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25/05/2023 | FRANCE | N°20/02869

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 25 mai 2023, 20/02869


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2023



N° RG 20/02869 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGXM



AFFAIRE :



[R] [M]



C/



S.A.S.U. L'HOPITAL PRIVE DE [Localité 6]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 19/00097

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me David METIN



Me Valérie BEBON





le :



Copie numérique délivrée à :



Pôle Emploi



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 20/02869 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGXM

AFFAIRE :

[R] [M]

C/

S.A.S.U. L'HOPITAL PRIVE DE [Localité 6]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 19/00097

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David METIN

Me Valérie BEBON

le :

Copie numérique délivrée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être renu le 11 mai et prorogé au 25 mai 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANT

****************

S.A.S.U. L'HOPITAL PRIVE DE [Localité 6]

N° SIRET : 432 197 150

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Valérie BEBON de la SELARL BLB ET ASSOCIÉS AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0002

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mars 2023, Madame  Valérie DE LARMINAT, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN

Rappel des faits constants

La SASU Hôpital Privé de [Localité 6], dont le siège social est situé à Versailles dans les Yvelines, exploite un hôpital sous le nom « [4] ». Elle emploie environ 200 salariés et applique la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.

M. [R] [M], né le 29 août 1984, a été engagé par cet établissement, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet au 4 avril 2016, en qualité de brancardier.

Par avenant en date du 1er mars 2017, M. [M] a été promu au poste de référent brancardier, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 999,24 euros, calculée sur les douze derniers mois.

Après entretien préalable qui s'est tenu le 19 octobre 2018, M. [M] s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier du 25 octobre 2018, dans les termes suivants :

« Vous occupez depuis le 4 avril 2016, un CDI, un poste de brancardier au sein de l'Hôpital Privé de [Localité 6].

Dans le cadre de ce poste, vous assurez, entre autres, les missions suivantes :

- la prise en charge des patients à brancarder auprès des soignants et équipes médicales des différentes unités de soins ;

- le transport des patients ;

- l'installation des patients au bloc selon les préconisations associées à l'intervention prévue,

- l'aide à l'installation définitive des patients en salle d'opération ;

- la surveillance de l'état de santé des patients accueillis dans votre domaine d'intervention afin d'assurer la continuité de la prise en charge des patients.

Nous vous rappelons que nous avons eu à déplorer de votre part les agissements fautifs suivants :

Le 9 août 2018, la seconde de bloc, Mme [J] [C], en essayant de vous joindre à 13h30, a constaté que vous étiez parti de votre poste sans en faire part à votre manager. Vos horaires de travail de ce jour étaient 7h30-16h30. Ce départ a été con'rmé par votre collègue, M. [F] [O], suite à la demande de Mme [C].

Le 24 septembre 2018, vous êtes arrivé à 9h00 au lieu de 7h30 conformément à vos horaires de travail de ce jour, et vous n'avez ni prévenu votre management de ce retard, ni signalé à ce dernier ce retard en arrivant sur votre poste. »

Le 1er octobre 2018, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste et, à ce jour, nous n'avons toujours pas reçu de justification pour cette absence.

Ainsi, les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

- 1 abandon de poste non justifié,

- 1 retard non signalé,

- 1 absence injustifiée.

Par ailleurs, nous vous avons souligné lors de l'entretien que ce n'est pas la première fois que nous avons à déplorer ce genre de comportement de votre part, puisque vous avez déjà été en absence non justifiée le 25 juin 2018.

Votre attitude non professionnelle et irrespectueuse entraîne des conséquences préjudiciables au bon fonctionnement de l'établissement :

Vous ne respectez pas vos horaires de travail ;

Vous ne prévenez pas votre responsable hiérarchique de vos retards ;

Vous n'êtes pas en mesure de justifier vos retards et absences ;

Vous perturbez le bon fonctionnement du service dans la mesure où la prise en charge des patients se fait avec retard et où il faut pallier à [sic] votre absence de manière impromptue.

Nous vous rappelons que, conformément à l'article 18 du règlement intérieur de l'établissement relatif aux horaires et au temps de travail :

« Le personnel doit respecter les horaires tels qu'ils sont affichés sur les tableaux prévus à cet effet.

Il peut être rappelé de façon occasionnelle ou périodique à effectuer son travail selon des horaires différents. Nul ne peut se soustraire à cette obligation sauf si la modi'cation exigée est substantiellement différente des horaires prévus au contrat.

La durée du travail s'entend du temps effectif au sens de l'article L. 212-4 du code du travail, le personnel doit être en poste et en tenue de travail aux heures de début et de fin de chaque séance prévue par l'horaire affiché.

De même les temps de pause prévus par cet horaire ne sauraient être modi'és ou allongés sous aucun prétexte.

Le personnel travaillant en équipes successives ne doit pas quitter le service en fin de poste et abandonner les malades avant l'arrivée de l'équipe de remplacement ou à défaut jusqu'à ce que les dispositions nécessaires aient été prises par la direction pour assurer la continuité dans l'organisation du travail. En cas de retard, il doit en être déféré à la direction.

En cas d'empêchement d'un membre du personnel chargé d'une fonction déterminée, aucun membre du personnel de sa catégorie professionnelle ou d'un emploi similaire ne peut refuser ou s'abstenir de le remplacer sous prétexte que ce travail n'est pas strictement celui qui lui est habituellement con'é.

Les membres du personnel ne peuvent se remplacer mutuellement sans accord préalable de la direction.

Nul ne peut modifier, sans autorisation la date de ses congés annuels, ceci valant aussi bien pour la période principale que pour le reliquat, ni prolonger son absence à ce titre... »

Les explications fournies lors de notre entretien ne nous ont pas permis de remettre en cause notre appréciation des faits.

Compte tenu de l'ensemble des faits reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible. Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »

M. [R] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles en nullité de son licenciement qu'il prétend avoir été prononcé parce qu'il avait exercé son droit de grève, par requête reçue au greffe le 6 février 2019.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 24 novembre 2020, la formation de départage de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Versailles a :

- dit que le licenciement de M. [R] [M] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [R] [M] de ses demandes au titre de la nullité du licenciement et de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement,

- débouté M. [R] [M] de sa demande de dommages-intérêts relatifs aux temps d'habillage et de déshabillage,

- condamné M. [R] [M] à payer la somme de 300 euros à la société L'hôpital Privé de [Localité 6] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [M] aux entiers dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La procédure d'appel

M. [M] a interjeté appel du jugement par déclaration du 17 décembre 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/02869.

Par ordonnance rendue le 1er février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 mars 2023.

Prétentions de M. [M], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 17 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [M] demande à la cour d'appel de :

- le recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien-fondé,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

sur les demandes afférentes à la rupture du contrat

à titre principal,

- juger que le licenciement encourt la nullité en raison de son caractère discriminatoire,

- condamner la société Hôpital Privé de [Localité 6] à lui verser une indemnité de licenciement nul dont le montant ne peut être inférieur à six mois de salaire, soit la somme de 20 000 euros net de CSG-CRDS et de charges sociales,

à titre subsidiaire,

- juger que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et en conséquence,

à titre principal,

- juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

- condamner en conséquence la société Hôpital Privé de [Localité 6] à lui verser la somme de 20 000 euros net de CSG-CRDS et de charges sociales à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (non plafonnée),

à titre subsidiaire,

- condamner la société Hôpital Privé de [Localité 6] à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail (plafonnée), soit la somme de 7 000 euros net de CSG-CRDS et de charges sociales,

sur la demande afférente au temps d'habillage et de déshabillage

- condamner la société Hôpital Privé de [Localité 6] à lui verser la somme de 1 527 euros à titre de contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage,

sur les autres demandes

- ordonner la remise de l'attestation destinée au Pôle emploi conforme à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les 30 jours suivant la notification de l'arrêt,

- juger qu'en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, la cour se réserve le droit de liquider l'astreinte sur simple requête,

- condamner la société Hôpital Privé de [Localité 6] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que ces sommes porteront intérêt à compter de la mise en demeure de la société du 14 novembre 2018, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,

- condamner la société Hôpital Privé de [Localité 6] aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir,

- débouter la société Hôpital Privé de [Localité 6] de toutes ses demandes.

Prétentions de l'Hôpital Privé de [Localité 6], intimé

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 23 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'Hôpital [5] conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande donc à la cour d'appel de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement de départage rendu le 24 novembre 2020 par le Conseil de prud'hommes de Versailles

- débouter M. [M] de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande indemnitaire afférente,

- débouter M. [M] de ses demandes indemnitaires formulées tant à titre principal qu'à titre subsidiaire,

- débouter M. [M] de sa demande indemnitaire au titre du temps d'habillage et de déshabillage,

- condamner M. [M] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la nullité du licenciement en raison de l'exercice du droit de grève

M. [M] soutient que la véritable cause de la rupture de son contrat de travail est la grève, dont il dit avoir été le meneur, en janvier 2018.

Il expose à ce sujet qu'en raison de conditions de travail délétères dénoncées à plusieurs reprises, notamment une surcharge de travail notoire, les neuf brancardiers de la société, soit la totalité, ont décidé de présenter des revendications et d'observer un mouvement de grève du 10 au 17 janvier 2018, qu'à la fin du mois d'octobre 2017, en raison de la maladie de la cadre de bloc, il a dû gérer de nombreuses tâches supplémentaires, et parallèlement, a été sollicité afin de pallier les absences au sein de son équipe, que de manière générale, les pauses n'étaient jamais respectées puisqu'en raison de l'absence de personnel suffisant, il leur a été confié des tâches à réaliser durant ces instants, que dans le cadre des négociations liées au mouvement de grève, la société a accepté de réduire la pause déjeuner à 30 minutes au lieu d'une heure et de régler les heures de travail effectuées durant le temps anciennement consacré au déjeuner, mais a refusé toute augmentation salariale, se contentant de proposer des mesures de formation, non réclamées par les grévistes.

Il fait valoir qu'aucun dialogue n'a été possible au début du mouvement et ce d'autant plus que la société a tenté de mater la grève ; que le 17 janvier 2018, les grévistes ont décidé de mettre un terme à leur mouvement sans pour autant avoir été pleinement satisfaits ; que depuis ce mouvement de grève dont il a été clairement le meneur, la société a cherché tout prétexte afin de l'évincer des effectifs et c'est la raison pour laquelle elle a engagé la procédure disciplinaire qui a conduit à son licenciement en se fondant sur des griefs injustifiés et à tout le moins d'une sanction totalement disproportionnée.

L'Hôpital Privé de [Localité 6] s'oppose à la demande. Il fait valoir qu'aucun élément ne permet de faire un lien entre ce mouvement de grève et le licenciement de M. [M]. Il ajoute que le licenciement repose quoi qu'il en soit sur une cause réelle et sérieuse, suite aux manquements avérés du salarié à ses obligations, qu'ensuite, la participation de M. [M] au mouvement de grève de janvier 2018 n'a entraîné aucune mesure de rétorsion ; qu'au contraire, M. [M] a vu sa demande de formation d'ambulancier acceptée dans le cadre d'un congé individuel de formation, qu'enfin, bien avant le mouvement de grève, il avait déjà rappelé à l'ordre M. [M] en raison de comportements intempestifs.

M. [M] présente sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 2511-1 du code du travail, lequel dispose : « L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux. Tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit. »

La lettre de licenciement, dont les termes ont été rappelés précédemment, ne fait pas état d'un licenciement prononcé à l'encontre de M. [M] pour avoir participé à une grève, ni à raison d'un fait commis au cours ou à l'occasion de l'exercice d'un droit de grève. Dans ces conditions, ce fondement ne peut être retenu.

M. [M] invoque comme autre fondement à sa demande l'article L. 1132-2 du code du travail qui dispose : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève ».

L'article L. 1134-1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [M] ne présente cependant aucun élément laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de l'exercice du droit de grève, de sorte que ce fondement sera écarté.

M. [M] se prévaut en dernier lieu du fait que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement ne sont pas nécessairement la cause déterminante de son licenciement, celui-ci ayant en réalité pour origine la présentation de revendications et l'organisation d'un mouvement de grève.

Il y a lieu de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement.

En l'espèce cependant, aucun des éléments en présence ne permet de retenir que la véritable cause du licenciement est la grève à laquelle a participé M. [M].

Le salarié se limite en effet à alléguer qu'il ne « fait nul doute » que la cause réelle de la rupture des relations contractuelles a pour origine le mouvement de grève, sans que ne soient présentés d'indices probants d'un lien entre la grève et le licenciement.

Au demeurant, ce dernier moyen n'est pas de nature à entraîner la nullité du licenciement prononcé.

M. [M] sera débouté de sa demande de nullité du licenciement, par confirmation du jugement entrepris.

Sur le bien-fondé du licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, M. [M] s'est vu reprocher trois griefs, qui tous sont en relation avec des absences et des retards.

De façon générale, M. [M] soutient l'absence d'opposabilité du règlement intérieur de l'hôpital. Il souligne qu'aux termes de la lettre de licenciement, il lui est reproché des manquements à l'article 18 de ce règlement intérieur.

Cet article énonce : « Article 18 : Horaires ' temps de travail ' heures supplémentaires.

Le personnel doit respecter les horaires tels qu'ils sont affichés sur les tableaux prévus à cet effet. Il peut être appelé de façon occasionnelle ou périodique à effectuer son travail selon des horaires différents. Nul ne peut se soustraire à cette obligation (...).

La durée du travail s'entend du temps de travail effectif au sens de l'article L. 212-4 du code du travail, le personnel doit être à son poste et en tenue de travail aux heures de début et de fin de chaque séance prévue par l'horaire affiché.

De même les temps de pause prévus par cet horaire ne sauraient être modifiés ou allongés sous aucun prétexte.

Le personnel travaillant en équipes successives ne doit pas quitter le service en fin de poste et abandonner les malades avant l'arrivée de l'équipe de remplacement ou à défaut jusqu'à ce que les dispositions nécessaires aient été prises par la direction pour assurer la continuité dans l'organisation du travail. En cas de retard, il doit en être référé à la direction.

En cas d'empêchement d'un membre du personnel chargé d'une fonction déterminée, aucun autre membre du personnel de sa catégorie professionnelle ou d'un emploi similaire ne peut refuser ou s'abstenir de le remplacer sous prétexte que ce travail n'est pas strictement celui qui lui est habituellement confié.

Les membres du personnel ne peuvent se remplacer mutuellement sans accord préalable de la direction.

Nul ne peut modifier, sans autorisation, la date de ses congés annuels, ceci valant aussi bien pour la période principale que pour le reliquat, ni prolonger son absence à ce titre.

Nul ne peut effectuer des heures supplémentaires sans qu'elles lui soient demandées par la direction ou le cadre responsable.

Nul ne peut refuser d'effectuer les heures supplémentaires qui lui sont demandées dans la limite de la loi et de la convention collective.

Les heures supplémentaires doivent répondre aux principes généraux tels qu'ils sont définis dans la convention collective, afin d'assurer la continuité des soins, la sécurité et le bien-être des patients et des pensionnaires, pendant leur séjour. »

Il est constant qu'un règlement intérieur doit respecter certaines conditions pour être opposable au salarié.

Ainsi, la société doit justifier :

- de l'existence d'un règlement intérieur prévoyant la nature et l'échelle des sanctions,

- de la consultation des représentants du personnel,

- de la transmission du règlement intérieur à l'inspection du travail,

- de son dépôt au conseil de prud'hommes,

- de la connaissance de ce règlement par les salariés.

L'Hôpital Privé de [Localité 6] ne justifie certes pas avoir rempli ces conditions. Pour autant, il ne peut en être déduit comme le fait à tort le salarié, que la sanction prise sur ce fondement, à savoir le licenciement, est nécessairement injustifiée. De surcroît, l'Hôpital Privé de [Localité 6] indique fonder sa sanction sur l'exercice de son pouvoir disciplinaire dès lors que le respect des horaires de travail et l'obligation de justifier de ses absences sont des obligations qui participent à l'organisation générale de l'entreprise. Dès lors, indépendamment de la discussion sur l'opposabilité du règlement intérieur, il convient de s'interroger sur les règles applicables aux retards et absences au sein de l'entreprise.

L'Hôpital Privé de [Localité 6] soutient à juste titre que, comme tout salarié, M. [M] devait respecter ses plannings et ses horaires de travail, prévenir sa hiérarchie le plus tôt possible en cas d'absence et justifier toute absence dans les 48 heures.

M. [M] connaissait nécessairement ces règles générales, même s'il n'est pas démontré qu'il a été porté à sa connaissance une procédure spécifique, claire et précise à ce sujet.

Il n'est pas établi qu'une telle information aurait été donnée lors d'une réunion de service du 1er février 2018, le témoignage de M. [X], cadre de santé, étant démenti par M. [M], sans que ceux-ci puissent être départagés par d'autres éléments.

Il n'est pas non plus démontré que les brancardiers disposaient du numéro de téléphone portable de Mme [C], seconde de bloc, afin de la prévenir de tout retard ou de toute absence, l'attestation de l'intéressée elle-même étant insuffisante à le démontrer.

M. [M] indique, sans être utilement démenti sur ce point, que postérieurement à son licenciement, les consignes ont été affichées et les numéros de téléphone auxquels la hiérarchie pouvait être jointe, ont été communiquées, confirmant ainsi la nécessité d'informer les salariés de ces règles.

Au demeurant, contrairement à ce que soutient le salarié en page 15 de ses conclusions, l'employeur ne lui reproche pas tant de ne pas avoir respecté les règles applicables afin de prévenir de ses absences et ses retards que de ne pas avoir justifié de ses absences et retards.

S'agissant d'abord de la réalité des griefs

Concernant les faits du 9 août 2018

L'Hôpital Privé de [Localité 6] reproche à M. [M] d'avoir été absent à son poste ce jour-là à 13h30, sans avoir prévenu son manager, alors qu'il devait travailler de 7h30 à 16h30.

Il est justifié que Mme [C], seconde de bloc opératoire, a alerté sa hiérarchie par courriel le jour même, ce qui accrédite la matérialité de ce grief.

M. [M] reconnaît cette absence mais invoque, pour l'expliquer, qu'il a toujours été habituel qu'en cas d'inactivité, chacun des brancardiers puisse terminer ses fonctions plus tôt, à tour de rôle.

M. [M] explique que ce jour-là, la dernière opération de la journée était planifiée à 12 heures et qu'ils étaient 4 brancardiers présents, qu'il a quitté son poste après avoir installé le patient de la dernière intervention et après avoir réalisé l'ensemble des tâches annexes de nettoyage des brancards et de ménage, qu'il a tenté de prévenir la seconde de bloc mais en vain si bien qu'il a prévenu son collègue.

M. [M] ne rapporte pas la preuve d'une telle pratique tandis que Mme [C] la conteste, soulignant même que l'absence de M. [M] a désorganisé le bloc, de même que M. [X], cadre de santé, qui atteste : « J'atteste également ne jamais avoir autorisé ne serait-ce que tacitement les brancardiers à quitter leur poste avant l'heure en cas de baisse d'activité, que j'ai tenu de rappeler ces règles de base compte tenu du non-respect récurrent des horaires de travail par M. [M] et de la dissimulation de ses retards » (pièce 24 de l'employeur).

Dès lors, même si le salarié souligne que la société ne démontre aucune désorganisation du service et qu'il n'a fait l'objet d'aucune retenue sur salaire et a même reçu une prime d'assiduité, le grief est matériellement établi.

Concernant les faits du 24 septembre 2018

L'Hôpital Privé de [Localité 6] reproche à M. [M] d'être arrivé ce jour-là à 9h au lieu de 7h30, sans avoir prévenu le management de ce retard, ni signalé ce retard en arrivant à son poste.

M. [M] reconnaît expressément ce retard. Il explique qu'il ne s'est pas réveillé en raison de l'épuisement physique qu'il ressentait dû à son important rythme de travail, qu'il a d'ailleurs réalisé plus de 25 heures supplémentaires au mois de septembre 2018, que son médecin lui a délivré un arrêt de travail pour un syndrome d'épuisement professionnel le 2 octobre suivant. Il précise qu'il a néanmoins compensé ce retard en restant plus tard le soir même, aucune retenue sur salaire n'ayant été opérée. Il soutient avoir tenté de prévenir sa hiérarchie en appelant le bloc sans résultats, puis avoir informé un de ses collègues, M. [O], ce dernier ayant avisé la direction. Il fait encore valoir que la société a mentionné sur son bulletin de salaire, non pas une absence injustifiée mais une absence pour récupération.

M. [M] ne produit toutefois aucune pièce utile pour justifier avoir averti la direction de son absence, de sorte qu'il y a lieu de retenir que le grief est matériellement établi.

Concernant les faits du 1er octobre 2018

L'Hôpital Privé de [Localité 6] reproche à M. [M] de ne pas s'être présenté à son poste ce jour-là et de ne pas avoir adressé de justificatif d'absence.

M. [M] oppose qu'il a prévenu la clinique qu'il ne pourrait pas être présent à son poste de travail le 1er octobre 2018, qu'il a demandé à ce qu'un jour de congé lui soit déduit et a pris soin d'organiser son remplacement, ce dont la société l'a remercié.

Il produit un échange de messages avec « [J] », à savoir Mme [C], le dimanche 30 septembre 2018 entre 21h46 et 23h03 en ces termes :

« M. [M] : Bonsoir [J], je ne serai pas là demain. [E] prend ma journée de 7h30 à 16h30. Cordialement, [R].

[J] : Bonsoir [R], j'en prends note. Merci pour ta réactivité. Bonne soirée, [J] 

M. [M] : merci » (pièce 10 du salarié).

M. [M] explique qu'il a dû s'absenter en raison de difficultés familiales, son grand-père étant hospitalisé et sa grand-mère ayant besoin de lui car elle ne parle pas couramment français et ne comprenait pas ce que les médecins lui expliquaient ; que son grand-père est décédé le 5 octobre suivant.

M. [M] soutient qu'il ne pensait pas qu'il devait justifier de cette absence dans la mesure où il avait sollicité un jour de congé pour pouvoir être présent auprès de ses proches et que la société l'a remercié d'avoir prévenu en amont, qu'il n'a jamais reçu de demande de justification et que le bulletin de paie du mois d'octobre ne fait pas état d'une journée d'absence injustifiée, la prime d'assiduité lui ayant été versée.

L'Hôpital Privé de [Localité 6] oppose sans pertinence ici que M. [M] n'a jamais justifié des raisons de son absence, pas plus lors des faits que postérieurement, alors que cette absence s'inscrivait à l'évidence dans le cadre d'un arrangement entre collègues pour convenances personnelles.

Au vu des éléments en présence, il sera retenu que la société a validé cette absence, de sorte que ce grief n'est pas constitué.

S'agissant ensuite de la gravité des griefs retenus

L'Hôpital Privé de [Localité 6] fait état dans la lettre de licenciement d'une précédente absence non justifiée le 25 juin 2018.

M. [M] reconnaît cette absence. Il fait valoir qu'il était malade, qu'il a tenté de joindre le bloc sans résultats et qu'il a prévenu ses collègues. Il souligne que sa prime d'assiduité lui a été versée et qu'il n'a jamais eu la moindre remarque à ce sujet avant la notification du licenciement.

Il convient d'apprécier la proportionnalité de la sanction prononcée par rapport aux faits retenus contre le salarié, notamment au regard de l'imprécision de l'organisation des retards et absences au sein de l'entreprise, du fait que M. [M] n'a pas fait l'objet de sanctions disciplinaires antérieures, qu'il donnait manifestement entière satisfaction à son employeur qui l'a promu en qualité de brancardier référent, que les faits reprochés sont isolés et qu'ils n'ont entraîné aucune désorganisation préjudiciable à la société.

Ces éléments conduisent à retenir qu'une sanction aussi définitive qu'un licenciement était ici disproportionnée au regard des griefs reprochés au salarié.

En conséquence, le licenciement prononcé par l'Hôpital Privé de [Localité 6] à l'encontre de M. [M] sera dit mal fondé, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les conséquences indemnitaires

M. [M] sollicite à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

à titre principal,

- de juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

- de condamner en conséquence la société Hôpital Privé de [Localité 6] à lui verser la somme de 20 000 euros net de CSG-CRDS et de charges sociales à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (non plafonnée),

à titre subsidiaire,

- de condamner la société Hôpital Privé de [Localité 6] à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail (plafonnée), soit la somme de 7 000 euros net de CSG-CRDS et de charges sociales,

S'agissant de la conventionnalité du plafonnement d'indemnisation

M. [M] soutient qu'une indemnité adéquate doit être garantie au salarié licencié sans motif valable et que le plafond prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail est inapplicable en raison de son inconventionnalité.

Il est rappelé qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.

Dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d'une politique qu'elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l'exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.

Selon l'article 24 de cette même Charte, « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »

L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il « est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »

L'article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu'elle contient.

Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s'engage :

a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;

b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;

c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d'articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu'elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés. »

Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l'approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d'être liée par l'ensemble des articles de la Charte sociale européenne.

L'article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en 'uvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en 'uvre par :

a) la législation ou la réglementation ;

b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d'employeurs et organisations de travailleurs ;

c) une combinaison de ces deux méthodes ;

d) d'autres moyens appropriés. »

Enfin, l'annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l'application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les États contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en 'uvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18.

L'argument de M. [M] sera en conséquence écarté.

S'agissant de l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017

L'article L. 1235-3 du code du travail prévoit ainsi au profit du salarié bénéficiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, « une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés » en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise.

Pour un salarié ayant deux ans d'ancienneté, comme M. [M], cette indemnité se situe, selon le barème légal, entre trois mois et trois mois et demi de salaire.

M. [M] sollicite l'allocation d'une somme de 7 000 euros correspondant à environ 3,5 mois de salaire. Il invoque un préjudice financier, la perte de la mutuelle et de la prévoyance, une baisse de son niveau de vie, l'humiliation liée au chômage et l'inquiétude quant à son avenir professionnel. Il souligne qu'il a été très affecté par son licenciement, dont il reste convaincu qu'il est lié au mouvement de grêve qu'il a initié et qu'il aimait son travail et l'équipe avec laquelle il travaillait. Il justifie travailler dorénavant pour une société d'ambulance dans le cadre d'un CDI signé le 5 février 2020 (pièce 25 du salarié).

Au regard de ces éléments, le préjudice subi par M. [M] du fait la rupture injustifiée de son contrat de travail sera réparé par l'allocation d'une somme de 7 000 euros à titre indemnitaire. Conformément à la demande du salarié, il est précisé que cette somme est nette de CSG-CRDS et de charges sociales.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les temps d'habillage et de déshabillage

M. [M] sollicite l'allocation d'une somme de 1 527 euros à titre de contrepartie aux temps de d'habillage/déshabillage. Il soutient être astreint à porter une tenue de travail spécifique qu'il ne doit revêtir que sur son lieu de travail et que ces opérations d'habillage et de déshabillage sont effectuées en dehors des horaires de sorte qu'elles doivent faire l'objet de contreparties.

L'Hôpital Privé de [Localité 6] oppose que le salarié ne verse aux débats aucun élément permettant de démontrer que les temps d'habillage et de déshabillage n'étaient pas compris dans son temps de travail effectif, qu'il ne démontre pas non plus avoir passé chaque jour 20 minutes à se changer en dehors de ses heures de travail. Il allègue que ces temps étaient compris dans le temps de travail effectif des salariés, de sorte qu'il considère qu'aucune contrepartie supplémentaire n'est due à M. [M] à ce titre.

L'article L. 3121-3 du code du travail dispose : « Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail, fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière. »

En l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles, le salarié peut réclamer en justice le versement d'une contrepartie. Il appartient alors à l'employeur de prouver qu'il a, de fait, rémunéré ces temps comme du travail effectif.

Les parties admettent toutes les deux que M. [M], en qualité de brancardier, était astreint à porter une tenue de travail spécifique. Celui-ci indique que sa tenue de travail était composée d'un pyjama de bloc (haut et pantalon), d'un calot couvre-chef, de chaussures d'intérieur, de sur-chaussures en jersey jetables et d'un masque, l'ensemble des éléments de la tenue étant fourni par la société et devait être revêtu sur le lieu de travail dans un espace dédié à cet effet.

L'Hôpital Privé de [Localité 6] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les temps d'habillage et de déshabillage constituaient du temps de travail effectif.

L'attestation qu'il produit, émanant de Mme [G], directrice des soins, laquelle affirme que « le temps d'habillage et de déshabillage estimé à 5 minutes chacun, fait partie intégrante du temps de travail » n'est étayée par aucun autre élément (pièce 25 de l'employeur).

L'accord de branche du 27 janvier 2000 relatif à la réduction du temps de travail et applicable en l'espèce rappelle pourtant cette obligation.

Or, l'Hôpital Privé de [Localité 6] ne rapporte pas la preuve que cette contrepartie est prévue, soit par accord d'entreprise, ni au sein du contrat de travail du salarié.

M. [M] fait valoir de façon pertinente que dans la mesure où il doit être en tenue dès sa prise de fonction, il est contraint de s'habiller en dehors de ses horaires de travail, en début de journée et en revenant de sa pause déjeuner.

En l'absence d'accord collectif ou de clause dans le contrat de travail définissant les contreparties dont les opérations d'habillage ou de déshabillage doivent faire l'objet quand elles doivent être réalisées sur le lieu de travail et ne sont pas assimilées à un temps de travail effectif, la créance indemnitaire à laquelle peut prétendre M. [M], compte tenu du taux horaire qui lui était appliqué, des jours travaillés sur l'ensemble de la période contractuelle et du temps estimé nécessaire à l'habillage et au déshabillage par jour, sera évaluée à al somme de 1 498 euros.

L'Hôpital Privé de [Localité 6] sera dès lors condamné à verser à M. [M] la somme ainsi déterminée, en contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage, par infirmation du jugement entrepris.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur. Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances contractuelles et à compter de la décision, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires.

Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt

M. [M] est bien fondé à solliciter la remise par l'Hôpital Privé de [Localité 6] d'une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent arrêt.

Il n'y a pas lieu, en l'état des informations fournies par les parties, d'assortir cette obligation d'une astreinte comminatoire. Il n'est en effet pas démontré qu'il existe des risques que l'Hôpital Privé de [Localité 6] puisse se soustraire à ses obligations.

Sur les indemnités de chômage versées au salarié

L'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, énonce : « Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées. »

En application de ces dispositions, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Compte tenu de la teneur de la décision, le jugement de première instance sera infirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

L'Hôpital Privé de [Localité 6], tenu à indemnisation, supportera les dépens de première instance et d'appel, tels qu'ils sont définis par l'article 695 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à M. [M] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros et sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 24 novembre 2020, excepté en ce qu'il a débouté M. [R] [M] de sa demande tendant à la nullité de son licenciement et des demandes subséquentes,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement prononcé par la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] à l'encontre de M. [R] [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] à payer à M. [R] [M] la somme de 7 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] à payer à M. [R] [M] la somme de 1 498 euros en contrepartie de son obligation d'habillage et de déshabillage sur son lieu de travail,

CONDAMNE la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] à payer à M. [R] [M] les intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation sur les créances contractuelles et à compter de l'arrêt sur les créances indemnitaires,

ENJOINT à la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] de remettre à M. [R] [M] une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent arrêt,

DÉBOUTE M. [R] [M] de sa demande d'astreinte,

ORDONNE le remboursement par la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié dans la limite de trois mois d'indemnités,

DIT qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail,

CONDAMNE la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] au paiement des entiers dépens,

CONDAMNE la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] à payer à M. [R] [M] une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SASU Hôpital Privé de [Localité 6] de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02869
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.02869 ?
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