de l'ordonnance de clôture dont ils pouvaient solliciter le report le cas échéant.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 27 février 2023 formée par conclusions de procédure de Monsieur [M] [F] et de « Symef Cfdt venant aux droits du Symnes Cfdt », afin d'admettre des conclusions remises au greffe et notifiées postérieurement à la clôture, lesquelles seront déclarées irrecevables, en réplique à des conclusions de l'employeur dont le rejet pour tardiveté n'est pas sollicité par ailleurs, pas même à titre subsidiaire.

Sur la prescription

L'employeur fait valoir qu'une partie du préjudice réclamé par le salarié au titre de la discrimination syndicale étant censé correspondre à un manque à gagner salarial allégué depuis 2012 au visa d'une exécution prétendument fautive de ses obligations contractuelles et/ou conventionnelles, la prescription

applicable est celle prévue par l'article L. 1471-1 du code du travail en ce qu'elle est relative, notamment, à toute action portant sur l'exécution du contrat de travail, ou, subsidiairement, celle énoncée à l'article L. 3245-1 du même code pour les créances salariales. Il en en conclut que l'action est prescrite pour la période antérieure au 31 juillet 2016 ou, subsidiairement, au 31 juillet 2015.

Toutefois, l'action n'est pas prescrite dès lors que le salarié, comme le syndicat, qui dénoncent une discrimination syndicale au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail qui leur est apparue au cours de l'année 2016, en invoquant les règles probatoires prévues par l'article L. 1134-1 de ce code, soutiennent à juste titre que la prescription applicable est celle prévue par l'article L. 1134-5 du même code pour les actions en réparation du préjudice résultant d'une discrimination qui se prescrivent par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination, les dommages et intérêts devant réparer l'entier préjudice résultant de cette dernière, pendant toute sa durée.

Il en résulte que l'action n'est pas prescrite.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Le salarié fait valoir qu'en raison de ses mandats électifs, son évolution salariale a été moins favorable sur la période considérée, soit depuis l'année 2008, que celle de ses collègues tel que démontré par la comparaison de l'évolution de sa rémunération par rapport à la moyenne de la catégorie professionnelle dont il relève, n'ayant pas même correspondu à celle à laquelle il pouvait prétendre au titre de l'application de l'accord du 22 décembre 2009 sur l'exercice du droit syndical prévoyant un mécanisme de revalorisation de la rémunération des salariés mandatés afin que ces derniers ne subissent pas de préjudice de rémunération par rapport aux salariés de la même catégorie professionnelle, dont l'application par l'employeur au détriment des salariés qu'il vise, ne permet pas de supprimer les écarts de salaire injustifiés en raison d'une méthode de calcul consistant à calculer la moyenne d'évolution de la rémunération cumulée sur trois ans pour vérifier ensuite si le salarié bénéficie du même pourcentage d'augmentations cumulées de sa rémunération sur ces trois années, quand il résulte de l'article 4.2.4 de l'accord que l'employeur doit vérifier chaque année l'évolution salariale des salariés concernés au regard de la comparaison de leur augmentation de salaires par rapport à leurs collègues sur les trois années antérieures.

Il ajoute que cette discrimination syndicale s'est également traduite par l'absence de toute formation entre 2009 et 2019, de sorte qu'il n'a pu prétendre à la même évolution de carrière que ses collègues, ce que révèle, notamment, le commentaire de sa hiérarchie au sein de son entretien individuel.

L'employeur soutient pour sa part que l'accord de 2009 ne vise pas à assurer au salarié mandaté la même rémunération que la moyenne des rémunérations de sa catégorie mais a uniquement pour finalité de garantir aux salariés mandatés une évolution de leur rémunération par comparaison avec la moyenne des rémunérations au sein de la catégorie concernée, l'atteinte de cet objectif devant résulter d'une appréciation conforme à l'article 4.2.4 de l'accord, non pas sur l'année en rectifiant un écart éventuel de rémunération, mais sur une période de trois ans jugée représentative pour, en cas d'écart significatif, en déduire la nécessité de procéder à une mesure salariale corrective. Il indique que cette appréciation découle du fait

que tous les salariés ne sont pas augmentés individuellement chaque année, ce que reflètent les fiches individuelles remises aux organisations syndicales à l'occasion des réunions annuelles de suivi de la rémunération des mandatés. Il indique que dans le tableau présenté par le salarié, dans la catégorie de référence, la rémunération moyenne diminue régulièrement à compter de 2012 alors que dans le même temps l'évolution moyenne augmente. Il soutient que ce tableau, d'une part, est établi sur la base d'informations erronées, dont la source est ignorée, puisqu'il ne précise pas si les accessoires du salaire sont inclus et ne tient pas compte de 90% d'un temps plein, d'autre part, démontre le défaut de tout retard dans l'évolution des rémunérations moyennes du salarié comparée à celle de sa catégorie entre 2009 et 2017, tirant le constat de son propre tableau que sur cette même période la rémunération annuelle du salarié a augmenté, de 6,01% alors que celle de sa catégorie a progressé de 6,19% en référence à des périodes triennales, et de 1,36% versus 1,48% en additionnant annuellement les pourcentages d'évolution, laissant dès lors apparaître l'atteinte de l'objectif fixé par l'accord syndical. Il ajoute que le salarié n'a pas rempli ses objectifs et que celui-ci ne démontre pas ni l'inégalité de traitement qu'il allègue en matière de formation, ni que sa capacité à occuper un emploi ait pu se trouver impactée, ni avoir été confronté à des évolutions significatives auxquelles il n'aurait pas été préparé, alors qu'il a bénéficié de formations entre 2009 et 2022 et que les seules années au cours desquelles il n'a suivi aucune formation sont les années 2008, 2010, 2012, 2014 et 2015.

Sur ce :

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de ses activités syndicales.

Selon l'article L. 2141-5 alinéa 1 du code du travail, il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

L'article L. 1134-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de la discrimination qu'il estime avoir subie en raison de ses mandats électifs dont il justifie depuis 2007 sans être utilement contredit sur ce point, le salarié présente les éléments de fait suivants :

- un tableau mentionnant, pour chaque année de 2008 à 2017, l'écart de rémunération déduit de la comparaison entre, d'une part, la rémunération qu'il a perçue selon les fiches individuelles remises par l'employeur en adéquation sur ce point avec le propre tableau établi par ce dernier, ainsi que le pourcentage d'augmentation année par année qui en résulte, d'autre part, la rémunération moyenne annuelle de sa catégorie professionnelle au vu des éléments chiffrés des bilans annuels « plan salarial » de la direction des ressources humaines, et le pourcentage annuel d'augmentation qui s'en déduit ;

- des extraits des procès-verbaux de réunions ordinaires du comité social et économique du 29 octobre 2020, du 28 janvier 2021 et du 31 mars 2022, qui mentionnent des réponses apportées par la direction sur l'atteinte des objectifs de l'ensemble des collaborateurs, soit, une moyenne de 81,65% en 2017, de 82,35% en 2018, de 82,92% en 2019, de 84,27% en 2020, de 84,38% en 2021 ; ses comptes rendus d'entretiens individuels du salarié, notamment sur les années 2007 à 2016, ses objectifs personnels de performance ayant été atteints à hauteur de 82% en moyenne sur la période, avec une stabilité de cette performance les années suivantes en adéquation avec la performance moyenne de l'ensemble des collaborateurs ;

- l'accord sur l'exercice du droit syndical du 22 décembre 2009 qui affirme la volonté des signataires notamment de promouvoir l'exercice de la mission des représentants du personnel élus et des modalités permettant de conforter le développement professionnel et le déroulement de carrière des salariés mandatés, et de préciser les conditions d'exercice des missions, dont l'article 4.2 intitulé « Gestion de carrière, évolution et développement des compétences du personnel mandaté » est notamment suivi d'un article 4.2.4 intitulé « Modalités pratiques » qui notamment prévoit que « Sous réserve de satisfaire à ses obligations professionnelles, chaque mandaté évoluera comme la moyenne de la population à laquelle il appartient », et que « Pour être significative, cette évolution comparée s'appréciera sur une période de l'ordre de 3 ans » avant d'ajouter : « Les parties conviennent que des échanges seront organisés pour définir les éléments à prendre en compte dans les comparaisons. » ; un tableau établi à partir des « fiches mandatés » fournies par l'employeur mentionnant, pour la période de 2009 à 2020, des cumuls triennaux négatifs par rapport à la moyenne de sa catégorie professionnelle sauf de 2014 à 2016 et de 2015 à 2017 ; un tableau chiffrant le manque à gagner chaque année entre 2009 et 2022 en comparant sa rémunération perçue avec la rémunération calculée sur la base de l'évolution moyenne de sa catégorie professionnelle ;

- l'absence de toute formation entre 2009 et 2019 au vu des documents relatifs à la relation de travail, dont ses entretiens individuels, notamment celui de 2016 au sein duquel est abordée la problématique de la formation.

Ces éléments, pris ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale.

Afin de démontrer, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, la société objecte :

- qu'à l'occasion du préambule de l'accord du 22 décembre 2009, les partenaires sociaux ont tenu à souligner que les engagements pris par le direction dans l'accord du 15 juillet 1998, en matière d'analyse complète des situations de salaire et de carrière de l'ensemble des salariés mandatés, ont été tenus, comme

l'ont été ceux relatifs à d'éventuelles révisions des situations de ces salariés mandatés ; toutefois, force est d'observer que le préambule de l'accord de 2009 est exempt d'une telle mention contrairement à celui du 25 juin 2001, auquel il s'est substitué et dont il se borne à rappeler qu'il a posé les principes et les règles relatifs à l'exercice du droit syndical et au dialogue social ; de plus, à compter de l'année 2016, le syndicat Symnes Cfdt Pca La Garenne a, à plusieurs reprises, expressément interpellé la direction sur « des écarts significatifs de rémunération » entre ses mandatés et l'évolution normale qui devait résulter selon elle de l'application des accords de 2001 et 2009, signés notamment par le syndicat Cfdt, comportant la même garantie de rémunération et donnant lieu à la tenue de réunions de suivi des mandatés et à l'établissement de fiches de suivi par la direction ;

- que la source des éléments chiffrés présentés par le salarié est inconnue ; quand il apparaît que les données chiffrées auxquelles le salarié se réfère, partiellement identiques à celles qu'elle intègre dans ses calculs au vu de ses propres pièces, s'agissant notamment des rémunérations annuelles comparées, proviennent de documents internes élaborés à partir de données et d'informations détenues par l'employeur, dont les documents établis dans le cadre du suivi mis en place en application de l'accord ;

- que la comparaison réalisée par le salarié ne tient pas compte de son temps partiel ; cependant, au vu des accords successifs, ce temps partiel est en lui-même sans influence sur la comparaison de pourcentages d'évolution de rémunérations ;

- que les objectifs n'ont pas été remplis ; or, cet argument est inopérant quant à la justification d'écarts de rémunération sans lien avéré avec les résultats du salarié en matière de performance, ce d'autant que l'employeur ne contredit pas utilement les éléments apportés par le salarié desquels il s'infère que sa performance se situait dans la moyenne des collaborateurs concernés ;

- qu'il ressort de son tableau établi en fonction des données chiffrées relatives à l'évolution de rémunération cumulée sur trois années pour le salarié et la catégorie professionnelle de comparaison, que des actions correctives ont été appliquées quasiment chaque année depuis 2014 afin de réduire l'écart entre l'évolution des rémunérations du salarié et de cette catégorie, ce que reflètent des écarts quasi nuls, voire positifs ; en effet, d'abord, indépendamment de l'application des accords précités, il ne résulte pas des éléments chiffrées apportés par le salarié et repris par l'employeur dans son tableau, qu'annuellement depuis 2008 et jusqu'en 2017, le salarié n'a pas bénéficié d'une évolution salariale suffisamment significative, notamment par comparaison avec la moyenne de l'évolution salariale de sa catégorie professionnelle, puisqu'il a bénéficié d'une augmentation annuelle d'environ 1,35% quand dans le même temps la moyenne de l'évolution salariale de sa catégorie professionnelle s'élevait à environ 1,53% ; ensuite, s'il résulte de la comparaison annuelle, appréciée sur une période de trois années conformément aux accords précités, entre les évolutions, exprimées en pourcentages, de la rémunération du salarié et de la moyenne de sa catégorie professionnelle, que sur la période considérée, en dernier lieu de 2008 à 2022, des écarts négatifs ont été révélés, ces écarts, limités au total à environ 5% sur l'ensemble de la période, ont donné lieu partiellement à des corrections sur la rémunération du salarié ;

- que le salarié n'établit pas que sa capacité à occuper un emploi ait pu se trouver impactée, ni avoir été confronté à des évolutions significatives auxquelles il n'aurait pas été préparé, alors qu'il a bénéficié de formations sauf en 2008, 2010, 2012, 2014 et 2015 ; néanmoins, l'employeur ne prouve pas que le salarié a effectivement bénéficié des formations alléguées, du moins entre 2009 et 2019, ou que ce dernier en aurait refusées ; la société, qui ne saurait s'en prévaloir, ne démontre pas avoir respecté son obligation générale de formation alors que l'employeur est légalement tenu d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi ; à cet égard, notamment dans le cadre de son entretien individuel de l'année 2016, le salarié a exprimé à sa hiérarchie son besoin de formation, remarque qu'il a réitérée au sein de la fiche de suivi spécifique de l'entretien individuel du personnel mandaté, alors que sa hiérarchie n'a évoqué qu'un budget de formation de l'entité insuffisant, justification financière que l'employeur n'établit nullement ; ainsi, ce dernier ne justifie par aucun élément objectif étranger à toute discrimination le fait que le salarié n'a plus bénéficié de formation durant une dizaine d'années quand il était salarié mandaté.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la discrimination syndicale ne résulte pas de l'application, bien qu'imparfaite, des accords de droit syndical par l'employeur, mais uniquement de l'absence de formation.

En réparation de l'entier préjudice que lui cause la discrimination syndicale subie, il sera alloué au salarié la somme nette de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En l'absence de preuve de préjudices distincts résultant du non-respect des dispositions de l'article L. 6321-1 du code du travail, le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts spécifiques présentée de ce chef. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il condamne l'employeur à payer au salarié la somme de 5 333 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Sur la demande indemnitaire du syndicat

Au vu du dispositif des conclusions qui seul saisit la cour, le syndicat sollicite le paiement à son profit de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi collectivement par les salariés du fait de la discrimination syndicale au regard, notamment, de ses conséquences en termes de désengagement collectif des salariés pour la défense de l'intérêt collectif de la profession.

L'employeur soutient que le syndicat ne justifie pas de son préjudice.

La situation de discrimination syndicale ci-dessus retenue concernant un salarié mandaté cause un préjudice au syndicat en pénalisant les salariés en raison de leur engagement et en décourageant les vocations, préjudice qui sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme nette de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les intérêts au taux légal

Les intérêts au taux légal courent sur les sommes allouées, à compter du présent arrêt, et il y a lieu à capitalisation de ces intérêts conformément à l'article L. 1343-2 du code civil.

Sur les frais irrépétibles

En équité, il convient de ne faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit du salarié et du syndicat ; la somme de 1 000 euros sera allouée au salarié et celle de 500 euros au syndicat, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens

La société, partiellement succombante, doit supporter la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur le droit proportionnel

Le juge du fond n'est pas compétent pour statuer sur l'application du droit proportionnel de l'huissier de justice dans le cadre de l'exécution forcée de la décision qu'il prononce. En tout état de cause, une telle demande, formulée au visa de l'article 10 du Décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ne pourrait être que rejetée, cet article ayant été abrogé par le Décret n° 2016-230 du 26 février 2016. Au surplus, l'article 11 du décret de 1996, lui-même abrogé, prévoyait que le droit visé à l'article 10 n'était pas dû lorsque le recouvrement ou l'encaissement était effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formulée au sein de leurs conclusions de procédure par Monsieur [M] [F] et « Symef Cfdt venant aux droits du Symnes Cfdt » ;

en conséquence,

Déclare irrecevables les conclusions de Monsieur [M] [F] et « Symef Cfdt venant aux droits du Symnes Cfdt » remises au greffe et notifiées le 21 mars 2023, postérieurement à la clôture.

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :

Dit non-prescrite l'action de Monsieur [M] [F].

Condamne la société Psa Automobiles à payer à Monsieur [M] [F] la somme nette de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Condamne la société Psa Automobiles à payer au syndicat Symef Cfdt la somme nette de 500 euros à titre de dommages-intérêts.

Dit que les intérêts au taux légal courent sur ces sommes à compter du présent arrêt et qu'il y a lieu à capitalisation de ces intérêts conformément à l'article L. 1343-2 du code civil.

Condamne la société Psa Automobiles à payer à Monsieur [M] [F] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Psa Automobiles à payer au syndicat Symef Cfdt la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société Psa Automobiles aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01194
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.01194 ?
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