COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 MAI 2023
N° RG 21/01302
N° Portalis DBV3-V-B7F-UPIR
AFFAIRE :
[F] [U]
C/
Société LABORATOIRES LEO
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de RAMBOUILLET
Section : E
N° RG : F19/00227
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sandrine ANNE
Me Christine LAVALLART-GUERRA
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX-SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, dont la mise à disposition a été fixée au 19 avril 2023, prorogée au 10 mai 2023, puis prorogée au 17 mai 2023, dans l'affaire entre :
Monsieur [F] [U]
né le 22 mars 1971 à Algérie
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Sandrine ANNE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 3
APPELANT
****************
Société LABORATOIRES LEO
N° SIRET : 572 208 122
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Christine LAVALLART-GUERRA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L097
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [U] a été engagé en qualité de responsable scientifique régional sur la région Paris-Est par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er juillet 2015, par la société Laboratoires Leo.
Cette société d'origine danoise, dont le nom commercial est Leo Pharma, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits pharmaceutiques. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale étendue de l'Industrie pharmaceutique .
Le 2 octobre 2016, le salarié a signé une fiche Job description précisant qu'il occupe le poste de 'Medical Science Liaison' (ci-après MSL) à la direction des affaires médicales sous la responsabilité directe du responsable des MSL.
Par avenant du 3 avril 2017 à effet du 1er mai 2017, l'employeur a confié au salarié une mission de Responsable Scientifique régional thrombose sur la région Thrombose Est [Localité 5] dans le cadre de la création d'équipes MSL spécialisées par aire thérapeutique.
Le 15 février 2019, l'employeur a notifié au salarié un avertissement.
A compter du 28 mars 2019, le salarié a été en arrêt de travail.
Par lettre du 10 avril 2019, le salarié a adressé à la directrice des ressources humaines une alerte « risques psychosociaux » (RPS) pour atteinte sur le travail, la santé et la dignité ainsi qu'aux membres du CSE, à l'Inspection du travail et au médecin du travail
Par lettre du 12 avril 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 24 avril 2019.
Le salarié a été licencié par lettre du 23 mai 2019 pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :
« Nous vous avons convoqué le 12 avril 2019 à un entretien préalable en date du 24 avril 2019 auquel vous ne vous êtes pas présenté.
Vous nous aviez indiqué par courrier du 17 avril que vous ne pourriez-vous rendre à cet l'entretien pour raison de santé en joignant un arrêt de travail sans restriction de sorties ainsi qu'un courrier du Docteur [V] précisant que vous ne pouviez venir à un entretien préalable.
Nous vous avions alors précisé par notre courrier du 19 avril que l'entretien préalable permet de recueillir vos explications et qu'il s'agit d'une garantie destinée à préserver les droits de la défense du salarié par le biais d'une discussion contradictoire en présence si vous le souhaitiez d'une personne de votre choix appartenant au personnel de l'entreprise qui vous assiste de sorte que vous n'êtes pas seul.
Afin de préserver ces droits, nous vous avions proposé de reporter votre entretien à une date ultérieure vous priant de bien vouloir prendre attache auprès de la Direction des Ressources Humaines afin de fixer une nouvelle date d'entretien si vous le souhaitiez ce que vous n'avez pas souhaité faire.
Nous vous notifions, par la présente, notre décision de procéder à votre licenciement pour les raisons suivantes :
Vous avez été engagé en qualité de Responsable Scientifique Régional au sein de LEO Pharma le 1er juillet 2015 sur la Région [Localité 5]-Est. Le 1er mai 2017, LEO Pharma vous a confié la mission de Responsable Scientifique Régional Thrombose sur la Région Nord Est. Votre fonction est rattachée au groupe 7 niveau B dans le système de classification des emplois en vigueur au sein de l'industrie pharmaceutique.
En tant que Responsable Scientifique Régional vous êtes le référent du département médical en Région et avez pour mission, dans votre domaine thérapeutique d'expertise, d'apporter une information scientifique et médicale en réponse aux demandes des professionnels de santé et de développer des partenariats scientifiques visant à optimiser la prise en charge des patients.
Rattaché au groupe 7 niveau B, vos activités requièrent une qualification caractérisée par l'étude et la résolution de problèmes complexes dans votre spécialité ainsi que la mise en 'uvre d'une politique au niveau de votre Région. Votre niveau B vous confère de surcroit un niveau d'expertise, d'autonomie et d'initiative important.
Préalablement à votre embauche chez LEO Pharma, vous aviez une expérience de 15 ans dans l'industrie pharmaceutique dont 6 ans sur des postes exclusivement scientifiques (Attaché scientifique, Référent scientifique, Attaché de recherche clinique, Consultant médico-scientifique, Médical scientifique Manager).
À la suite de votre entretien d'évaluation début 2017, vous avez été positionné en besoin d'amélioration par votre Manager ce qui signifie que la performance répond à la plupart des attentes du poste mais certains aspects essentiels sont légèrement inférieurs à ce qui est attendu pour le poste.
Il a été acté la mise en place d'un plan d'action pour vous permettre de développer certaines compétences qui étaient défaillantes.
Ces compétences étaient les suivantes : renforcement de la rigueur scientifique ; renforcement de la qualité de la communication (clarté des explications et impact du discours) ; préparation adaptée pour mieux maitriser l'ensemble des dossiers sur lesquels votre expertise est requise ; techniques de communication : « lâcher prise et admettre de ne pas tout savoir ».
Votre hiérarchie vous a également apporté son soutien en vous accompagnant dans le cadre de ce plan d'action mis en 'uvre au cours de l'année 2017 à l'issue de laquelle des progrès ont été constatés de sorte que lors de votre entretien annuel d'évaluation de début 2018 vous avez été positionné en bonne performance (conforme aux attentes du poste).
Au cours de l'année 2018, vous avez été laissé en plus grande autonomie pour mesurer les axes de développement travaillés en 2017.
Nous avons malheureusement constaté de manière récurrente tout au long de l'année 2018 et depuis le début de l'année 2019, vous manquez de rigueur et d'organisation, vous ne faites pas ou très peu d'activités médicales et vous ne collaborez pas avec vos collègues des fonctions transverses de manière efficiente. Ces derniers nous ont remonté ces derniers mois les grandes difficultés récurrentes qu'ils ont à travailler avec vous ; certains nous ayant fait part de votre attitude conflictuelle à leur égard, voire agressive à l'égard des professionnels de santé.
À la suite de votre entretien d'évaluation début 2019, vous avez été positionné en alerte car vous ne remplissez pas vos missions de manière satisfaisante et n'êtes pas au niveau des attentes du poste particulièrement concernant votre comportement, votre activité médicale, votre collaboration transverse avec les autres services et en termes de compliance. Vous aviez d'ailleurs fait l'objet d'un avertissement le 15 février 2019 pour un défaut de compliance concernant une opération médicale effectuée sans validation du département Règlementaire et de la non-conformité de vos notes de frais.
Nous vous avons proposé un nouveau plan d'action le 20 février 2019 afin de faire un point bimensuel avec votre hiérarchie concernant vos activités médicales vous demandant d'améliorer votre collaboration ainsi que votre communication avec vos collègues.
C'est dans ce contexte que vous avez été arrêté fin mars 2019 puis nous avez adressé le 12 avril 2019 à la direction, aux membres du CSE, à l'Inspection du travail et au médecin du travail un courrier dénonçant les atteintes que vous auriez subies concernant votre travail et votre dignité impactant votre santé au quotidien. Vous avez notamment fait état d'une surcharge de travail et de faits constitutifs selon vous de discrimination et humiliation.
Nous avons convoqué immédiatement les membres du CSE à une réunion extraordinaire qui s'est tenue le 19 avril 2019 afin qu'une enquête soit diligentée.
Vous avez bien évidemment été entendu dans le cadre de cette enquête de même qu'une dizaine de collaborateurs.
Il en ressort que les faits que vous avez invoqués n'ont été corroborés par aucune des personnes interviewées et qu'il n'existe ni surcharge de travail ni de faits constitutifs de discrimination ou humiliation.
Lors de la réunion du 21 mai 2019 afférente à la restitution de l'enquête, les membres du CSE ont à la majorité conclut à l'absence d'atteinte à votre travail et à votre dignité.
Malheureusement, nous sommes au regret de constater que malgré le soutien de votre hiérarchie pour vous aider à la résolution des difficultés rencontrées, vous n'avez pas réussi à remédier à vos manquements professionnels qui perdurent depuis le début de l'année 2018 ni à modifier votre comportement.
Sur votre manque récurrent de rigueur et d'organisation, votre défaut de prise en considération des consignes :
Nous regrettons un manque récurrent de rigueur et d'organisation dans vos missions.
A titre d'exemple, le Plan d'Action Régional Médical 2019, que vous avez présenté le 28 novembre 2018 à votre Manager manquait de précision sur les initiatives et les opérations à mettre en place. Certaines opérations présentées avaient eu lieu en 2017.
Or ce qui était demandé c'était un état des lieux des activités médicales 2018 réalisées en 2019. Votre hiérarchie vous a fait un retour le 10 décembre 2018 sur ce plan en listant toutes les mesures correctrices à y apporter.
Vous avez transmis une nouvelle version le 15 février 2019 ne prenant en compte que partiellement les corrections demandées. Votre Manager vous a demandé de lui renvoyer un plan intégrant ces corrections pour le 15 mars 2019. Le 27 mars 2019, vous avez renvoyé une troisième version de votre plan où vous maintenez les opérations de 2017.
Force est de constater que vous ne tenez pas compte des consignes et là où vos collègues arrivent à produire un plan conforme aux attentes après deux versions ; il vous faut trois, voire quatre versions pour arriver à un résultat approchant celui de vos collègues.
Lors de la préparation d'une Opération Médicale à [Localité 6] prévu pour le 25 Avril 2019, il vous a fallu 82 mails d'échanges, entre le 22 janvier et le 7 mars 2019, et la mobilisation de quatre services (DMOS, juridique, réglementaire, médicale) pour préparer le carton d'invitation de l'opération médicale. Votre manque de rigueur dans l'élaboration du programme scientifique a engendré la destruction de la première version de votre carton qui avait été tiré à 250 exemplaires. Comparativement à deux autres de vos collègues qui ont fait des opérations médicales sur la même période, il ne leur a fallu que 72 heures pour finaliser leurs cartons d'invitation.
Par ailleurs nous avons constaté que vous n'avez pas clôturé 3 des 4 RSSH faites en 2018 (6 décembre, 5 novembre, 19 octobre 2018). Vous n'avez pas non plus clôturé la RSSH du 12 février 2019.
Or, vous n'êtes pas sans ignorer qu'il vous appartient de procéder à la clôture de ces événements afin que notre service DMOS puisse transmettre aux autorités les avantages que les professionnels de santé perçoivent des laboratoires pharmaceutiques. En cas d'audit et à défaut de déclaration aux autorités, l'entreprise encourt des pénalités financières.
En outre, vos déplacements démontrent un manque flagrant d'organisation. Ainsi le 27 février 2019, vous indiquez dans votre activité sous le logiciel VEEVA être parti en déplacement trois jours dans l'Est pour rencontrer un seul médecin en face/face et avoir un seul contact téléphonique.
Il n'était à l'évidence pas nécessaire de prévoir un déplacement de trois jours pour voir un seul médecin et le contact téléphonique ne nécessitait pas davantage d'être sur place.
De la même manière au cours de l'enquête diligentée, vous nous avez indiqué être arrivé le jour de l'attentat de [Localité 6], (l'attentat a eu lieu le 11 décembre 2018 à 20h00), pour participer au congrès SFA. Or la SFA n'a commencé que le jeudi 13 décembre 2018. Votre activité ne démontre pas de rendez-vous en nombre suffisant nécessitant d'arrivée 36 heures à l'avance.
De manière superfétatoire, nous nous interrogeons sur la fréquence de vos déplacements dans l'Est pour des durées supérieures à vos activités médicales.
Sur votre activité médicale et notamment votre manque de collaboration transverse :
Le Laboratoire demande aux Responsables Scientifiques Régionaux de s'engager sur le terrain avec les experts clés (KOL) à hauteur de 60% de leur temps de travail effectif. Ce temps « terrain » intègre les événements médicaux tels que les RSSH, les OM et le temps de congrès.
A fin mars 2019, vous n'aviez passé que 49% de votre temps sur le terrain contre les 60% requis.
La moyenne de votre équipe est à 64%.
En 2018, vous n'avez mis en place aucune opération médicale sur l'ensemble de votre Région grand Est alors que vos collègues disposant des mêmes délivrables, documents et informations médicales ont réalisé en moyenne une quinzaine d'opérations médicales avec l'accord des professionnels de santé et sur sollicitation.
Votre Manager en 2018 nous a indiqué que votre décalage avec l'équipe était flagrant lors d'une présentation faite en séminaire et ce, même en tenant compte de votre retard sur vos saisies d'activité.
Votre manque d'activité médicale a en outre été confirmé à l'occasion de l'enquête lorsque nous avons évoqué la question d'une éventuelle surcharge de travail.
Un tel bilan n'est pas compensé par un nombre de rendez-vous expert plus important que le reste des membres de l'équipe.
Au cours de l'année 2018, vous avez effectué seulement 4 RSSH alors que vos collègues en ont réalisé en moyenne une dizaine.
De même vous vous abstenez de contacter certains experts clé (KOL) et de réaliser le suivi nécessaire auprès de ces derniers.
Les collaborateurs des fonctions transverses avec qui vous devez travailler en concertation se plaignent du fait que vous indiquiez à certains ne pas avoir de temps à leur consacrer, accaparé par d'autres projets médicaux en cours qui s'avèrent, en réalité, inexistants.
S'agissant plus particulièrement des équipes de vente, celles-ci nous ont fait part au cours de ces derniers mois d'un manque d'initiative chronique et persistant, parfois même pour une région depuis 2 ou 3 ans, à collaborer avec les Responsables sectoriels sur votre Région, comme devrait pourtant le faire un Responsable Scientifique Régional afin de monter les opérations à l'égard des professionnels de santé. Votre Management vous avait pourtant demandé de mettre en place des réunions d'échange avec le Directeur des Opérations territoriales avec un ordre du jour, afin de favoriser la collaboration, mais cela n'a jamais été fait.
De plus, certains de vos échanges sont conflictuels ou non appropriés. Pour exemple les mails du 26 octobre 2018 et du 25 mars 2019. Le 26 octobre 2018, vous envoyez un email à votre DOT visiblement mécontent des félicitations qu'il adresse à votre collègue pour sa RCP, employant des termes inappropriés. Le 25 mars vous êtes rappelé à l'ordre par le DOT de votre Région qui vous fait remarquer qu'il n'est pas approprié de mettre des smileys dans un email envoyé à un médecin qui de surcroît ne vous connaît pas. Vous lui répondez par des propos déplacés.
Il vous est arrivé également de vous emporter contre votre hiérarchie.
Cette absence de collaboration ce climat conflictuel ou en décalage par rapport à votre mission ne favorisent pas l'échange, la co-construction de projet commun et la mise en place d'Opérations en Région.
A cela s'ajoute un manque de clarté et de précision dans vos explications à l'égard des équipes de Responsables sectoriels qui se plaignent d'une carence de support de votre part.
Ce manque de collaboration transverse a également été confirmé par l'enquête.
Enfin, vous faites également preuve d'un comportement agressif sur le terrain qui nuit à l'image de marque de LEO PHARMA et a conduit à ce que vous ne puissiez plus intervenir auprès de certains professionnels de santé.
Ces manquements ont gravement entamé votre crédibilité essentiellement en interne mais également en externe.
Au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent nous ne pouvons que regretter votre désinvestissement et votre comportement nous conduisant à vous licencier pour insuffisance professionnelle.
Votre préavis d'une durée de quatre mois, et que nous vous dispensons d'effectuer, commencera à courir à compter de la date de première présentation de la présente ».
Le 5 novembre 2019, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet aux fins de requalification de son licenciement, à titre principal, en licenciement nul, à titre subsidiaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse, annuler l'avertissement du 15 février 2019, en remboursement des cartes d'abonnement Air France 2016 et 2017, en paiement du bonus de l'année 2018 et de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 19 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Rambouillet (section encadrement) a :
- constaté l'absence de nullité du licenciement de M. [U],
- constaté que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- constaté le bien-fondé de l'avertissement notifié le 15 février 2019,
- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,
- débouté la société Laboratoires Leo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,
- condamné M. [U] aux dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 3 mai 2021, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [U] demande à la cour de :
- l'accueillant en son appel,
- infirmer le jugement rendu le 19 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Rambouillet,
statuant à nouveau,
- au principal, juger que le licenciement par la société Laboratoires Leo est nul et de nul effet,
- annuler l'avertissement du 15 février 2019,
- condamner la société Laboratoires Leo à lui payer la somme de 100 000 euros toutes causes de préjudices confondus,
- à titre subsidiaire, juger que le licenciement par la société Laboratoires Leo est sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société Laboratoires Leo à lui payer la somme de 26 970 euros au titre de la perte de son emploi,
- juger que la procédure de licenciement a été vexatoire et brutale et qu'elle était l'origine de la dégradation de l'état de santé du salarié ;
en réparation,
- condamner la société Laboratoires Leo à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- annuler l'avertissement du 15 février 2019 et condamner la société Laboratoires Leo à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts,
en tout état de cause,
- condamner la société Laboratoires Leo à lui payer la somme de 7 475,01 euros à titre de rappel de bonus 2018, et la somme de 748 euros en remboursement des cartes d'abonnement Air France 2016 et 2017,
- condamner la société Laboratoires Leo à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, et aux entiers dépens de la première instance et d'appel.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Laboratoires Leo demande à la cour de:
à titre principal,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Rambouillet du 19 avril 2021 en ce qu'il a :
. constaté l'absence de nullité du licenciement de M. [U],
. constaté que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,
. constaté le bien-fondé de l'avertissement notifié le 15 février 2019,
. débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,
. rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
. condamné M. [U] aux dépens,
à titre subsidiaire :
- juger l'absence de nullité du licenciement de M. [U],
- juger que le licenciement de M. [U] pour cause réelle et sérieuse est parfaitement justifié,
- juger que l'avertissement notifié est bien-fondé,
en conséquence,
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens,
à titre infiniment subsidiaire,
- minorer significativement la demande d'indemnisation formulée au titre du licenciement prononcé,
- le débouter du surplus de ses demandes,
en tout état de cause
- condamner M. [U] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
MOTIFS
Sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable de l'année 2018
Le salarié expose qu'il a signé des objectifs de performance le 12 février 2018 et qu'il estime avoir réalisé ses objectifs à 80% et que sans justification de son niveau de gratification, il revendique le bénéfice d'une somme de 7 475,01 euros au titre du bonus de l'année 2018. Il explique que l'employeur n'a pas produit les éléments relatifs à l'appréciation de ses résultats pour l'année 2018.
L'employeur réplique qu'en dépit de son activité défaillante en 2018, le salarié réclame un bonus et lui reproche, à tort, ne pas avoir versé aux débats les documents relatifs à la non-réalisation de ses objectifs.
* *
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation (Soc., 22 octobre 2015, pourvoi n° 14-18.565 puis Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-19.711).
Le contrat de travail prévoit que le salarié bénéficie ' d'une opportunité de bonus de 1,5 mois résultant de l'atteinte d'objectifs individuels et collectifs versés au prorata temporis à compter de la date d'embauche et sous condition de présence au 31 décembre.'.
Au titre des objectifs fixés pour l'année 2017, l'employeur a remis au salarié la fiche 'Personal Development Dialogue' ( le PDD Form), datée et signée par le supérieur hiérarchique du salarié ainsi qu'une fiche 'Ojectifs Plan d'action A [U]' également datée et signée le 4 mars 2017. Une fiche ' Suivi Plan d'action A [U]' très détaillée, non datée et signée a également été remise au salarié et elle fait mention qu'elle a été élaborée ' six semaines après le début du plan', lequel a été 'mis en place le 9 mars dernier', soit le 9 mars 2017.
Lors de l'entretien de performance tenu le 12 février 2018 au titre de l'année 2017, l'employeur a analysé l'activité du salarié et a fixé les objectifs du bonus de l'année 2018.
L'employeur produit le PDD Form, la fiche Personal Development Dialogue, non daté et signé, ainsi qu'un courriel du 22 février 2019 de la directrice Médical France intitulé ' suivi d'entretien d'évaluation 2018" qui indique qu'à la suite de l'entretien du 20 février 2019, dont l'objectif était de rendre compte de l'activité du salarié en 2018, il a été décidé de mettre le salarié ' en alerte' pour toute l'année 2019.
L'employeur invoque dans ses conclusions qu'un entretien de mi-année PDD a été effectué entre le 1er juin et le 30 septembre 2018 comme bilan des 6 premiers mois de l'année 2018, ce qui ressort effectivement du document non daté et signé agrafé au compte rendu de performance de l'année 2017 fixant également les objectifs ' bonus' pour 2018.
Néanmoins, même en considérant que ce document agrafé au compte rendu d'évaluation du12 février 2018 est le PDD Form remis au salariéqui s'en prévaut en page 8 de ses conclusions à propos de la discrimination subie, l'employeur ne communique pas d' éléments suffisamment précis et 'exhaustifs' pour vérifier si les objectifs fixés pour toute l'année 2018 ont été atteints - ou non- par le salarié, la seule circonstance qu'un plan d'alerte général a été ordonné en février 2019 ne s'analysant pas en une étude circonstanciée des objectifs de toute l'année 2018.
En effet, l'employeur ne communique pas l'évaluation du salarié de l'année 2018 alors que celles des deux années précédentes portent sur plusieurs pages et sont très détaillées.
Pas davantage la pièce n° 20 du salarié, courriel du 26 février 2019 invoqué par l'employeur et relatif au plan d'action mis en oeuvre pour l'avenir, ne concerne l'analyse du suivi des objectifs de l'année 2018 même si à trois reprises dans ce document des constats ponctuels sont réalisés sur l'année 2018.
Enfin, le compte rendu de la réunion de l'équipe MSL -Trombose du 28 novembre 2018 ne correspond pas à une analyse du suivi des objectifs personnels du salarié.
Les éléments produits par l'employeur sont donc insuffisants pour toute l'année 2018 et la seule annonce de la mise en place d'un plan d'action sans analyse précise des résultats du salarié est insuffisante.
Faute pour l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable du salarié, il sera fait droit à la demande du salarié de percevoir un bonus au titre de l'année 2018 sur la base des dispositions contractuelles, déduction faite de la somme qu'il a perçue de 524 euros, la somme réclamée par le salarié n'étant pas utilement contestée.
Par voie d'infirmation du jugement, il convient en conséquence de condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 7 475,01 euros au titre du rappel de salaire sur la rémunération variable de l'année 2018.
Sur la demande de remboursement des cartes d'abonnement Air France 2016 et 2017
Il n'est pas discuté que la procédure interne de la société Laboratoires Leo justifie que le salarié dispose de la validation de son supérieur hiérarchique pour prétendre ensuite au remboursement de sa carte d'abonnement Air France.
En l'occurence, le salarié a obtenu en 2018 l'autorisation de prise en charge par l'employeur de la carte d'abonnement pour l'année 2018 et a essuyé un rejet pour les deux années précédentes, faute de disposer de l'accord de son supérieur hiérarchique.
Les premiers juges ont retenu que les demandes de remboursement d'abonnement, présentées par la salarié ont été communiquée hors délais le 2 février 2018 et n'ont pas fait l'objet d'une validation préalable du service des achats et du supérieur hiérarchique du salarié.
Par des motifs pertinents que la cour adopte, la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande du salarié de remboursement par l'employeur des cartes d'abonnement pour les années 2016 et 2017.
Sur l'annulation de l'avertissement
L'employeur soutient que la sanction est justifiée dans son principe, qu'elle est articulée autour de trois manquements, ce que réfute ce dernier.
Il n'est pas discuté que l'avertissement notifié au salarié le 15 février 2019 et qu'il a contesté le 8 mars 2019, repose sur trois motifs :
- le retard de saisie des activités médicales dans l'outil VEEVA entre le 2 novembre 2018 et le 2 janvier 2019 , en dépit de multiples rappels
Le salarié se prévaut de la défaillance fréquente de l'outil, laquelle est confirmée en mars et avril 2018, des questions ayant été posées à ce sujet le 23 mars 2018 puis le 19 avril 2018 lors de la réunion des délégués du personnel.
En revanche, les échanges de courriels produits par le salarié en novembre 2018 ne font pas ressortir que la difficulté persiste et, en tout état de cause, il a reconnu lors de l'enquête réalisée après son alerteRPS par lettre du 10 avril 2019, que ' ce n'était pas dans mes priorités. Entre octobre et novembre, j'étais sous l'eau. En plus j'étais en congrès. Je devais scanner les documents pour les mettre dans VEEVA, ça se faisait au bureau, ou chez soi ou à l'hôtel mais pas en congrès.'.
Le congrès allégué n'a duré que trois jours.
Le salarié, qui évoque une surcharge de travail, dont la supérieure hiérarchique a d'ailleurs reconnue partiellement le 29 octobre 2018 qu'elle concernait tous les collaborateurs['je sais que l'emploi du temps est chargé en ce moment'], justifie de la prescription d'une IRM cardiaque de stress, sans indiquer les suites données à cet examen à la suite duquel aucun arrêt de travail n'a été alors prescrit ( pièces n° 43 et 44S). En tout état de cause, le salarié ne produit aucune autre pièce justifiant d'une surcharge de travail expliquant qu'il n'a pas été en mesure de renseigner le logiciel informatique pendant plusieurs semaines.
Par courriel du 13 novembre 2018, le salarié indique ' qu'en théorie, il a mis à jour l'outil jusqu'à fin octobre 2018".
Toutefois, cette situation n'explique pas l'absence totale de saisie pour toute la période suivante quand bien même il a été en congrès le 13 décembre et en congés le lendemain.
Le grief est établi.
- le non-respect des règles des consignes prévoyant un délai de trois semaines pour relecture des présentations lors des réunions professionnelles afin de vérifier que les règles de compliance relatives aux relectures médico-règlementaires obligatoire ont été observées
L'annexe au contrat d'orateur du cahier des charges, dans sa rédaction applicable en mars 2017, qui organise la présentation orale des orateurs lors d'une manifestation organisée par Leo Pharma prévoit la transmission de la présentation au département affaires médicales et affaires réglementaires pour information et relecture, et que cette transmission doit s'effectuer si possible une semaine avant la présentation.
Dans le cadre de la préparation de la réunion du 14 novembre 2018, Mme [Y], 'Regulatory affairs Manager', a rappelé au salarié par courriel du 29 août 2018 que les présentations des orateurs doivent respecter le cahier des charges et que leurs supports de présentation doivent avoir été validés par le département affaires médicales et affaires réglementaires.
Ce délai de transmission a été porté en octobre 2018 à 15 jours avant la date de la manifestation.
Si le salarié invoque la transmission tardive par un médecin orateur, le docteur [I], pour la réunion du 14 novembre 2018, ce qu'il justifie, il est établi que trois orateurs devaient intervenir.
Ainsi, alors qu'il a été informé des consignes, le salarié n'a interrogé de manière tardive ces deux autres orateurs que la veille de leur intervention pour échanger sur leur contenu. Les présentations ont donc été effectuées sans contrôle préalable de la société Laboratoires Leo.
S'agissant de la présentation suivante prévue le 13 février 2019, la reprise de ces présentations a été décidée, mais le 30 janvier 2019 il a été constaté que les présentations sous la responsabilité du salarié n'étaient pas conformes ni adaptées au cahier des charges, de sorte que la réunion du 13 février 2019 a été annulée et reportée ' afin d'éviter un travail de relecture dans l'urgence (...)et pour ne pas risquer de mettre l'entreprise face à des décisions qui pourraient être complexes', le supérieur hiérarchique ayant cru que ces présentations avaient été validées en novembre 2018 à la demande du salarié par le département affaires médicales et affaires réglementaires.
Il est donc établi que le salarié n'a pas respecté la procédure et les délais de contrôle des présentations de plusieurs orateurs, à l'exception de celle du docteur [I], alors qu'il avait été informé de ces délais dès l'été, de sorte que les présentations ont été effectuées sans contrôle et que reprogrammées pour la réunion suivante, il est apparu qu'elles ne respectaient pas le cahier des charges, entraînant l'annulation de cette réunion.
En outre, le 28 février 2019, Mme [H] a indiqué au salarié qui lui a demandé des informations, que celles-ci lui avaient déjà été fournies en 2018 lors de réunions et de séminaires et que des fiches pratiques spéciales MSL avaient déjà été distribuées, afin que le salarié réalise au plus vite les contrats des intervenants pour une réunion scientifique prévue le 25 avril 2019.
Les griefs sont donc établis.
- l'absence de respect des règles relatives au remboursement des frais
Il a été précédemment retenu que le salarié a communiqué tardivement sa demande de remboursement de sa carte d'abonnement Air France pour les années 2016 et 2017.
Les griefs reprochés au salarié sont établis et il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'avertissement et débouté le salarié de la demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur la rupture
Le salarié soutient que l'employeur évoque de manière expresse dans la lettre de licenciement
qu'il a relaté dans sa lettre du 10 avril 2019 ' une surcharge de travail et (des) faits constitutifs (...) de discrimination et humiliation(...)', que l'employeur écarte pour n'avoir 'été corroborés par aucune des personnes interwiewées' dans le cadre de l'enquête.
Le salarié explique que les faits constitutifs de discrimination qu'il a dénoncés sont même visés à deux autres reprises pour être de nouveau écartés par l'employeur. Le salarié affime qu'il n'est ni allégué ni prouvé que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi. Il indique que l'employeur a lancé la procédure de licenciement après avoir reçu la lettre de dénonciation et qu'il justifie d'une activité réelle et soutenue en 2018, s'interrogeant sur la dégradation de sa relation avec sa nouvelle manager à seule fin de légitimer son licenciement le moment venu . Il fait valoir qu'il s'est senti humilié par la négation pure et simple de son travail et destabilisé par des agissements précis de sa manager, constitutifs de discrimination, de sorte que son licenciement est nul.
Le salarié rappelle qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure de rétorsion pour s'être plaint d'avoir subi des agissements de harcèlement moral, les dispositions similaires étant identiques pour les faits de discrimination illicite, seule la mauvaise foi mettant fin à cette immunité.
L'employeur objecte que le licenciement du salarié a été engagé en réponse à sa dénonciation du 10 avril 2019, alors qu'il avait été alerté en février 2019 de remédier aux difficultés professionnelles rencontrées à la suite de son activité défaillante en 2018, et que les manquements réitérés et persistants du salarié ont perduré malgré le nouveau plan d'action mis en place.
L'employeur affirme que c'est par ce que le salarié a été conscient des difficultés que, pour tenter de se prémunir d'une procédure de licenciement à son encontre, et après plusieurs entretiens de suivi,il a adressé un arrêt de travail puis une lettre d'alerte, le salarié faisant preuve d'une mauvaise foi patente. Il précise que la suspension de la procédure de licenciement le temps du déroulement de l'enquête est la preuve qu'il s'agit de deux événements indépendants, l'enquête démontrant que les allégations du salarié n'étaient pas avérées. L'employeur ajoute que le licenciement repose sur un motif réel et sérieux et n'est donc pas fondé sur la dénonciation.
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Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte antérieure au sein de l'entreprise pour discrimination. ( Soc., 22 mars 2023, pourvoi n° 22-10.556)
Dès lors, il convient d'examiner d'abord si licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.
L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur.
Il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe spécialement à aucune des parties mais que le doute doit profiter au salarié.
L'employeur dénonce les manquements du salarié depuis l'année 2016 en ce que :
- il a d'abord été acté en début d'année 2017 la mise en place d'un plan d'action afin de permettre au salarié de développer des compétences pour renforcer sa rigueur scientifique, la qualité de sa communication, la préparation adaptée de ses dossiers pour une meilleure maîtrise,
Toutefois, par avenant du 3 avril 2017 à effet du 1er mai 2017, l'employeur a confié au salarié une mission de Responsable Scientifique régional thrombose sur la région Thrombose Est [Localité 5] dans le cadre de la création d'équipes MSL spécialisées par aire thérapeutique de sorte que si l'employeur se prévaut de difficultés anciennes du salarié, ce dernier a cependant bénéficié d'une promotion dans le cadre de la réorgnisation de la société.
- le salarié a certes bénéficié du plan d'accompagnement toute l'année 2017 par Mme [E] mais sa supérieure hiérarchique a conclu à 'une bonne performance' du salarié en début d'année 2018,
- l'employeur estimant avoir laissé une plus grande autonomie au salarié au cours de l'année 2018, lors de l'entretien de mi-année 2018, dont la date n'est pas connue, il a notamment indiqué au salarié son retard par rapport à ses collègues, et le manque de visibilité de ses actions, et lui a fixé comme objectifs d'informer les délégués des équipes régionales de son emploi du temps et de lui donner de la visibilité en continu, tout en renouant un climat de confiance avec l'équipe terrain,
- en novembre 2018, l'employeur a demandé au salarié de saisir son activité dans le logiciel VEEVA,
- le 15 février 2019, l'employeur a notifié au salarié un avertissement que la cour a confirmé,
- le 22 février 2019, Mme [G], à la suite de l'entretien d'évaluation du 20 février 2019 portant sur l'année 2018, a notifié au salarié la mise en oeuvre d'une 'alerte' avec mise en place d'un plan d'action pour lui permettre de revenir au niveau des attendus du métier MSL tant au plan qualitatif, organisationnel, compliance et transverse auprès de ses collègues en région que sur la mise en oeuvre opérationnelle des activités médicales sur sa région.
Le plan d'action a été arrêté le 26 février 2019 et Mme [G] a fixé le prochain suivi au 1er avril 2019. Par courriel du 8 mars 2019, Mme [G] a communiqué au salarié ses objectifs individuels pour l'année 2019.
Il s'ensuit que le salarié a obtenu de bons résultats en fin d'année 2017 puis a rencontré des difficultés en fin d'année 2018, qui ont donné lieu en début d'année 2019 à un avertissement et un plan d'action.
Dans ces conditions, il convient d'examiner la situation à compter du mois de février 2019, l'employeur n'ayant pas manisfesté la volonté de se séparer du salarié mais de lui apporter un soutien.
La lettre de licenciement, qui ne reproche pas au salarié la dénonciation des faits de discrimination, rappelle les manquements du salarié depuis 2016, précédemment développés et reproche au salarié , depuis l'avertissement notifié le 15 février 2019, les faits suivants :
- le fait d'indiquer dans le logiciel VEEVA le 27 février 2019 être parti trois jours en déplacement pour rencontrer un seul médecin, l'employeur ne communiquant aucune pièce à ce sujet,
- le fait que le salarié a pris plusieurs semaines pour finaliser les cartons d'invitation entre le 22 janvier et le 7 mars 2019 pour la préparation d'une opération médicale prévue le 25 avril 2019, des cartons ayant dus être refaits, le salarié indiquant par courriel du 6 mars 2019 qu'il réalisait cette opération pour la première fois, une autre salariée l'effectuant auparavant,, étant ici précisé que le salarié avait été félicité pour la réussite de la prestation à [Localité 6], ainsi qu'il sera dit plus loin,
- des faits datant du 27 mars 2019 à propos de trois versions nécessaires pour l'établissement d'un projet, le salarié ayant pris en compte toutes les remarques de sa supérieur hiérarchique,
- le fait d'avoir été rappelé à l'ordre par son supérieur hiérarchique le 25 mars 2019 pour avoir mis des smileys dans un courriel adressé à un médecin qu'il ne connaissait pas,
- le fait qu'à la fin du mois de mars 2019, le salarié n'a passé que 49% de son temps en présence/ sur le terrain, au lieu de 60% tel que requis lors de l' entretien qui s'est tenu en présence de Mme [G] et Mme [E], la moyenne de son équipe étant à 64%, l'employeur ne produisant aucun tableau ou pièces à ce titre.
Pour sa part, le salarié justifie avoir reçu les courriels suivants :
- Mme [E], par courriel du 27 mars 2019, a félicité les collaborateurs à propos d'un symposium organisé le 23 mars à [Localité 6] et cite à plusieurs reprises le salarié en des termes élogieux,
- M. [B] remercie le salarié pour son investissement ' énorme' sur le symposium à [Localité 6] et pour son professionnalisme le 29 mars 2019,
- M. [B] félicite le 7 avril 2019 de nouveau le salarié et ' toute l'équipe' dans un mail général et évoque les projets nouveaux,
Par courriel du 27 mars 2019, le salarié a interrogé plusieurs collaborateurs de la société pour leur signifier que lors de son entretien d'évaluation, Mme [G] lui a dit qu'il semait ' la zizanie' dans l'équipe, qu'il n'avait affectué aucun compte rendu de congrès en 2018, ni de sessions tromboses et autres prestations.
En réponse adressée au salarié le 29 mars 2019, Mme [M] indique qu'elle n'a rien à signaler au niveau de leurs relations ni même sur le comportement du salarié dans l'équipe et elle cite des congrès et autres moments professionnels auxquels a participé le salarié ainsi que la synthèse alors réalisée.
M. [S] et Mme [O], confirment les propos de Mme [M], y compris pour les comptes rendus de congrès et elle ajoute que le salarié est toujours ' bienveillant et à l'écoute de l'équipe'.
Enfin, le salarié a été en arrêt maladie à compter du 18 mars 2019.
Les seuls manquements retenus depuis le 15 février 2019, soit le fait de corriger un projet à trois reprises et le fait d'avoir été rappelé à l'ordre par son supérieur hiérarchique le 25 mars 2019, ne sont pas constitutifs d'une insuffisance professionnelle, le salarié faisant valoir à juste titre que la précipitation dans la décision de le licencier exclut la caractérisation de la cause réelle et sérieuse et que l'employeur n'a pas pris le temps d'apprécier ses capacités à redresser la situation en ne respectant pas les échéances fixées dans le plan d'action.
En conséquence, l'insuffisance professionnelle invoquée à l'appui du licenciement n'est pas établie, ce qui serait donc de nature à le rendre sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié sollicite à titre principal la nullité du licenciement au motif qu'il constituait une mesure de rétorsion à la discrimination qu'il avait dénoncé.
Aux termes de l'article L. 1132-3 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 ou pour les avoir relatés. En vertu de l'article L. 1132-4 du même code, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul . Il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de discrimination ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi , laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Soc., 13 janvier 2021, pourvoi n° 19-21.138, publié).
Le licenciement d'un salarié est nul dès lors qu'il présente un lien avec des faits de harcèlement ou de discrimination, notamment lorsqu'il trouve directement son origine dans leur dénonciation (Soc., 19 octobre 2011, pourvoi n°10-16.444, Bull. 2011, V, n° 234 ; Soc., 16 juin 2016, pourvoi n° 14-26.965).
Il convient donc d'examiner s'il existe un lien entre la dénonciation faite par le salarié de faits de discrimination et son licenciement par l'employeur.
Par lettre du 17 septembre 2018, le salarié a informé l'employeur qu'il a vécu une ' délicate situation qui a été un épisode difficile à vivre de fait qu'il a été aussi dénigrant, diffamatoire, qu'humiliant le mercredi 12 septembre au cours du séminaire.'.
Dans cette lettre, le salarié a dénoncé les propos tenus par Mme [Z] au cours d'un repas qui a porté un jugement public sur ses choix alimentaires et l'employeur a notifié à la salariée un avertissement. Cette dernière n'a cependant pas adressé à M. [U] une lettre d'excuses comme elle s'y était engagée, ce qui ne relève pas de la responsabilité de l'employeur, lequel a apporté une réponse concrète et immédiate à la suite de la dénonciation du salarié.
En tout état de cause, le salarié a réclamé par courriel du 19 mars 2019 cette lettre d'excuse, et la directrice des ressources humaines France lui a indiqué le 21 mars 2019 qu'elle la demandait à Mme [Z] .
Par ailleurs, auparavant, dans la fiche PDD Form établie à la suite de la fixation des objectifs de l'année 2018, le salarié indique ' qu'il a besoin de régler certains points quant à mon image et au respect de ma personne', Mme [G] répondant ' question à traiter, hors cadre du PDD', ce qui n'a pas été effectué ultérieurement.
En outre, par lettre du 8 avril 2019 en réponse à la contestation de l'avertissement par le salarié, l'employeur a maintenu la sanction notifiée le 15 février 2019 au salarié.
Par lettre du 10 avril 2019, le salarié a adressé à la directrice des ressources humaines une lettre d''alerte RPS pour atteinte sur le travail, la santé et la dignité' avec copie aux membres du CSE, à l'inspection du travail et au médecin du travail.
Le salarié y indique : ' Votre courrier en date du 8 avril me conduit à rédiger la présente alerte afin de dénoncer officiellement les atteintes que je subis depuis de très nombreux mois sur mon travail et ma dignité et qui impactent ma santé au quotidien' et le salarié conclut que ' ma souffrance grandissante dans le cadre d'une activité qui me convenait il y a encore quelques mois, et dont je constate que'elle s'est dégradée parce que j'ai osé, peut-être, à vous de me démentir, dénoncer des propos à but discriminatoire tenus sur ma personne.'.
Parmi les atteintes dénoncées par le salarié, celle relative à une ' affaire de discrimination ' subie en septembre 2018 alors que son choix alimentaire a été commenté publiquement par une collègue au cours d'un repas est invoquée par le salarié, celle relative à des 'humiliations' alors qu'une supérieure hiérarchique ' n'hésite pas à interroger les restaurants où je me rends pour connaître le détail des menus' et celle relative à une ' discrimination' portant sur le refus de remboursement d'une note de frais de janvier 2019.
Le salarié dénonce également dans la lettre du 10 avril 2019 le fait que lors de sa rencontre avec sa nouvelle manager, Mme [G], cette dernière lui a dit que ' cette affaire va se retourner contre toi', et qu'il a subi de sa part des humiliations et de la discrimination en lien avec sa dénonciation des faits de septembre 2018, de façon continue jusqu'en avril 2019.
Le 12 avril 2019, l'employeur a convoqué le salarié à l'entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement.
La réunion extraordinaire de la direction avec les membres du CSE s'est tenue le 19 avril 2019 à la suite de la dénonciation du salarié. A la suite de l'enquête qui s'est déroulée du 6 au 14 mai 2019 au cours de laquelle dix personnes ont été interviewées, ainsi que le salarié, il a été conclu à l'absence de toute surcharge de travail du salarié et de faits constitutifs de discrimination ou humiliation.
Le salarié a été licenciée le 23 mai 2019, pour insuffisance professionnelle dont la cour a précédemment retenue qu'elle n'était pas établie.
Aussi, alors que le salarié était suivi dans le cadre d'une procédure d'alerte depuis le 22 février 2019 et bénéficiait d'un plan d'accompagnement, l'employeur n'établit pas l'existence de manquements particuliers et distincts des précédents reproches, que l'employeur fait remonter à l'année 2016, et qui ont pourtant justifié le déclenchement soudain le 12 avril 2019 de l'engagement de la procédure de rupture du contrat de travail, alors que le salarié avait été récemment félicité notamment pour son travail réalisé à [Localité 6] .
La cour déduit de l'ensemble de ces constatations dont il résulte l'existence d'une stricte concomitance entre la dénonciation faite par le salarié et l'engagement, le 12 avril 2019,de la rupture du contrat de travail, que celle-ci, qui invoque une insuffisance professionnelle qui n'est ni réelle ni sérieuse, constitue une mesure de rétorsion à la dénonciation par le salarié de faits qualifiés par lui de discrimination dans sa lettre adressée à l'employeur le 10 avril 2019.
Par conséquent, par voie d'infirmation du jugement, il convient de dire que le licenciement du salarié est nul.
Le salarié victime d'un licenciement nul qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.
Le salarié sollicite l'indemnisation de tous ses préjudices confondus par l'allocation d'une somme de 100 000 euros, alléguant les difficultés vécues depuis sa plainte adressée à la direction en septembre 2018, la dégradation de son état de santé en 2017 et 2018 pour lequel il ne justifie toutefois que d'une consultation en cardiologie et une radiographie, et la notification de l'avertissement, qui n'a pas été précédemment annulé.
En application de l'article L.1235-3-1 du code du travail, en considération de la situation particulière du salarié, notamment de sa rémunération mensuelle brute (5 394,96 euros), de son âge (48 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture (plus de 3 ans), des circonstances de celle-ci, de ce qu'il a été inscrit à Pôle emploi le 9 octobre 2019 et de ce que le salarié a retrouvé un emploi en qualité de responsable régional médical Hémophilie en début d'année 2020, il y a lieu de condamner l'employeur à payer à au salarié une indemnité de 33 000 euros.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail qui l'imposent et sont donc dans le débat, il convient d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à au salarié, dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur la demande dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et brutal
Le salarié n'établit pas que la procédure s'est déroulée de façon vexatoire ou brutale en considération de la dégradation de son état de santé, et il ne procède que par affirmations générales, sans offre de preuve.
Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il sera également condamné à payer au salarié la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute M. [U] de sa demande d'annulation de l'avertissement et de dommages-intérêts afférente, de sa demande de dommages-intérêts pour procédure de licenciement vexatoire, et de sa demande de remboursement des cartes d'abonnement Air France 2016 et 2017,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
CONDAMNE la société Laboratoires Leo à payer à M. [U] les sommes de:
- 33 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
- 7 475,01 euros à titre de rappel sur rémunération variable pour l'année 2018,
ORDONNE à la société Laboratoires Leo de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [U], dans la limite de six mois d'indemnités,
CONDAMNE la société Laboratoires Leo à payer à M. [U] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande fondée sur ce texte,
CONDAMNE la société Laboratoires Leo aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente