COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
1re chambre 2e section
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 16 MAI 2023
N° RG 22/00166 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U6AR
AFFAIRE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
C/
M. [Y] [U]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2021 par le Tribunal de proximité de DREUX
N° RG : 1120000228
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 16/05/23
à :
Me Mathieu KARM
Me Mathilde BAUDIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la Société SYGMA BANQUE
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 9]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Mathieu KARM de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 - N° du dossier 34714 -
Représentant : Maître Sébastien MENDES GIL de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P173
APPELANTE
****************
Monsieur [Y] [U]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentant : Maître Mathilde BAUDIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
Représentant : Maître Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, Plaidant, avocat au barreau de DOUAI -
Madame [F] [X] épouse [U]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentant : Maître Mathilde BAUDIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
Représentant : Maître Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, Plaidant, avocat au barreau de DOUAI -
INTIMES
Maître [V] [S] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la Société FRANCE-CLIMAT, société par actions simplifiées, dont le siège social est sis [Adresse 5].
[Adresse 7]
[Localité 8]
Assigné à personne habilitée à recevoir l'acte
INTIME DEFAILLANT
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Suite à un démarchage à domicile, M. [Y] [U] et Mme [F] [X], épouse [U], ont signé, le 12 février 2014, un bon de commande d'une valeur de 20 000 euros portant sur une installation photovoltaïque fournie par la société France climat.
L'opération a été financée par un prêt affecté, souscrit le même jour, auprès de la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société BNP Paribas Personal Finance.
Par acte de commissaire de justice délivré le 9 octobre 2020, M. et Mme [U] ont assigné la société France climat prise en la personne de Me [V] [S], ès qualités de mandataire liquidateur, ainsi que la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Dreux aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- constater et au besoin prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance au paiement des sommes suivantes :
- 20 000 euros au titre de l'intégralité du prix de vente de l'installation, avec intérêts au taux conventionnel en exécution du prêt souscrit,
- 3 000 euros au titre de l'enlèvement de l'installation, de la remise en état de l'immeuble,
évaluation qui sera faite de manière plus précise et sur devis en cours de procédure,
- 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,
- 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Dreux a :
- écarté les fins de non-recevoir soulevées par la société BNP Paribas Personal Finance et déclaré M. et Mme [U] recevables en leurs demandes,
- prononcé la résolution du contrat de vente conclu le 12 février 2014 entre la société France climat, prise en la personne de Maître [V] [S], ès qualités de mandataire liquidateur, et M. et Mme [U],
- prononcé la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. et Mme [U] et la société Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance, préteur,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à verser à M. et Mme [U] les sommes suivantes :
* 20 000 euros correspondant au prix de vente, montant principal du crédit,
* 9 605,04 euros versée au titre des intérêts conventionnels et frais,
* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. et Mme [U] de leur demande de dommages et intérêts,
- débouté la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens,
- rappelé que la décision était exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 6 octobre 2022, elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal en ce qu'il
- a écarté les fins de non-recevoir soulevées par la société BNP Paribas Personal Finance et déclaré M. et Mme [U] recevables en leurs demandes,
- a prononcé la résolution du contrat de vente conclu le 12 février 2014 entre la société France climat, prise en la personne de Maître [V] [S], ès qualités de mandataire liquidateur, et M. et Mme [U],
- a prononcé la résolution de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le même jour avec elle,
- l'a condamnée à verser à M. et Mme [U] les sommes suivantes :
* 20 000 euros correspondant au prix de vente, montant principal du crédit,
* 9 605,04 euros versée au titre des intérêts conventionnels et frais,
- l'a déboutée de ses demandes en ce compris :
* sa demande subsidiaire, en cas de nullité du contrat, visant à la condamnation solidaire de M. et Mme [U] à lui payer la somme de 22 000,00 euros en restitution du capital prêté,
*sa demande plus subsidiaire visant à la condamnation solidaire de M. et Mme [U] à lui payer la somme de 22 000,00 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable,
* sa demande visant à la condamnation solidaire de M. et Mme [U] à restituer, à leurs frais, les panneaux photovoltaïques installés chez eux entre les mains de Me [V] [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France climat,
* sa demande de compensation des créances réciproques à due concurrence,
* sa demande de condamnation solidaire de M. et Mme [U] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance,
- l'a condamnée à payer la somme de 2 000,00 euros à M. et Mme [U] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamnée aux dépens,
Statuant sur les chefs critiqués,
- à titre principal,
* déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [U] en nullité du contrat conclu avec la société France climat,
* déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. et Mme [U] en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Sygma Banque,
* dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées,
* débouter M. et Mme [U] de leur demande en nullité du contrat conclu avec la société France climat, ainsi que de leur demande en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Sygma Banque et de sa demande en restitution des mensualités réglées,
- subsidiairement, en cas de nullité des contrats,
* déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [U] visant à être déchargés de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins les en débouter,
* condamner en conséquence in solidum M. et Mme [U] à lui régler la somme de 20 000 euros en restitution du capital prêté,
* en tout état de cause, déclarer irrecevable la demande de M. et Mme [U] visant à la privation de sa créance, ainsi que de leur demande de dommages et intérêts, à tout le moins, les débouter de leurs demandes,
* rejeter la demande de restitution des sommes réglées à hauteur de 29 605,04 euros et limiter sa condamnation au titre des mensualités à restituer à hauteur du montant effectif des mensualités versées soit à la somme de 19 120,47 euros,
- très subsidiairement,
* limiter la réparation qu'elle devrait eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,
* limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. et Mme [U] d'en justifier,
* en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, limiter la réparation à hauteur du préjudice subi et dire et juger que M. et Mme [U] restent tenus de restituer l'entier capital à hauteur de 20 000 euros,
A titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de sa créance,
* condamner in solidum M. et Mme [U] à lui payer la somme de 20 000 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,
* enjoindre à M. et Mme [U] de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à Maître [V] [S], domicilié [Adresse 7], dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité et dire et juger qu'à défaut de restitution, il resterait tenu du remboursement du capital prêté,
* subsidiairement, priver M. et Mme [U] de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,
* débouter M. et Mme [U] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
* ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
- en tout état de cause,
* condamner in solidum M. et Mme [U] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamner M. et Mme [U] aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Mathieu Karm.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 5 juillet 2022, M. et Mme [U], intimés, prient la cour de :
- confirmer le jugement rendu entre les parties le 14 décembre 2021 par le juge des contentieux de la protection près le tribunal de proximité de Dreux, sauf en ce qu'il a rejeté leur demande au titre des frais d'assurance et du préjudice moral,
Par conséquent,
- déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société France climat,
- constater et en tant que besoin prononcer la nullité du contrat de prêt affecté conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance,
- déclarer que la société BNP Paribas Personal Finance a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit par conséquent être privée de sa créance de restitution,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur rembourser l'ensemble des sommes qu'ils ont été amenés à lui régler, à quelque titre que ce soit, dans le cadre de l'exécution normale du contrat de crédit litigieux,
En tout état de cause,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à leur verser les sommes suivantes :
* 20 000 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
* 9 605,04 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu'ils ont payés à la société BNP Paribas Personal Finance en exécution du prêt souscrit,
* 1 064,00 euros au titre des frais d'assurance du prêt bancaire contracté,
* 5 000 euros au titre du préjudice moral,
* 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à supporter les entiers frais et dépens, tant de 1ère instance que d'appel,
- rejeter et débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes.
Me [S] n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 15 mars 2022, la déclaration d'appel lui a été signifiée par remise à personne physique habilitée. Par acte de commissaire de justice délivré le 26 avril 2022, les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par personne physique habilitée. Les conclusions des intimés lui ont été signifiées le 12 juillet 2022 par acte de commissaire de justice selon les mêmes modalités.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 décembre 2022.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
Me [S], intimé ne comparaissant pas ayant été assigné à personne, la cour statuera par arrêt réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474, alinéa 1er du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté
A) Recevabilité de la demande
La société BNP Paribas personal finance soulève l'irrecevabilité pour cause de prescription de la demande d'annulation du bon de commande fondée sur les anciens articles L. 121-1 du code de la consommation.
Elle fait grief à la décision déférée d'avoir jugé l'action recevable, motif pris de ce que la date de la connaissance des faits par les époux [U] leur permettant d'agir en justice devait être fixée à la date à laquelle ils ont consulté un avocat suite à la liquidation judiciaire de la société venderesse et à la date d'établissement de la première facture de vente de leur production d'électricité soit le 9 octobre 2015.
Elle soutient, à hauteur de cour, que l'action en nullité d'un contrat se prescrit par cinq ans, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil, et que, les irrégularités invoquées par les époux [U] étant décelables dès la signature du bon de commande, intervenue le 12 février 2014, la prescription a commencé à courir dès cette date, et se trouve acquise, l'acte introductif d'instance lui ayant été délivré le 8 octobre 2020.
Elle souligne, en deuxième lieu, que l'action en nullité sur le fondement du dol est également prescrite, le bon de commande ne comportant aucun engagement contractuel de la société France Climat de nature à laisser penser que l'installation aurait une rentabilité spécifique et les époux [U] ayant connaissance de la quantité d'électricité produite et, partant, étant en mesure d'agir, dès le 1er septembre 2014, date de raccordement de l'installation.
Elle rappelle que les époux [U] sont mal fondés, pour tenter d'échapper à la prescription extinctive, à se prévaloir de la jurisprudence de la cour de justice de l'union européenne, l'application de la directive 2008/48/CE, réglementant le crédit à la consommation ne comportant aucune disposition sur le contrat de vente par démarchage à domicile et les dispositions de l'article L.121-23 du code de la consommation, sur lesquelles se fondent les époux [U], ne résultant pas de la transposition de cette directive.
La société BNP Paribas personal finance fait valoir, en troisième lieu et à titre subsidiaire, que l'action des époux [U] est irrecevable en raison du remboursement anticipé, le 6 juin 2017, par ces derniers de leur prêt, ce remboursement anticipé valant reconnaissance de dette et ayant un effet extinctif de l'obligation conformément aux dispositions de l'article 1234 du code civil dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le paiement est intervenu.
La société BNP Paribas soutient, en quatrième et dernier lieu, que la demande des époux [U] est irrecevable en raison de la mauvaise foi des époux [U], caractérisée par le fait qu'ils cherchent à remettre en cause le contrat de vente, en sachant que, du fait de la mise en liquidation de la société venderesse, ils conserveront le bien acquis du fait de l'impossibilité pour la venderesse de le récupérer, par suite de sa mise en liquidation judiciaire.
Les époux [U] répliquent que la prescription quinquennale n'a pas commencé à courir au moment de la signature du contrat, en application de la jurisprudence de la CJUE et n'est point acquise, les époux [U] ayant ignoré les faits leur permettant d'agir et notamment la faute commise par la banque jusqu'à ce qu'une association de consommateurs attire leur attention à cet égard et les invite à consulter un avocat. Ils soulignent, en outre, que l'égalité des armes interdit d'opposer la prescription s'agissant des irrégularités affectant la validité d'un prêt en cours d'exécution, et, en l'espèce, la prescription n'est pas acquise le prêt consenti par la banque ayant été remboursé en 2017, soit moins de cinq avant que l'acte introductif d'instance ne soit délivré. Ils soutiennent, enfin, que le remboursement anticipé de leur prêt ne saurait faire obstacle à la recevabilité de leur demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté, dès lors qu'en application des dispositions de l'article 2249 du code civil, l'exclusion de la répétition ne s'applique qu'après expiration du délai de prescription de la dette litigieuse et qu'en l'espèce, la dette n'est point prescrite.
Réponse de la cour
Les parties s'accordent à reconnaître que la prescription de l'action en nullité engagée par les époux [U] est régie par les dispositions de l'article 2224 du code civil, selon lesquelles 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.
Cette règle nationale de prescription de l'action, contrairement à ce que soutiennent les époux [U], est conforme aux principes européens d'effectivité des droits, notamment du consommateur, en ce que d'une part, elle ne fait courir le délai à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits ; d'autre part en ce qu'elle aménage un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en oeuvre efficacement.
En outre, ces dispositions ne portent pas atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle.
En outre, il convient de relever que l'action engagée par les époux [U] ne porte pas sur l'exécution du contrat mais sur ses conditions de formation.
C'est donc vainement que les époux [U] soutiennent que le banquier pouvant agir à l'encontre de l'emprunteur pendant toute la durée du prêt en bénéficiant du report du point de départ de la prescription à chaque impayé, le principe d'égalité des armes impose de réserver à l'emprunteur la faculté d'agir pendant toute la durée d'exécution du contrat même si celui-ci a été souscrit plusieurs années auparavant.
En outre, le principe d'effectivité des sanctions posé par l'article 23 de la directive 2008.43/CE du 23 avril 2008 n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes, et ce dans un souci de sécurité juridique compatible avec le droit communautaire.
Le point de départ du délai ouvert aux époux [U] pour agir en annulation dépend donc de la détermination de la date à laquelle ils ont pris connaissance des irrégularités entachant le bon de commande au regard des dispositions du code de la consommation.
Pour ce qui a trait au formalisme du bon de commande négocié dans le cadre d'un démarchage à domicile, la lecture des articles L.121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, articles dûment reproduits au verso du bon de commande litigieux, informait clairement les acquéreurs sur les mentions obligatoires de l'acte de vente et leur révélait par-là même les éventuels irrégularités entachant le bon qu'ils avaient signé (Cass. 1er civ. 24 mars 2021, n°19-14.876; Cass. 1er civ. 21 octobre 2020, n°19-16.617).
Par suite, les époux [U] sont mal fondés à invoquer un report de ce point de départ du délai de prescription à la date de consultation d'un avocat les ayant informés des prétendues irrégularités affectant le bon de commande ou de l'établissement de la première facture de vente à la société Edf de l'électricité produite par l'installation, alors que les causes de nullité invoquées sont exclusivement formelles et concernent le respect des dispositions légales applicables à la date de signature du contrat et qu'elles ont été portées à leur connaissance pour figurer au dos du bon de commande litigieux.
Le point de départ du délai de prescription doit, de ce fait, être fixé à la date de la signature du bon de commande, soit le 12 février 2014.
En conséquence, les époux [U] ayant assigné la société France climat prise en la personne de Me [V] [S], ès qualités de mandataire liquidateur, ainsi que la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, par acte de commissaire de justice du 8 octobre 2020, leur action en nullité engagée sur le fondement des irrégularités entachant le bon de commande est prescrite.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
La demande d'annulation des contrats de vente et, subséquemment, du crédit affecté, à un deuxième fondement juridique, qui est celui du dol.
Les époux [U] soutiennent, en effet, que leur consentement a été surpris par la société venderesse, qui les a trompés sur la rentabilité de leur installation et a usé de manoeuvres dolosives pour les convaincre de contracter.
La banque appelante conclut à l'irrecevabilité, pour cause de prescription, de la demande en nullité fondée sur le dol.
L'article 1116 du code civil, dans sa version applicable à la date du contrat, dispose que : 'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.'
Si une réticence d'informations peut être considérée comme dolosive, c'est à condition d'établir le caractère intentionnel de cette réticence par le vendeur et le caractère déterminant de l'information litigieuse sur les conditions de la vente.
La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert les manoeuvres ou la réticence dolosive qu'il dénonce.
Les époux [U] sont, par suite, bien fondés à faire valoir qu'ils n'ont pris conscience de l'absence de rentabilité attendue qu'à la date d'établissement de la première facture de production d'électricité, soit le 9 octobre 2015 et que l'assignation ayant été délivrée le 8 octobre 2020, la prescription quinquennale n'est point acquise.
La banque appelante n'établit pas, en effet, que les acquéreurs ont eu connaissance antérieurement des faits qui, selon eux, sont propres à caractériser l'existence d'un dol, étant relevé que la simple consultation de leur compteur électrique, au jour du raccordement de l'installation, n'était pas suffisante pour leur faire prendre connaissance de l'insuffisante rentabilité à leurs yeux, de leur installation, et donc du préjudice qu'ils estiment avoir subi.
De plus, le fait que le bon de commande ne comporte effectivement aucun engagement contractuel sur la rentabilité de l'installation litigieuse est sans incidence sur la recevabilité de l'action en nullité fondée sur le dol, ce fait étant lui-même sans incidence sur la date à laquelle les acquéreurs ont pris connaissance des revenus que l'installation allait leur procurer.
Le deuxième moyen d'irrecevabilité soulevé par la banque appelante tiré du caractère extinctif des paiements effectués, valant reconnaissance de dette, est également inopérant.
En l'espèce, il est constant que les époux [U] ont procédé, le 6 juin 2017, à un remboursement anticipé du crédit souscrit auprès de la société Sygma Banque.
Toutefois, l'action des époux [U] tend à voir prononcer l'annulation du contrat de vente et la nullité du contrat de crédit affecté souscrit pour financer l'opération. Leur demande n'est donc pas fondée sur une répétition de l'indu mais tend notamment à obtenir restitution des sommes versées par suite de l'annulation de l'ensemble contractuel et indemnisation de leur préjudice au regard des fautes qu'ils imputent à la banque.
Si le paiement effectué par l'emprunteur vaut exécution de sa part de l'obligation contractuelle de paiement dont il était tenu, cela ne le prive en rien d'agir ultérieurement en annulation de l'ensemble contractuel dont fait partie le contrat de crédit litigieux au regard des conditions de sa formation, en invoquant le non-respect des dispositions impératives du code de la consommation ou celles liées à un vice du consentement.
Il en résulte qu'aucune irrecevabilité n'est encourue de ce chef.
S'agissant, enfin, du moyen tiré de la mauvaise foi prêtée aux intimés, la société BNP Paribas soutient que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et que les époux [U] sont de mauvaise foi en essayant d'obtenir la nullité du contrat de vente tout en sachant qu'ils conserveront le bien acquis du fait de l'impossibilité matérielle pour la société venderesse de le récupérer.
Toutefois, le seul fait de remettre en cause un contrat postérieurement à l'expiration du délai de rétractation et en sachant que la société venderesse ne pourra le récupérer, parce qu'elle n'est plus in bonis, ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi alléguée des époux [U], qui agissent en raison de la rentabilité économique de leur acquisition qu'ils estiment insuffisante, alors qu'ils doivent, par ailleurs, rembourser les échéances d'un prêt.
Aucune violation des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil n'étant, en l'espèce, établies, le moyen ne pourra donc être accueilli.
Il résulte de ce qui précède que l'action judiciaire ayant été introduite le 8 octobre 2020, soit moins de cinq ans après la date d'établissement de la première facture, point de départ de la prescription, la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté n'est point prescrite sur le fondement du dol.
Par suite, la cour ne statuera sur le bien-fondé de la demande que sur le seul fondement juridique du dol.
B) Bien-fondé de la demande d'annulation des contrats sur le fondement du dol
Les époux [U] concluent à l'annulation du contrat de vente et subséquemment du contrat de crédit affecté, en raison du fait qu'ils ont contracté après la présentation par le vendeur de toute une série de documents commerciaux leur faisant miroiter un important rendement énergétique, des économies d'énergie, des réductions d'impôts et une installation autofinancée.
Ils exposent, à hauteur de cour, que la promesse de rentabilité résulte des documents contractuels, comme en témoigne le report de la première échéance du prêt d'une durée de douze mois, et procède de la nature même de la chose vendue.
La banque appelante rétorque que les manoeuvres dolosives alléguées ne sont pas établies, que les époux [U] n'ont formulé aucune protestation après avoir reçu leur première facture de revente d'électricité en 2015, et qu'ils n'auraient pas manqué de récriminer si les revenus perçus n'étaient pas ceux qu'ils escomptaient, qu'il n'est pas justifié de la rentabilité effective de l'installation, que cette rentabilité doit être appréciée en considération de la durée de vie de l'installation, qui est de trente ans, et que ce type d'achat ne s'inscrit pas exclusivement dans une finalité de rentabilité, mais également dans une finalité d'achat responsable dans le cadre d'un objectif de protection de l'environnement.
Réponse de la cour
Selon l'article 1116 ancien du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce, "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé".
En l'espèce, les époux [U], qui sont comme il a été dit prescrits à se prévaloir des irrégularités ou lacunes entachant le bon de commande qu'ils ont signé, ne caractérisent pas de manière circonstanciée les manoeuvres ou réticences qu'ils dénoncent et visant à les tromper sur les performances de l'installation pour les déterminer à contracter.
Contrairement à ce que soutiennent les acquéreurs, il n'est nullement démontré que la rentabilité de l'installation soit entrée dans le champ contractuel - le contrat signé ne comporte aucune précision à ce sujet - et il doit être relevé que les époux [U] n'ont assigné qu'en limite de prescription, alors même que les premières factures de revente d'électricité leur ont été communiquées dès 2015, ce qui laisse entendre que les revenus tirés de leur installation, qui s'élèvent, selon leurs dires, à quelque 1 400 euros par mois, ne sont pas notablement inférieurs à ceux qu'ils escomptaient.
Les intimés produisent, il est vrai, une expertise sur la rentabilité effective de leur installation, qui conclut à l'absence d'autofinancement et à une durée d'investissement supérieure à la durée de vie moyenne des composants de la centrale photovoltaïque. Toutefois, cette expertise, qui n'est pas contradictoire, n'est pas en cohérence avec les autres pièces versées aux débats, en ce qu'elle fait état de deux prêts affectés, d'un montant unitaire de 20 000 euros, soit un coût pour l'installation de 40 000 euros hors intérêts, alors que les conclusions et les autres pièces des parties ne mentionnent qu'un seul prêt de 22 000 euros. Les calculs de l'expert fondés sur un coût d'investissement - 64 428 euros- intégrant le coût de deux prêts, sont ainsi dénués de valeur probante.
En outre, la rentabilité de l'installation doit être appréciée sur la durée de vie de l'installation - 30 ans - qui est notablement supérieure à celle du prêt affecté, qui est de douze ans, en tenant compte des crédits d'impôts et aides perçues et de la revente effective de l'électricité.
Les intimés ne produisent aucun élément pour démontrer qu'ils n'ont reçu aucune des aides escomptées, ni ne démontrent, comme il vient d'être dit, la rentabilité effective de l'installation. Il n'établissent pas davantage que la rentabilité de l'installation ait été le critère prédominant de leur résolution de conclure ce contrat, et qu'ils en avaient informé la société venderesse, alors même qu'il n'est pas exclu que les époux [U] aient entendu, au-delà même de la rentabilité de leur investissement, consentir ' un geste pour la planète', en acquérant cette installation, qui s'analyse également comme un achat responsable et protecteur de l'environnement.
La preuve d'un dol ayant surpris le consentement des acquéreurs n'est donc pas rapportée, et le contrat de vente ne saurait être annulé sur ce fondement.
M. et Mme [U] seront, en conséquence, déboutés de l'ensemble de leurs prétentions relatives à la validité du contrat principal et à la nullité de plein droit du contrat de crédit.
Le jugement déféré est infirmé en toutes ses dispositions.
II) Sur les demandes indemnitaires des époux [U]
Les époux [U] sollicitent la condamnation de la banque appelante à leur payer les sommes suivantes :
- 20 000 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- 9 605,04 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais qu'ils ont payés à la société BNP Paribas Personal Finance en exécution du prêt souscrit,
- 1 064,00 euros au titre des frais d'assurance du prêt bancaire contracté,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral.
La société BNP Paribas personal finance conclut à l'irrecevabilité de l'action en responsabilité dirigée à son encontre, motif pris de sa prescription, soulignant que le point de départ de la prescription, s'agissant des fautes qui lui sont reprochées - vérification des irrégularités affectant le bon de commande, déblocage hâtif des fonds sans s'être assurée préalablement de l'entière exécution de la prestation - se situe au jour de la signature du contrat.
Au fond, la banque appelante conclut au mal fondé des demandes de dommages et intérêts dirigées à son encontre, motif pris de ce qu'elle n'a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande et le déblocage des fonds et que préjudices allégués sont sans liens causal avec les griefs nourris par les acquéreurs à son encontre.
Réponse de la cour
Le point de départ du délai de prescription régi par l'article 2224 du code civil se situe au jour de la commission de la faute prétendue, qu'il s'agisse de l'insuffisance de vérification formelle du bon de commande ou d'un déblocage prétendument hâtif des fonds.
Au cas d'espèce, les contrats de vente et de crédit affecté ayant été signé le 12 février 2014 et le déblocage des fonds étant intervenu le 25 mars 2014, l'action en responsabilité, et subséquemment la totalité des demandes en indemnisation des préjudices des époux [U], sont irrecevables comme prescrites, l'introduction de l'instance devant le premier juge étant intervenue le 8 octobre 2020, soit plus de cinq après la signature des contrats et le déblocage des fonds marquant le point de départ du délai de la prescription quinquennale.
III) Sur les demandes accessoires
Les [U], qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
Déclare irrecevables les demandes de M. [Y] [U] et Mme [F] [X], épouse [U], comme étant prescrites, à l'exception de celle en annulation des contrats de vente et, subséquemment du crédit affecté, fondée sur le dol ;
Déboute M. [Y] [U] et Mme [F] [X], épouse [U], de leur demande d'annulation des contrats de vente et du crédit affecté fondée sur le dol ;
Déboute M. [Y] [U] et Mme [F] [X], épouse [U], de leur demande en paiement au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens de la procédure d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [Y] [U] et Mme [F] [X], épouse [U], à payer à la société BNP Paribas personal finance une indemnité de 3 000 euros;
Condamne M. [Y] [U] et Mme [F] [X], épouse [U], aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens de la procédure d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Mathieu Karm, avocat, qui en fait la demande.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,