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11/05/2023 | FRANCE | N°22/00714

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 11 mai 2023, 22/00714


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 55B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MAI 2023



N° RG 22/00714 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U7QV





AFFAIRE :



Société TOKIO MARINE EUROPE SA

...



C/



S.A.S. DSV AIR & SEA

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2019F

02109



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à



Me Ivan CORVAISIER



Me Katell FERCHAUX- LALLEMENT



Me Kazim KAYA



Me Christophe DEBRAY



TC NANTERRE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 55B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 22/00714 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U7QV

AFFAIRE :

Société TOKIO MARINE EUROPE SA

...

C/

S.A.S. DSV AIR & SEA

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2019F02109

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à

Me Ivan CORVAISIER

Me Katell FERCHAUX- LALLEMENT

Me Kazim KAYA

Me Christophe DEBRAY

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société TOKIO MARINE EUROPE S.A.

Société de droit étranger prise en sa succursale en France

RCS Paris n° 843 295 221

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Société MITSUBISHI ELECTRIC EUROPE BV

Société de droit étranger prise en sa succursale en France

RCS Nanterre n° 405 247 230

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Société MITSUBISHI ELECTRONIC CONSUMER PRODUCT (THAILANDE)

[Adresse 6],

[Adresse 6]

[Adresse 6] / THAILANDE

Représentées par Me Ivan CORVAISIER de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 37 et Me Nicolas MULLER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0139

APPELANTES

***************

S.A.S. DSV AIR & SEA

N° SIRET : 300 961 018

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 et Me Benoit GRAFFIN et Me Béatrice WITVOET du cabinet LBEW, Plaidants, avocats au barreau de PARIS

S.A.S. LOGAFRET

RCS Le Havre n° 491 081 410

[Adresse 12]

[Adresse 12]

Représentée par Me Xavier DE RYCK substituant à l'audience Me Kazim KAYA, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574

S.A.S. TRANSPORTS LEUDET

RCS Alençon n° 435 289 673

[Adresse 11]

[Adresse 11]

S.A. AXA FRANCE IARD

RCS Nanterre n° 722 057 460

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentées par Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 et Me Marc DESMICHELLE de l'AARPI DESMICHELLE BESSON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 mai 2019 la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division, assurée auprès de la société Tokio Marine Europe, a confié à la société DSV Air & Sea, en sa qualité de commissionnaire de transport, le post-acheminement d'un lot de climatiseurs, en provenance de Thaïlande, vendus par la société Mitsubishi Electric Consumer Products, entre le port du [Localité 8] et les entrepôts de la société Schenker à Mer (41). La société DSV Air & Sea a confié la prestation à la société Logafret, qui a sous-traité le transport à la SAS Leudet Transports.

Le vendredi 21 juin 2019, M. [E], salarié de la société Leudet Transports, a pris en charge le conteneur de cent cinq colis de climatiseurs, à acheminer à destination de Mer pour le 24 juin 2019 à 11 heures, en exécution d'une lettre de voiture émise par la société Leudet Transports.

Le vendredi 21 juin 2019 vers 19h, le chauffeur a stationné pour le week-end la remorque porte conteneur sur une aire de stationnement en bordure de route, à l'entrée du village de [Localité 7], à 2 km de son domicile.

Le 22 juin 2019 vers 9h45, lors d'une ronde de vérification, le chauffeur a constaté la disparition du châssis et du conteneur. La société Leudet Transports a alors procédé à un dépôt de plainte auprès des services de la gendarmerie. Le 26 août 2019, le conteneur a été retrouvé vide sur le châssis.

Plusieurs réunions d'expertise amiable contradictoires ont été organisées entre les experts des assureurs des parties à l'opération de transport, menant à la rédaction de deux rapports :

- un rapport d'expertise du 12 août 2019 de la [Y], limitant le préjudice à la somme de 9,897 T x 3 200 €/T = 31.670.40 € en l'absence de faute inexcusable du chauffeur ;

- un rapport d'expertise du 3 septembre 2019 du CESAM, évaluant le préjudice à la somme de 106.380 € (valeur à neuf des matériels), après avoir retenu l'existence d'une faute inexcusable du chauffeur.

Par courrier recommandé du 22 octobre 2019, le conseil de la société Mitsubishi Electric Europe BV French Division et de son assureur, la société Tokio Marine Europe, a mis en demeure la société DSV Air & Sea d'indemniser leur dommage à concurrence de la somme de 106.380 €.

A défaut de solution amiable, par acte d'huissier du 12 novembre 2019, les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products ont fait assigner la société DSV Air & Sea devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par acte d'huissier du 12 décembre 2019, la société DSV Air & Sea a appelé en garantie la société Logafret.

Par acte d'huissier du 26 décembre 2019, la société Logafret a appelé en garantie la société Leudet Transports et son assureur, la société Axa France Iard.

Les affaires ont été jointes.

Par jugement du 19 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit recevables les demandes de Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products ;

- Dit que le contrat entre la société Logafret et la société Leudet Transports s'analyse en un contrat de transport ;

- Dit que la société Leudet Transports a commis une faute engageant sa responsabilité ;

- Dit que la société Leudet Transports n'a pas commis de faute inexcusable ;

- Condamné la société Leudet Transports à payer à la sociétéTokio Marine Europe , Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitshubishi Electric Consumer Products la somme de 31.670,40 €, outre intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019, avec anatocisme ;

- Condamné la société Axa à payer à la société Leudet Transports la somme de 25.336,32 € au titre de l'appel en garantie, outre intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019, avec anatocisme ;

- Condamné la société Leudet Transports à payer au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- La somme de 2.000 € à la société Tokio Marine Europe , Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitshubishi Electric Consumer Products ;

- La somme de 2.000 € à la société DSV Air & Sea ;

- La somme de 2.000 € à la société Logafret ;

- Ordonné l'exécution provisoire de ce jugement sans constitution de garantie ;

- Condamné la société Leudet Transports aux entiers dépens.

- Liquidé les dépens du greffe à la somme de 182,78 €, dont TVA 30,46 €.

Par déclaration du 4 février 2022, les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV France Division et Mitsubishi Electric Consumer Products ont interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2022, les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV France Division et Mitsubishi Electric Consumer Products demandent à la cour de :

- Réformer partiellement le jugement entrepris ;

- Dire et déclarer les sociétés requérantes recevables et bien fondées en leurs demandes ;

- Et y faisant droit ;

- Condamner la société DSV Air & Sea à payer les sommes de :

- 106.130 € à la société Tokio Marine Europe, outre intérêts au taux légal, à compter de la date de mise en demeure du 22 octobre 2019, ces intérêts devant être capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- 250 € à la société Mitsubishi Electric Europe BV French Division, outre intérêts au taux légal, à compter de la date de mise en demeure du 22 octobre 2019, ces intérêts devant être capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- 15.000 € à la société Tokio Marine Europe, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise à hauteur de 3.787,92 €.

Par dernières conclusions notifiées le 21 juin 2022, la société DSV Air & Sea demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes des sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products;

- Et statuant de nouveau,

- Débouter les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products de leur action comme étant irrecevable ;

- Condamner les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products, à payer à la société DSV Air & Sea une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Subsidiairement,

- Débouter les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitshubishi Electric Consumer Products de leur demande de condamnation de la société DSV Air & Sea comme étant mal fondées sur le terrain de la faute personnelle ;

- En tout état de cause, limiter la responsabilité personnelle de la société DSV Air & Sea à la somme de 49.485 € ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Leudet Transports n'a pas commis de faute inexcusable ;

- Limiter toute indemnité mise à la charge de la société DSV Air & Sea du fait de ses substitués à la somme de 31.670,40 € ;

- Condamner la société Logafret à garantir et relever indemne la société DSV Air & Sea de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, au profit des appelantes, en principal, intérêts, dommages-intérêts, article 700, frais et dépens ;
- Condamner la société Logafret à payer à la société DSV Air & Sea une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 des frais irrépétibles de première instance ;
- Débouter les sociétés Leudet Transports et Axa France Iard de leurs demandes au titre de l'article 700 à l'encontre de la société DSV Air & Sea ;
- Condamner les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division, Mitsubishi Electric Consumer Products et Logafret ou l'une à défaut des autres à payer à la société DSV Air & Sea une somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par dernières conclusions notifiées le 13 janvier 2023, la société Logafret demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevables les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products ;

- Statuer à nouveau,

- Déclarer irrecevables les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products,

- Subsidiairement, les déclarer mal fondées,

- Débouter les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products de l'intégralité de leurs fins, demandes et conclusions,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute personnelle de la société Logafret;

- Subsidiairement,

- Fixer à la somme de 49.485 € l'indemnité susceptible d'être mise à la charge de la société Logafret,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute inexcusable de la société Leudet Transports,

- Fixer à la somme de 31.670,40 € l'indemnité susceptible d'être mise à la charge du transporteur,

- En tout état de cause,

- Condamner solidairement la société Leudet Transports et son assureur Axa France Iard à garantir la société la société Logafret et à la relever indemne des condamnations qui pourraient être mises à sa charge au profit des sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et dépens, au titre du transport effectué le 21 juin 2019,

- Débouter la société Leudet Transports et son assureur Axa France Iard de leurs fins, demandes et conclusions,

- Condamner les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products, Leudet Transports et son assureur Axa France lard l'une à défaut de l'autre à payer à la société Logafret la somme de 10.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products, Leudet Transports et son assureur Axa France lard l'une à défaut de l'autre aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 18 janvier 2023, la société Axa France Iard et la société Leudet Transports demandent à la cour de :

- Déclarer irrecevables subsidiairement mal fondées les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products en leur appel et les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les appelantes recevables en leur action,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Leudet Transports à payer aux sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products la somme de 31.670,40 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019 avec anatocisme,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la compagnie Axa France Iard à payer à la société Leudet Transports la somme de 25.336,32 € au titre de l'appel en garantie, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2019 avec anatocisme,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Leudet Transports à payer au titre des disposition de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 2.000 € au profit des appelantes, une somme de 2.000 € au profit de la société DSV Air & Sea, une somme de 2.000€ au profit de la société Logafret,

- En conséquence statuer à nouveau :

- A titre principal,

- Déclarer les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products irrecevables en leur appel et les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- A titre subsidiaire sur l'appel en garantie diligenté par la société Logafret à l'encontre de la société Leudet Transports,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute faute inexcusable du transporteur,

- En conséquence,

- Juger que l'indemnité pouvant être mise à la charge de la société Leudet Transports ne pourra excéder la somme de 31.670.40 € en principal,

- En toute hypothèse,

- Débouter la société Logafret de toute condamnation complémentaire qui pourrait être prononcée au bénéfice des demanderesses ou des autres intervenants de transport en raison notamment d'une hypothétique faute inexcusable,

- Sur l'action diligentée à l'encontre de la société Axa,

- Faire application du contrat d'assurance et dire que toutes les sommes mises à la charge de la compagnie Axa France Iard ne pourront excéder celles de son assuré mais dans la limite de quatre-vingts pour-cent desdites sommes,

- Condamner solidairement ou l'une à défaut des autres les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products, Logafret et DSV Air & Sea à payer à la société Leudet Transports et à la compagnie Axa France Iard la somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner solidairement ou l'une à défaut des autres les sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV French Division et Mitsubishi Electric Consumer Products, Logafret et DSV Air & Sea aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action des sociétés Tokio Marine Europe, Mitsubishi Electric Europe BV France Division et Mitsubishi Electronic Consumer Products

Les sociétés Axa et Leudet Transports soulèvent l'irrecevabilité de l'action des appelantes. Elles font valoir que la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division n'est pas le destinataire au sens du contrat de transport puisque la lettre de voiture mentionne en cette qualité la société DB Schenker. Elles soutiennent que si la jurisprudence a rappelé que la qualité à agir pouvait se déduire uniquement du contrat de transport et qu'une partie ne pouvait se voir dénier son droit à intervenir pour une raison tirée du contrat de vente, il n'en demeure pas moins que l'action ne peut être diligentée que par celui qui a subi le préjudice dont il doit justifier.

Les sociétés Axa et Leudet Transports contestent par ailleurs la subrogation invoquée par la société Tokio Marine Europe, expliquant que la personne qui a bénéficié de l'indemnisation par virement n'est pas précisée. Elles ajoutent que l'acte de subrogation émane de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division dont la qualité à agir est contestée.

La société Logafret expose que le propriétaire des climatiseurs au moment du vol n'est pas connu, de sorte, qu'il n'est pas établi que la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division a subi le préjudice, ni que la société Tokio Marine Europe était tenue de l'indemniser.

La société DSV Air & Sea considère que la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division doit rapporter la preuve du paiement du prix de vente des marchandises, ce qu'elle ne fait pas, de sorte que la preuve de son préjudice et donc de sa qualité à agir n'est pas établie. Elle considère dans ces conditions, que l'action de la société Tokio Marine est également irrecevable. Elle souligne que le bénéficiaire du virement opéré par l'assureur n'est pas identifié.

Les appelantes répondent que :

- l'instruction de transport du 20 juin 2019 émise par la société DSV Air & Sea précise que la livraison est à destination de la société DB Schenker mais pour le compte de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division destinataire réel de la marchandise ;

- la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division en tant qu'acheteur de la marchandise et la société Mitsubishi Electric Consumer Products en tant qu'expéditeur ont subi un préjudice financier du fait du vol et ont donc qualité à agir ;

- la société Tokio Marine a réglé, au mois d'octobre 2019, la somme de 106.130 € à son assuré, la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division ;

- il est produit un acte de subrogation de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division au profit de la société Tokio Marine Europe à concurrence de la somme payée de 106.130 €, qui vaut quittance de paiement de l'indemnité.

Elles rappellent que les contrats de vente et de transport sont deux conventions distinctes et indépendantes et qu'aucun tiers au contrat ne peut s'immiscer dans les relations commerciales existant entre vendeur et acheteur. Elles soutiennent que la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division n'a pas à démontrer avoir payé le prix de vente de la marchandise perdue.

*****

L'article 31 du code de procédure civile dispose que : 'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.

Par ailleurs, selon l'article 32 du même code, 'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.

Sur la qualité à agir de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division

En l'espèce, la société DSV Air & Sea communique en pièce n°6 l'instruction émise par la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division le 29 mai 2019 en vue du transport des marchandises litigieuses depuis le Havre à destination des locaux de la société DB Schenker à Mer. Par ailleurs, l'instruction de transport du 20 juin 2019 émise par la société DSV Air & Sea précise que la livraison est à destination de la société DB Schenker mais pour le compte de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division. Enfin, la cour constate qu'à la suite du vol, c'est la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division qui a évalué le préjudice matériel subi dans un courrier adressé à la société DSV Air & Sea le 25 juin 2019.

Il ressort de ces pièces que la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division est le donneur d'ordre de l'opération de transport.

Par ailleurs, les appelantes communiquent l'acte de subrogation du 8 octobre 2019 par lequel la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division reconnaît avoir reçu de la part de son assureur, la société Tokio Marine Europe, en application de la police n° 80000566 souscrite le 20 février 2015, régulièrement communiquée, une indemnité d'un montant de " 106.130,00 €, déduction faite de la franchise de 250,00 € ", " relative aux manquants et/ou avaries ayant affecté les marchandises en objet ", au titre du sinistre survenu le " 21/23 juin 2019 ", dans le cadre du transport de " climatiseurs " entre la Thaïlande et la France.

Le courrier que la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division a adressé à la société DSV Air & Sea le 25 juin 2019 pour évaluer son préjudice consécutif au vol et les rapports d'expertise amiable établissent que la valeur de la marchandise dérobée s'élève à la somme de 106.380 €, correspondant à l'indemnité susvisée de 106.130 €, outre la franchise de 250 €.

Enfin, les appelantes produisent en pièce 1' la facture émise par la société Mitsubishi Electric Consumer Products le 8 mai 2019 au nom de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division relative aux marchandises litigieuses.

Le paiement par la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division du prix des marchandises n'est effectivement pas démontré. Néanmoins, alors que le contrat de vente et le contrat de transport sont indépendants et que le transporteur ou son assureur ne peuvent se prévaloir des effets de la vente quant aux droits et obligations de l'acquéreur, les pièces précitées et notamment l'indemnisation du donneur d'ordre par son assureur au titre du sinistre en cause, suffisent à justifier l'existence du préjudice invoqué par la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division et par conséquent, sa qualité à agir. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de cette dernière recevable.

Sur la qualité à agir de la société Tokio Marine Europe

Comme indiqué supra, la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division a signé le 8 octobre 2019, au bénéfice de la société Tokio Marine Europe, un acte de subrogation par lequel l'assurée reconnaît avoir perçu de l'assureur une indemnité se rapportant au sinistre en cause.

Les appelantes communiquent également les justificatifs d'un virement émis par la société Tokio Marine Europe d'un montant de 106.130 € correspondant à l'indemnité que la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division reconnaît avoir reçue de son assureur. Le virement fait explicitement référence au vol d'un conteneur survenu le 22 juin 2019.

Il résulte de ces pièces que la société Tokio Marine Europe établit avoir indemnisé la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division dans le cadre du sinistre litigieux, justifiant ainsi sa qualité à agir. Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la société Tokio Marine Europe recevable.

Sur la qualité à agir de la société Mitsubishi Electric Consumer Products

Il résulte des factures communiquées par les appelantes en pièce 1' que le vendeur des marchandises transportées est la société Mitsubishi Electric Consumer Products. Cependant, cette circonstance ne suffit pas à justifier la qualité à agir de cette dernière qui n'est ni le donneur d'ordre de l'opération de transport, ni le destinataire des marchandises. Au surplus, elle n'établit pas avoir subi le moindre préjudice consécutivement au sinistre, étant rappelé que c'est la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division qui a été indemnisée par son assureur du préjudice matériel consécutif au vol. Enfin, la cour relève qu'en page 8 de leurs conclusions, les appelantes indiquent que " la société Mitsubishi Electric Consumer Products (') ne formule aucune demande ".

Il apparaît ainsi que la société Mitsubishi Electric Consumer Products ne justifie ni de sa qualité, ni de son intérêt à agir, de sorte que, par infirmation du jugement, son action sera déclarée irrecevable.

Sur le fond

Au soutien de leur appel, les sociétés Tokio Marine Europe et Mitsubishi Electric Europe BV France Division reprochent au tribunal de ne pas avoir statué sur la responsabilité des sociétés DSV Air & Sea et Logafret en leur qualité de commissionnaire de transport. Elles font également grief aux premiers juges d'avoir limité leur droit à indemnisation.

Les appelantes font valoir que :

- le sinistre engage de plein droit la responsabilité de la société DSV Air & Sea, en sa qualité de commissionnaire de transport, garante tant de ses faits personnels que des fautes de ses substitués, en application des dispositions des articles L.132-5 et suivants du code de commerce.

- le transporteur terrestre est tenu d'une obligation de résultat, de sorte qu'il est responsable de plein droit du sinistre survenu en cas de vol, lorsque l'événement s'est produit pendant la période d'acheminement.

Elles expliquent que les sociétés DSV Air & Sea et Logafret étaient informées du fait que les marchandises étaient constituées de climatiseurs et que le sous-affrètement était interdit, alors que la substitution de la société Leudet Transports à la société Logafret n'a pas été autorisée et que la société Leudet Transports n'a pas été informée de la nature sensible du chargement. Elles rappellent qu'en application de l'article 5.6.3 du contrat type de commission de transport, le commissionnaire de transport doit répercuter les instructions de son donneur d'ordre à son substitué et s'assurer que le site de stationnement dispose de mesures de protection suffisantes. Les appelantes considèrent que les fautes personnelles des sociétés DSV Air & Sea et Logafret leur interdisent d'invoquer une limite de réparation. Elles invoquent par ailleurs la faute inexcusable de la société Leudet Transports, qui s'est désintéressée de la marchandise en abandonnant son véhicule pendant 3 jours sur un parking ouvert, non surveillé, sans dispositif de protection, exposé au vol, alors que la zone de stationnement était régulièrement sujette aux vols. Les appelantes considèrent que le chauffeur, dans ces conditions, ne pouvait qu'avoir conscience de la probabilité du vol.

La société DSV Air & Sea conteste sa responsabilité. Elle expose que la responsabilité personnelle du commissionnaire de transport relève du régime de la faute prouvée. Elle souligne que l'interdiction de sous-affrètement figure dans les instructions qu'elle a données à la société Logafret et non dans les instructions de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division. Elle soutient que la société Logafret a la qualité de transporteur et non celle de commissionnaire, puisqu'elle est désignée pour réaliser le transport, de sorte que sa responsabilité relève du régime du transport routier. Elle indique que les instructions qu'elle a données à la société Logafret précisent que la marchandise est constituée de climatiseurs et qu'elle n'avait reçu aucune instruction particulière de sécurité de la part de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division, alors qu'elle considère que des climatiseurs ne présentent pas de caractère sensible. Subsidiairement, la société DSV Air & Sea se prévaut de la limitation légale de l'article 13 du contrat-type " commission de transport " annexé à l'article D.1432-3 du code des transports pris en application de l'article L.1432-12 du même code, soit la somme de (5.000 x 9,897 kg =) 49.485 €.

Elle ne conteste pas sa responsabilité en qualité de garant des faits de la société Logafret, transporteur routier, mais rappelle que la responsabilité du commissionnaire de transport est circonscrite à celle du transporteur, ainsi qu'en dispose l'article 13.1 du contrat type " commission de transport ", de sorte que la limitation d'indemnité du transporteur bénéficie au commissionnaire de transport (soit 31.670,40 €). Elle conteste toute faute inexcusable s'associant à l'argumentation de la société Leudet Transports. Elle appelle en garantie la société Logafret.

La société Logafret répond que l'instruction de transport de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division n'interdisait pas le sous-affrètement, mais l'affrètement en cascade et qu'elle autorisait la sous-traitance. Elle souligne n'exercer que l'activité de commissionnaire de transport ce que n'ignorait pas la société DSV Air & Sea. Elle soutient avoir informé la société Leudet Transports que le matériel transporté consistait, suivant la feuille de transport du 20 juin 2019, en des " clim ", soit en langage courant des climatiseurs. Elle souligne que l'ordre de transport de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division ne comporte aucune instruction relative à la sécurisation particulière de la marchandise et au choix d'un site de stationnement spécifique. Subsidiairement, la société Logafret demande à la cour d'appliquer les limitations d'indemnités prévues par l'article 13.2.1 du contrat type de commission de transport introduit par l'article D.1432-3 du code des transports, prévoyant une indemnité pour faute personnelle du commissionnaire de transport de 20 € par kilogramme de poids brut de marchandise manquante sans pouvoir excéder une somme supérieure au produit du poids brut de la marchandise exprimé en tonnes multiplié par 5.000 €, soit en l'espèce 49.485 €. Elle estime que la faute inexcusable de la société Leudet Transports n'est pas établie, dès lors que des climatiseurs ne constituent pas des marchandises à caractère sensible. Elle sollicite en tout état de cause la garantie de cette dernière et de son assureur, le vol étant intervenu pendant le transport assuré par la société Leudet Transports au titre d'un contrat de sous-traitance prévoyant qu'en cas de stationnement de plus de 24 heures, le véhicule doit être remisé dans un endroit clos, surveillé et gardienné.

Les sociétés Axa France Iard et Leudet Transports répondent que le transport du conteneur depuis [Localité 9] à destination de Mer, par voie terrestre est soumis aux dispositions des articles L.133-1 et suivants du code de commerce et au contrat type applicable au transport public routier résultant du décret du 2 avril 2017. Elles expliquent que si ces dispositions prévoient une responsabilité de plein droit à l'encontre du transporteur qui a pris en charge la marchandise, il convient de tenir compte de la nature de la relation contractuelle ayant existé entre la société Logafret et la société Leudet Transports, qui, nonobstant l'établissement d'une lettre de voiture par cette dernière, relève davantage de la location de véhicule avec chauffeur que du contrat de transport, dans la mesure où M. [E] était à la disposition permanente de la société Logafret qui seule lui donnait des instructions. Les sociétés Axa France Iard et Leudet Transports considèrent dès lors que la responsabilité de cette dernière ne peut excéder les limitations résultant du contrat type.

Les sociétés Axa France Iard et Leudet Transports contestent toute faute inexcusable, relevant que les appelantes et les commissionnaires s'accordent tous à souligner qu'aucune information particulière n'a été transmise à la société Leudet Transports avant la réalisation du transport. Elles rappellent que le stationnement sur la voie publique, sur une aire non sécurisée ne constitue pas une faute et qu'une imprudence, un manquement à une obligation de sécurité, une maladresse, voire la violation d'une obligation contractuelle ne sont pas constitutifs d'une faute inexcusable. Elles contestent la remise à la société Leudet Transports de la feuille d'expédition dont la société Logafret se prévaut pour soutenir l'avoir informée de la nature du chargement. Elles relèvent que la feuille est datée du 4 juillet 2019, soit une date postérieure au transport et au vol. Elles précisent que le camion était stationné sur un parking créé par la commune de [Localité 7] pour les transporteurs, équipé de caméras couvrant la zone du vol. Elles ajoutent que l'expert rappelle que la zone est passante, qu'elle fait l'objet de rondes de surveillance de la part de la gendarmerie et que le conteneur était équipé d'un verrou navilock. Si la cour devait retenir la faute inexcusable, elles appellent en garantie la société Logafret, qui donnait les instructions au chauffeur, au moins pour la part excédant les limitations prévues à l'article 22 du contrat type.

*****

Sur la responsabilité de la société DSV Air & Sea

Au-delà de la responsabilité encourue de plein droit par le commissionnaire du fait de son substitué, les appelantes se prévalent d'une faute personnelle de la société DSV Air & Sea.

- au titre de sa responsabilité de plein droit

Il ressort de la pièce n°6 communiquée par la société DSV Air & Sea que le 29 mai 2019, la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division lui a donné instruction de transporter les marchandises litigieuses depuis le port du [Localité 8] à destination des locaux de la société DB Schenker à Mer.

En application des dispositions des articles L.132-4 à L.132-6 du code de commerce et de l'article 5.1 du contrat type de commission de transport issu du décret du 5 avril 2013, le vol de la marchandise, survenu dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, alors que la société DSV Air & Sea était chargée de son acheminement, qu'elle avait confié à la société Logafret, engage sa responsabilité.

- au titre de sa faute personnelle

Les appelantes reprochent à la société DSV Air & Sea de ne pas avoir transmis à ses substitués les instructions relatives à la nature du matériel transporté et de ne pas s'être assurée des conditions de sécurité du transport de la marchandise qu'elles qualifient de sensible.

Cependant, il résulte de l'instruction de transport adressée le 20 juin 2019 par la société DSV Ai & Sea à son seul cocontractant, la société Logafret, que l'information relative à la nature de la marchandise transportée a été communiquée, puisqu'il est mentionné : " Description marchandises : Articles de climatisation ".

La société Mitsubishi Electric Europe BV France Division ne démontre pas avoir transmis d'instruction particulière au titre de ce transport, s'agissant notamment de conditions spéciales de sécurité, ni avoir signalé le caractère sensible de la marchandise qui n'apparaît pas inhérent aux climatiseurs. En effet, les demanderesses affirment que ces appareils sont " recherchés tant par les consommateurs que par les malfaiteurs ", sans toutefois apporter au soutien de ces dires le moindre élément probant.

Il résulte de ces éléments que la faute personnelle de la société DSV Air & Sea n'est pas démontrée.

Sur la responsabilité de la société Logafret

- au titre de sa responsabilité de plein droit

La société Logafret établit par la production de ses statuts que son activité se limite à celles de commissionnaire de transport et de location de véhicule pour le transport routier avec ou sans chauffeur. Son extrait Kbis le confirme et elle justifie être inscrite au registre national des commissionnaires de transport.

Il n'est pas contesté que la société Logafret a confié le transport des marchandises de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division à la société Leudet Transports.

Il apparaît en conséquence que la société Logafret est intervenue à l'opération de transport en qualité de commissionnaire de transport.

En application des dispositions des articles L.132-4 et L.132-5 du code de commerce et de l'article 5.1 du contrat type de commission de transport issu du décret du 5 avril 2013, le vol de la marchandise, survenu dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, alors que la société Logafret était chargée de son acheminement, qu'elle avait confié à la société Leudet Transports, engage sa responsabilité.

- au titre de sa faute personnelle

Les appelantes reprochent à la société Logafret de ne pas avoir transmis au transporteur les instructions relatives à la nature du matériel transporté et de ne pas s'être assurée des conditions de sécurité du transport de la marchandise qu'elles qualifient de sensible. Elles lui font également grief de s'être substituée la société Leudet Transport sans l'autorisation préalable de la société DSV Air & Sea.

Pour justifier avoir communiqué à la société Leudet Transports l'information relative à la nature des marchandises transportées, la société Logafret se prévaut d'une feuille d'expédition n° L19 06 0815 figurant en annexe 9 du rapport d'expertise [Y], datée du 20 juin 2019, dont il ressort la mention suivante : " marchandise : CLIM ". Cependant, rien ne démontre que cette feuille de route a été remise à la société Leudet Transports avant le sinistre survenu dans la nuit du 21 au 22 juin 2019. Il doit être observé que la lettre de voiture n°113361émise par la société Leudet Transport ne précise pas la nature des marchandises transportées et qu'à l'occasion de la plainte déposée le 22 juin 2019 auprès des services de gendarmerie de [Localité 7], le responsable de la société Leudet Transports a précisé qu'il l'ignorait.

Néanmoins, comme indiqué précédemment, la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division n'avait transmis aucune instruction particulière au titre de ce transport, s'agissant notamment de conditions spéciales de sécurité. Elle n'avait pas davantage signalé le caractère prétendument sensible de la marchandise qui n'apparaît pas inhérent aux climatiseurs. Dans ces conditions, l'absence de transmission d'information concernant la nature de la marchandise transportée, par la société Logafret à la société Leudet Transports, se révèle sans lien avec le dommage et n'est pas de nature à engager la responsabilité de la société Logafret au titre d'une faute personnelle.

Par ailleurs, il ne saurait être reproché à la société Logafret de ne pas avoir veillé aux conditions de sécurité du transport, alors qu'elle n'avait reçu aucune instruction particulière de son donneur d'ordre, la société DSV Air & Sea, sur ce point et que son attention n'avait pas été attirée sur la nature sensible de la marchandise transportée.

Enfin, l'instruction de transport adressée à la société Logafret le 20 juin 2019 par la société DSV Air & Sea précise effectivement que " l'affrètement en cascade est strictement interdit " et que " seule la sous-traitance contractualisée est tolérée après accord préalable écrit ". Cependant, il ne peut être fait grief à la société Logafret d'avoir recouru à la sous-traitance pour assurer l'acheminement du conteneur, dans la mesure où cette dernière établit ne pas exercer l'activité de transporteur, mais celle de commissionnaire de transport. Si elle ne justifie pas avoir sollicité l'autorisation de la société DSV Air & Sea avant de confier la prestation de transport à la société Leudet Transports, ce manquement ne présente, à nouveau, aucun lien de causalité avec le dommage et n'est donc pas susceptible d'engager la responsabilité de la société Logafret au titre d'une faute personnelle.

Sur la responsabilité de la société Leudet Transports

- au titre de sa responsabilité de plein droit

Il ressort de la lettre de voiture n°113361 que la société Leudet Transports s'est vue confier par la société Logafret l'acheminement de la marchandise litigieuse à partir du Havre, jusqu'aux dépôts de la société Schenker à Mer. Si la société Leudet Transports explique que M. [E] était mis à disposition permanente de la société Logafret, aucune pièce contractuelle, ni élément probant ne permet de corroborer cette affirmation, étant précisé que la société Leudet Transports a établi une lettre de voiture pour le transport litigieux.

En application de l'article L.133-1 du code de commerce, le vol de la marchandise, survenu dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, alors que la société Leudet Transports avait été chargée de son transport, engage sa responsabilité.

- Sur la faute inexcusable

L'article L.133-8 du code de commerce dispose : " Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite ".

En application de ces dispositions, il appartient à celui qui invoque une faute inexcusable de démontrer que le dommage résulte :

- d'une faute délibérée du transporteur,

- qui implique la conscience de la probabilité du dommage,

- son acceptation téméraire,

- sans aucune raison valable.

Il ressort des rapports d'expertise établis à l'initiative des assureurs que le vol est survenu dans la nuit du 21 au 22 juin 2019, alors que le chauffeur, M. [E], avait stationné la remorque pour le week-end. L'instruction de transport émise par la société DSV Air & Sea le 20 juin 2019 précisait que la marchandise devait être livrée à la société DB Schenker à Mer le 24 juin 2019 à 11 heures. Comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, au regard de la distance à parcourir entre le Havre et Mer, soit 313 kilomètres, et alors que le temps de de chargement et de conduite nécessaire s'élevait à environ 5 heures, le stationnement de la remorque pendant le week-end des 22 et 23 juin 2019 s'avérait inévitable et ne revèle pas d'une prise de risque du chauffeur.

Par ailleurs, il apparaît que la zone de stationnement sur laquelle M. [E] a dételé la remorque est un parking créé par la mairie[Adresse 10]e le long de la route départementale 840, afin notamment de permettre le stationnement de poids lourds. Il s'agit d'une zone très passante et il a été établi par des investigations menées dans le cadre des expertises précitées que la gendarmerie y fait des rondes nocturnes. L'expert du Cesam indique dans son rapport que la zone est régulièrement sujette aux cambriolages. Cependant, aucun élément probant ne permet de confirmer cette affirmation, alors que les statistiques recueillies dans le cadre des expertises établissent que le nombre de vols et dégradations à [Localité 7] est de plus 35 % inférieur à la moyenne nationale.

Si le parking n'était pas équipé de caméras de vidéosurveillance, il ressort des rapports d'expertise susvisés que la zone était manifestement couverte par des caméras, puisque les gendarmes ont précisé que leur exploitation n'avait pas permis de recueillir d'éléments utiles à l'enquête.

Il n'est pas discuté que M. [E] avait installé un équipement de sécurité de type Navalock sur les crémones du conteneur. S'il n'a certes pas mis en place d'autre dispositif de sécurité et en particulier de verrou de sellette, il doit être rappelé que la société Leudet Transports n'avait reçu aucune instruction particulière concernant les conditions de sécurité à mettre en 'uvre pour le transport et qu'elle n'avait pas été informée de la nature de la marchandise, ni de son caractère sensible.

Enfin, il apparaît effectivement que la société Leudet Transports dispose d'un dépôt à [Adresse 3], situé à moins de 22 km de la zone de stationnement utilisée par M. [E] pour stationner le châssis litigieux. Il est indéniable qu'il eut été préférable que le chauffeur remise la remorque pour le week-end dans les locaux sécurisés de la société Leudet Transports. Toutefois, cette seule circonstance ne peut suffire à établir que le chauffeur, qui était domicilié à 2 km du parking, a accepté de manière téméraire le risque encouru et par conséquent, commis une faute délibérée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, une imprudence peut, tout au plus, être reprochée à M. [E], cette faute ne présentant pas les caractéristiques de la faute inexcusable, telles que requises par les dispositions de l'article L.133-8 du code de commerce précédemment rappelées. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a écarté l'existence d'une faute inexcusable.

Sur l'indemnisation du dommage et les recours en garantie

L'article 22 du contrat type applicable au transport public routier issu du décret 31 mars 2017 prévoit que l'indemnité que le transporteur est tenu de verser lorsque sa responsabilité est engagée pour pertes ou avaries, au titre de dommages justifiés, ne peut excéder, pour les envois égaux ou supérieurs à 3 tonnes, une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 3.200 €.

Il ressort des éléments de la procédure, notamment des rapports d'expertise produits, que l'indemnité maximum susceptible d'être mise à la charge du transporteur est égale à la somme de 31.670.40 € (3.200 € x 9.897 tonnes).

Etant rappelé que la faute inexcusable de la société Leudet Transports a été rejetée et que les commissionnaires de transport, dont la faute personnelle a été écartée, bénéficient des limitations d'indemnités applicables au transporteur (article 13.1 du contrat type "commission de transport"):

- la société DSV Air & Sea doit être condamnée à payer à :

- la société Tokio Marine Europe : la somme de 31.420,40 € au titre du dommage ;

- la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division : la somme de 250 € au titre de la franchise demeurée à sa charge ; ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019, date de réception de la mise en demeure en application de l'article 1231-6 du code civil ; ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du même code ;

- la société Logafret sera condamnée à garantir son donneur d'ordre non fautif, la société DSV Air & Sea, de toutes les condamnations prononcées à son égard dans le cadre de cette instance en ce compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la société Leudet Transports et son assureur la société Axa France Iard, dans la limite de 80 % pour cette dernière, seront condamnées solidairement à garantir la société Logafret, non fautive, de toutes les condamnations prononcées à son égard dans le cadre de cette instance en ce compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La garantie de la société Axa France Iard doit, en effet, être limitée à 80 % du dommage, dès lors qu'il ressort de la police souscrite par la société Leudet Transports le 5 février 2019 que la garantie de l'assureur au titre du risque de vol est limitée à 80 % (article 4 de l'annexe relative à la garantie des risques de vol).

Le jugement déféré sera infirmé sur ces points. En outre, dès lors que la société Leudet Transports ne formulait pas de demande en paiement contre son assureur, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à son assurée la somme de 25.336,32 €.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Dans la mesure où le jugement déféré a prononcé une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui n'était pas demandée et qu'il a condamné la société Leudet Transports seule, sans son assureur, aux dépens, il convient de l'infirmer des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

La société Leudet Transports et son assureur la société Axa France Iard qui succombent in fine, seront condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

- la société DSV Air & Sea sera condamnée à payer aux sociétés Tokio Marine Europe et Mitsubishi Electric Europe BV la somme de 8.000 € comprenant les frais d'expertise amiable (3.787,92 €) qui relèvent des frais irrépétibles et non des dépens ;

- la société Logafret sera condamnée à payer à la société DSV Air & Sea la somme de 2.000 €;

- la société Leudet Transports et son assureur la société Axa France Iard seront condamnés solidairement à payer à la société Logafret la somme de 2.000 € ;

Il est rappelé que les recours en garantie concernant ces condamnations aux frais irrépétibles s'exerceront dans les conditions précitées.

Les autres demandes formulées au titre des frais irrépétibles sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives à la recevabilité de l'action de la société Tokio Marine Europe et de la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division, à l'existence d'un contrat de transport entre la société Logafret et la société Leudet Transports et à l'absence de faute inexcusable ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare irrecevable l'action de la société Mitsubishi Electric Consumer Products ;

Condamne la société DSV Air & Sea à payer à :

- la société Tokio Marine Europe : la somme de 31.420,40 € ;

- la société Mitsubishi Electric Europe BV France Division : la somme de 250 € ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2019 ;

Dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du même code ;

Condamne la société Logafret à garantir la société DSV Air & Sea, de toutes les condamnations prononcées à son égard dans le cadre de cette instance en ce compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement la société Leudet Transports et son assureur la société Axa France Iard, dans la limite de 80 % pour cette dernière, à garantir la société Logafret de toutes les condamnations prononcées à son égard dans le cadre de cette instance en ce compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement la société Leudet Transports et son assureur la société Axa France Iard aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société DSV Air & Sea à payer aux sociétés Tokio Marine Europe et Mitsubishi Electric Europe BV la somme de 8.000 € comprenant les frais d'expertise amiable (3.787,92 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Logafret à payer à la société DSV Air & Sea la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement la société Leudet Transports et son assureur la société Axa France Iard à payer à la société Logafret la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que les recours en garantie concernant ces condamnations aux frais irrépétibles s'exerceront dans les conditions précitées ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00714
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.00714 ?
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