COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 70H
4ème chambre expropriations
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 MAI 2023
N° RG 21/03810 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USJG
AFFAIRE :
COMMUNE DE [Localité 4] représentée par son Maire en exercice
C/
S.A.S. RESUNGA
et autre
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Avril 2021 par le juge de l'expropriation de NANTERRE
RG n° : 20/00078
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Véronique BUQUET-ROUSSEL
Me Guillaume NICOLAS
Mme [H] [E] (Commissaire du gouvernement) + Parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
COMMUNE DE [Localité 4] représentée par son Maire en exercice
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Céline SABATTIER de la SELARL PEYRICAL & SABATTIER ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1441
APPELANTE
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S.A.S. RESUNGA
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 et Me Laurent VIOLLET de la SELARL LVA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0129
SCI SAN REMO prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Défaillante
INTIMÉES
****************
Les fonctions du COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT étant exercées par Mme [H] [E], direction départementale des finances publiques
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Présidente, chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président,
Madame Séverine ROMI, Conseiller,
Monsieur Olivier GUICHAOUA, Conseiller
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI
****************
La société SAN REMO est propriétaire de locaux commerciaux constituant les lots n°2, 3, 4, 16 et 111 d'un immeuble situé [Adresse 3] édifié sur la parcelle cadastrée Q n°[Cadastre 2]. Les locaux ont été donnés à bail, par acte du 3 avril 2017 pour une durée de neuf ans, à la société RESUNGA qui y exploite une activité de restauration.
Cette parcelle est située dans un périmètre sur lequel le Conseil municipal de [Localité 4] a instauré, par délibération du 8 avril 2020 et conformément à l'article L 214-1 du code de l'urbanisme, un droit de préemption sur les fonds artisanaux et les baux commerciaux.
Le 16 juillet 2020, la société RESUNGA a adressé à la mairie de [Localité 4], une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) concernant le bail commercial susvisé avec un loyer d'un montant de 14.653,08 euros HT HC/an pour un prix de cession total de 90.000 euros.
Par décision du 21 octobre 2020, la mairie de [Localité 4] a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur le bien appartenant à la société RESUNGA au prix de 33.200 euros conformément à l'avis de la Direction des finances publiques du 8 octobre 2020 et en a tenu informé la société RESUNGA.
Par lettre du 4 novembre 2020, la société RESUNGA a notifié à la Commune de [Localité 4] son refus de la proposition d'acquisition qui lui a été faite et, en conséquence, la Commune de [Localité 4] a saisi le juge de l'expropriation.
Par ordonnance du 4 décembre 2020, celui-ci a fixé la date de transport sur les lieux au 4 février 2021 et une audience au 15 mars 2021.
Par jugement du 12 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
-Fixé à la somme de 82.152,72 euros TTC le prix d'acquisition par la Commune de [Localité 4] du droit au bail de neuf ans sur les locaux commerciaux à usage de restaurant népalais, constituant les lots n°2, 3, 4, 16 et 111 de l'immeuble situé [Adresse 3], sur la parcelle cadastrée Q n° [Cadastre 2] dont est titulaire la SAS RESUNGA,
-Rejeté la demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour double loyer,
-Condamné la Commune de [Localité 4] à payer à la SAS RESUNGA la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-Dit que les dépens sont é la charge de la Commune de [Localité 4].
La Commune de [Localité 4] a interjeté appel de ce jugement suivant déclaration du 16 juin 2021 à l'encontre de la société RESUNGA et de la société SAN REMO.
Elle demande à la cour, par conclusions reçues au greffe de la cour le 16 septembre 2021 notifiées aux intimés (AR signé le 21/09/21 pour la société RESUNGA ; AR non retourné pour la société SAN REMO) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 21/09/21), de :
-Réformer le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau,
-Fixer le prix du droit au bail cédé par la société RESUNGA et préempté par la commune de [Localité 4] à la somme de 33.200 euros HT ;
-Condamner la société RESUNGA à payer à la ville de [Localité 4] une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société RESUNGA, par conclusions reçues au greffe de la cour le 28 décembre 2021 notifiées au préempteur (AR signé le 29/12/21), à la société SAN REMO (AR non retourné) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 29/12/21), demande à la cour de :
A titre principal :
-Débouter la commune de [Localité 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
-Fixer le montant du prix du droit au bail cédé et préempté par la Commune de [Localité 4] devant revenir à la société RESUNGA à la somme de 93.000 euros ;
-Condamner la Commune de [Localité 4] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre du préjudice né du paiement d'un double loyer par l'intimée ;
A titre subsidiaire :
-Confirmer le jugement rendu en première instance par le tribunal judiciaire de Nanterre ;
En toute hypothèse :
-Condamner la Commune de [Localité 4] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner la commune de [Localité 4] aux dépens au titre des dispositions de l'article L.312-1 du Code de l'expropriation.
Le commissaire du gouvernement, par conclusions reçues au greffe de la cour le 16 décembre 2021, notifiées à la société préemptée, à la société SAN REMO (AR non retourné) et à la Commune de [Localité 4] (AR signé le 21/12/21), sollicite la fixation de 'l'indemnité de dépossession à [Cadastre 2].141 euros'.
La Commune de [Localité 4], par conclusions reçues au greffe de la cour le 8 mars 2022, notifiées aux intimés et au commissaire du gouvernement (AR signés le 11/03/22 sauf pour la société SAN REMO AR non retourné), répond aux conclusions de la société RESUNGA et du commissaire du gouvernement et maintient ses demandes.
La société RESUNGA, par conclusions reçues au greffe de la cour le 13 avril 2022, notifiées à la Commune de [Localité 4] (AR retourné signé mais non daté), à la société SAN REMO (AR non retourné) et au commissaire du gouvernement (AR signé le 15/04/22), répond aux conclusions de la Commune de [Localité 4] et maintient ses demandes.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
SUR CE LA COUR
Vu les articles L 213-4 du code l'urbanisme et L331-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
Le bien préempté est le droit au bail des locaux commerciaux précités situés [Adresse 3] édifié sur la parcelle cadastrée Q n°[Cadastre 2], dont est titulaire la société RESUNGA qui y exploite une activité de restauration de type cuisine indienne et népalaise suivant bail de 9 ans du 3 avril 2017 pour un loyer annuel HT et HC de 14.653,08 €.
Les parties, qui reprennent pour l'essentiel leur argumentaire de première instance, s'opposent sur la fixation du prix de cession à retenir sur la base de la méthode du différentiel de loyer.
La Commune expropriante se fonde sur l'avis des domaines et l'évaluation du commissaire du gouvernement basée sur l'étude du marché pertinent pour estimer 'totalement arbitraire' et en tout état de cause disproportionnée l'évaluation de l'expert amiable de la société RESUNGA. Elle soutient qu'en tout état de cause le jugement entrepris est entaché d'une contradiction de motifs ou d'une erreur de calcul sur le prix unitaire moyen du loyer retenu pour son évaluation.
Le commissaire du gouvernement présente en appel 8 termes de comparaison, issus de BNDP (base nationale de données patrimoniales) dont 5, retenus par le premier juge, sont identiques à ceux figurant dans l'expertise amiable produite par la société RESUNGA. Il fait valoir, comme la commune expropriante, que la méthode par comparaison sur la base des données en débat, n'est pas retenue comme étant est moins favorable à la société RESUNGA.
La société RESUNGA conteste le caractère prétendument arbitraire de l'évaluation amiable qu'elle explique, soutenant que la commune expropriante, qui, comme en l'espèce évaluerait quasi systématiquement les biens préemptés à des montants trois fois inférieurs au prix de cession, ferait de son droit de préemption un usage détourné de la mission d'intérêt public dont il découle.
La Cour retient ce qui suit.
Il y a lieu de retenir les mêmes termes de comparaison que le premier juge à l'exclusion du premier qui correspond au bien préempté et qui, en conséquence, n'est pas une vente effective, seule susceptible de servir de base à l'évaluation en débat.
En effet, ces termes de comparaison ne sont pas contestés par la commune expropriante qui conteste la seule valeur unitaire de 650€ retenue par l'expertise amiable qui s'y réfère, comme étant totalement arbitraire en l'absence d'indication d'un prix moyen ou médian, ce qui ne saurait suffire à cet égard.
Il convient toutefois de rectifier le ratio de 370 € indiqué par le premier juge pour le terme de comparaison Wallace's Barber, qui est de 328 € , sur la base des données cadastrales DGFIP non utilement contestées de 61 m² pour un loyer annuel de 20.055 €.
Il convient d'y ajouter les trois termes de comparaison du commissaire du gouvernement n° 1, 3 et 4 (ses conclusions d'appel p.9) - qui concernent des biens comparables, notamment quant aux superficies de 31, 34 et 64 m² et aux loyers annuels - et qui ne sont pas contestées non plus.
Enfin, la société RESUNGA ne conteste pas non plus utilement la mise à l'écart par le premier juge des références de son expert dont les surfaces sont inférieures à 30 m² ou supérieures à 100 m², à l'exception de celle de la Boulangerie Bakery Bio, non plus que la mise à l'écart de la cession de juin 2015 comme trop ancienne.
Ainsi, le prix s'établit comme suit, conformément à la méthode du différentiel de loyer admise par les parties, pour une surface cadastrale de 48 m²:
ratio moyen des loyers : 296+328+465+369+300+583+367+430 = 3138€/8= 392,25€/m²/an valeur locative de marché annuelle : 392,25 €X 48 m²= 18.828 €
différentiel de loyer : 18.828-14.653 = 4.175 €
Valeur du droit au bail : 4.175 X coefficient de situation 7 = 29.225€.
En conséquence, le prix de 33.200 € HT proposé par la commune expropriante sur la base de l'évaluation des Domaines, qui est satisfactoire doit être retenue.
Par ailleurs, au vu de l'article L213-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique qui exclut toute indemnité accessoire au prix de cession, le premier juge rejette à bon droit la demande en indemnisation du préjudice résultant pour la société RESUNGA du paiement d'un double loyer qu'elle fonde sur l'article 1240 du code civil et l'abus allégué ci-dessus du droit de préemption.
***
Le jugement entrepris a mis les dépens de première instance à la charge de l'expropriant conformément à l'article L. 312-1 du code de l'expropriation et fait une application équitable de l'article 700 du code de procédure civile.
La société RESUNGA dont le recours échoue doit supporter les dépens d'appel et l'équité ne commande pas de la condamner en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris du chef du prix d'acquisition du bien préempté ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe à la somme de 33.200 euros HT le prix d'acquisition par la Commune de [Localité 4] du droit au bail de neuf ans sur les locaux commerciaux à usage de restaurant népalais, constituant les lots n°2, 3, 4, 16 et 111 de l'immeuble situé [Adresse 3], sur la parcelle cadastrée Q n° [Cadastre 2] dont est titulaire la SAS RESUNGA ;
Condamne la société RESUNGA aux dépens d'appel et rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,