COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 MAI 2023
N° RG 20/02605
N° Portalis : DBV3-V-B7E-UFFY
AFFAIRE :
[D] [I]
C/
[K] [Z]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : C
N° RG : F 18/01438
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Xavier COURTEILLE
Me Charles TONNEL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [D] [I]
né le 24 mars 1972 à [Localité 5] MAROC
de nationalité française
Chez [G] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Xavier COURTEILLE de l'AARPI Cabinet TESTARD COURTEILLE ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G539
APPELANT dans le dossier n° RG: 20/02605
INTIMÉ dans le dossier n° RG: 20/02651
****************
Monsieur [K] [Z]
né en 1956 à [Localité 5] (MAROC)
de nationalité marocaine
N° SIRET: 350 289 989
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Charles TONNEL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 204
INTIMÉ dans le dossier n° RG: 20/02605
APPELANT dans le dossier n° RG: 20/02651
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [I], engagé le 7 mars 2016 en qualité d'employé de magasin par M. [Z], qui exerce en nom personnel une activité d'alimentation générale à [Localité 4] (supérette 'Le petit marché') a été licencié pour faute lourde le 30 octobre 2018.
Le 26 novembre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt à l'effet de contester son licenciement et d'obtenir paiement de diverses indemnités et rappels de salaires.
Par jugement du 23 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section commerce) a :
- dit que le licenciement de M. [I] est sans cause réelle et sérieuse,
- fixé le salaire de M. [I] à 1 498,5 euros,
- condamné l'entreprise [Z] [K] à verser à M. [I] aux sommes suivantes :
. 6 000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 125 euros au titre d'indemnité légale de licenciement,
. 3 000 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2018, date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent jugement conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civile,
- dit que les intérêts échus seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1243-2 du code civil,
- condamné l'entreprise [Z] [K] à verser M. [I] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné l'entreprise [Z] [K] aux dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 20 novembre 2020, M. [I] a interjeté appel de ce jugement, et par déclaration adressée au greffe le 26 novembre 2020, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Les affaires ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état de la 25e chambre du 21 octobre 2021.
Par ordonnance du 26 octobre 2022, le conseiller de la mise en état de la 17e chambre, a :
- rejeté la demande de sursis à statuer formée par M. [Z],
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile,
- condamné M. [Z] aux dépens.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [I] demande à la cour de :
- le recevoir en ses demandes, fins et prétentions,
y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu le 23 septembre 2020 par le conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a refusé de le repositionner au poste de gérant et en ce qu'il le déboute de certaines de ses demandes,
et statuant à nouveau,
à titre principal
- requalifier le contrat de travail de vendeur en contrat de salarié niveau 8 de la convention collective nationale du commerce alimentaire et ce sur la période allant de janvier à octobre 2018,
- fixer la moyenne de ses salaires bruts mensuels à 2 819 euros,
- le positionner sur la qualification de gérant,
- requalifier le licenciement intervenu en un licenciement dénué de cause réelle ou sérieuse,
- condamner l'entreprise [Z] [K] à lui verser les sommes suivantes :
. 11 276 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
. 2 114 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 5 638 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 10 552 euros à titre de rappel de salaire sur fonctions de gérant en 2018,
. 1 055 euros au titre des congés payés afférents,
à titre subsidiaire
- requalifier le contrat de travail de vendeur en contrat de salarié AM2 tel que défini par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, soit responsable d'unité commerciale », et ce sur la période allant de janvier et octobre 2018,
- fixer la moyenne de ses salaires bruts mensuels à 2 241,20 euros,
- le positionner sur la qualification de responsable d'unité commerciale,
- requalifier le licenciement intervenu en un licenciement dénué de cause réelle ou sérieuse,
- condamner l'entreprise [Z] [K] à lui verser les sommes suivantes :
. 8 964,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
. 1 900 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 4 482,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 7 427 euros à titre de rappel de salaire sur fonctions de gérant en 2018,
. 742 euros au titre des congés payés afférents,
à titre infiniment subsidiaire
- requalifier le licenciement intervenu en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner l'entreprise [Z] [K] à lui verser les sommes suivantes :
. 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
. 1 125 euros à titre d'indemnité légal de licenciement,
. 3 000euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 6 000 euros à titre de rappel de salaire depuis le mois de septembre 2018,
. 600 euros au titre des congés payés afférents,
. 10 552 euros à titre de rappel de salaire sur fonctions de gérant en 2018,
en tout état de cause
- condamner l'entreprise [Z] [K] à lui verser les sommes suivantes :
. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive,
. 16 914 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- débouter l'entreprise [Z] [K] de ses demandes,
- ordonner le versement des intérêts au taux légal sur les salaires et sommes afférentes sollicités sur le fondement des dispositions de l'article 1231-6 du code civil à compter de la saisine de la juridiction prud'homale et pour les dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1231-7 du Code civil à compter de l'arrêt à intervenir,
- condamner l'entreprise [Z] [K] à verser à M. [F] la somme de 3 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'entreprise [Z] [K] aux éventuels dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Z] demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident,
en conséquence,
- débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et prétentions formulées à titre principal et subsidiaire,
y faisant droit,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 23 septembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [I] des demandes visant à :
. requalifier le contrat de travail de vendeur de M. [I] à un contrat de salarié niveau 8 de la convention collective nationale du commerce alimentaire et ce sur la période allant de janvier et octobre 2018,
. fixer la moyenne de ses salaires bruts mensuels à 2 819 euros,
. positionner M. [I] sur la qualification de gérant,
. requalifier le licenciement intervenu en un licenciement dénué de cause réelle ou sérieuse,
. condamner l'entreprise [Z] [K] à verser à M. [I] les sommes suivantes :
* 11 276 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
* 2 114 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 5 638 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 10 552 euros à titre de rappel de salaire sur fonctions de gérant en 2018,
* 1 055 euros au titre des congés payés afférents,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 23 septembre 2020 en ce qu'il a débouté M. [I] des demandes suivantes :
* 6 000 euros au titre de rappel de salaire sur ses fonctions de gérant en 2018, augmenté d'une somme de 600 euros au titre des congés payés y afférents,
* 10 552 euros au titre de rappel de salaire sur ses fonctions de gérant en 2018 augmenté d'une somme de 1 055 euros au titre des congés payés y afférents,
* 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive et,
* 16 904 euros au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- débouter M. [I] de sa demande subsidiaire visant à requalifier son contrat de travail en contrat de salarié AM2, soit Responsable d'unité commerciale sur la période allant de janvier à octobre 2018,
. fixer la moyenne de ses salaires bruts mensuels à 2 241,20 euros,
. positionner M. [I] sur la qualification de responsable d'unité commerciale,
. requalifier le licenciement intervenu en un licenciement dénué de cause réelle ou sérieuse,
. condamner l'entreprise [Z] [K] à verser à M. [I] les sommes suivantes :
* 8 964,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
* 1 900 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 4 482,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 7 427 euros à titre de rappel de salaire sur fonctions de gérant en 2018,
* 742 euros au titre des congés payés afférents,
- débouter M. [I] des demandes visant à :
. infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 23 septembre 2020 en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [I] était sans cause réelle et sérieuse,
. infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 23 septembre 2020 en ce qu'il a condamné M. [I] aux sommes suivantes :
* 6 000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 125 euros au titre d'indemnité légale de licenciement,
* 3 000 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [I] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la classification
Au titre du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté (B de ses conclusions), le salarié invoque notamment la modification unilatérale du contrat de travail (ii), au motif qu'embauché en tant que simple vendeur, il s'est vu confier la mission de gérer, à lui tout seul, les stockages, les réapprovisionnements, la comptabilité. Il formule une demande à titre principal de repositionnement à la qualification de gérant, et salaire brut mensuel afférent, et à titre subsidiaire, en 'contrat de salarié AM2 tel que défini par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, soit responsable d'unité commerciale'.
Il soutient qu'il n'a pas assuré des fonctions de simple vendeur mais des tâches de gérant, lors des absences, régulières, de son employeur, ainsi que celui-ci le reconnaît lui-même, que les fonctions exercées correspondaient donc au niveau 8 de la convention collective applicable, qu'il s'agit d'un statut de salarié et non de mandataire social, que l'employeur reconnaît lui-même, au sein du courrier de mise à pied que le salarié était gérant du magasin puisqu'il lui reproche la « gestion catastrophique du magasin », dont il tenait la comptabilité, que la seule production d'attestation d'un salarié sous le lien de subordination de l'employeur ne permet pas, à elle seule, de démontrer la véracité des allégations de l'employeur.
Le salarié fait valoir que si la cour estime que seule la convention collective nationale du commerce de détail alimentaire non spécialisé du 12 janvier 2021 s'applique à la société intimée, il convient de le repositionner, à tout le moins, sur un poste AM2, car en gérant en toute autonomie de la supérette, il a assuré « la gestion et le développement de l'unité commerciale » et a dû s'assurer de la bonne tenue du point de vente.
L'employeur objecte que les missions accomplies par le salarié en qualité de vendeur correspondent en tous points à celles prévues à l'annexe II relative au chapitre VIII « Classification des emplois » de la CCN du commerce de détail alimentaire non spécialisé, seule applicable aux relations contractuelles, que les missions dévolues à l'employé, vendeur échelon 1 vont au-delà de la simple vente des produits et incluent notamment la réception et la mise en rayon des produits, leur stockage, le réassortiment, l'encaissement et la participation aux inventaires, que c'est en ce sens qu'il faut comprendre « Gérer la supérette », que l'accès à la caisse, la fermeture de cette dernière par le dernier vendeur présent ou encore du dépôt en banque du contenu de la caisse, ou encore la livraison ces missions font partie des responsabilités qui peuvent être confiées temporairement à un vendeur.
Sur la convention collective applicable
Le salarié soutient que la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 est applicable, qu'il s'agit d'une convention collective étendue, qui s'applique de plein droit aux entreprises dont le code NAF est 47-11, qui correspond précisément au code indiqué sur les bulletins de paie émis.
L'employeur objecte que c'est la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers du 15 avril 1988, désormais abrogée et remplacée par la convention collective nationale du commerce de détail alimentaire non spécialisé du 12 janvier 2021, IDCC n°1505) qui s'applique, que son entreprise n'employait que deux salariés et disposait donc d'un effectif inférieur à 11 salariés, que par conséquent, les dispositions de l'article 4.5.2 de la CCN du commerce de détail et de gros (N°IDCC : 2216) ne sont pas applicables en l'espèce.
**
La CCN du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 définit dans son article 1.1.3. les activités qui n'entrent pas dans son champ d'application.
Selon son article 1.1.3 : « La présente convention ne s'applique pas :
[']
1.1.3.2. Au personnel des magasins tenus par des gérants mandataires non salariés dont le statut est fixé aux articles L. 7322-1 et suivants du code du travail.
1.1.3.3. Aux entreprises employant moins de 11 salariés qui relèvent de la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers. L'effectif des 11 salariés est calculé selon les modalités visées à l'article L. 2312-8 du code du travail ; les apprentis ne sont pas pris en compte dans le calcul de cet effectif. (...). »
A ce titre, il sera seulement relevé que seul le dernier bulletin de paie, d'août 2018, comporte l'indication 'NACE 4711B', ceux de janvier à juillet 2018 portant la mention 'NACE 00021" et la référence à la CCN 'commerce alimentaire', les précédants étant sans indication sur ce point, faisant seulement référence à la CCN 'alimentation générale', l'employeur ne s'expliquant pas sur les raisons de ces différentes modifications.
Toutefois, il n'est pas contesté que l'entreprise de M. [Z] comptait moins de onze salariés, de sorte que la CCN du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 ne lui est pas applicable, peu important l'indication figurant sur les bulletins de paie d'un code NAF correspond à une entreprise relevant de cette convention.
Sur le bien-fondé du repositionnement sollicité
Hors le cas de la reconnaissance volontaire par l'employeur d'une qualification, la chambre sociale juge que la classification se détermine par les fonctions réellement exercées par le salarié (Soc., 21 mars 1985, pourvoi n° 82-43833, Bull. V, n° 201).
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu'il requiert (Soc., 19 décembre 1979, Bull. V, n° 1019), en prenant en compte l'ensemble des critères conventionnels (Soc., 17 mars 2010, pourvoi n° 08-44.130) et en les rapprochant des fonctions réellement exercées (Soc., 26 octobre 1999, pourvoi n° 97-43.625, Bull. civ. 1999, V, n° 412 ; Soc., 9 novembre 2017, pourvoi n° 16-21.048).
Au cas présent, la convention collective nationale du commerce de détail alimentaire non spécialisé du 12 janvier 2021 définit ainsi le niveau AM1 (agent de maîtrise) ou AM2 revendiqué par le salarié :
'. Exemple d'intitulé :
Adjoint(e)-responsable d'unité commerciale. Manager d'unité commerciale
Niveau AM1 ou AM2
Finalité de l'emploi :
' assurer la gestion et le développement de l'unité commerciale sous l'autorité du responsable.
Missions principales :
' suivre et anticiper les besoins de l'unité commerciale ;
' passer les commandes et superviser la réception des arrivages des produits ;
' veiller à la mise en rayon et à la préparation des produits ;
' s'assurer du conseil client et de la vente des produits ;
' réaliser ou faire réaliser l'inventaire ;
' rencontrer les fournisseurs, tester les nouveaux produits ;
' proposer les évolutions de gammes et des pistes de dynamisation commerciale ;
' animer et former le personnel de l'unité commerciale ;
' s'assurer de la bonne tenue du point de vente ;
' atteindre les objectifs définis ;
' piloter les indicateurs de suivi (tableaux de bord, chiffre d'affaires, marges, etc.).'
Il doit être ici précisé que l'emploi de 'responsable d'unité commerciale' sollicité par le salarié n'existe pas dans ladite convention, qui fait soit référence à l'emploi d'adjoint(e)-responsable d'unité commerciale (AM1) soit à celui de 'manager d'unité commerciale' (AM2).
Le niveau E1, E2 ou E3 (employé) auquel le salarié était positionné est défini ainsi :
'Finalité de l'emploi :
' participer à la réception, au stockage et à la mise en rayon des produits selon les consignes données par un responsable ou la direction ;
' participer à la vente des produits.
Missions principales :
' participer à la réception et au stockage des produits ;
' mettre en place les produits sur les étals et dans les rayons conformément aux consignes ;
' réaliser le réassortiment selon les consignes ;
' accueillir, orienter et servir le client ;
' participer à la mise en 'uvre de la dégustation des produits ;
' vérifier et encaisser le montant de la vente ;
' informer son supérieur des problèmes rencontrés ;
' participer aux inventaires.
Missions spécifiques qualité hygiène sécurité environnement :
' acheminer, stocker et mettre en place les produits, dans le respect des règles d'hygiène, de sécurité alimentaire et d'information du consommateur ;
' participer à l'entretien des matériels, des espaces et de l'environnement de travail ;
' vérifier l'état de conservation des produits et retirer les produits non conformes souscontrôle du supérieur hiérarchique. »
En l'espèce, il ressort d'abord des relevés bancaires produits par l'employeur que des remises d'espèces ont été faites à la banque pendant une période durant laquelle l'employeur était en congés, ce dernier ne contestant pas que ces remises ont, de ce fait, été effectuées par le salarié lui-même.
Ensuite, la 'lettre de motivation' écrite par M. [Z] le 18 juillet 2018, recommandant son salarié, indique notamment qu'il 'gère en toute autonomie la Supérette, gère le stock et effectue les divers approvisionnements, assure le réassort'.
Enfin, l'employeur indique dans le procès-verbal d'audition du 4 octobre 2018, suite à son dépôt de plainte pour vol à l'encontre de son salarié, que ce dernier 's'occupe de la caisse du magasin' avec lui, que le salarié est le seul avec lui 'à avoir accès à la caisse enregistreuse et à encaisser les clients', qu'il a un autre salarié qui 'ne touche pas à la caisse et n'encaisse aucun client', ce que confirme l'attestation de ce salarié (M. [X]) selon laquelle en l'absence du chef d'entreprise 'M. [I] s'occupe exclusivement de la caisse'.
Il en résulte que M. [I] a bien 'assuré la gestion et le développement de l'unité commerciale sous l'autorité du responsable', ce qui constitue la finalité de l'emploi d'agent de maîtrise revendiqué, y compris pendant les périodes de présence de son responsable.
L'employeur reconnaît en effet lui-même que son salarié n'était pas seulement chargé de 'participer' aux différentes tâches incombant à un employé niveau E1, mais qu'il les assumait directement, de sorte que les tâches qu'il exerçait concrètement correspondent aux critères conventionnels du niveau AM1 de la convention collective applicable. Le salarié n'établit en revanche pas qu'il exerçait concrètement les fonctions de 'manager' relevant du niveau AM2.
Il convient en conséquence, par voie d'infirmation, de faire droit à la demande de rappel de salaire au titre de la qualification d' 'adjoint-responsable d'unité commerciale', niveau AM1 de la convention collective applicable.
A ce titre, il résulte de l'article 53 du chapitre IX de ladite convention que le salaire minimum applicable au niveau AM1 s'élève à 2 196,18 euros pour un taux horaire de 14,48 euros.
Le montant du rappel de salaire sera donc fixé à la somme de 6 279,12 euros, outre la somme de 627,91 euros de congés payés afférents, au paiement desquelles l'employeur sera donc condamné.
Sur le licenciement
Sur la régularité de l'engagement de la procédure de licenciement
Le salarié expose que l'employeur ne pouvait ignorer qu'il devait préciser la mention « Chez M. [G] [C] » afin que les courriers envoyés au salarié puissent lui parvenir. Or, il ressort des courriers produits l'employeur lui-même que, systématiquement, il a mal adressé le courrier, en omettant la mention chez M. [G] [C], de sorte que l'employeur n'a pas adressé au salarié de manière régulière le courrier de convocation à un entretien préalable ni le courrier de licenciement, ce qui prive le licenciement de cause réelle ou sérieuse, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
L'employeur objecte qu'en aucun cas, contrairement à ce que soutient M. [I], il n'a volontairement adressé les courriers de la procédure de licenciement à une adresse inconnue ou erronée de sorte que le salarié ne puisse en avoir connaissance, qu'en effet l'adresse à laquelle il a envoyé ces courriers est celle qui lui a été communiquée par le salarié lui-même, à savoir l'adresse qui figure sur la carte nationale d'identité du salarié, remise à l'employeur à la date de son embauche, qu'il ne disposait d'aucun autre document mentionnant l'adresse revendiquée par M. [I], c'est-à-dire l'adresse comportant la précision : Chez M. [G] [C].
**
Selon l'article L.1232-2 du code du travail prévoit la convocation du salarié à un entretien préalable :
« L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre
décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. (...) »
Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'employeur ait eu connaissance, lors de l'envoi des lettres de mise à pied du 30 septembre 2018, de convocation à l'entretien préalable du 12 octobre 2018, puis de licenciement du 30 octobre 2018, qu'il était nécessaire de mentionner 'chez M. [G] [C]' pour que le courrier parvienne à son salarié. Les bulletins de paie sont émis à l'adresse figurant sur la carte d'identité du salarié, qui ne précise pas 'chez M. [G] [C]'.
C'est donc de façon régulière que l'employeur a engagé la procédure de licenciement de son salarié, en application des dispositions légales précitées.
Au surplus, la cour relève que la lettre de convocation à l'entretien préalable du 12 octobre 2018 indique que l'employeur est 'sans nouvelles' de son salarié depuis le 1er octobre 2018, soit le lendemain de la lettre de mise à pied à titre conservatoire, que le salarié a donc respectée, ce qui implique qu'il en a eu connaissance.
Enfin, le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement ne peut être déduit du seul fait que l'employeur a reçu une lettre du conseil du salarié le 8 octobre l'interrogeant sur la situation de l'intéressé et que, dans sa réponse du 15 octobre, il n'a pas fait état du retour 'destinataire inconnu à l'adresse indiquée' de la notification de la mise à pied, et de la convocation à un éventuel entretien préalable, dont il n'est pas établi qu'il avait alors déjà connaissance.
En tout état de cause, ces manquements ne peuvent, le cas échéant, que donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail, laquelle sera examinée ci-après.
Sur le licenciement verbal
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, 'Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement.'
Il est constant que lorsque l'employeur, avant l'entretien préalable, manifeste la volonté irrévocable de rompre le contrat de travail, cela s'assimile en un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc. 12 décembre 2018, pourvoi n° 16-27.537)
En l'espèce, il résulte de la lettre de l'employeur au conseil du salarié en date du 15 octobre 2018, qu'il a affirmé de manière parfaitement explicite, en parlant du salarié : « nous avions eu à déplorer de sa part le fait fautif suivant qui constitue une faute lourde » (Pièce n°3 du salarié), manifestant ainsi l'intention de l'employeur de rompre le travail du salarié dès cette date.
Il en résulte que l'employeur, dont la cour relève qu'il ne répond pas au moyen du salarié tiré du caractère verbal du licenciement, a, dès avant l'entretien préalable prévu le 22 octobre 2018, manifesté la volonté irrévocable de rompre le contrat de travail, ce dont il convient de déduire l'existence d'un licenciement verbal dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé de ce chef, mais pour d'autres motifs.
Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M.[I] ayant acquis une ancienneté de deux années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement moins de onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 0,5 mois et 3,5 mois de salaire.
Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération brute mensuelle qui aurait du être versée au salarié compte tenu de la qualification précédemment retenue (2 196,18 euros bruts), de son âge (46 ans), de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu du montant du salaire brut mensuel résultant de la qualification AM1 précédemment retenu, il convient en revanche d'infirmer le jugement s'agissant des montants alloués au salarié au titre de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.
Statuant à nouveau de ces chefs, il convient de condamner M. [Z] à verser au salarié la somme de 1 861,83 euros à titre d'indemnité légale de licenciement et la somme de 4 392,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, pour laquelle le salarié ne sollicite pas les congés payés afférents.
Sur le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté
A l'appui de ce manquement, que le salarié qualifiait devant les premiers juges "d'inexécution fautive du contrat de travail", le salarié invoque la non-inscription de l'adresse du salarié, dont la cour a précédemment retenu qu'elle ne relevait pas d'une manoeuvre volontaire de l'employeur, auquel il ne peut dès lors être reproché aucun manquement de ce chef.
Il invoque ensuite la modification unilatérale du contrat de travail du salarié, dont le préjudice a toutefois été réparé par l'octroi du rappel de salaire sollicité au titre du repositionnement à la qualification AM1 de la convention collective applicable.
Enfin, il invoque le non-paiement du salaire et la fourniture de travail entre septembre et décembre 2018, au motif qu'il a travaillé en septembre et que ni la convocation à un entretien
préalable, ni la lettre de licenciement n'ont été adressé à la bonne adresse, ce dernier motif ayant été précédemment écarté par la cour. S'agissant du paiement du salaire de septembre 2018, il n'est pas contesté que celui-ci est intervenu devant le bureau de conciliation que le salarié avait saisi.
En l'absence de tout préjudice résultant pour le salarié de ce seul manquement de l'employeur à son obligation de loyauté, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef.
Sur le travail dissimulé
Le salarié expose qu'il ressort de sa déclaration de revenus 2018 que l'administration fiscale n'était informée du versement des salaires par la société qu'à hauteur de 2 418 euros, qu'il s'en infère que l'employeur a omis sciemment et volontairement de déclarer plus de 6 mois de salaire pourtant versés au salarié, que tant la déclaration fiscale que le relevé de carrière de la CNAV concordent et démontrent que l'employeur a omis de déclarer le salarié plusieurs mois de l'année 2018.
L'employeur objecte que le salarié produit sa déclaration pré-remplie des revenus 2018, déposée par lui le 23 mai 2019 et qui mentionnait initialement la somme de 2.418 euros, lors de l'envoi par les services fiscaux, qu'il a corrigé le montant initial en ajoutant une somme de 10 426 euros calculée par ses soins, que ce document n'engage en aucune façon l'entreprise.
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Aux termes de l'article L.8221-3 du code du travail : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
(...)
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur.
Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 133-6-7-1 du code de la sécurité sociale. »
En l'espèce, par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont considéré que la seule déclaration d'impôts ne suffit pas à établir la dissimulation par l'employeur des revenus versés en 2018 à son salarié, la cour ajoutant à ces motifs, d'une part, que le relevé CNAV du salarié établit que, les années précédentes, la totalité des sommes perçues à titre de salaire ont bien été portées à la connaissance de cette caisse, et, d'autre part, que la déclaration pré-remplie peut et doit faire l'objet de correction par le déclarant lui-même en cas d'erreur relevée sur le montant des sommes pré-remplies par l'administration.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation pour les créances salariales, le jugement étant en conséquence confirmé de ces chefs, ainsi qu'en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner M. [Z] aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il fixe le salaire de M. [I] à 1 498,5 euros, le déboute de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents à l'emploi d'adjoint-responsable d'unité commerciale, et en ce qu'il condamne l'entreprise [Z] [K] à verser à M. [I] les sommes de 1 125 euros au titre d'indemnité légale de licenciement, et 3 000 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers du 15 avril 1988 (désormais la convention collective nationale du commerce de détail alimentaire non spécialisé du 12 janvier 2021, IDCC n°1505, est applicable au contrat de travail conclu entre les parties,
CONDAMNE M. [Z] à verser à M. [I] les sommes suivantes :
- 6 279,12 euros, outre la somme de 627,91 euros de congés payés afférents, à titre de rappel de salaire sur la qualification d'adjoint-responsable d'unité commerciale, niveau AM1 de la convention collective nationale précitée,
- 1 861,83 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 4 392,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
Condamne M. [Z] à payer à M. [I] la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande fondée sur ce texte,
Condamne M. [Z] aux dépens de l'instance d'appel.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente