COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 20/01376 -
N° Portalis DBV3-V-B7E-T5XU
AFFAIRE :
[N] [T]
C/
S.A. SIDETRADE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 17/00369
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Virna SCHWERTZ
Me Anne LEMARCHAND
le :
Copie certifiée conforme délivrée à :
Pôle emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 20 avril 2023 et prorogé au 25 mai 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Virna SCHWERTZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1038
APPELANT
****************
S.A. SIDETRADE
N° SIRET : 430 007 252
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Anne LEMARCHAND, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2130
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,
Vu le jugement rendu le 14 mai 2020 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
Vu la déclaration d'appel de M. [N] [T] du 8 juillet 2017,
Vu les conclusions de M. [N] [T] du 10 janvier 2023,
Vu les conclusions de la société SA Sidetrade du 3 février 2023,
Vu l'ordonnance de clôture du 8 février 2023.
EXPOSE DU LITIGE
La société Sidetrade, dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 4], est spécialisée dans l'édition de logiciels en mode 'software as a service' (SaaS). Elle emploie plus de dix salariés.
La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec) du 15 décembre 1987.
M. [N] [T], né le 21 juillet 1966, a été engagé par la société Sidetrade par contrat de travail du 28 juin 2012 à effet au 2 juillet 2012, à durée déterminée d'un mois pour remplacement, en qualité de directeur commercial, statut cadre position 3.3, coefficient 270.
Un nouveau contrat à durée déterminée d'un mois a été conclu au même motif en date et à effet au 3 septembre 2012.
La relation s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu et à effet au 1er octobre 2012 pour une rémunération annuelle brute de 110 004 euros, ainsi qu'une prime trimestrielle de 27 500 bruts pour 100 % des objectifs réalisés.
En dernier lieu, M. [T] percevait une rémunération de 10 000 euros brut par mois, ainsi qu'une prime trimestrielle de 30 000 euros bruts pour 100 % des objectifs réalisés.
Par courrier du 9 janvier 2017, M. [N] [T] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 17 janvier 2017.
Par lettre en date du 20 janvier 2017, la société Sidetrade a notifié à M. [T] son licenciement pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :
'Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 17 janvier 2017 au cours duquel nous avons abordé les raisons pour lesquelles nous envisagions une mesure de licenciement à votre égard.
Les explications que vous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.
En conséquence, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs personnels suivants.
Pour mémoire, vous avez été engagé par la société Sidetrade le 1er juillet 2012 en qualité de
Directeur Commercial.
A ce titre, vous deviez notamment :
- définir et exécuter la stratégie de vente pour le Groupe Sidetrade en collaborant avec l'équipe de management,
- construire, gérer et piloter votre équipe,
- vous impliquer directement dans les ventes complexes,
Or, nous avons constaté que vous n'étiez pas en mesure de jouer le rôle moteur attendu à votre niveau de responsabilités dans la construction et le déploiement de la stratégie de la Société et que vous ne parveniez pas à atteindre les objectifs qui vous avaient été fixés.
Pourtant, votre management n'avait pu que constater vos difficultés à accompagner votre équipe et à suivre vos dossiers et avait attiré votre attention sur la nécessité de prendre les décisions et mesures appropriées à court et moyen termes pour redresser la situation.
Dans ce cadre, votre management vous a rencontré à de nombreuses reprises afin de vous faire part de cette situation et de mettre en place un plan d'action approprié.
I1 vous a notamment été demandé de vous concentrer en priorité sur :
- le pilotage de votre équipe et 1e coaching de vos Directeurs Commerciaux,
- la mise en place d'un plan de prospection,
- le suivi de l'activité de votre équipe.
Comme nous vous l'avons indiqué lors de l'entretien préalable, nous vous rappelons que, déjà en 2014, le Comité de Direction vous avait alerté sur vos résultats et avait adopté un vote de défiance à votre égard.
Nous avions alors décidé de vous laisser une chance de redresser votre activité.
Votre management vous a rencontré chaque semaine pour faire le point sur l'activité de votre équipe dans le cadre de revues d'opportunités.
Néanmoins, à ce jour, après près de deux ans de suivi, force est de constater que vous n'avez pas su réagir à ces nombreuses alertes et que les résultats ne sont toujours pas au rendez-vous.
Globalement, nous constatons que votre contribution est en deçà de ce que nous pouvons attendre d'un Directeur Commercial, membre du Comité de Direction, qu'il s'agisse de votre performance commerciale globale (1), du pilotage de votre équipe et du coaching des Directeurs Régionaux (2), de la mise en place d'un plan de prospection pour l'ensemble des commerciaux (3) ou du suivi de l'activité de votre équipe (4).
1) Sur votre performance commerciale
Cette insuffisance se traduit par vos résultats très inférieurs aux objectifs fixés en commun et validés ensemble par le Comité de Direction à partir de 2013.
Performance commerciale sur les abonnements SaaS
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
Objectif CODIR MRR
NS
NS
NS
200 100
211 000
229 000
1723 000
Objectif CODIR Annual recurrent revenue (CA N+1)
NS
NS
NS
2 401 200
2 532 000
2 748 000
2 064 000
Réalisé MRR
106 000
126 000
80 000
90 000
89 000
90 000
132 000
Réalisé Annual recurrent revenue (CA N+1)
1 272 000
1512000
960 000
1 080 000
1 068 000
1 080 000
1 584 000
Performance atteinte sur obj ARR en €
( CA N+1)
-1321200
-1464000
-1668000
-480 000
Performance (en % de réalisation)
-55%
-58%
-61%
-23%
Expenses (€)
Coûts sales & marketing
2 375 748
2 451 334
2 692 013
3 386 845
4 005 368
4 865 129
Nb d'année de CA pour amortir investissement Sales&MKG
1.6
2.6
2.5
3.2
3.7
3.1
Croissance coût acquisition Nouveau client (base 100 en 2011)
63%
59%
102%
136%
95%
Evolution de la performance commerciale (base 100 en 2011)
-37%
-29%
-29%
-29%
5%
Des moyens importants ont pourtant été mis à votre disposition depuis 4 ans et pour autant vos résultats restent insuffisants :
Un quasi doublement des coûts engagés pour soutenir l'activité commerciale avec une performance très en deçà des objectifs fixés en commun.
Un quasi doublement du coût d'acquisition des clients avec une performance en valeur absolue quasi inchangée sur la période.
Pourtant, l'objectif pour 1'année 2016 avait été révisé à la baisse au regard de vos difficultés manifestes à les atteindre (172 000€ au lieu de 229 000€ en 2015 soit une diminution de 25%).
2) Sur le pilotage de votre équipe et le coaching des Directeurs Régionaux
Depuis 4 ans, nous avons enregistré 24 départs au sein de vos équipes alors même que l'effectif de votre équipe est de 20 personnes à la fin du mois de décembre 2016.
A deux reprises, vous avez eu à gérer des problèmes de performance individuelle au sein de votre équipe pour lesquels nous avons déploré un manque de rigueur dans le suivi des dossiers dont les enjeux étaient pourtant significatifs pour la société.
Un programme de formation des équipes commerciales a été initié début 2016 après de multiples demandes, y compris en Comité de Direction. Votre contribution a été faible même si vous étiez responsable de ce projet. Vous avez été relancé à de nombreuses reprises pour délivrer le contenu dont vous aviez la charge, ce qui a entrainé un retard dans le projet.
3) Sur la mise en place d'un plan de prospection
Les opportunités générées par votre équipe restent faibles en raison d'une activité de prospection insuffisante alors que vous avez fixé vous-même des objectifs de nombre de rendez-vous pour vos équipes.
A ce jour, 65% des affaires signées proviennent de l'équipe marketing et 70% des rendez-vous pris proviennent toujours de cette même équipe, alors que nous devions tendre vers une proportion équivalente entre les équipes marketing et ventes.
Au mois de novembre 2016, nous vous avions pourtant indiqué que l'équipe commerciale ne pourrait pas atteindre ses objectifs en s'appuyant uniquement sur l'équipe marketing.
Il résulte de ce constat que vous n'avez pas su exercer un contrôle suffisant de l'atteinte des objectifs de rendez-vous que vous aviez fixés, ce qui relevait pourtant de votre mission et de vos engagements.
4) Sur le suivi de l'activité de votre équipe
Malgré la mise en place d'un outil CRM, investissement signi'catif au mois de juin 2016, projet dont vous aviez la responsabilité directe, il est toujours impossible d'obtenir des données fiables de monitoring de l'activité commerciale.
I1 n'est pas normal que les commerciaux ne sachent pas répondre à des questions concernant leur activité, notamment en ce qui concerne les principaux indicateurs des cycles de vente.
Aucune des explications apportées lors de l'entretien préalable du 17 janvier dernier n'a pu nous permettre de modifier notre appréciation de la situation.
En effet, alors même que vous avez déclaré lors de l'entretien préalable que les objectifs de cette année étaient plus réalistes, vous avez été loin de les atteindre (-23%).
Concernant les dossiers individuels d'insuffisance professionnelle évoqués lors de l'entretien, vous avez refusé de vous exprimer sur ce point (« ce sont des affaires anciennes et je n'ai pas envie de rouvrir le sujet »), alors que l'échec des commerciaux relève en partie de votre responsabilité.
Dans ces conditions, rien ne nous permet d'envisager une amélioration et nous ne pouvons laisser perdurer plus longtemps une situation qui nuit au bon fonctionnement de la société, alors même que nous avons mis à votre disposition l'ensemble des moyens qui auraient dû vous permettre de réussir.
Nous avons donc pris la décision de mettre fin à notre collaboration et de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle caractérisée au regard des éléments rappelés ci- dessus.
Votre préavis, d'une durée de trois (3) mois, que nous vous dispensons d'exécuter et qui vous sera réglé aux échéances normales de la paye, prendra effet à compter de la date de première présentation de ce courrier.
Votre contrat de travail comportait une clause de non-concurrence, nous décidons de la lever.
Vous êtes donc libre de tout engagement et aucune indemnité ne vous sera versée à ce titre.
Vous voudrez bien restituer, auprès de la DRH, les clefs de vos bureaux, votre matériel informatique, votre téléphone portable, votre véhicule de fonction et vos badges d'accès.'
Par requête reçue le 24 mars 2017, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour voir dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement et condamner la société Sidetrade à lui payer diverses sommes à caractère salarial et/ou indemnitaire.
La société Sidetrade avait quant à elle demandé le débouté des demandes de M. [T] et sa condamnation au paiement de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 14 mai 2020, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :
- dit que le licenciement de M. [T] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [T] de ses demandes au titre du licenciement,
- débouté M. [T] de sa demande au titre de la perte de chance d'acquérir des actions gratuites,
- débouté M. [T] du surplus de ses demandes,
- reçu la société Sidetrade quant à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile mais l'en a déboutée,
- condamné M. [T] aux éventuels dépens.
Par déclaration du 8 juillet 2020, M. [N] [T] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions en date du 10 janvier 2023, M. [N] [T] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 14 mai 2020 en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de M. [T] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté M. [T] de ses demandes au titre du licenciement,
- débouté M. [T] de sa demande au titre de la perte de chance d'acquérir des actions gratuites,
- débouté M. [T] du surplus de ses demandes,
- condamné M. [T] aux éventuels dépens,
Statuant à nouveau :
- dire et juger que le licenciement de M. [T] est sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Sidetrade à lui payer la somme de 220 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois),
- condamner la société Sidetrade à payer à M. [T] la somme de 134 400 euros de dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'acquérir définitivement les 2 000 actions gratuites qui lui ont été attribuées le 9 avril 2015 et le 12 avril 2016,
- fixer la rémunération mensuelle moyenne de M. [T] à 18 173 euros bruts,
- condamner la société Sidetrade à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions en date du 3 février 2023, la société Sidetrade demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société de sa demande au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
- condamner M. [T] à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour décidait d'infirmer le jugement déféré et d'entrer en voie de condamnation :
- limiter la condamnation de la société aux strictes dispositions légalement applicables.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2023
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
En vertu de l'article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, le motif du licenciement est l'insuffisance professionnelle comprenant notamment une insuffisance des résultats.
L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. L'appréciation de cette insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l'employeur mais ce dernier doit, en tout état de cause, invoquer des faits objectifs précis et vérifiables imputables au salarié pour justifier le licenciement.
L'insuffisance de résultat ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle procède soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié. Elle ne constitue pas en soi une cause de licenciement.
Pour justifier un licenciement il faut que les objectifs fixés par l'employeur aient été réalisables et que la non-atteinte des objectifs soit imputable à l'insuffisance professionnelle ou à la faute du salarié.
La lettre de licenciement reproche au salarié :
- une performance commerciale inférieure aux objectifs fixés,
- une insuffisance de pilotage de l'équipe commerciale,
- une activité de prospection insuffisante,
- un manque de données fiables de monitoring de l'activité commerciale.
a- sur la performance commerciale inférieure aux objectifs fixés
L'appelant soutient que la stratégie commerciale a été validée et étroitement supervisée par le président-directeur général M. [D], que les objectifs de vente étaient irréalistes. Il affirme qu'en 2012 lorsqu'il a rejoint la société, les performances commerciales étaient en régression alors qu'en 2016 la direction commerciale a réalisé ses meilleures ventes démontrant que la stratégie commerciale qu'il avait mise en place commençait à porter ses fruits. Il indique que l'augmentation progressive des coûts marketing et commerciaux entre 2012 et 2016 a permis à la société de se mettre en ligne avec les standards du marché dans le secteur des entreprises éditrices de logiciels et que son action a été déterminante pour renforcer et dynamiser l'équipe commerciale et la préparer à relever de nouveaux défis commerciaux générés par la croissance externe de la société au moment de son départ. Il conteste l'affirmation de l'employeur selon laquelle depuis son départ en janvier 2017, la performance commerciale se serait améliorée.
Il conteste également la prétendue mauvaise gestion des comptes clients (dossiers Bramer, Expedia, Sage, STEF, Deloitte Belgium), son attitude prétendument défaitiste aussi que sa prétendue désorganisation.
L'intimée fait valoir au contraire que malgré des investissements doublés entre 2011 et 2016 l'indicateur utilisé pour mesurer la performance commerciale (le revenu mensuel récurrent ou MRR) n'a que très faiblement augmenté. Elle indique que M. [T] n'est pas parvenu à retrouver après plus de 4 ans dans la société et un doublement de l'investissement, la performance de son prédécesseur, l'année 2012 ne pouvant être prise comme base de référence en raison de la maladie du directeur commercial de l'époque puis de son décès. La société Sidetrade conteste l'affirmation du salarié selon laquelle les objectifs au titre de l'année 2016 auraient été inatteignables, faisant valoir qu'à la demande du salarié le budget avait été diminué entre 2015 et 2016. Elle affirme que le manque de performance de M. [T] résulte de sa passivité qu'elle a eu à déplorer à plusieurs reprises, notamment au sujet des dossiers Bramer, Expedia, Sage, Stef informations et technologies. Elle soutient également que la désorganisation et le manque de rigueur de M. [T] ressortent de plusieurs situations relatives notamment à une facture impayée et à une mauvaise communication concernant un séminaire.
M. [T] occupait le poste de directeur commercial au sein de la société Sidetrade avec statut cadre position 3.3 coefficient 270 de la convention collective Syntec, ce qui correspond aux emplois les plus élevés de cadres. Il était également membre du comité de direction de la société et associé à l'intégralité des décisions relatives à son domaine d'activité.
Au regard de ce statut de cadre dirigeant, le salarié ne peut reprocher à l'employeur de ne pas avoir bénéficié d'un entretien annuel.
En outre, il n'est pas contesté que les objectifs de la direction commerciale étaient discutés au sein du comité de direction auquel M. [T] appartenait et validés par ledit comité.
Selon le tableau récapitulatif de la performance commerciale sur les abonnements SaaS et des dépenses engagées par la société Sidetrade de 2010 à 2016 (pièce n° 1 intimée) lequel est inséré à la lettre de licenciement reprise dans l'exposé des motifs, tableau auquel la cour se réfère, l'indicateur de performance commerciale utilisé mentionne une baisse significative du MRR (revenu mensuel récurrent) en 2012 par rapport à 2010 et 2011 et une remontée peu significative de 2013 à 2015 et ce, avec une augmentation des investissements en marketing demandée par M. [T].
Même si le MRR a augmenté en 2016, il n'était que de 132 000 euros - 134 000 selon le salarié (sa pièce n°19) - pour un objectif abaissé à 172 000 euros, et donc non atteint.
Selon les écritures des parties, les résultats de l'année 2012 ont été impactés par la maladie du directeur commercial de l'époque, par la suite décédé, que M. [T] a remplacé à compter du 2 juillet 2012 par contrat à durée déterminée, puis à compter du 1er octobre 2012 par contrat à durée indéterminée.
M. [T] affirme que le chiffre de 80 000 euros mentionné au titre du MRR de 2012 a été 'gonflé' artificiellement, s'agissant en fait d'une somme de 52 200 euros. Cependant, l'employeur conteste cette affirmation, la différence correspondant aux développements et évolutions de produits systématiquement intégrés au MRR en tant qu'abonnements, règle appliquée chaque année et jamais remise en cause par M. [T].
Il résulte de ces données, que certes, l'année 2012 ne peut être année de référence en raison de l'absence prolongée du directeur commercial mais que les résultats ne peuvent non plus être simplement comparés à ceux de 2011, puisque la situation catastrophique du premier semestre 2012 - 5 000 euros de prise de commandes STN contre 80 000 euros au premier semestre 2011 - nécessitait obligatoirement de très importants efforts avec une équipe très limitée de commerciaux, un outil CRM pour le pilotage de l'activité rudimentaire et dépassé (pièce n°15 appelant) ce que ne conteste pas sérieusement l'employeur.
Dans ce contexte, malgré les investissements réclamés et obtenus par le salarié, une équipe commerciale étoffée mais nouvelle, les pourcentages de réalisation de la performance respectivement de moins 55%, moins 58% et moins 61% des trois années 2013 à 2015 ne sont pas significatifs, d'autant qu'après la déconfiture de 2012, fixer des objectifs à plus de 200 000 euros dès 2013 apparait déraisonnable.
Certes, le salarié membre du comité de direction les a acceptés, aucun compte-rendu des comités n'étant cependant produit.
Si les objectifs ne sont pas mentionnés pour les années 2010 à 2012, M. [T] affirme sans être démenti, qu'ils étaient de 148 000 euros en 2012, largement inférieurs à ceux de 2013 à 2015. Il s'attribue le bénéfice d'un résultat selon lui de 52 200 euros - 80 000 selon l'employeur - pour 6 mois d'activité, l'année de son engagement.
Au regard du contexte de l'année 2012, des chiffres tant au niveau des investissements que des objectifs et des résultats, il est suffisamment démontré que les objectifs fixés et discutés en comité de direction auquel le directeur commercial appartenait, étaient difficilement réalisables entre 2013 et 2015.
Suite à la baisse des objectifs entre 2015 (229 000 euros) et 2016 (172 000 euros), les chiffres de 2016 affichaient une performance commerciale de moins 23%, effectivement mitigée.
M. [T] conteste le fait que la performance se serait améliorée après son départ indiquant que l'employeur ne fournit aucune pièce à ce sujet, qu'en outre les chiffres de 2017 à 2022 ne peuvent être comparés à ceux des exercices précédents car ils ne concernent pas le même périmètre. Il affirme que, à périmètre constant sur l'offre finance du logiciel STN devenu AI financial, le chiffre d'affaires a régressé.
La société Sidetrade indique que la performance commerciale pour les années 2017 à 2022 a au contraire augmenté, et ce malgré la période de confinement. Pour les seuls résultats liés aux grands comptes en enlevant les résultats liés au chiffre d'affaires SMB (marché des petites et moyennes entreprises) relatifs aux nouvelles acquisitions de la société depuis le départ de M. [T], le constat, selon l'employeur, est le même avec un MRR de 132 000 euros en 2016, de 166 000 euros en 2017, 176 000 en 2018 et 350 000 en 2019. L'employeur fait valoir qu'à partir de 2020, il a arrêté les ventes sur les SMB, le chiffre d'affaires de 2020 grands comptes correspondant à 97% du total des prises de commandes. Ainsi, selon la société, pour un périmètre exactement identique à celui de l'intervention de M. [T], le MRR était de 336 000 euros en 2020, 396 000 en 2021 et 537 000 euros en 2002 soit plus de 300% par rapport à 2016.
La pièce n°57 de l'intimée reprend les chiffres ci-dessus du MRR de 2016 à 2019, à l'exception de l'année 2019 qui mentionne un MRR de 301 000 euros au lieu de 350 000 euros. Il s'agit d'un simple tableau sans pièce justificative des objectifs et des MRR.
Tout en affirmant que les objectifs pour 2016 (172 000 euros) étaient réalisables, l'employeur ne s'explique pas sur les résultats obtenus en 2017 par le successeur de M. [T] parti dès janvier 2017, qui n'atteignaient pas non plus les objectifs de 2016 même s'ils s'en approchaient et dépassaient à peine les objectifs de 2016, en 2018. Les communiqués de presses 2019 à 2022 produits par la société ne permettent pas de retrouver les chiffres ci-dessus à compter de 2018.
Ces éléments sont suffisants pour établir que la performance commerciale en 2016 était encourageante comme le reconnait lui-même l'employeur dans son communiqué de presse pour l'année 2016, faisant état d'une progression du carnet de commandes au 31 décembre 2016 de +24%, un résultat d'exploitation 'en très forte hausse' de +20% (pièce n°23 appelant).
Au regard des résultats obtenus par le successeur de M. [T] en 2017 et 2018 rappelés ci-dessus, le salarié affirme à raison que les résultats 2016 démontrent que la stratégie commerciale qu'il avait mise en place avec son équipe, commençait à porter ses fruits.
La société Sidetrade allègue cependant que la performance commerciale de M. [T], qu'elle juge insuffisante, résulte de la passivité et du manque d'investissement de M. [T].
Le salarié indique au contraire que les faits avancés par l'employeur sur une prétendue mauvaise gestion des comptes client et une attitude défaitiste ne sont pas démontrés.
Les parties font état de cinq comptes clients dans lesquels la gestion du salarié est remise en cause.
S'agissant du dossier Bramer de novembre 2015, il est reproché à M. [T] de ne pas avoir réagi à une demande de ce client mécontent de ne pas avoir été rappelé par un commercial, ce à quoi le salarié répond que M. [D], le P-DG de la société Sidetrade, a attendu deux jours pour lui transmettre la demande et ne peut lui reprocher le délai de cinq jours.
Il résulte des échanges de messages (pièce n°41 intimée) qu'effectivement ce client était mécontent de ne jamais être rappelé par le commercial alors que des factures étaient émises depuis près d'un an mais que l'installation d'un projet n'était toujours pas effectuée.
Si ce client s'est adressé le 10 novembre 2015 non pas à M. [T] mais à M. [D], ce dernier a répondu le jeudi 12 novembre en mettant M. [T] en copie du message, en indiquant que le directeur commercial allait prendre son contact. Le message en réponse du responsable de la société Bramer du même jour demande à être rappelé le lundi suivant (16 novembre) de 7 heures à 9 heures. Le message de M. [D] à M. [T] du 17 novembre à 23 heures 21 démontre que le directeur commercial n'avait pas fait le nécessaire, alors même que le manquement initial émanait d'un membre de son équipe.
Le manquement bien que mineur est établi.
S'agissant du dossier Expedia de novembre 2016, l'employeur considère que M. [T] a fait preuve d'inertie dans ce dossier où le client proposait un financement inférieur au coût des développements demandés, obligeant M. [D] à intervenir.
M. [T] rétorque que M. [D] a validé chaque étape des discussions commerciales avec Expedia mais s'est emporté de façon injustifiée à son encontre dans un mail du 10 novembre 2016, auquel il a répondu quelques heures plus tard, un accord étant intervenu entre les parties le 7 décembre 2016.
Le message de M. [D] du 10 novembre 2016 indique notamment : « il y a surtout un accord pour nous faire perdre 160K euros de charge de Dev [développement] contre un pseudo engagement dont on ne sait toujours pas à l'heure actuelle sur quoi il porte exactement. Ce que je veux et attends surtout de ta part, c'est que tu me proposes une solution constructive pour nous sortir, comme tu dis, du bourbier dans lequel tu nous as mis et pas que tu m'expliques que nous sommes au milieu du gué, car je l'ai bien compris' ».
Comme le relève pertinemment l'employeur, le fait que les propositions commerciales étaient travaillées avec M. [D] ne peut justifier que M. [T] en tant que directeur commercial ne soit pas capable de proposer une solution de sortie et s'en remette entièrement au P-DG pour tenter de trouver une issue.
Les parties s'opposent en outre sur la responsabilité de M. [D] ou de M. [T] lors d'une altercation dans un dîner avec le client, chacune produisant des attestations qui se contredisent.
Le manquement certes mineur est cependant établi.
S'agissant du dossier Sage de décembre 2016, l'employeur affirme que M. [D] a dû reprendre la main sur le dossier en raison de l'inertie du salarié.
Le salarié indique au contraire que M. [D] exigeait que le contrat avec ce client soit signé en décembre 2016 afin que la vente soit comptabilisée au 4ème trimestre 2016 alors que le commercial ventes au Royaume-Uni, M. [XR], conseillait d'attendre et de ne pas mettre la pression sur le client.
Il résulte du message de M. [D] adressé à M. [T] le 23 décembre 2016 (pièce n° 4 intimée) que le P-DG s'inquiétait de l'absence de décision du client par rapport à la concurrence et lui demandait de reprendre la main en interne sur la stratégie de la 'gagne'.
Comme l'affirme M. [T], l'échange de messages du 23 décembre 2016 entre M. [XR] et le directeur commercial, établit sans conteste que le client Sage n'entendait pas prendre une décision à la hâte « ils ne confirmeront pas le fournisseur de choix aujourd'hui ce qui signifie aucun accord commercial ou accord avec clause de rupture. Il n'y a tout simplement pas d'accord pour le moment et ils ne seront pas brusqués » (message de 16h25). Le commercial anglais indiquait un peu plus tard (17 heures) répondant au message de M. [T] : « nous avons essayé absolument tout et sous tous les angles. Je dois me concentrer sur le fait positif que ce n'est pas mort sinon la situation me briserait. »
Dès le 3 janvier 2017, M. [T] relançait M. [XR] en indiquant « nous devons redémarrer très rapidement le processus Sage pour conserver l'élan acquis et l'avoir en janvier ou jamais je suppose. Pourrais-tu s'il te plaît mettre en place une discussion rapide pour nous aligner », message auquel M. [XR] répondait immédiatement. Le contrat a finalement été conclu avec ce client.
Il n'est pas établi par la société Sidetrade que M. [T] a fait preuve d'inertie dans ce dossier et encore moins que M. [D] a dû reprendre la main pour pallier une quelconque insuffisance du directeur commercial.
Le manquement n'est pas établi.
S'agissant du dossier STEF, l'employeur reproche au salarié son inertie et ses atermoiements qui ont eu pour conséquence, selon lui, de saboter un projet crucial pour la clôture de l'année 2016 permettant de rapporter 15'000 euros d'abonnement mensuel sur 36 mois.
M. [T] conteste être responsable du mécontentement du client en raison d'une modification de dernière minute sur la clause de responsabilité, ayant immédiatement informé la direction juridique de Sidetrade du point litigieux, le directeur juridique en congés n'ayant répondu que le 28 décembre 2016.
En l'espèce, l'employeur oppose une argumentation contradictoire reprochant d'une part au directeur commercial son inertie et ses atermoiements, d'autre part le fait qu'il ait poursuivi les négociations commerciales avec le client dans l'attente de la réponse du directeur juridique alors en congés provoquant ainsi le mécontentement du client suite à la réponse du directeur juridique sur une clause de responsabilité. Il est même reproché au directeur commercial de ne pas avoir su répondre immédiatement sur une clause de responsabilité sans l'aide du directeur juridique.
Il n'est pas établi que le contrat n'a finalement pas été signé mais a été reporté sur l'année 2017 ce qui a causé préjudice à la société Sidetrade pour l'année 2016. Cependant, au regard des pièces produites par les deux parties, aucune d'elles n'indique à quelle date les négociations ont commencé, le premier message versé aux débats datant du 22 décembre 2016 soit à 9 jours de la fin de l'année.
Au regard de ce contexte, les reproches contradictoires faits au salarié par l'employeur, il n'est pas démontré que ce dernier a fait preuve d'inertie, d'atermoiements ou au contraire de précipitation.
S'agissant du dossier Deloitte Belgium, l'employeur reproche au salarié de ne pas avoir géré les requêtes adressées par le cabinet Deloitte Belgium prospect à la société dans le cadre de l'audit préalable mené par ce prospect pour s'assurer de ce que le niveau de sécurité offert par la société était conforme à ses attentes. Il s'appuie notamment sur un message du directeur de la technologies (CTO) du 16 décembre 2016 adressé à M. [T], faisant part de son irritation au motif que les requêtes arrivaient à lui d'une manière désordonnée.
Le salarié affirme que la pièce n° 9 versée au débat par l'employeur correspondant à ce message est un faux puisque émanant de M. [Z] [P] lequel n'a été recruté comme directeur technique qu'en août 2017. Le message en question émanait en fait de M. [C], directeur technique de l'époque. M. [T] fait valoir que l'irritation contenue dans ce message était parfaitement injustifiée dans la mesure où il relevait des missions du directeur technique, d'apporter son support à la direction commerciale sur des questions techniques comme le niveau de sécurité sur la solution proposée aux clients, que la direction commerciale faisait remonter sans retard et au fur et à mesure qu'elle les recevait les requêtes du client en matière de sécurité et qu'à aucun moment elle n'a laissé la direction technique seule face au prospect ni ne lui a laissé la responsabilité de l'accueil et de l'accompagnement du prospect.
Selon les explications de l'employeur, le nom de M. [P] au lieu de [C] s'explique au motif que lors de l'arrivée du nouveau directeur la boîte e-mail de M. [C] a été pour plus de facilité renommée, de sorte que lors de l'impression du message pour les besoins du litige, le nom de M. [P] apparait au lieu de celui de M. [C].
En l'espèce, le contenu des échanges n'est pas contesté par le salarié qui produit lui-même les messages au nom de M. [C]. (pièces n° 44 à 47).
Il en résulte que malgré le message irrité du directeur de la technologie, la collaboration avec la direction commerciale s'est effectuée comme en attestent les messages, les remerciements de part et d'autre et la conclusion du contrat.
Sur la base du seul message de M. [C], il n'est pas établi avec certitude que M. [T] ait laissé le directeur technique face au prospect, de sorte que le manquement allégué n'est pas démontré.
En conséquence, sur les cinq dossiers évoqués par l'employeur, seuls ceux des clients Bramer et Expedia peuvent être retenus comme démontrant un manque de réaction ou d'initiative de la part de M. [T], cependant mineur.
S'agissant de l'attitude défaitiste de M. [T], l'employeur s'appuie sur un échange de messages entre M. [D] et le directeur commercial de novembre 2016 (pièce 10 intimée).
Le salarié affirme que ses propos dans le message ont été déformés.
Selon le message adressé le 10 novembre 2016 par M. [T], il est indiqué : 'analyse activité marketing & sales depuis le début de l'année (10 mois) sur la base CRM. La projection de nos actuals donne un atterrissage de notre MRR à 120K euros, 70 % de notre budget ce que j'espère bien faire mentir. En revanche il est impossible de rendre notre équipe successful (analyse sur projection bonus STN +PS 100 % pour tous) ce qui est le fond de notre problème qui alimente notre turnover.'
Selon message du même jour, M. [D] 'je n'ai pas compris pourquoi il était impossible de rendre notre équipe successful' ''.
En l'espèce, dans ce contexte, M. [T] affirmait qu'il n'était pas possible de rendre l'équipe commerciale performante ou efficace.
Il indique dans ses écritures qu'il entendait partager avec M. [D] 'un sujet important de management à savoir le lien à faire entre le niveau des objectifs fixés et la motivation des commerciaux', ce que M. [D] a fait 'mine de ne pas comprendre préférant afficher invariablement ses ambitions sans aborder la problématique soulevée.' (p. 23 des conclusions).
Cependant, il n'est pas démontré que suite au message de M. [D], M. [T] ait répondu en ce sens.
En outre, aucun autre document n'établit que le lien entre le niveau des objectifs fixés et la motivation des commerciaux a fait l'objet de discussions.
L'employeur pouvait à juste titre s'inquiéter des propos du directeur commercial.
S'agissant de la désorganisation de M. [T] alléguée par l'employeur, ce dernier lui reproche la mauvaise gestion d'une facture de 2015 de la société Oxala pour laquelle la responsable de l'administration du personnel et de la comptabilité fournisseurs de la société a relancé M. [T] le 3 janvier 2016 (pièce n°11 intimée).
M. [T] affirme au contraire que M. [D] avait en juin 2016 informé plusieurs salariés dont le directeur commercial, de la résiliation du contrat Oxala leur demandant en cas de tentative de contact émanant de cette société, de le renvoyer sur le service juridique. Cependant, M. [T] contacté par le directeur des opérations de la société Oxala a renvoyé ce dernier à M. [D] et non au directeur juridique. Répondant au message de la société Oxala, M. [D], le 20 juin 2016, lui a confirmé la résiliation du contrat pour manquements graves et répétés, faisant état d'un livrable ' blue print' facturé à tort par la société (pièces n° 48 à 52 appelant).
Or, le message de la responsable de l'administration adressé à M. [T] indique notamment : « nous avons retrouvé la facture (A 01-07 86) pour laquelle nous sommes sur le point d'être assigné en justice pour défaut de règlement. Je te la joins à ce mail. Pourrais-tu reprendre le dossier et la valider ou la refuser le plus rapidement possible. Nous soldons l'exercice 2016 demain midi, il serait bien qu'elle passe dans cet exercice ». Est joint au mail une facture du 6 octobre 2015 d'un montant TTC de 4 080 euros correspondant à une extraction des données.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas d'en déduire que les échanges de messages de juin 2016 et la facture datant de 2015 étaient liés, ni d'ailleurs le contraire. En tout état de cause, M. [T] a pu légitimement croire qu'il s'agissait d'un même problème comme en atteste le message adressé à la responsable de l'administration le 9 décembre 2016, lui rappelant le contentieux avec Oxala et laissant M. [D] et M. [G], directeur juridique, en copie du message, apporter une réponse.
En l'état, le comportement de M. [T] dans la gestion de cette facture ne permet pas d'en imputer faute au salarié.
Il lui est reproché également de ne pas avoir su gérer l'organisation du séminaire T25, de sorte que certains salariés concernés n'ont pu se libérer et d'autres n'ont pas été invités. Selon l'employeur, M. [T] aurait dû anticiper l'événement afin de s'assurer de la disponibilité de ses équipes pour ce séminaire important, quand bien même l'invitation du secrétariat du comité de direction n'a été faite officiellement que le 3 janvier 1017.
M. [T] affirme au contraire que, n'étant pas l'organisateur du séminaire devant avoir lieu du 18 au 21 janvier 2017, l'invitation a été adressée sur une adresse partagée par l'ensemble des membres du comité de direction que ces derniers ne consultaient que rarement, de sorte que le message n'a été vu que le 1er janvier 2017 par le directeur technique M. [C] qui a pris l'initiative d'assurer le secrétariat et de lancer des invitations. Il indique également que dès réception de l'invitation le 3 janvier 2017, il a fourni la liste des responsables ventes et des collaborateurs qu'il souhaitait inviter.
La relation des faits telle qu'énoncée par M. [T] est confirmée par les pièces qu'il produit (pièces n° 53 à 56).
L'employeur se borne à produire un mail de M. [D] au 'CODIR-secrétariat' du 19 décembre 2016 aux termes duquel il indique 'le secrétariat pourrait-il inviter [A], [B], [W], [E] et [V] et [X] de chez BT', et la réponse de M. [C] du 1er janvier 2017 confirmant que l'adresse utilisée par M. [D] était rarement consultée par les membres du comité de direction.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas d'imputer à M. [T] une mauvaise organisation d'un séminaire qu'il ne gérait pas, ayant dès réception de l'invitation le 3 janvier 2017 fait le nécessaire auprès de ses collaborateurs.
S'agissant du retard dans la validation des notes de frais en septembre 2016, l'employeur s'appuyant sur un message adressé par la DRH à M. [T] reproche à ce dernier son retard dans l'approbation des notes de frais des membres de son équipe, notamment celle de [M] [I] 'responsable des ventes UK' envoyée le 5 août 2016 et validée par M. [T] le 20 septembre 2016.
Or, l'appelant fait valoir qu'il était en congé en août, était confronté à de très nombreuses demandes de validation de notes de frais sans aucun outil RH pour faciliter leur traitement.
Outre le fait que l'employeur ne fournit que ce seul exemple situé en partie en période de congé estival de M. [T], le mail de la DRH confirme d'une part l'augmentation du volume de notes de frais, d'autre part l'absence d'outil pour faciliter leur traitement.
Mme [RH], directrice des ressources humaines, indique effectivement dans son message du 6 octobre 2016 adressé à M. [T] (pièce n°14 intimée) : 'ne peut-on mettre en place une approbation par email' Est-ce que cela accélérerait les choses' Le volume de notes de frais augmente et tant que nous n'avons pas de système, chaque employé est responsable d'obtenir l'approbation de son manager.'
Le salarié affirme sans être démenti que les services financiers de Sidetrade n'acceptaient pas de payer des notes de frais non approuvées préalablement par le manager, de sorte qu'il ne pouvait s'appuyer sur un autre service pour payer les notes de frais et les approuver à son retour de congé comme l'a jugé à tort le conseil de prud'hommes en retenant ce manquement.
En l'espèce, au regard des circonstances (congé, multiplicité des notes de frais et absence d'outil RH pour les gérer), ce manquement n'est pas suffisamment démontré.
Sur le premier manquement relatif à la performance commerciale, il est établi que le salarié n'a pas atteint les objectifs malgré la baisse de ceux-ci et l'augmentation significative des investissements en marketing, que sur deux dossiers (Bramer, Expedia) sur cinq évoqués le salarié n'a effectivement pas été performant, qu'en revanche, le reproche qui lui est fait d'une attitude passive n'est que très partiellement justifiée.
b- sur l'insuffisance de pilotage de l'équipe commerciale
Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur reproche à M. [T] des difficultés de performance et de motivation de l'équipe commerciale, un turnover important des membres de cette équipe, le suivi de dossiers de commerciaux présentant des problèmes de performance individuelle sans autre précision mais citant dans ses écritures plusieurs dossiers, d'avoir faiblement contribué au projet Star sur l'élaboration d'un programme de formation à destination des équipes commerciales.
S'agissant du turnover, M. [T] affirme sans être démenti que lors de son embauche en 2012, l'équipe commerciale comptait 7 commerciaux, laquelle a été étoffée puisqu'en 2016 elle était de 20 personnes. Il indique que le turnover était dû aux objectifs inatteignables impactant la rémunération des salariés et leur démotivation et que celui de l'équipe commerciale était moins important que celui de la société, de l'équipe marketing pour la même année, trois DRH s'étant en outre succédé en 4 ans.
Ses dires sont établis par les documents produits aux débats par le salarié (pièces 24 et 25) démontrant que la rotation du personnel de la société était de 28% en 2012, 28% en 2013, 19% en 2014 et 28% en 2015.
La rotation du personnel pour l'année 2016 était de 22% pour la société, 52% pour l'équipe marketing, 124% pour les ressources humaines, 47% pour le département finance, le turnover de l'équipe commerciale (11%) étant l'un des plus bas.
Il ne peut donc être fait reproche à M. [T] d'être responsable d'un important turnover de son équipe.
S'agissant de la gestion des dossiers des commerciaux présentant des problèmes de performance, la lettre de licenciement fait état du manque de rigueur du salarié à deux reprises mais vise trois dossiers dans ses écritures.
Il lui est reproché l'embauche d'un salarié, M. [R] qui serait une 'erreur de casting' pour un salarié arrêté pour maladie et ne souhaitant pas reprendre son poste.
Il est attesté par Mme [K], ancienne DRH, que M. [D] procédait également aux entretiens d'embauche des salariés avec M. [T], que M. [R] a été arrêté pour maladie, souffrant d'une dépression, puis a quitté la société dans le cadre d'une rupture conventionnelle. Il n'est pas établi que M. [T], même s'il était décisionnaire comme l'affirme l'employeur, ait pu deviner une quelconque fragilité chez M. [R] lors de l'embauche.
S'agissant de M. [Y], commercial ayant quitté la société en cours de période d'essai, le message de la DRH du 13 novembre 2014 liste les motifs négatifs donnés par le salarié à son souhait de départ notamment son insatisfaction à faire du 'pre-sales' plutôt que du 'sales', le fait d'être déjà 'au feu' alors qu'il n'est pas encore formé, l'absence d'explication sur son variable, signalant cependant que, selon lui, l'équipe est 'sympa et pro', le produit 'top' et qu'il a des idées pour faire évoluer la fonction.
M. [T] affirme sans être démenti qu'il était le N+2 de M. [Y], son N+ 1 étant M. [S], lequel a été promu 'chief product officer' en septembre 2019 et est entré au comité de direction.
Il n'est pas suffisamment établi une quelconque responsabilité dans le départ du salarié qui a fait le choix de quitter l'entreprise au cours de la période d'essai.
S'agissant de Mme [U], responsable des ventes France qui a quitté l'entreprise en janvier 2017, l'employeur reproche à M. [T] d'être responsable de son départ pour ne pas l'avoir recadrée et encouragée, notamment sur le dossier Omega-Pharma qu'elle avait mal géré.
M. [T] affirme que, dès mai 2016, M. [D] souhaitait se séparer de la salariée et que dès juin 2016, en collaboration avec la DRH, il a reçu la salariée en entretien à sept reprises.
Il résulte des échanges de messages (pièces n°64 et 65) qu'une difficulté est intervenue en mai 2016 dans le dossier du client Omega-Pharma géré par Mme [U], le comportement du client n'étant cependant pas exempt de critiques comme en atteste le message de M. [D] du 24 mai 2016.
Suite à cette difficulté, M. [T] a reçu avec la DRH Mme [U] à 7 reprises de juin à décembre 2016 (pièce n°59 appelant). La teneur des messages qu'il lui a adressés entre juillet et décembre 2016 ainsi que ceux envoyés à la DRH concernant la salariée démontrent qu'il a été présent et a soutenu Mme [U] jusqu'à sa décision finale de quitter Sidetrade (pièces n°60 à 63 appelant).
Pour démontrer l'absence de pilotage de l'équipe commerciale, l'employeur produit également un écrit de 2019 -qui n'est pas une attestation au sens de l'article 202 du code de procédure civile - de M. [M] [I], directeur commercial régional de Sidetrade, sous la hiérarchie de M. [T] de 2014 à 2017, qui indique '[N] n'arrêtait pas de saper le moral des vendeurs sur les affaires et d'essayer de prendre le contrôle en insistant pour que nous escaladions nos contacts sans leur permission pour atteindre leurs n+1. Cela se traduisait le plus souvent par la perte des affaires. En ce qui concerne le manque d'organisation : la stratégie employée par [N] était de cibler les managers de niveau inférieur au sein de l'organisation ce qui s'est avéré par la suite être la mauvaise approche. Aujourd'hui nous ciblons les cadres supérieurs avec de biens meilleurs résultats [...]'(pièce n°58 intimée)
Cet écrit d'un salarié, encore dans les liens de subordination avec l'employeur, tout comme l'attestation de M. [H], ancien commercial sous la hiérarchie de M. [T] devenu le nouveau directeur commercial - mais non membre du comité de direction -, dont certains passages sont identiques à l'écrit de M. [I], sont contredits par les attestations de plusieurs salariés ayant travaillé sous la hiérarchie de M. [T] ou dans des services liés à la direction commerciale.
Ainsi, M. [F], salarié de l'équipe commerciale de 2014 à 2017, atteste (pièce n°95 appelant) que 'l'investissement et l'accompagnement de [N] [T] ont été déterminants dans ma réussite
et important dans la construction de mon parcours professionnel. Jusqu'à aujourd'hui je continue à appliquer ses enseignements [...]'. Il donne ainsi de nombreux exemples du comportement positif de son supérieur. 'Dans son pilotage commercial, [N] challengeait nos démarches commerciales pour éviter les lectures simplistes des contextes clients il insistait pour que nous adressions les décideurs (DAF,DG) très tôt dans le cycle de vente car il considérait à juste titre que ne pas tenir compte des enjeux du décisionnaire final affaiblissait nos dossiers.[...]'
M. [IB], 'head of customer service' de Sidetrade de 2014 à 2017 atteste également en des termes précis 'du soutien sans faille de M. [T]' lorsqu'il 'le sollicitait sur un sujet client' et donne plusieurs exemples, notamment sur le renouvellement réussi du client le plus important de l'entreprise et sur la transmission des bonnes pratiques du directeur commercial (pièce n° 94 appelant).
M. [J], directeur produit puis membre du comité de direction Sidetrade à la même époque que M. [T], atteste également de façon détaillée, du leadership de ce dernier. Il indique que 'M. [T] était apprécié de ses équipes, son expérience de la direction commerciale chez des éditeurs de logiciels de tout premier plan comme SAP lui ayant permis de mettre en place des processus plus professionnels au sein d'une société de taille modeste comme Sidetrade [...]' (pièce n°93 appelant).
S'agissant du programme de formation (projet Star), la société Sidetrade fait reproche également au salarié de ne pas avoir contribué au projet et d'avoir fourni des livrables avec retard dans le cadre du projet dont l'objet était l'élaboration d'un programme de formation à destination des équipes commerciales.
Le salarié affirme qu'il n'était pas responsable de ce projet lancé en février 2016, piloté par Mme [L] sous la direction de Mme [K] DRH, puis de M. [D] suite au départ de Mme [K] (ce que confirment ses pièces n° 27 et 28). Il indique également que dès 2015, il s'est préoccupé de fournir aux commerciaux des supports opérationnels dont il justifie (pièce n°26).
Le retard accusé par le salarié pour la remise des livrables (3 semaines) est insuffisant pour constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, M. [T] affirmant sans être démenti que ce projet existait avant son embauche en 2012 et n'a été lancé qu'en 2016.
La société Sidetrade avance divers autres faits à l'encontre du salarié qui ne figurent pas dans la lettre d'énonciation des motifs, la plupart à des dates étant très proches de la procédure de licenciement voire postérieures au licenciement.
En outre, il s'agit principalement de reproches sur un manque de communication et de collaboration avec la DRH, Mme [RH], avec la directrice de la communication et du marketing Mme [O], avec les équipes techniques, sur la rupture en période d'essai d'un salarié, ces faits anecdotiques auxquels le salarié apporte des explications et démentis sérieux sont insuffisants pour être en tout état de cause retenus, les attestations précitées de M. [IB] et de M. [J] démontrant l'existence d'excellents rapports de M. [T] avec les autres services.
L'ensemble de ces éléments ne permet pas de retenir le manquement avancé par l'employeur sur l'insuffisance de pilotage de l'équipe commerciale.
c- sur l'activité de prospection insuffisante
L'employeur reproche au salarié une prospection faible, 65% des affaires signées provenant de l'équipe marketing et 70% des rendez-vous émanant également de l'équipe marketing. Il s'appuie sur des messages qui, selon lui, démontrent que les affaires les plus importantes avaient pour origine l'équipe marketing.
M. [T] conteste les chiffres et affirme que 55% des rendez-vous étaient d'origine marketing et 45% d'origine commerciale. Il soutient que, initialement, la prospection était assurée par l'équipe marketing qui disposait d'une cellule dédiée chargée d'identifier les cibles et de générer des prises de rendez-vous, contrairement à l'équipe commerciale qui assurait les rendez-vous et se concentrait sur la conclusion des ventes.
Les messages (pièces n°59 à 66 intimée) font effectivement état d'une origine marketing bien qu'un seul des messages (pièce n°63) mentionne le nom de la directrice marketing. En outre, l'employeur ne répond pas à l'affirmation selon laquelle contrairement à l'équipe marketing, l'équipe commerciale n'avait pas de cellule dédiée à la prospection.
Le salarié produit (pièce n°30) un tableau Excel daté du 31 décembre 2016 montrant que sur 241 prises de rendez-vous, 55 % étaient d'origine marketing ('CFO leads LG') et 45% d'origine commerciale ('CFO leads sales').
Le manquement n'est donc pas caractérisé.
d- sur le manque de fiabilité des données de suivi de l'activité
Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur reproche au salarié de ne pas être à même de fournir des données fiables de monitoring de l'activité commerciale malgré la mise en place d'un nouvel outil 'Salesforce' (logiciel CRM) dont il était responsable.
Selon les écritures de la société Sidetrade sur ce manquement, il est affirmé désormais que plusieurs salariés ont sollicité une intervention afin de permettre aux forces avant-ventes de mettre à jour les opportunités commerciales sans intervention de l'administrateur, la demande étant restée sans réponse de la part de M. [T] (pièces n°30 et 31).
Le salarié fait valoir à juste titre que les griefs avancés concernant le logiciel CRM - inertie dans la gestion des dysfonctionnements du logiciel Salesforce et négligence dans la gestion des commandes de licences Salesforce - ne sont pas ceux de la lettre de licenciement qui circonscrit les limites du litige.
En l'espèce, le fait de ne pas avoir répondu à un message de M. [S] du 28 octobre 2016 concernant ce logiciel est insuffisant pour être retenu. De même, les dysfonctionnements nécessitant un réglage sur une cellule du logiciel venant d'être acquis, n'ont rien d'anormal.
S'agissant de l'inertie du salarié dans la gestion des commandes de licences Salesforce au second semestre 2016, le salarié reconnait qu'il était chargé de commander les licences d'utilisation, qu'en décembre 2016, il manquait des licences mais affirme qu'il gérait la pénurie car le budget alloué par M. [D] pour l'achat de licences ne permettait pas d'en avoir suffisamment pour tous les collaborateurs.
La société Sidetrade ne conteste pas le fait. De même, elle ne peut reprocher à M. [T] d'avoir laissé un nouveau salarié de l'équipe commerciale UK engagé le 21 décembre 2016, sans accès au logiciel de ventes, alors qu'il résulte de la pièce n°32 de l'intimée que M. [T] n'a été informé que le 4 janvier 2017.
Les faits relatifs au suivi de l'activité n'établissent pas suffisamment l'existence d'un manquement.
***
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si les objectifs de la direction commerciale n'ont pas été atteints en 2016, les résultats certes mitigés étaient encourageants suite à la situation rencontrée en 2012.
En outre, les manquements, avancés par la société Sidetrade à l'encontre du salarié qui expliqueraient selon elle l'insuffisance de résultats, dont certains anecdotiques, sont insuffisants pour justifier une cause réelle et sérieuse, d'autant que les échanges de messages avec le P-DG de la société sur tous les faits avancés par cette dernière démontrent l'omniprésence de M. [D] dans toutes les décisions prises par la direction commerciale.
L'employeur ne s'explique pas non plus sur l'attribution chaque année au salarié d'actions gratuites de l'entreprise, soit au total 8 100 actions si M. [T], comme il le prétend, faisait preuve d'insuffisance professionnelle.
En conséquence, le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [T] est sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
2- sur les demandes de M. [T]
- sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la présente espèce, 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.'
En l'espèce, le salarié réclame une indemnisation à hauteur de 12 mois de salaire mais ne produit aucun élément à l'appui de sa demande.
L'employeur fait valoir que M. [T] a retrouvé un emploi dès juin 2017, alors que son préavis se terminait en mai 2017 (pièce n°53 intimée), de sorte qu'il ne justifie pas d'un préjudice.
Il indique (p.39 de ses conclusions) que la moyenne des 12 derniers mois de salaire est de 17 768 euros et celle plus favorable des 3 derniers mois de salaire de 17 783 euros.
Le salarié fait valoir que sa rémunération sur les 12 derniers mois (année 2016) est de 218 071 euros brut soit une moyenne de 18 173 euros.
Conformément au texte susvisé, l'indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et non à la moyenne des salaires des douze ou trois derniers mois.
Selon les bulletins de salaire produits (pièce n°11 appelant), le montant des six derniers mois de salaire s'élève à 117 588,45 euros.
En conséquence, il convient de condamner l'employeur au paiement d'une somme de 118 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en ce que le conseil de prud'hommes a débouté M. [T] de sa demande.
Le salarié, qui ne justifie pas d'un préjudice au-delà du minimum prévu par la loi, sera débouté du surplus de sa demande à ce titre.
- sur les dommages-intérêts pour perte de chance d'acquérir définitivement les actions gratuites attribuées en avril 2015 et avril 2016
Le salarié fait valoir que le 9 avril 2015, 850 actions gratuites lui ont été attribuées dont l'acquisition définitive devait se réaliser à l'issue d'une période de deux ans expirant le 8 avril 2017 et que le 12 avril 2016, 1150 actions lui ont été attribuées dont l'acquisition définitive devait se réaliser à l'issue d'une période de deux ans expirant le 11 avril 2018 (pièces n°7 et 8).
Selon les plans d'attribution gratuite d'actions 2015 et 2016, en cas de licenciement ou de démission du bénéficiaire pendant la période d'acquisition, l'attribution devient caduque à la date de l'émission de la lettre de rupture (pièces n°9 et 10 appelant).
Le salarié considère que du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il subit une perte de chance d'acquérir les actions au 9 avril 2017 et au 11 avril 2018. Il réclame sur la base du cours de l'action Sidetrade soit 67,20 euros, la somme de 134 000 euros pour 2 000 actions.
L'employeur conteste la demande estimant que la réparation allouée en cas de perte de chance ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle était réalisée.
Il appartient au juge de mesurer la réparation allouée à la chance perdue, laquelle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
En l'espèce, la perte de chance pour les actions de 2015 est suffisamment établie puisque l'échéance était en avril 2017, à une date où M. [T] était en préavis. En revanche, rien ne permet de présumer que le salarié aurait toujours été présent dans l'entreprise en avril 2018.
Les dommages-intérêts pour perte de chance seront évalués à la somme de 5 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
M. [T] sera débouté du surplus de sa demande à ce titre.
3- sur le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi
Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail dans sa version applicable à présente espèce, 'dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.'
En raison de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [T], il convient d'ordonner à l'employeur de procéder au remboursement aux organismes concernés des éventuelles indemnités versées au salarié du jour de son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnité de chômage.
4- sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé sur les frais irrépétibles et infirmé sur les dépens.
La société Sidetrade sera condamnée à payer à M. [T] la somme de 3 500 euros pour l'ensemble de la procédure.
Elle sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 mai 2020, sauf en ce qu'il a débouté la société Sidetrade de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. [N] [T] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Sidetrade à payer à M. [N] [T] la somme de 118 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [N] [T] du surplus de sa demande à ce titre,
Condamne la société Sidetrade à payer à M. [N] [T] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'acquérir les actions gratuites,
Déboute M. [N] [T] du surplus de sa demande à ce titre,
Ordonne à la société Sidetrade de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [N] [T] du jour de son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnité de chômage,
Dit qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée par le greffe par lettre simple à la direction générale de Pôle emploi conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail,
Condamne la société Sidetrade à payer à M. [N] [T] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour l'ensemble de la procédure,
Déboute la société Sidetrade de sa demande à ce titre,
Condamne la société Sidetrade aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président