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17/05/2023 | FRANCE | N°21/04448

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 17 mai 2023, 21/04448


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 61B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 MAI 2023



N° RG 21/04448 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUJG







AFFAIRE :



S.A. MMA IARD



C/



S.A.S.U. DOREL FRANCE

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2015J02473



Expéditions exécutoires


Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Stéphanie TERIITEHAU



Me Martine DUPUIS



TC CHARTRES











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 61B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 MAI 2023

N° RG 21/04448 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUJG

AFFAIRE :

S.A. MMA IARD

C/

S.A.S.U. DOREL FRANCE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2015J02473

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU

Me Martine DUPUIS

TC CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. MMA IARD

RCS Le Mans n° 440 048 882

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et Me Guillaume BRAJEUX et Me Iris VÖGEDING du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J040

APPELANTE

***************

S.A.S.U. DOREL FRANCE

RCS Angers n° 300 299 765

[Adresse 9]

[Localité 3]

AIG EUROPE SA venant aux droits d'AIG Europe Limited prise en son étabissement principal en France sis [Adresse 1]

RCS Nanterre n° 838 136 463

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Laurence PENAUD substituant à l'audience Me Brigitte BEAUMONT de la SELARL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A372

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 janvier 2023, Monsieur François THOMAS, Président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT

Exposé des faits

Le 1er février 2010 vers 8h25, Mme [B] a été victime d'un accident de la route alors qu'elle circulait sur la route départementale 939 dans le sens [Localité 5] - [Localité 6] ; elle transportait ses deux filles [W], 4 ans (à l'arrière droit) et [Z], 8 mois (à l'arrière gauche).

A la sortie d'une courbe à gauche, Mme [B] a perdu le contrôle de son véhicule, qui a fait un tête-à-queue, a heurté le fossé, a effectué plusieurs tonneaux, avant de s'immobiliser dans un champ.

L'enfant [Z] a été éjectée avec son siège bébé hors du véhicule. Elle était retrouvée hors de son siège à quelques mètres du véhicule. Elle a subi un traumatisme crânien grave et en a conservé des lésions. En 1ère instance, son état de santé n'était pas consolidé.

Les constats effectués après l'accident se sont concentrés sur le siège bébé dans lequel elle était installée. Ce siège, dénommé 'ELLIOS Safe Side', est fabriqué par la société Dorel France et commercialisé sous sa marque 'Bébé Confort'.

La société MMA Iard (MMA), assureur de Mme [B], a mis en cause ce siège.

Par ordonnance du 19 février 2013, M. [O] [V] a été désigné comme expert judiciaire aux fins d'investigations sur le siège et sur le véhicule ; il a déposé son rapport le 17 décembre 2014.

Le véhicule ayant été volé alors qu'il avait été confié à la garde de la société Cash Auto de Fontenay sur Loing, comme établi par procès-verbal de constat du 8 juillet 2013, il n'a pu être examiné par l'expert judiciaire.

Par acte du 11 mars 2015, la société MMA a fait assigner la société Dorel France (Dorel), et la société AIG Europe Limited (AIG) devant le tribunal de commerce de Chartres.

Les sociétés Dorel et AIG ayant contesté les conclusions de l'expert, le tribunal de commerce de Chartres a, par jugement avant dire droit du 2 août 2017, ordonné une contre-expertise et désigné M. [P] [L], lequel a déposé son rapport le 31 juillet 2019.

Par jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce de Chartres a :

- débouté la SA MMA Iard de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu de surseoir a statuer,

- condamné la SA MMA Iard à payer aux sociétés Dorel France et AIG Europe Limited, in solidum, la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les entiers dépens à la charge de la SA MMA Iard, en ce compris les 121.036,20€ relatifs à l'expertise réalisée par M. [V]. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 104,52€ TTC, en ceux non compris les frais de signification du jugement et de ses suites s'il y a lieu,

- dit que la compagnie AIG Europe Limited gardera à sa charge les 55.147 € de l'expertise réalisée par M. [L].

La société MMA a interjeté appel du jugement.

Prétentions des parties

Par dernières conclusions du 30 mars 2022, la société MMA demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a:

- Dit que la Compagnie AIG Europe SA gardera à sa charge les 55.147 € de l'expertise réalisée par M. [L],

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Débouté la SA MMA Iard de ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

- Condamné la SA MMA Iard à payer aux sociétés Dorel France et AIG Europe SA, in solidum, la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Laissé les entiers dépens à la charge de la SA MMA Iard, en ce compris les 121.036,20 € relatifs à l'expertise réalisée par Monsieur [V],

Et, statuant à nouveau :

- Juger que le siège Elios Safe Side dans lequel était installée la victime, [Z] [X], lors de l'accident survenu le 1er février 2010, comporte un défaut de sécurité,

- Juger que ce défaut de sécurité est la cause exclusive du dommage corporel subi par [Z] [X],

- Juger la société Dorel France responsable du préjudice causé à [Z] [X] par le défaut de sécurité du siège Elios Safe Side,

- Juger que la SA MMA Iard a indemnisé une première partie du préjudice en sa qualité d'assureur du véhicule accidenté à hauteur de 244.562,13 €, sauf à parfaire,

- Juger que la victime n'est pas consolidée,

Par conséquent,

- Condamner la société Dorel France et son assureur, AIG Europe SA, in solidum à payer à la SA MMA Iard la somme de 244.562,13 €, sauf à parfaire,

- Surseoir à statuer sur le préjudice définitif dans l'attente de la consolidation de la victime,

- Débouter la société Dorel France et son assureur AIG Europe SA de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SA MMA Iard,

- Juger que le délai de péremption est suspendu à compter du jugement prononçant le sursis à statuer et jusqu'à la date de la consolidation de la victime,

- Condamner la société Dorel France et son assureur, AIG Europe SA, in solidum à payer à la SA MMA Iard la somme de 176.853,60 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Dorel France et son assureur, AIG Europe SA, in solidum au paiement des entiers dépens, et notamment des frais d'expertise de M. [V] pour un montant total de 121.036,20 €, dont distraction au profit de la Selarl Minault Teriitehau agissant par Maître Stéphanie Teriitehau Avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 10 novembre 2022, les sociétés Dorel et AIG demandent à la cour de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Chartres du 23 juin 2021, sauf en ce qu'il a laissé à la charge de la société AIG Europe SA les frais de l'expertise de M. [L] d'un montant de 55.147 €,

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société AIG Europe SA gardera à sa charge les 55.147 € de l'expertise réalisée par M. [L],

Et, statuant à nouveau,

- condamner la société MMA Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais de l'expertise de M. [L] avancés par la société AIG Europe SA pour la somme de 55.147 €,

Y ajoutant,

- condamner la société MMA Iard à payer aux sociétés Dorel France et AIG Europe SA la somme complémentaire de 25.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- débouter par suite la société MMA Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Dorel France et de son assureur AIG Europe SA,

A titre subsidiaire,

- déclarer que les blessures subies par l'enfant [Z] [X] sont consécutives à son éjection du siège auto en raison d'un défaut de serrage du harnais de maintien lors de son installation dans le siège auto,

- déclarer qu'elles sont donc sans lien causal avec un prétendu défaut de conception du siège Elios Safe Side,

- débouter par suite et de plus fort, la société MMA Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre des sociétés Dorel France et AIG Europe SA,

A titre très subsidiaire,

- débouter la société MMA Iard de ses demandes indemnitaires et de sursis à statuer,

En tout état de cause,

- condamner la société MMA Iard à payer aux sociétés Dorel France et AIG Europe SA, la somme de 50.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais de l'expertise de M. [L] avancés par la société AIG Europe SA pour la somme de 55.147 €.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la demande principale

La société MMA rappelle que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, la défectuosité s'entendant d'une dangerosité anormale ou d'une absence de sécurité normale. Elle ajoute que le défaut de sécurité ne peut être écarté du fait de l'existence d'une autorisation de mise sur le marché du produit, qu'il est indifférent que le fabricant ait eu conscience ou non des risques du produit, que la preuve peut être rapportée par des présomptions graves, précises et concordantes.

Elle rappelle que le siège enfant a été expulsé hors du véhicule, qu'il importe d'en déterminer la cause, et ajoute que les recherches ont montré que l'éjection du siège résulte d'un défaut de conception, le mauvais attachement du siège n'étant pas établi.

Elle affirme que l'éjection est due à la rupture de la patte latérale gauche du siège, ce qui a libéré la ceinture de sécurité et, le siège n'étant plus maintenu, a entraîné son expulsion.

Elle cite l'expertise de M. [V], qui a conclu à la présence de défauts de conception, et conteste celle de M. [L], qui a conclu à l'absence de vice sur le siège. Elle avance que lors des tests la sangle dorsale s'est libérée très facilement, qu'elle glisse sans difficulté à travers le dispositif de retenue arrière du siège enfant, permettant au siège de se libérer de la sangle, de bouger dans le véhicule et d'être expulsé, de sorte que lorsque la sangle est un peu relâchée, le siège n'est pas maintenu dans des conditions assurant la sécurité de l'enfant. Elle écarte les observations faites sur le mouvement du siège placé à l'avant lors du test, et s'étonne que les constats résultant de ce crash-test aient été écartés par M. [L], lequel considère que le siège arrière gauche n'a pas été éjecté de la voiture. Elle rappelle que la sangle avait bien été passée par les guides sangle inférieur et supérieur, qu'il est secondaire de savoir si Mme [B] avait passé la sangle dans la pince arrière, l'expert [L] retenant cet élément pour écarter ces constatations après avoir accepté cette hypothèse.

Elle affirme que le crash-test a démontré que le siège arrière gauche n'était pas maintenu alors qu'il avait été correctement installé, et que les efforts exercés par le siège bébé sur la sangle dorsale se font en extension de la sangle, et non en ravalement, et que l'éjection du siège constitue évidemment une anomalie.

Elle soutient que les pattes latérales du siège ont subi des efforts multidirectionnels, qu'elles ont été fortement sollicitées lors de tonneaux, et relève que ce modèle de siège n'est plus commercialisé et que les modèles plus récents présentent des pattes latérales plus robustes.

Elle rappelle avoir proposé de faire réaliser une étude complémentaire refusée par M. [L] alors qu'elle était parfaitement réalisable, ce qui révèle le parti pris de cet expert.

Elle précise que la réglementation alors en vigueur ne prévoyait pas de tests correspondant à des tonneaux, que l'homologation du siège ne permet pas à la société Dorel d'échapper à sa responsabilité. Elle ajoute que ce siège a déjà été impliqué dans des accidents, que son installation est délicate, l'expert [V] concluant à un défaut de sécurité du siège qu'elle relève.

Elle avance que le crash-test constitue un élément de preuve supplémentaire du défaut de conception du siège, au vu notamment du dimensionnement insuffisant des pattes latérales, et que ce siège n'était plus conforme à la norme applicable dès 2005 mais qu'il a continué à être proposé à la vente après.

Elle précise que s'agissant d'un dispositif de sécurité, le siège doit protéger l'enfant dans des situations normales d'accident, que la situation de l'accident était tout à fait prévisible, et conclut que le siège ne présentait pas la sécurité attendue du public.

S'agissant du prétendu défaut d'attachement du siège par Mme [B], elle souligne que la responsabilité du fait des produits est une responsabilité de plein droit, qu'il appartient au fabricant de démontrer une cause exonératoire, ce d'autant que les observations de l'expert [V] confirment le fait que Mme [B] avait bien passé la ceinture dans le passage du dos du siège. Elle ajoute que ce point ne présente pas beaucoup d'importance en cas de tonneaux, et affirme que l'hypothèse retenue par l'expert [L] d'un mauvais arrimage du siège est une pure affirmation.

Elle précise qu'il n'y a aucun doute sur le fait que les blessures graves subies par l'enfant [Z] ont été directement causées par la rupture du passant latéral du siège, qui a permis que ce siège se libère, révélant un défaut de conception antérieur à l'accident de sorte que le siège présentait un manque de sécurité inhérent, indépendamment des circonstances de l'accident.

Elle souligne que le siège n'aurait jamais dû être expulsé du véhicule.

Les sociétés Dorel et AIG indiquent que la simple imputabilité du dommage au produit en cause, comme son implication, ne suffit pas à établir son défaut, et critiquent le fait pour la société MMA de ne se fonder que sur l'expertise [V] en ignorant les conclusions contraires de l'expert [L]. Elles rappellent que le siège était conforme à la réglementation en vigueur, qu'il permet de résister en cas de choc frontal, de renversement, de tonneaux, et que les deux experts ont indiqué qu'il était conforme au dossier d'homologation et ne présentait pas de défaut de fabrication.

Elles présentent le siège Elios Safe Side, positionné dos à la route, s'installant dans le véhicule grâce au système de ceinture de sécurité trois points, et font état de la simplicité de sa mise en place. Elles précisent qu'un tel dispositif de retenue pour enfants (DRE) continue d'exister et est largement répandu, même si la société Dorel a arrêté la production de ce siège. Elles déclarent que les guides-sangle latéraux ne sont pas un dispositif de fixation du siège dans le véhicule, contrairement à ce que retiennent la société MMA et l'expert [V], mais n'ont pour fonction que de guider la sangle de sécurité trois points autour du siège bébé, lequel est maintenu par la ceinture de sécurité.

Elles affirment que les guides-sangles permettent au siège d'être adapté à la géométrie de l'habitacle, et qu'il est essentiel que la sangle soit correctement installée, ce qui n'était pas le cas, puisque la sangle n'était pas passée dans le guide-sangle supérieur droit et qu'un point de retenue n'était pas en place. Elles avancent que l'expert [V] est parti du postulat d'une insuffisance de dimensionnement des guides-sangle latéraux, et relèvent l'absence de traces d'abrasion au niveau de la partie haute du siège, ce qui n'aurait pas été le cas si la sangle avait été passée en diagonale à l'arrière du siège.

Elles indiquent que selon l'expert [L], les circonstances de l'accident expliquent le découplage du siège enfant des moyens de retenue et son éjection du véhicule, cet expert étant formel pour retenir que la déformation des ailettes des guides sangle latéraux est incompatible avec un effort latéral mais correspond à un chargement frontal expliqué par les conditions de sortie de route, les déformations du véhicule et l'empreinte laissée dans le champ. Elles relèvent notamment que l'expert [L] a conclu que seul un chargement à dominante longitudinale peut déformer en même temps les ailettes gauche et droite, et déduisent que le siège n'étant plus retenu, a alors été éjecté du véhicule par la portière arrière gauche. Elles affirment que l'éjection n'a été possible qu'en raison de la mauvaise installation du siège dans le véhicule, soit le défaut de passage de la sangle de la ceinture de sécurité dans le guide-sangle supérieur droit, le siège ayant été mal installé par Mme [B].

Elles avancent que le crash-test, s'il ne peut représenter l'accident en cause, montre que le siège correctement installé remplit son rôle en assurant un couplage avec le véhicule, mais qu'il n'était pas possible de reproduire les conditions de l'accident, ce qui a incité l'expert [L] à ne pas poursuivre les tests en ce sens.

Elles rappellent l'étonnement de cet expert sur l'absence de traces au niveau du guide-sangle supérieur droit et de la pince pivotante au milieu de l'arrière du siège, l'amenant à conclure à une incohérence des déclarations de Mme [B] et à une mauvaise installation du siège.

Elles concluent à l'absence de défectuosité du siège, et à la confirmation du jugement.

Subsidiairement, elles écartent l'existence d'un lien de causalité, les blessures de l'enfant s'expliquant par son éjection, due à un serrage insuffisant du harnais de maintien.

*****

L'article 1386-1 alors applicable du code civil, devenu 1245, prévoit que 'le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime'.

Selon l'article 1386-4 du code civil (désormais 1245-3) :

'Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation'.

L'article 1386-9 (désormais 1245-8) indique que 'le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage' et l'article 1386-10 que 'le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative'.

Enfin, l'article L.221-1 du code de la consommation, dans sa version alors applicable, précise en son 1er alinéa que 'les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes'.

La simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son défaut au sens des articles 1386-1et suivants du code civil ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage.

En matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage. Dès lors, il lui incombe d'établir, outre que le dommage est imputable au produit incriminé, que celui-ci est défectueux. Cette preuve peut être rapportée par des présomptions pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes.

*****

La synthèse des faits figurant dans la procédure établie par la gendarmerie nationale à la suite de l'accident indique qu' 'à la sortie d'une courbe à gauche, sur une chaussée verglacée, au PK 12+600, la conductrice perd le contrôle de son automobile qui se déporte en raison d'une vitesse excessive sur la droite. La voiture franchit l'accotement herbeux puis atteint le fossé. Déséquilibré par la cavité formée par le fossé, le véhicule Opel Astra effectue plusieurs tonneaux dans le champs. Au cours de ces rotations, la porte arrière gauche s'ouvre et le cosy, occupé par [X] [Z], est éjecté de l'habitacle. Le bébé et le cosy sont retrouvés dans le champs, entre le véhicule et la chaussée...'.

Trois personnes, témoins de l'accident, ont indiqué que la route était glissante, dont la conductrice d'un véhicule que venait de dépasser Mme [B] avant l'accident, cette conductrice déclarant qu'elle-même roulait à 90 km/h selon son régulateur. Mme [B] a estimé sa vitesse à 100 km/h.

Les gendarmes ont constaté que la porte arrière gauche était ouverte, la présence d'un siège auto pour enfant sur le siège arrière droit mais pas sur le siège arrière gauche, sur lequel était fixé le cosy, relevant que la ceinture de sécurité était verrouillée. Ils ont également noté, sur chacune des parties droite et gauche du cosy, la présence d'une patte de fixation en plastique, permettant le passage de la ceinture de sécurité, patte cassée de chaque côté avec une trace de pliure blanche sur leur largeur révélant qu'une contrainte s'est exercée. Ils ont aussi mentionné que le polystyrène avait été cassé, et avait subi une déformation à plusieurs endroits.

Par procès-verbal de constat du 19 avril 2011, Me [M] huissier de justice a constaté que le penne de la ceinture arrière gauche du véhicule était inséré dans la gâche et que la ceinture était nouée autour du montant de la portière, que la sangle arrière gauche présentait des plis et traces d'arrachement, et que chacune des sangles arrières présentait des traces d'abrasion.

De même, M. [J], consultant en accidentologie intervenant sur demande de la société MMA, a relevé que le siège dispose de deux guides de passage de sangle de chaque côté ainsi qu'à l'arrière du DRE, que le guide du côté droit est déformé et que l'une des pattes est ouverte vers l'extérieur, de même que le guide du côté gauche dont les pattes de fixation sont ouvertes vers l'extérieur (l'une des pattes est cassée), que les guides positionnés à l'arrière du DRE ne présentent pas de traces de déformation mais uniquement des traces de griffures.

Il a indiqué que deux installations étaient possibles pour placer le siège dos à la route, selon que la sangle de la ceinture du véhicule suit un cheminement sous ou sur le DRE, et que les dégâts observés des guides du DRE montrent que c'est la 2ème option qui a été mise en oeuvre.

Il a conclu que ses constatations étaient identiques à celles de la gendarmerie, c'est à dire que le DRE dans lequel était installé l'enfant a subi des déformations au niveau de ses guides de passage de sangle, que les pattes ont été sollicitées et que la sangle de la ceinture était passée dans ces guides lors de l'accident.

*****

Dans son rapport d'expertise judiciaire, M. [V], relevant que de nombreuses opérations et manipulations étaient nécessaires pour que le siège soit installé correctement, en a déduit que cette installation était compliquée et contraignante.

Il a précisé que le siège était installé tous les jours, matin et soir, à la même place. Mme [B] qui, le jour de l'accident, avait installé le siège avec l'enfant directement sur la banquette arrière, avait indiqué ne pas avoir rencontré de difficulté pour mettre la ceinture dans le passant supérieur.

Il a aussi relevé, d'après les clichés photographiques, que la ceinture de sécurité arrière gauche 'où le siège bébé était attaché est toujours verrouillée, le brin diagonal de la ceinture est détendu sur le dossier de la banquette et la ceinture verrouillée'.

Il a expliqué que les deux portières côté gauche s'étaient très vraisemblablement ouvertes au même moment, lors des tonneaux, suite à la déformation de l'habitacle résultant de la retombée du véhicule sur l'avant de l'arche gauche.

S'agissant de l'éjection du siège bébé, il a indiqué que le siège ne pouvant être immobilisé latéralement par le passant supérieur au dos - qui ne constitue pas un point fixe - le siège a basculé vers la gauche après l'ouverture de la porte arrière gauche, entrainant la mise en tension brutale du guide sangle gauche jusqu'à la rupture de la nervure et de la patte avant. Ces ruptures ont libéré le siège du guide sangle latéral gauche et, le siège n'étant plus maintenu par tous les points de liaison de la sangle, le siège s'est échappé du guide-sangle supérieur ('peut-être éventuellement facilité, éventuellement, par une mauvaise mise en place de la sangle dans le passant supérieur car il ne porte pas de signe important de dommage').

L'expert a relevé une incertitude sur le fait que l'enfant a été retrouvé hors du siège, selon Mme [B], alors que deux témoins ont indiqué que le bébé se trouvait dans le siège. Selon lui, le fait que le bébé soit sorti de son siège laisse supposer que la sangle du harnais n'était pas suffisamment tendue pour faire face aux sollicitations de l'accident.

Les examens en laboratoire n'ont pas relevé d'anomalie du matériau, le polypropylène ; l'expert a relevé que les passants des guides-sangle présentent une faible résistance aux sollicitations transversales, et que la société Dorel avait diffusé le résultat d'un essai avec rupture d'un passant latéral en n'installant pas la sangle diagonale, ce qui confirme l'importance de l'installation du siège.

Il a indiqué qu'un doute pouvait subsister sur le fait que la sangle n'ait pas été totalement engagée dans les deux pattes du passage supérieur car l'introduction de la sangle est peu aisée. Il a ajouté qu'en cas de tonneaux, le passage de la sangle dans ce passage supérieur ne pouvait retenir ou immobiliser le siège sur la banquette, ce qui réduit l'intérêt de la question sur ce point de passage, la sangle pouvant se dégager de ce passage en cas de tonneaux.

Il a observé que le guide-sangle frontal en partie supérieure ne présente pas de signe d'endommagement particulier, à part quelques marques d'usage.

Il a estimé que la conception générale du siège en cause induisait une installation difficile, que des améliorations auraient pu être apportées quant au positionnement des guides-sangle latéraux, lesquels sont sollicités en cas d'effort latéral, leur fonction ne pouvant pas alors être celle de 'simple guide'. Il a ajouté que les passants des guides-sangle étaient trop minces, fragiles, pour résister aux efforts transversaux. Selon lui, en cas de tonneaux, le guide-sangle haut du dos du siège ne peut constituer un point fixe immobilisant latéralement le siège, qui n'était alors pas retenu.

Il a souligné que les passages de sangle autour du siège sont désignés par la société Dorel comme des 'guides-sangle', selon le règlement européen R44/03, alors qu'ils constituent des points de retenue du siège dans le véhicule et sont sollicités en cas de choc transversal, ce qui induit de les dimensionner en conséquence. Il a relevé que, selon les analyses de laboratoire, la rupture de nervure était due à un effort de traction latéral et non longitudinal.

Il a conclu qu'à l'évidence un dimensionnement plus robuste des passants et une géométrie plus simple empêchant le dégagement de la sangle, auraient permis de supprimer la faiblesse des passants. Il a relevé le manque de robustesse des guides-sangle, le dispositif n'offrant pas les garanties de sécurité attendues en cas de tonneaux même si le montage est régulier.

*****

Lors de sa 1ère réunion d'expertise judiciaire, M. [L] indique avoir recueilli les positions des parties et fait part d'un début de scénario d'accident pouvant expliquer les déformations du véhicule et l'éjection du siège, ainsi que de son étonnement de l'absence de marquage sur le guide-sangle supérieur et la coque du siège alors que le chemin de sangle est supposé passer par ce guide. Il a exprimé ses doutes sur la configuration d'essai proposé, non représentatif de l'accident, en relevant notamment que l'accident de Mme [B] était 'multidimensionnel avec une séquence cinématique complexe dans les trois dimensions'.

Il a indiqué que les parties s'accordaient sur le fait que l'enfant avait été retrouvé à côté du siège, lui aussi en dehors du véhicule. Il a noté que selon la société Dorel la sangle était absente du guide-sangle supérieur, qui ne porte pas de trace, la société MMA n'expliquant pas l'absence de trace sur la coque et sur les guides-sangle arrière du siège.

Il a retenu que 'le véhicule avait été soumis à des chocs multiples mais peu sévères en termes d'accélération et d'intrusion, typiques d'une configuration à cinématique de retournement'. Il a relevé, à l'examen du siège, que l'assise (partie inférieure) avait été anormalement sollicitée, alors que le dossier (partie supérieure) ne montrait aucune trace de sollicitation. Ainsi les ailettes des guides-sangle inférieurs ont été déformées, avec des traces de frottement visibles, ces ailettes ayant été principalement sollicitées par un effort tranchant dans le sens longitudinal ; ces observations sont concordantes et correspondent à une surcharge de l'assise (partie basse du siège) avec absence de maintien supérieur lors d'une sollicitation principale de type longitudinal.

Il a observé que lorsque le siège est correctement installé (avec chemin de sangle dorsale), en cas de sollicitation frontale en position dos à la route, c'est le dossier du siège via la sangle dorsale qui reçoit la majorité voire l'intégralité des efforts d'inertie, la sangle dorsale participant à maintenir le siège dans sa position d'origine tout en permettant à la sangle ventrale d'être efficace en cas de sollicitations transverse et verticale. Si le siège est mal installé (sans sangle dorsale), lors d'une sollicitation frontale en position dos à la route, 'l'effort s'exerçant sur l'assise est beaucoup plus important mais ne peut empêcher l'accélération du siège vers l'avant entrainant la déformation des ailettes de guidage et la rupture de la coque en polystyrène sous la contrainte initiée par l'intériorisation de la coque... la cinématique du siège n'est plus contrôlée, il se trouve découplé du véhicule et son éjection s'en trouve facilité suivant les sollicitations à venir'.

L'expert a retenu que lors de la sollicitation longitudinale, la partie supérieure (dossier) du siège enfant n'était pas retenue, ce qui a conduit à une surcharge de la partie supérieure (assise) et au découplage du siège du véhicule, tout en mentionnant que Mme [B] avait déclaré avoir passé la sangle dans le guide pince dorsal en plus du guide supérieur.

Analysant le déroulement de l'accident, il a exposé que faute de maintien dorsal, l'effet de retenue s'était concentré sur la sangle ventrale, que les ailettes de guidage non dimensionnées pour tenir l'effort s'étaient déformées sous l'avancée du siège, à la limite de la rupture. Il a observé que la force générée par la masse et l'accélération du siège vers l'avant se distribue sur l'assise et les deux ailettes des guides-sangle inférieurs, non prévues à cet effet, le mouvement du siège étant 'rendu possible par l'absence de sangle dorsale indispensable pour reprendre les efforts d'inertie du siège...et ainsi limiter son déplacement vers l'avant'.

Il a retenu que 'seule l'absence de sangle dorsale peut conduire à cette concentration de contraintes sur l'assise et les ailettes inférieures, conduisant aux déformations observées, que seul un chargement à dominante longitudinal peut déformer dans le même temps les ailettes gauche et droite'. Il a considéré que l'accident était impossible à reproduire en laboratoire.

Il a expliqué que le guide-sangle a des fonctions de guidage et de stabilisation de la sangle pour qu'elle s'appuie sur les parties rigides du siège, comme la clavicule et les ailes iliaques sur le corps humain, mais que, comme les ailettes, il n'a pas fonction à participer à la retenue du siège. Dans ses conclusions, il a indiqué que les ailettes n'étaient pas conçues pour assurer le couplage du siège au véhicule, que leur déformation n'était pas anormale quand le siège n'est pas installé suivant les conditions normales d'utilisation.

Il a fait part de ses doutes quant au respect des préconisations du constructeur et la façon dont était sanglé le siège au véhicule, en relevant que les contraintes lors de l'accident 'ne pouvaient réussir à libérer le siège du véhicule si la sangle de ceinture avait été correctement passée dans les guides appropriés et en particulier le guide supérieur qui permet à la sangle de retenir le dossier au siège. Ceci est d'autant plus vrai que Mme [B] aurait également passé la sangle de ceinture dans le guide pince dorsal qui a la particularité ... de bloquer la sangle'.

Il présente le crash test comme un essai 'de recherche' sans cohérence accidentologique. Trois sièges étaient présents dans le véhicule lors de ce test ; l'un était correctement sanglé, pour un deuxième la ceinture dorsale passait par le guide supérieur droit mais pas par le guide milieu dorsal, pour le troisième la sangle dorsale n'était pas positionnée ; lors du crash test, le 2ème se serait trouvé éjecté en l'absence d'une sangle de retenue, et le 3ème est tombé au sol.

L'expert a indiqué, s'agissant du 2ème, que les ailettes des passages inférieurs avaient été cisaillées, qu'en l'absence de contrainte sur le guide-sangle supérieur la sangle avait échappé lors de la chute, que le siège bébé n'avait pas été éjecté du véhicule mais était simplement tombé de celui-ci. Il a estimé qu'il s'agissait d'une configuration non représentative de l'accident, avec le blocage de la fonction 'avalement' de la sangle.

*****

La cour partage l'avis de M. [L] quant au fait que le crash test, s'il permet d'appréhender certains mouvements du siège en cause provoqués par un choc, ne peut être considéré comme une reconstitution d'accident, le choc frontal à 45 km/h réalisé avec un véhicule sans portière n'étant pas représentatif de l'accident avec tonneaux subi par Mme [B] et les enfants ; l'expert [L] précise en outre qu'il avait accepté un jeu dans la sangle du siège arrière gauche pour représenter le retard d'avalement de la sangle, mais que ce jeu n'était pas représentatif car l'enrouleur avait des capacités d'avalement extrêmement rapide, et que dans ces conditions il n'avait pu avaler le jeu de la sangle et limiter son déplacement.

Aussi, si s'agissant du siège fixé par trois points (deux guides-sangle inférieurs et le guide-sangle supérieur), le test montre que la sangle a échappé au guide supérieur, l'expert a indiqué qu'il ne pouvait conclure sur la cinématique de ce siège en l'absence d'avalement de la sangle. Si l'appelante critique ces observations, elle ne justifie pas que le ravalement de la ceinture n'aurait pas modifié le comportement du siège.

Par ailleurs, si la société MMA conteste le fait que le siège monté lors du crash test à l'avant gauche représente le mieux le comportement d'un siège correctement attaché, du fait de l'espace réduit du siège avant, ce siège était sanglé au véhicule par le passage de la sangle dans les deux guides-sangle inférieurs, dans le guide supérieur et dans la pince dorsale, soit ainsi que l'a revendiqué Mme [B], et le système de retenue a alors joué son rôle, même si en fin de course la planche de bord a pu l'aider.

Le rapport [V] a retenu un défaut de conception du siège bébé en cause, du fait notamment d'une installation délicate, nécessitant une attention soutenue pour les passages de sangle autour du siège. Cependant, un tel défaut ne sera pas retenu, car les deux parties considèrent dans leurs écritures que l'installation du siège est simple et Mme [B], qui a indiqué utiliser le siège tous les jours matin et soir, a aussi qualifié son montage de simple et précisé que l'installation à bord était toujours facile et qu'elle n'avait jamais éprouvé de difficulté.

S'agissant de l'installation de l'enfant dans le siège, l'expert [V] a procédé à l'audition de Mme [B] et, se fondant sur ses déclarations et celles consignées par la gendarmerie, a retenu a priori qu'elle avait installé correctement le siège de l'enfant, tout en reconnaissant que les personnes entendues avaient pu se préparer à cette audition.

Cela étant, il a observé que les pattes des passants de sangle latéraux étaient pour l'une cassée (côté gauche) et pour une l'autre déformée (côté droit), ce qui montre qu'elles avaient été fortement sollicitées, la coque ne présentant pas d'autre dommage, et a aussi relevé que le passant supérieur droit ne présentait pas de signe particulier ou majeur d'endommagement. Il a relevé l'existence d'un doute sur le fait que la sangle, bien que totalement déroulée, n'était pas totalement engagée dans les deux pattes du passage supérieur, relevant que l'introduction de la largeur de la sangle n'y est pas aisée.

La différence de dommages subis par les passants latéraux et par le passant supérieur est à relever, les premiers ayant été nettement endommagés alors que le guide-sangle supérieur ne présente pas d'endommagement particulier.

Sur ce point, l'expert [V] indique lui-même qu'un doute peut subsister quant au passage de la ceinture dans le guide-sangle au dos du siège, tout en relevant que le guide présente toutefois un 'faible blanchiment témoignant d'une sollicitation et une déformation qui a pu se produire lors de l'accident. La faible déformation de la matière pourrait bien confirmer que la sangle était engagée dans le passage, peut-être n'était-elle pas suffisamment engagée'. Pour autant, il écrit également que 'le passant supérieur droit dans lequel la ceinture est normalement engagée ne présente pas de signe particulier ou majeur d'endommagement. Les rayures ou traces de coups observés correspondent à l'usage du siège mais ne constituent ni une usure, ni une abrasion'.

L'expert [L] a aussi noté l'absence de trace sur le guide-sangle supérieur, alors que les ailettes des guides-sangle inférieurs ont été déformées, et relève que la société MMA n'explique par l'absence de trace sur la coque et sur les guides-sangle arrière du siège utilisé par Mme [B].

Si le 1er expert avance qu'en cas de tonneaux le passage de la ceinture dans le guide-sangle supérieur ne peut pas retenir ou immobiliser le siège sur la banquette, le siège ayant tendance à basculer sur le côté ce qui réduirait l'importance de ce point, cette analyse n'est pas partagée par M. [L] pour lequel, dans l'accident multidirectionnel de Mme [B], l'énergie la plus importante dans le choc est longitudinale.

Son indication, selon laquelle il importe de veiller à rattraper les jeux de la ceinture afin de coupler au mieux le siège bébé au véhicule, de sorte qu'il faut bien tendre la ceinture, figure sur la notice d'utilisation du fauteuil (page 14, schéma 5), et notamment en page 4 'après avoir installé votre enfant, assurez-vous que la ceinture soit correctement tendue en tirant sur la sangle. Assurez-vous également que la sangle ne vrille pas'. Cet expert sera ainsi suivi lorsqu'il indique qu'à défaut, l'efficacité du ceinturage s'en trouve fortement altérée, et que le seul passage dans les 'guides-sangle' ne peut garantir un bon couplage du siège bébé au véhicule.

L'expert [L] a lui aussi observé que de fortes contraintes s'étaient exercées sur les ailettes des guides-sangle inférieurs, en notant que les guides-sangle supérieurs comme le passage arrière n'avaient pas ou très peu servis, relevant également que le dossier du siège ne portait pas de trace de sollicitation. L'absence de maintien dorsal auquel il conclut est de nature à provoquer un report de la charge de l'effort, lors du choc, sur les ailettes des guides-sangle de l'assise, provoquant leur déformation et leur rupture.

M. [L] conclut que 'seule l'absence de sangle dorsale peut conduire à cette concentration de contraintes sur l'assise et les ailettes inférieures, conduisant aux déformations observées, ... seul un chargement à dominante longitudinal peut déformer dans le même temps les ailettes gauche et droite'.

La société MMA ne fournit pas d'explication justifiant - au contraire des guides-sangle latéraux - l'absence de trace de frottement sur le guide-sangle supérieur, sur la coque plastique et le guide pince dorsal, alors que cet élément est de nature à établir que l'installation du siège n'était pas conforme aux préconisations d'installation, de sorte que sa retenue était insuffisamment garantie.

S'agissant du ceinturage de l'enfant dans le siège, l'expert [L] a indiqué qu'il fallait rattraper les jeux en tirant sur la sangle du harnais, à défaut de quoi la fixation est inopérante car l'enfant peut se désengager en partie supérieure ; selon l'expert [V], l'enfant s'est échappé de son harnais en passant très vraisemblablement entre les bretelles encadrant ses épaules, en relevant qu'il était évident que le harnais n'était pas assez serré.

Au vu de ce qui précède, et alors qu'il revient à la société MMA d'établir le défaut de sécurité ou de conception du siège, et le lien de causalité avec le dommage, il n'apparaît pas établi que le dommage subi provienne d'une défectuosité du siège, plutôt que d' un défaut de sanglage de l'enfant.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société MMA de sa demande principale.

Sur les autres demandes

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer.

Il avait condamné la société MMA au paiement des dépens, comprenant l'expertise réalisée par M. [V], mais laissé le coût de l'expertise réalisée par M. [L] à la charge de la société AIG. Il avait aussi condamné la SA MMA Iard à payer aux sociétés Dorel France et AIG Europe Limited, in solidum, la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de procéder à la réformation du jugement sur la prise en charge de ces frais.

Succombant au principal, il convient de condamner la société MMA au paiement des entiers dépens, comprenant les frais des expertises réalisées par MM. [V] et [L], en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile.

La société MMA sera également condamnée au paiement de la somme totale de 6.000 € au profit des sociétés Dorel et AIG Europe, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de 1ère instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement, sauf s'agissant des frais irrépétibles et dépens,

L'infirme de ces deux chefs,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société MMA au paiement des entiers dépens de 1ère instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise de MM. [V] et [L],

Condamne la société MMA à payer aux sociétés Dorel France et AIG Europe la somme totale de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de 1ère instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Madame Patricia GERARD, Greffier f.f, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/04448
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;21.04448 ?
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