La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2023 | FRANCE | N°22/03008

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 23 mai 2023, 22/03008


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 70C



1re chambre 2e section



ARRET N°



PAR DEFAUT



DU 23 MAI 2023



N° RG 22/03008 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFLY



AFFAIRE :



Mme [N], [U] [A]

...



C/



Mme [T] [F]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mars 2022 par le TJ de [Localité 4]

N° Chambre : 2ème



N° RG : 20/05511



Expéditions

exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23/05/23

à :



Me [R] [Z]



Me Valérie BLOCH



Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versail...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 70C

1re chambre 2e section

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 23 MAI 2023

N° RG 22/03008 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VFLY

AFFAIRE :

Mme [N], [U] [A]

...

C/

Mme [T] [F]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mars 2022 par le TJ de [Localité 4]

N° Chambre : 2ème

N° RG : 20/05511

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 23/05/23

à :

Me [R] [Z]

Me Valérie BLOCH

Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N], [U] [A]

née le 28 Avril 1970 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Maître Michel COSMIDIS de la SARL DESBARATS - COSMIDIS ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 681 -

Représentant : Maître Myriam ARAMA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1416

Monsieur [B], [X] [A]

né le 13 Mars 1969 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Maître Michel COSMIDIS de la SARL DESBARATS - COSMIDIS ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 681 -

Représentant : Maître Myriam ARAMA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1416

APPELANTS

****************

Madame [T] [F]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentant : Maître Sammy JEANBART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 111

Représentant : Maître Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1923 -

INTIMEE

SCI LA GRENOUILLETTE

Ayant son siège

[Adresse 8]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Assignée à étude

INTIMEE DEFAILLANTE

S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Me [L] [Y], es-qualités de liquidateur amiable de la SCI LA GRENOUILLETTE

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

PARTIE INTERVENANTE

Représentant : Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier P2200498

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 26 novembre 1997, Mme [T] [F] et M. [E] [A] ont créé la société civile La Grenouillette ayant pour objet l'acquisition d'immeubles, leur administration et leur exploitation par bail.

La société La Grenouillette a été immatriculée au registre du commerce de Versailles, le 9 décembre 1997, Mme [F] ayant été désignée en qualité de gérante.

Par acte du 30 décembre 1997, la société La Grenouillette a acquis un immeuble sis à [Localité 5], moyennant le prix de 1 080 000 francs financé partiellement par un prêt bancaire de 800 000 francs, d'une durée de 144 mois.

Les associés ont occupé ce bien à titre de résidence principale jusqu'à leur séparation survenue en décembre 2004, Mme [F] restant alors seule dans les lieux.

M. [E] [A] est décédé le 4 février 2011, laissant pour lui succéder :

- M. [B] [A] et Mme [N] [A], issus d'une première union,

- Mme [P] [F] et Monsieur [C] [A] issus de sa relation avec Mme [T] [F].

Par acte de commissaire de justice délivré le 22 octobre 2020, M. [B] et Mme [N] [A] ont assigné Mme [T] [F] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins notamment d'obtenir sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation.

La société d'exercice libéral à forme anonyme MJA est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement contradictoire du 3 mars 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- débouté M. [B] et Mme [N] [A] de leur demande d'indemnité d'occupation,

- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

- condamné M. [B] et Mme [N] [A] aux dépens,

- condamné in solidum M. [B] et Mme [N] [A] à verser à Mme [T] [F] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- écarté l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 29 avril 2022, M. [B] et Mme [N] [A] ont relevé appel de ce jugement. Aux termes de leurs conclusions signifiées le 12 décembre 2022, ils demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande de condamnation de Mme [T] [F] en paiement au profit de la société La Grenouillette, d'une indemnité d'occupation,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de condamnation de Mme [T] [F] en paiement, à chacun, des sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

statuant à nouveau et en actualisant la condamnation pécuniaire,

- condamner Mme [T] [F] à payer à la société La Grenouillette, au titre de l'occupation des lieux :

* pour la période du 1er janvier 2005 au mois de décembre 2022 inclus, une somme de 329 565,50 euros avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle et capitalisation dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

*ou subsidiairement, pour la période du 18 juin 2009 au mois de décembre 2022 inclus, une somme de 247 020,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle et capitalisation dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,

- débouter Mme [T] [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [T] [F] à leur payer à chacun une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et résistance abusive,

- condamner Mme [T] [F] à leur payer à chacun une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la société à responsabilité limitée D&C Associés prise en la personne de Me [R] [Z], dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 21 novembre 2022, Mme [T] [F] demande à la cour de:

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Versailles sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive engagée,

statuant à nouveau et à titre principal,

- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,

à titre subsidiaire,

- réduire le montant de l'indemnité d'occupation à de plus justes proportions, estimée au plus à 43 782 euros sur la période courant du 18 juin 2009 au 31 juillet 2022,

en tout état de cause,

- condamner solidairement M. [B] et Mme [N] [A] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de la procédure abusive engagée,

- condamner solidairement M. [B] et Mme [N] [A] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] et Mme [N] [A] aux entiers dépens.

La société Grenouillette n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 5 juillet 2022, la déclaration d'appel lui a été signifiée par dépôt à l'étude. Les conclusions des appelants lui ont été signifiées par acte de commissaire de justice délivré le 8 août 2022 par remise à personne physique habilitée.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 janvier 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur l'appel de M. [B] et Mme [N] [A].

- Sur la recevabilité de l'action sociale ut singuli.

Mme [F] a invoqué et invoque en cause d'appel l'absence de fondement de la demande de M. [B] et Mme [N] [A] avant la liquidation de la SCI, faisant valoir que l'acte introductif d'instance devant le tribunal judiciaire a été délivré avant le jugement prononçant la dissolution anticipée de la SCI.

M. [B] et Mme [N] [A] s'estiment, au fondement des dispositions de l'article 1843-5 du code civil, recevables à exercer l'action spéciale ut singuli. Ils font valoir à cet égard qu'en l'état de la succession de leur père, ils sont, avec Mme [F] et son fils, [C] [A], copropriétaires indivis de 50% des parts sociales de la SCI la Grenouillette, qu'ils détiennent donc individuellement à ce titre, les droits attachés à ces parts, dont celui d'engager, au nom de la société, l'action sociale ut singuli prévue à l'article susvisé applicable à toutes les sociétés quelle qu'en soit la forme et donc applicable à une SCI.

Sur ce,

La cour observe que Mme [F] n'apporte aucun moyen au soutien de son affirmation dont le tribunal n'a pas tenu compte.

L'article 1843-5 du code civil dispose en son premier alinéa 'Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société, en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société (....)'.

Il est constant que Mme [F] occupe le bien à titre gratuit, alors que les statuts de la SCI n'autorisent pas l'occupation gratuite. Il n'est pas davantage contestable qu'aucune assemblée générale n'a, à cette fin, autorisé Mme [F], à bénéficier d'une occupation gratuite.

Or, M. [B] et Mme [N] [A] prétendent que cette occupation, du chef de la gérante, sans contrepartie, est préjudiciable aux intérêts de la société qui subit à l'évidence un préjudice.

En l'espèce, l'action de M. [B] et Mme [N] [A] tend à obtenir la réparation éventuelle du préjudice que la société subit, selon eux, du fait qu'elle est privée des revenus auxquels elle pourrait prétendre au regard de son objet social.

Il s'agit donc d'une action ut singuli intentée au nom de M. [B] et Mme [N] [A], mais pour le compte de la SCI La Grenouillette.

Il s'ensuit que les appelants doivent être déclarés recevables en leur action.

- Sur le bien fondé de la demande de M. [B] et Mme [N] [A] en paiement d'une indemnité d'occupation.

* sur le principe de l'indemnité d'occupation due par Mme [F].

M. [B] et Mme [N] [A] font valoir qu'au cours des opérations d'expertise, il est apparu que Mme [F] occupait gratuitement et exclusivement le pavillon. Ils reprochent au premier juge qui les a déboutés de leur demande, d'avoir retenu l'existence, entre les associés et la SCI, d'une convention tacite d'occupation à titre gratuit et ce, non seulement durant la communauté de vie, mais encore, à défaut de remise en cause de cet accord de gratuité, après la séparation du couple ainsi qu'après le décès de M. [E] [A]. Ils font valoir que, ce faisant, le tribunal a méconnu la règle selon laquelle seuls les statuts s'imposent dans le fonctionnement d'une société et que toute modification doit faire l'objet d'une acte et avoir date certaine, et que cette règle s'inscrit dans le cadre d'une jurisprudence aujourd'hui constante au visa des articles 1853 et 1854 du code civil. Ils ajoutent que le moyen soutenu par Mme [F] selon lequel elle est bénéficiaire de l'usufruit de l'intégralité des parts détenues par M. [E] [A] que ce dernier lui aurait léguées à titre universel par testament olographe en date du 12 octobre 2004 doit être écarté, qu'en effet l'existence de ce prétendu testament n'est apparue qu'en 2019 pour avoir été produit par Mme [F] devant la cour, mais que cet acte n'a aucune valeur juridique puisque notamment, il s'agit d'une simple photocopie, que rien n'atteste que le scripteur soit feu [E] [A], qu'il n'a pas date certaine, qu'il n'a été communiqué ni au Notaire chargé des opérations de liquidation de la succession, ni à l'expert judiciaire, que Mme [F] n'en a jamais revendiqué le bénéfice, si ce n'est en cause d'appel de l'ordonnance de référé et dans le but d'échapper au paiement de l'indemnité d'occupation, que Mme [F] n'a jamais mis en oeuvre la procédure d'envoi en possession, ni n'a demandé la délivrance du legs. M. [B] et Mme [N] [A] concluent qu'en définitive, le débat que l'intimée ouvre à ce sujet est sans incidence sur la recevabilité et le bien-fondé d'une indemnité d'occupation pour le compte de la SCI La Grenouillette et que l'éventuelle conséquence de cette prétendue libéralité devra être appréciée dans le cadre des opérations de liquidation partage de la SCI.

Mme [F] réplique que, durant sa vie commune avec M. [E] [F], leur domicile avait été fixé au sein de l'immeuble litigieux, acquis par la SCI, que cette occupation s'est nécessairement faite en vertu d'une convention tacite d'occupation à titre gratuit passée avec la SCI, étant précisé que les statuts ne prévoient aucun versement de loyer pour l'occupation du bien par ses associés. Elle expose qu'en soutenant que les statuts ne prévoient une telle possibilité de mise à disposition à titre gratuit, que pour des acquisitions futures, les consorts [A] font une interprétation erronée de l'arrêt rendu le 31 mai 2019 par la cour d'appel de Versailles, statuant en référé, qui a jugé que le statut de la SCI La Grenouillette prévoit un objet très large qui n'exclut pas la mise à disposition à titre gratuit pour l'un des associés. Elle conclut qu'une telle interprétation a contrario doit nécessairement être écartée et que la mise à disposition à titre gratuit pour l'un des associés n'est donc pas contraire à l'objet social. Elle invoque également le testament rédigé le 12 octobre 2004 par M. [E] [A] en vertu duquel celui-ci lui cède l'intégralité de ses parts détenues au sein de la SCI La Grenouillette, pour prétendre que si elle ne dispose effectivement pas de la pleine propriété des parts détenues par M. [A], l'usufruit de l'intégralité des parts qu'il détenait, lui a été léguée à titre universel de sorte qu'elle peut jouir du bien sans que le paiement d'une indemnité d'occupation ne puisse lui être réclamé.

Sur ce,

En l'espèce, la SCI La Grenouillette a été créée le 26 novembre 1997 entre M. [A] d'une part et Mme [F] d'autre part, chacun détenant la moitié des parts, avec pour objet, aux termes de l'article 2 des statuts, notamment : ' la location, l'acquisition d'immeubles, l'administration et l'exploitation par bail ou autrement lesdits immeubles dont elle pourrait devenir propriétaire ultérieurement par voie d'acquisition, échange, apport, ou autrement '...)'.

Le 30 décembre 1997, la société a acquis un immeuble situé à [Adresse 8].

Il est constant que M. [A] et Mme [F] ont occupé ce bien à titre gratuit dès l'origine, que cette occupation à titre gratuit par Mme [F] et son fils s'est prolongée après la séparation du couple en décembre 2004 et après le décès de M. [E] [A] le 4 février 2011.

Les statuts de la SCI La Grenouillette en date du 26 novembre 1997 qui sont antérieurs à l'acquisition du bien immobilier de Montigny-le- Bretonneux, le 30 décembre 1997, stipulent en leur article 2 que la société a notamment pour objet : ' la location, l'acquisition d'immeubles, l'administration et l'exploitation par bail ou autrement lesdits immeubles dont elle pourrait devenir propriétaire ultérieurement par voie d'acquisition, échange, apport, ou autrement '...'.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, 'l'exploitation autrement' pourrait s'appliquer à l'immeuble sis [Adresse 8] et ce, dans la mesure où il a été acquis le 30 décembre 1997, soit postérieurement à l'établissement des statuts, le 26 novembre 1997.

Pour autant, force est de constater que les statuts ne prévoient nullement l'occupation gratuite du bien immobilier par les associés. Or, au visa des articles 1832, 1835 et 1836 du code civil, l'occupation par un tiers, fût-il associé, d'un immeuble appartenant à une société, ne saurait avoir lieu à titre gratuit lorsqu'une telle occupation sans contrepartie est contraire aux statuts.

L'occupation à titre gratuit du bien par Mme [F] est donc contraire aux statuts, étant observé à cet égard que seule une dérogation à ces statuts, un accord explicite, aurait pu dispenser l'occupante du paiement pendant la période de jouissance du bien. La tolérance dont en l'espèce Mme [F] a bénéficié ne caractérise nullement un tel accord sur le caractère gratuit de l'occupation.

Néanmoins, Mme [F] ne peut être considérée comme occupante sans droit ni titre, puisque c'est du consentement de tous les associés, même si ce consentement n'a pas été formalisé, qu'elle occupe le bien, d'ailleurs son expulsion n'est pas demandée en l'espèce. Mais elle ne peut se prévaloir d'une intention libérale, dont il lui appartenait d'apporter la preuve pour s'opposer au paiement d'une indemnité d'occupation.

Dès lors que le caractère gratuit de l'occupation n'est pas établi, Mme [F] est bien redevable d'une indemnité du seul fait de l'occupation, qui représente une valeur économique, dès son entrée dans les lieux.

Le moyen soulevé par Mme [F], tiré de l'existence d'un prétendu testament olographe, rédigé le 12 octobre 2004, par feu [E] [A], aux termes duquel ce dernier lui aurait légué à titre universel l'intégralité des parts qu'il détenait dans la société, est sans incidence sur le sort de la présente procédure relative à la recevabilité et au bien-fondé d'une indemnité d'occupation pour le compte de la SCI La Grenouillette, l'éventuelle conséquence de cette prétendue libéralité devant être appréciée dans le cadre des opérations de liquidation partage de la SCI et également, d'une manière plus générale, dans le cadre des opérations de liquidation de la succession de feu [E] [A].

En outre, la photocopie du testament produite est dénuée de force probante, dès lors que, sans que la perte de l'original ne soit invoquée, il n'est produit qu'une simple photocopie, alors qu'il n'est possible de suppléer à la production de l'original du titre et donc d'en établir, par tous moyens de preuve, l'existence, le contenu et la régularité que dans la mesure où la perte ou la destruction du titre est consécutive à un cas fortuit ou à un cas de force majeure. Ainsi Mme [F] ne rapporte-t-elle pas la preuve du legs dont elle entend se prévaloir.

Le jugement est donc infirmé en sa disposition ayant refusé le principe d'une indemnité d'occupation due par Mme [F] au bénéfice de la SCI La Grenouillette.

* sur l'indemnité d'occupation due par Mme [F].

- sur le montant de l'indemnité d'occupation.

M. [B] et Mme [N] [A] demandent à la cour de fixer à la somme de 1 512,50 euros le montant mensuel de l'indemnité d'occupation tel que déterminé par l'expert judiciaire au regard des pièces versées aux débats par les parties, estimant suffisantes les trois attestations fournies. Ils font valoir qu'ayant intenté l'instance sur le fondement de l'action ut singuli, l'indemnité d'occupation doit être réglée dans son intégralité à la société et pour elle à son liquidateur amiable. qui, dans le cadre des opérations de liquidation, proposera une répartition de l'actif en fonction des parts sociales des associés et après avoir tenu compte éventuellement de l'éventuel règlement de travaux par Mme [F].

Mme [F] réplique que le calcul de la valeur locative par l'expert judiciaire est quelque peut tronqué, dans la mesure où elle a produit deux estimations, alors que les consorts [A] n'en ont fourni qu'une seule. Elle ajoute que l'indemnité d'occupation mis à la charge d'un indivisaire jouissant d'un bien à titre exclusif ne peut être fixée qu'au prorata des parts respectives des co-indivisaires, l'indivisaire occupant n'ayant aucune indemnité à verser sur la quote-part qu'il détient, qu'en l'espèce, si une indemnité d'occupation était due, elle devrait être diminuée des trois-quarts, qu'en outre, elle a contribué pendant toute les années d'occupation, à l'entretien du bien, de sorte que toutes les sommes par elle engagées incluant la taxe d'habitation devront être déduites.

Sur ce,

La cour entend adopter l'estimation effectuée par l'expert judiciaire, de l'indemnité d'occupation, car résultant d'un calcul précis basé sur les attestations de valeur locatives produites par les parties, qui n'est pas sérieusement critiquée par Mme [F], étant précisé à cet égard que cette indemnité d'occupation doit être réglée dans sa totalité à la société et pour elle à son liquidateur amiable qui, dans le cadre des opérations de liquidation, proposera une répartition de l'actif en fonction des parts sociales des associés et après avoir tenu compte éventuellement de l'éventuel règlement de travaux par Mme [F].

- sur la prescription de la demande antérieure au 18 juin 2009.

Mme [F] invoque, au fondement de l'article 815-10, la prescription quinquennale, pour soutenir que M. [B] et Mme [N] [A] ne peuvent solliciter le paiement de l'indemnité d'occupation antérieurement au 18 juin 2009.

M. [B] et Mme [N] [A] se bornent à demander le paiement des indemnités d'occupation à compter du 1er janvier 2015 ou subsidiairement du 18 juin 2009.

Sur ce,

Aux termes de l'article 815-10 du code civil, 'aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu être perçus'.

En l'espèce, M. [B] et Mme [N] [A] ont fait délivrer assignation en référé-expertise, ainsi qu'en fixation et paiement d'une indemnité d'occupation le 18 juin 2014.

Il s'ensuit qu'ils ne sont recevables en leur demande en paiement qu'à compter du 18 juin 2009.

Mme [F] doit en conséquence être condamnée à verser à M. [B] et Mme [N] [A] la somme de 247 020,50 euros pour la période comprise entre le 18 juin 2009 et le 31 décembre 2022 sur la base mensuelle de 1 512,50 euros.

Cette somme portera intérêts à compter du 22 octobre 2020, date de la demande initiale valant mise en demeure de payer.

En outre, la capitalisation, qui est de droit dès lors qu'elle est sollicitée, sera ordonnée pour les intérêts échus et impayés dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'une année.

Sur la demande de dommages et intérêts en indemnisation de leur préjudice moral et pour procédure abusive de [B] et [N] [A]

Une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, qu'il appartient alors au juge de spécifier, constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel, de sorte que les consorts [A] sont mal fondés à solliciter la condamnation de Mme [F], dont la légitimité de l'action en justice a été reconnue en première instance au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En outre, le préjudice moral invoqué par les appelants n'est nullement caractérisé.

Par suite, les consorts [A] seront déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts.

Sur les mesures accessoires.

Mme [F] doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, la disposition du jugement contesté relative aux dépens de première instance étant donc infirmée.

Mme [F], qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La cour,

Statuant par défaut et par mise à disposition au greffe,

Déclare M. [B] et Mme [N] [A] recevables en leur action ut singuli pour le compte de la SCI La Grenouillette,

Infirme le jugement rendu le 3 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare M. [B] et Mme [N] [A] bien fondés en leur demande tendant à la fixation d'une indemnité d'occupation et à la condamnation de Mme [F] à son paiement,

Condamne Mme [F] à verser à M. [B] et Mme [N] [A] la de 247 020,50 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période comprise entre le 18 juin 2009 et le 31 décembre 2022 sur la base mensuelle de 1 512,50 euros,

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2020,

Dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts dans les conditions prévues à l'article l'article 1343-2 du code civil,

Déboute M. [B] et Mme [N] [A] de leur demande en paiement de dommages et intérêts;

Déboute Mme [F] de ses demandes,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [F] à payer à M. [B] et Mme [N] [A] une indemnité de 4 000 euros,

Condamne Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel pouvant être recouvrés par la société D&C Associés, prise en la personne de Me [R] [Z], dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 22/03008
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;22.03008 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award