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11/05/2023 | FRANCE | N°22/01822

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 11 mai 2023, 22/01822


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30Z



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MAI 2023



N° RG 22/01822 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCQM





AFFAIRE :



S.A.R.L. PHILIPPE AUGUSTE



C/



S.A. PROXISERVE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° RG : 16/13573



Ex

péditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Stéphanie TERIITEHAU



TJ NANTERRE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30Z

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 22/01822 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VCQM

AFFAIRE :

S.A.R.L. PHILIPPE AUGUSTE

C/

S.A. PROXISERVE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° RG : 16/13573

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Stéphanie TERIITEHAU

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 12 janvier 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la 12ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 5 novembre 2020

S.A.R.L. PHILIPPE AUGUSTE

RCS Paris n° 414 807 222

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Henry RANCHON du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: R030

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. PROXISERVE

RCS Nanterre n° 334 873 726

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et Me Laurent DE GABRIELLI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A314

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller faisant fonction de président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magitrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 1er juillet 2010, la SCI Rue de l'Est, aux droits de laquelle vient la SARL Philippe Auguste, a donné à bail commercial à la SA Proxiserve, pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2011, des locaux à usage de bureaux d'une surface de 1.706 m², outre des parkings, dans un immeuble sis [Adresse 2] (92). Ce bail faisait suite à un précédent contrat de location conclu en janvier 2008, qui a fait l'objet d'une résiliation amiable anticipée.

Le loyer annuel a été fixé à la somme de 604.980 euros HT et HC avec une franchise de 3 mois de loyer pour l'année 2011 et de 2 mois pour l'année 2012.

A la fin de l'année 2015, la société Proxiserve a sollicité la réalisation de travaux par la bailleresse. Le preneur et le bailleur se sont alors trouvés en désaccord sur la prise en charge financière de ces travaux.

Par courrier du 24 mai 2016, la société Proxiserve a mis en demeure la société Philippe Auguste de lui régler diverses sommes et de lui restituer les sommes versées au titre de la clause d'indexation contractuelle, considérée par elle comme nulle. Cette mise en demeure est restée sans effet.

Le 8 juin 2016, la société Proxiserve a délivré congé à la société Philippe Auguste pour le 31 décembre 2016.

Par acte du 4 juillet 2016, la société Proxiserve a fait assigner la société Philippe Auguste en référé afin de la voir condamner à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 262.942,30 € HT, soit 315.530,76 € TTC, au titre des loyers indexés indûment réglés selon elle de 2012 à 2016. Par ordonnance du 26 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté cette demande au motif qu'elle se heurtait à une contestation sérieuse.

Par ordonnance de référé du 17 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la société Proxiserve, a désigné un expert afin notamment de décrire les travaux à réaliser pour une restitution des lieux en bon état. L'expert a déposé son rapport le 25 septembre 2017.

Par acte du 12 octobre 2016, la société Proxiserve a fait assigner la société Philippe Auguste au fond devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'annulation de la clause d'indexation, de restitution des sommes perçues au titre de cette clause et de remboursement d'honoraires de gestion ainsi que de frais de remplacement de la climatisation.

Par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 146.930,45 € HT, soit la somme de 176.316,54 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016 au titre des frais de gestion ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 262.942,30 € HT, soit la somme de 315.530,76 € TTC, au titre des sommes versées indument selon indexation, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016 ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 108.597 € TTC au titre du coût de remplacement de l'installation de climatisation ;

- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers des condamnations prononcées à l'encontre de la société Philippe Auguste ;

- Condamné la société Philippe Auguste aux dépens et autorisé Me Laurent de Gabrielli à les recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 21 février 2019, la société Philippe Auguste a interjeté appel du jugement.

Par arrêt du 5 novembre 2020, la cour d'appel de Versailles a :

- Infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 20 décembre 2018 en ce qu'il a condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 146.930,45 € HT, soit la somme de 176.316,54 € TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016 au titre des frais de gestion ;

- Confirmé le jugement pour le surplus ;

Et y ajoutant,

- Dit que la somme de 108.597 € au titre du coût de remplacement de l'installation de climatisation portera intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2017 ;

- Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Rejeté toutes autres demandes ;

- Condamné la société Philippe Auguste aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile, étant toutefois précisé que les frais d'expertise seront partagés par moitié.

Un pourvoi a été formé à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 12 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 262.942,30 € HT, soit la somme de 315.530,76 € TTC, au titre des sommes versées indûment selon indexation, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016 et ordonné la capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

- Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

- Condamné la société Proxiserve aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

Par déclaration du 23 mars 2022, enregistrée au greffe le 24 mars 2022, la société Philippe Auguste a saisi la cour d'appel de Versailles.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 28 novembre 2022, la société Philippe Auguste demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 20 décembre 2018 en ce qu'il a :

- Condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 262.942,30 € HT, soit la somme de 315.530,76 € TTC, au titre des sommes versées indument selon indexation, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016,

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau et y faisant droit,

A titre principal,

- Juger que la clause d'indexation stipulée à l'article 7 du bail conclu le 1er juillet 2010 entre la société Philippe Auguste et la société Proxiserve doit être considérée comme divisible ;

En conséquence,

- Limiter la condamnation de la société Philippe Auguste au profit de la société Proxiserve à la somme de 50.248,80 € HT, soit 60.086,80 € TTC ;

- Condamner la société Proxiserve à restituer à la société Philippe Auguste la somme de 215.693,50 € HT, soit 255.443,96 € TTC, au titre des sommes indexées en fonction du jeu normal des indices ;

- Débouter la société Proxiserve de sa demande de capitalisation des intérêts sur ladite somme de 50.248,80 € HT ;

- Débouter la société Proxiserve de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, si la capitalisation des intérêts devait être ordonnée,

- Ordonner la capitalisation des intérêts sur les sommes dues par la société Philippe Auguste à la société Proxiserve à compter de l'assignation du 3 octobre 2016 pour toute condamnation relative aux sommes versées au titre de l'indexation ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Proxiserve à payer à la société Philippe Auguste une somme de 20.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Proxiserve aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés directement par Me Henry Ranchon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 19 juillet 2022, la société Proxiserve demande à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit nulle la clause d'indexation du bail (art. 7) qui exclut la réciprocité de la variation du loyer et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse comme contraire au principe de réciprocité qui est de l'essence même de toute clause d'indexation, aux dispositions de l'article L.112-1 du code monétaire et financier dès lors qu'elle conduit à prendre en compte une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision et aux dispositions de l'article L.145-39 du code de commerce dont elle empêche le jeu ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il l'a dite nulle dans sa globalité par application des dispositions des articles R.145-22, L.145-38 et L.145-15 du code de commerce alors que si l'un des éléments retenus pour le calcul de la clause d'échelle mobile vient à disparaitre la révision ne peut être demandée et poursuivie que dans les conditions de l'article L.145-38 et qu'elle forme un ensemble indivisible dont chacune des dispositions ne peut être isolée ;

- Confirmer la condamnation de la société Philippe Auguste à restituer à la société Proxiserve la somme de 262.942,30 € HT, soit 315.530,76 € TTC, avec intérêts au taux légal et capitalisation par année ;

- Réformer la décision sur le point de départ des intérêts et le fixer à compter du jour des versements, si besoin est à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice subi du fait de la privation de ses fonds et le confirmer en toute hypothèse à compter de la mise en demeure du 24 mai 2016 ;

- Débouter la société Philippe Auguste de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 30.000 € en remboursement des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Philippe Auguste aux dépens, qui seront distraits et recouvrés pour ceux d'appel par la SELARL Minault Teriitehau agissant par Me Stéphanie Teriitehau, avocat, pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Aux termes de son arrêt rendu le 12 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a d'abord considéré que « la cour d'appel a exactement retenu que la clause d'indexation excluant toute réciprocité de la variation en prévoyant que l'indexation ne s'effectuerait que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse contrevenait aux dispositions de l'article L.145-39 du code de commerce et devait être réputée non écrite par application de l'article L.145-15 du même code ».

Elle a ensuite cassé partiellement l'arrêt du 5 novembre 2020 confirmant le jugement de première instance ayant réputé non écrite en son entier la clause d'indexation, en ce que pour statuer en ce sens, la cour d'appel a retenu que « l'intention du bailleur était d'en faire, sans distinction de ses différentes parties, une condition essentielle et déterminante de son consentement, toutes les stipulations de cette clause revêtant un caractère essentiel, conduisant à l'indivisibilité de celles-ci et empêchant d'opérer un choix entre elles pour n'en conserver que certaines ».

La troisième chambre civile a en effet estimé qu' « en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'indivisibilité, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

La discussion devant cette cour est donc circonscrite à l'étendue de la sanction du réputé non écrit prévue par l'article L.145-15 du code de commerce et au caractère divisible ou non de la clause d'indexation.

Sur la divisibilité de la clause d'indexation

La société Philippe Auguste soutient que la clause d'indexation ne saurait être réputée non écrite dans sa globalité ; que seule la stipulation de la clause prévoyant que l'indexation ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse, contrevient aux dispositions de l'article L.145-39 du code de commerce et doit être réputée non écrite. Elle sollicite en conséquence l'infirmation du jugement de première instance qui l'a condamnée à restituer à la société Proxiserve la somme de 315.530,76 € TTC, au titre des sommes versées indument selon indexation, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016, et qui a ordonné la capitalisation des intérêts.

Elle estime que l'interprétation qui est faite par la société Proxiserve de l'arrêt rendu le 12 janvier 2022 par la Cour de cassation en dénature la portée. Elle considère que la société Proxiserve cite en outre des jurisprudences de cour d'appel qui ont été contredites depuis par plusieurs arrêts de la Cour de cassation.

Elle fait valoir que l'illicéité invoquée par la société Proxiserve est cantonnée à un alinéa isolable de la clause d'indexation et que la validité des autres stipulations, relatives à la périodicité de l'indexation et aux indices prévus pour son calcul, n'est nullement en cause ; que devant les premiers juges, elle avait déjà évoqué à titre subsidiaire la divisibilité de la clause ; que la suppression de l'alinéa litigieux ne fait pas perdre à la convention d'indexation sa cohérence ; que la commune intention des parties était bien d'assortir le bail d'une clause d'échelle mobile ; qu'enfin, la sanction du réputé non écrit, lourde de conséquences en ce qu'elle expose le bailleur au remboursement des loyers indexés et est susceptible de le priver pour une durée indéterminée du principe de l'indexation des loyers, doit être appliquée de façon raisonnée et justifiée.

La société Proxiserve est d'avis quant à elle que la clause d'indexation doit être déclarée non écrite en son entier, soulignant que selon les termes du bail, cette clause est dans sa globalité une condition essentielle et déterminante de l'engagement des parties, et en particulier du bailleur, de contracter. Elle sollicite donc la confirmation du jugement de première instance. Elle considère que la société Philippe Auguste est malvenue maintenant à solliciter que seules les dispositions illicites comme contraires au principe de réciprocité soient réputées non écrites.

Elle soutient que l'illégalité de la disposition portant sur la prohibition de la variation à la baisse du loyer a nécessairement un impact sur les indexations ultérieures et n'est donc pas susceptible d'être isolée sans que la cohérence même du reste de la clause ne soit atteinte, alors même que ces stipulations dans leur indivisibilité sont essentielles à l'expression de la volonté des parties de soumettre le loyer à une indexation. Elle en déduit que le loyer doit être ramené à son montant initial et qu'il ne peut être révisé que dans le cadre de l'article L.145-38 du code de commerce, conformément aux dispositions de l'article R.145-33 alinéa 2 de ce code.

*****

En vertu de l'article 1217 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

Pour déclarer partiellement non écrite une clause d'indexation, il faut que la stipulation illégale soit susceptible d'être isolée, sans que la cohérence du reste de la clause soit atteinte. Il convient en outre que la stipulation illicite ne soit pas essentielle à l'expression de la volonté des parties de soumettre le loyer à une indexation et que l'objectif d'équilibre et de stabilité monétaire poursuivi par le législateur soit satisfait par le seul effacement de ce qui est illégal.

L'importance pour le bailleur que le bail contienne une clause d'indexation, qui peut constituer une condition essentielle de son engagement sans laquelle il ne se serait pas engagé dans ces conditions, ne signifie pas que le bailleur avait fait de la présence d'une clause prévoyant une indexation fonctionnant seulement à la hausse une condition de son engagement.

En l'espèce, l'article 7 du contrat de bail du 1er juillet 2010 est ainsi rédigé :

« Le loyer et le dépôt de garantie seront révisés de plein droit chaque année suivant la variation de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE, sans l'accomplissement d'aucune formalité judiciaire ou extrajudiciaire, et pour la première fois le 1er janvier 2012.

L'indice de base retenu sera celui du 2ème trimestre 2010, non encore paru au moment de la conclusion des présentes, l'indice de comparaison celui du 2ème trimestre correspondant de chacune des années suivantes. L'augmentation en résultant sera applicable dès le 1er janvier de chaque année. Cette indexation annuelle ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse du dernier indice, le loyer ne pouvant en aucun cas varier à la baisse.

Si l'indice INSEE cessait d'être publié, il serait remplacé à défaut d'un nouvel indice officiel, par un indice équivalent, choisi par accord amiable entre les parties ou, à défaut, par voie d'expertise effectuée par ordonnance du Président du Tribunal de Grande instance, rendue sur requête de la partie la plus diligente.

Il est précisé que la présente clause constitue une indexation conventionnelle et ne se réfère pas à la révision triennale prévue par les articles L.145-37 et L.145-38 du code de commerce et par l'article 26 alinéas 2 et suivants du décret du 30 septembre 1953, et qui est de droit.

La présente clause d'indexation constitue une condition essentielle et déterminante sans laquelle le bailleur n'aurait pas contracté. En conséquence, sa non application partielle ou totale pourra autoriser le Bailleur, et lui seul, à demander la résiliation du bail, sans indemnités quelconques au profit du Preneur. »

Ainsi, cette clause d'indexation litigieuse stipule en son deuxième alinéa que le loyer ne pourra pas varier à la baisse, tandis que le dernier alinéa précise que la clause d'indexation dans son entier constitue une condition essentielle et déterminante du consentement du bailleur et que la non application partielle ou totale de la clause d'indexation pourra autoriser ce dernier à demander la résiliation du bail.

Toutefois, comme le souligne justement le bailleur, la suppression de la stipulation illicite prévoyant que l'indexation ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse n'altère en rien la cohérence de la clause. La clause d'indexation, expurgée de la stipulation illicite, apparait parfaitement compréhensible et applicable, sans l'ajout ou la modification d'un autre de ses alinéas. Il en résulte que la stipulation illicite est dissociable des autres mentions de la clause d'indexation et en particulier du principe même de l'indexation du loyer.

En outre, il n'est pas établi que l'exclusion d'une variation de l'indice à la baisse a été déterminante dans la volonté du bailleur de soumettre le loyer à une indexation annuelle fondée sur la variation de l'indice du coût de la construction.

Etant rappelé que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, il convient de dire, au vu de ce qui précède, que seule la disposition de l'article 7 selon laquelle «Cette indexation annuelle ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse du dernier indice, le loyer ne pouvant en aucun cas varier à la baisse » sera déclarée non écrite, les autres stipulations de la clause d'indexation continuant de s'appliquer.

Le jugement de première instance sera réformé en ce qu'il a retenu la nullité (sic) de la clause d'indexation dans son intégralité.

Sur la répétition des sommes indexées en vertu de la clause litigieuse

La société Philippe Auguste reproche aux premiers juges d'avoir paralysé toute application de l'indexation en réputant non écrite l'intégralité de la clause d'indexation et d'avoir ainsi permis à la société Proxiserve d'obtenir à tort la restitution intégrale des sommes indexées. En conséquence de la divisibilité de la clause d'indexation, elle propose un calcul des sommes à indexer par le jeu normal des indices, qui conduit à limiter selon elle la somme à restituer au preneur au montant de 50.248,80 € HT, soit 60.086,80 € TTC.

Elle précise que le remboursement d'un trop perçu de dépôt de garantie est devenu sans objet dès lors que le dépôt de garantie versé par la société Proxiserve au titre du bail lui a d'ores et déjà été restitué dans son intégralité en exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 8 novembre 2018, par compensation de créances réciproques.

La société Proxiserve se limite à solliciter la confirmation de la condamnation du bailleur à lui restituer la somme de 262.942,30 € HT, soit 315.530,76 € TTC, sans proposer d'autre calcul pour le cas où la clause d'indexation ne serait pas déclarée non écrite dans son intégralité.

Elle réclame aussi la confirmation de la décision sur le principe des intérêts et de leur capitalisation mais entend en obtenir la réformation s'agissant du point de départ des intérêts, qui doit être fixé selon elle au jour des règlements indus. Elle demande que les intérêts correspondants lui soient, « si besoin », accordés à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation du préjudice subi du fait de la privation des fonds.

*****

La cour fait sien le calcul proposé par la société Philippe Auguste, à défaut pour la société Proxiserve de le discuter. Il convient en conséquence de condamner le bailleur, par infirmation du jugement de première instance, à payer au preneur la somme de 50.248,80 € HT, soit la somme de 60.086,80 € TTC, au titre des sommes versées indument selon indexation, avec intérêts au taux légal, la capitalisation des intérêts étant ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Les premiers juges méritent d'être suivis en ce qu'ils ont fixé le point de départ des intérêts au 24 mai 2016, date de la mise en demeure, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

La société Proxiserve formule de façon subsidiaire une demande de paiement de ces intérêts à titre de dommages et intérêts complémentaires. Aucun élément ne permet cependant, par application de l'article 1231-7 du code civil, de retenir comme point de départ des intérêts une autre date que celle de la lettre de mise en demeure adressée le 24 mai 2016 à la société Philippe Auguste.

Compte tenu de l'infirmation, la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance est de droit sans avoir lieu de l'ordonner, comme le réclame pourtant la société Philippe Auguste.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Proxiserve, qui succombe en l'essentiel de ses demandes, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Ranchon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser à la société Philippe Auguste la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans la limite de sa saisine sur renvoi de la Cour de cassation,

INFIRME le jugement rendu le 20 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 262.942,30 € HT, soit 315.530,76 € TTC, au titre des sommes versées indument selon indexation, avec intérêts au taux légal à compter du 24/05/2016 et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE non écrite la seule disposition de l'article 7 du bail selon laquelle « Cette indexation annuelle ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse du dernier indice, le loyer ne pouvant en aucun cas varier à la baisse » et dit que toutes les autres stipulations de la clause d'indexation continuent de s'appliquer ;

CONDAMNE la société Philippe Auguste à payer à la société Proxiserve la somme de 50.248,80 € HT, soit la somme de 60.086,80 € TTC, au titre des sommes versées indument selon indexation, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la société Proxiserve aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Henry Ranchon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Proxiserve à verser à la société Philippe Auguste la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Proxiserve de sa demande de ce chef.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller faisant fonction de président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 22/01822
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.01822 ?
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