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17/05/2023 | FRANCE | N°22/00742

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 17 mai 2023, 22/00742


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80M



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 MAI 2023



N° RG 22/00742

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBTV



AFFAIRE :



[S] [E]





C/

S.E.L.A.R.L. DU DOCTEUR [V] [F] CABINET DENTAIRE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :


N° Section : AD

N° RG : F21/00031



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Steven THEALLIER



Me Nadira CHALALI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80M

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 MAI 2023

N° RG 22/00742

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBTV

AFFAIRE :

[S] [E]

C/

S.E.L.A.R.L. DU DOCTEUR [V] [F] CABINET DENTAIRE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : F21/00031

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Steven THEALLIER

Me Nadira CHALALI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [S] [E]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Steven THEALLIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/004695 du 18/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. DU DOCTEUR [V] [F] CABINET DENTAIRE

N° SIRET : 789 024 734

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Nadira CHALALI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P207

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[S] [E] a été engagée par la Selarl du docteur [V] [F] suivant un contrat de travail de professionnalisation à durée déterminée à compter du 21 octobre 2019, et dont le terme était fixé au 20 avril 2021, à l'emploi d'assistante dentaire, niveau 4, coefficient 240, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des cabinets dentaires, l'organisme de formation principal étant l'école dentaire française - [3].

A compter du 26 novembre 2020, [S] [E] a été placée en arrêt de travail continu pour maladie jusqu'au terme prévu du contrat de travail.

Le 24 décembre 2020, celle-ci a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de professionnalisation aux torts de l'employeur ainsi que la condamnation de la Selarl du docteur [F] au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour harcèlement moral, pour manquement à son obligation de prévention et de sécurité et de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 25 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont retenu que les griefs caractérisant le harcèlement moral ne sont pas établis, qu'en conséquence, la résiliation judiciaire du contrat de professionnalisation ne peut être prononcée, ont débouté [S] [E] de toutes ses demandes, ont débouté la Selarl du docteur [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ont laissé la charge des entiers dépens de l'instance à [S] [E].

Le 7 mars 2022, [S] [E] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 16 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [S] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de prononcer la résolution judiciaire du contrat de professionnalisation aux torts de la Selarl du docteur [F] et de fixer la date de rupture au terme du contrat, soit au 20 avril 2021, de condamner ladite société à lui payer les sommes suivantes :

* 10 000 euros de dommages et intérêts au titre de la résolution judiciaire du contrat de professionnalisation à durée déterminée aux torts de l'employeur,

* 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice pour harcèlement moral,

* 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité,

* 3 000 euros au titre de l'alinéa 2 de l'article 700 du code de procédure civile,

d'ordonner la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 15 jours suivant la décision à intervenir, des bulletins de paie, de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du reçu pour solde de tout compte conformes, de débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes et de condamner celle-ci aux dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 22 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la Selarl du docteur [F] demande à la cour de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel de telle sorte que la cour n'est pas saisie, subsidiairement, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de rejeter l'ensemble des prétentions de l'appelante et de condamner celle-ci au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 21 mars 2023.

MOTIVATION

Sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel

La société conclut à l'absence d'effet dévolutif de l'appel et de saisine de la cour d'appel au motif que la déclaration d'appel ne mentionne pas précisément la nature du recours formé et l'objet de l'appel.

La salariée conclut au rejet de cette demande en relevant que sa déclaration d'appel mentionne les chefs du jugement critiqués conformément aux dispositions des articles 562 et 901 du code de procédure civile.

En application de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

En l'espèce, la déclaration d'appel déposée par [S] [E] mentionne : 'objet de l'appel : appel limité aux chefs du jugement expressément critiqués :', mention suivi de l'indication des dispositions précises du jugement qu'elle critique.

Cet acte mentionne ainsi les chefs du dispositif du jugement critiqué et opère donc la dévolution sur ces points.

La déclaration d'appel est donc régulière.

Il y a lieu ainsi de rejeter les demandes de la société intimée tendant à obtenir la nullité de la déclaration d'appel et à constater que la cour n'est saisie d'aucune demande.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de professionnalisation aux torts de l'employeur

La salariée conclut à la résiliation judiciaire du contrat de professionnalisation aux torts de l'employeur en raison du harcèlement moral subi de la part du docteur [F] de par son management inapproprié à son égard se manifestant par des humiliations en public et des menaces de licenciement alors qu'elle était en formation, qui ont fini par la plonger dans un état d'anxiété et dépressif. Elle soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en n'organisant pas d'enquête face à son signalement d'une dégradation de ses conditions de travail.

La société conclut au débouté des demandes de [S] [E] en faisant valoir que celle-ci ne présente pas de faits précis au soutien du harcèlement moral allégué et se contente de procéder par voie d'allégations ; que celle-ci ne respectait pas les règles d'hygiène inhérentes à son poste et avait une attitude inappropriée envers ses collègues, malgré trois avertissements écrits ; qu'il n'existe pas de lien entre son état de santé et ses conditions de travail ; qu'aucun manquement à l'obligation de sécurité n'est établi.

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.

Il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce.

La date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

Au soutien du harcèlement moral, la salariée produit :

- une lettre datée du 30 novembre 2020 adressée à l'employeur aux termes de laquelle elle indique être l'objet de menaces de licenciement de sa part et être dénigrée dans son travail, et que ces agissements ont entraîné une dépression, mettant l'employeur en demeure de respecter ses obligations et de l'indemniser pour le préjudice subi et lui proposant d'entamer la procédure de rupture d'un commun accord du contrat à durée déterminée ;

- une lettre de réponse du docteur [F] datée du 23 décembre 2020, rédigée en des termes neutres, indiquant ne faire aucun commentaire sur les allégations mensongères proférées à l'encontre de son tuteur dans sa lettre du 30 novembre 2020, rappelant que par lettre du 10 décembre 2020 il a été pris acte de sa demande de mettre fin au contrat qui a été acceptée et qu'il lui a été proposé un rendez-vous pour organiser les modalités administratives, que par sms reçu le 15 décembre 2020, elle a confirmé sa volonté de rupture anticipée d'un commun accord du contrat mais n'a pas répondu à la demande de rendez-vous, et lui proposant de fixer au 18 janvier 2021 la date de fin du contrat ;

- une attestation datée du 2 juin 2021 rédigée par [I] [G], collègue de la salariée jusqu'au 4 août 2020, en des termes vagues et non circonstanciés, ne rapportant aucun fait précis et daté de la part du docteur [F] à l'encontre de la salariée dans le cadre de son exercice professionnel dont elle aurait été témoin;

- un certificat médical de son médecin traitant, le docteur [L], daté du 18 décembre 2020 indiquant que [S] [E] lui a indiqué être en conflit avec son employeur et qu'elle se plaint d'injustice au sein de son travail entraînant de l'anxiété et des troubles du sommeil selon elle et qu'à l'examen, la patiente est anxieuse, le reste de l'attestation étant illisible, étant relevé que ce praticien n'a effectué aucune constatation quant aux conditions de travail de l'intéressée et qu'aucun lien ne peut donc être établi entre l'état de santé de celle-ci et ses conditions de travail.

Force est de constater que [S] [E] ne présente pas de faits précis au soutien de son allégation de harcèlement moral de la part de son employeur. Dans ces conditions, le harcèlement moral n'est pas établi.

Les éléments produits aux débats ne démontrent pas plus un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, étant relevé que la salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 26 novembre 2020, n'a plus été présente à son poste à compter de cette date dans la société et a elle-même sollicité une rupture anticipée du contrat de professionnalisation.

Aucun élément ne permet de retenir que l'employeur aurait commis un ou des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

[S] [E] sera déboutée de toutes ses demandes, comme retenu par les premiers juges. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

[S] [E] sera condamnée aux dépens d'appel. Il ne sera pas fait droit à la demande de la société au titre des frais irrépétibles eu égard à la situation économique des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

REJETTE la demande tendant à faire constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et que la cour n'est pas saisie,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE [S] [E] aux dépens d'appel,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00742
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;22.00742 ?
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