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11/05/2023 | FRANCE | N°21/05194

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 11 mai 2023, 21/05194


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MAI 2023



N° RG 21/05194 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWIE

Jonction avec N° RG 21/05096





AFFAIRE :



S.A. ESEARCH VISION



C/



S.A.S. Lefebvre Dalloz Compétences

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

5

N° RG : 2019F01339



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Véronique BUQUET-ROUSSEL



Me Fanny HURREAU



Me Audrey ALLAIN



TC NANTERRE















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 21/05194 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWIE

Jonction avec N° RG 21/05096

AFFAIRE :

S.A. ESEARCH VISION

C/

S.A.S. Lefebvre Dalloz Compétences

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 5

N° RG : 2019F01339

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

Me Fanny HURREAU

Me Audrey ALLAIN

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. ESEARCH VISION

RCS Paris n° 453 165 797

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Serge AYACHE, Plaidant, avocat au barreau d'Aix en Provence

Intimée dans RG n° 21/05096

APPELANTE

****************

S.A.S. LEFEBVRE DALLOZ COMPÉTENCES agissant en qualité de société absorbante de la société ELEGIA radiée le 18 Janvier 2021 conformément au traité de fusion régularisé le 30 Novembe 2021

RCS Nanterre n° 479 163 131

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Thomas VIDAL, Me Morgan JAMET et Me Fanny HURREAU de la SELARL ARST AVOCATS, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 248

Appelante dans RG n° 21/05096

S.E.L.A.S. M.J.S. PARTNERS représentée par Maître [B] [G] prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Myconsulting.digital

RCS Lille Métropole n° 403 608 136

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey ALLAIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344 et Me Agathe PRZYBOROWSKI et Me Julien ANDREZ de la SCP AyacheSalama, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R090

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Elegia, qui appartient au groupe Editions Lefebvre Sarrut, a notamment pour activité la conception, la réalisation et la diffusion de formations ainsi que l'organisation de séminaires. En septembre 2016, elle a diffusé un appel d'offres en vue de la refonte de son site internet.

La SA Esearch Vision, qui exerce une activité de développement d'applications technologiques dans le domaine de la publicité et de l'achat d'espaces publicitaires, a candidaté à l'appel d'offres et a été retenue.

Le 14 juin 2017, un contrat d'achat de prestations de services a été conclu entre les sociétés Esearch Vision et Elegia, avec effet rétroactif au 5 décembre 2016, en vue de la conception et de la mise à disposition d'un site internet, prévoyant une livraison du site « elegia.fr » au 22 juin 2017 et une mise en ligne de celui-ci au 11 juillet 2017, et ce pour un tarif global de 134.595,17 € HT payable à chaque étape de la conception du site. Parallèlement à ce contrat, un contrat d'hébergement et d'infogérance a été conclu le même jour entre les parties.

La SASU Myconsulting.digital, spécialisée notamment dans la conception et la réalisation de sites web, est intervenue en tant que sous-traitant déclaré de la société Esearch Vision, chargé de concevoir et développer le site internet « elegia.fr ». Aucun contrat n'a été signé.

La livraison effective du site « elegia.fr » est finalement intervenue le 9 octobre 2017.

La recette est intervenue le 9 décembre 2017 sans qu'aucun procès-verbal ne soit signé.

Par courrier du 23 mai 2018, la société Elegia, déplorant des manquements dans l'exécution du contrat, a notifié à la société Esearch Vision sa décision de résilier le contrat d'achat de prestations de services.

Par jugement du 26 mars 2018, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Myconsulting.digital. Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 26 septembre 2019, la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Me [B] [G], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Une conciliation amiable a été tentée entre les parties qui s'est soldée par un échec, constaté dans un procès-verbal établi le 25 avril 2019.

Par acte du 29 juillet 2019, la société Elegia a fait assigner la société Esearch Vision devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de résiliation du contrat à ses torts exclusifs et de paiement de diverses sommes.

Par acte du 19 février 2020, la société MJS Partners, ès qualités, a été assignée en intervention forcée par la société Esearch Vision.

Par jugement contradictoire du 8 juin 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Condamné la SA Esearch Vision à payer à la SAS Elegia la somme de 73.450 € à titre de dommages-intérêts ;

- Condamné la SAS Elegia à payer à la SA Esearch Vision la somme de 19.400,42 € TTC au titre des factures impayées majorée d'un taux d'intérêt égal au taux de refinancement de Ia Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter de la date d'échéance de chacune des factures, outre l'indemnité forfaitaire de 120 € ;

- Dit la SA Esearch Vision irrecevable en ses demandes à l'encontre de la SELAS MJS Partners prise en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU Myconsulting.digital ;

- Condamné la SA Esearch Vision à payer à la SAS Elegia et à la SELAS MJS Partners prise en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU Myconsulting.digital, chacun, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné la SA Esearch Vision aux dépens.

Par déclaration du 4 août 2021, la société Elegia a interjeté appel du jugement. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 21/05096.

Par déclaration du 9 août 2021, la société Esearch Vision a interjeté appel du jugement. La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 21/05194.

Le société Elegia a été absorbée par la société Lefebvre Dalloz Compétences aux termes d'un traité de fusion en date du 30 novembre 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 27 avril 2022 en tant qu'appelante dans le dossier RG 21/05096 et par dernières conclusions notifiées le 2 février 2022 en tant qu'intimée et appelante incidente dans le dossier RG 21/05194, la société Lefebvre Dalloz Compétences, agissant en qualité de société absorbante de la société Elegia, demande à la cour de :

- Recevoir la société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits et obligations de la société Elegia, en ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter la société Esearch Vision de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

- Confirmer le jugement querellé en ce qu'il a :

« - Condamné la SA Esearch Vision à payer la SAS Elegia et à la SELAS MJS Partners prise en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU Myconsulting.digital, chacun, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SA Esearch Vision aux dépens » ;

- L'infirmer pour le surplus et notamment en ce qu'il a :

« - Condamné la SA Esearch Vision à payer à la SAS Elegia la somme de 73.450 € à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la SAS Elegia à payer à la société SA Elegia Vision la somme de 19.400,42 € TTC au titre des factures impayées majorée d'un taux d'intérêt égal au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter de la date d'échéance de chacune des factures, outre l'indemnité forfaitaire de 120 € » ;

Statuant à nouveau,

- Constater que la société Esearch Vision a manqué à ses obligations au titre du contrat conclu par la société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits et obligations de la société Elegia, avec la société Esearch Vision le 14 juin 2017 ;

Par conséquent,

- Constater la résiliation du contrat au 26 mars 2018, aux torts exclusifs de la société Esearch Vision ;

- Condamner la société Esearch Vision à payer à la société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits et obligations de la société Elegia, la somme de 321.566,55 € en remboursement des sommes versées par elle ;

- Condamner la société Esearch Vision à payer à la société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits et obligations de la société Elegia, la somme de 1.004.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner la société Esearch Vision à payer à la société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits et obligations de la société Elegia, la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens de la présente procédure ainsi que de celle de première instance dont distraction est requise au profit de la SELARL Arst Avocats, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 29 avril 2022 tant dans le dossier RG 21/05096 en tant qu'intimée, que dans le dossier RG 21/05194 en tant qu'appelante, la société Esearch Vision demande à la cour de :

- Joindre la présente procédure avec l'affaire portant le numéro RG 21/05194, actuellement pendante devant la cour ;

- Débouter la société Lefebvre Dalloz Compétences (anciennement Elegia) et la société Myconsulting.digital de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer le jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre (RG n°2019F01339) en ce qu'il a condamné la société Lefebvre Dalloz Compétences (anciennement Elegia) à payer à la société Esearch Vision une somme de 19.400,42 €, outre les intérêts et accessoires, au titre des factures impayées (FR170578, FR170579, FR170957) ;

Pour le surplus,

- Réformer le jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre (RG n°2019F01339) en l'ensemble de ses dispositions ;

Statuant de nouveau,

- Dire et juger la société Lefebvre Dalloz Compétences (anciennement Elegia) irrecevable et mal fondée en sa demande de résiliation du contrat, comme tardive, s'agissant d'un contrat qui a expiré en raison de son exécution totale ;

- Condamner la société Lefebvre Dalloz Compétences (anciennement Elegia) à payer à la société Esearch Vision la somme de 37.336 € TTC au titre des factures impayées (FR180160 et FR190015), outre l'indemnité forfaitaire de 40 € par facture, soit 80 € au titre des deux factures impayées ;

- Dire et juger que ces sommes seront majorées d'un taux d'intérêt égal au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points, et ce à compter de la date d'échéance de chacune des factures ;

Subsidiairement, si par l'impossible il était fait droit à l'une des demandes de la société Lefebvre Dalloz Compétences (anciennement Elegia),

- Ordonner, au regard des sommes incontestablement dues à la société Esearch Vision par la société Lefebvre Dalloz Compétences (anciennement Elegia), la compensation des créances en cause ;

- Dire et juger que la société Myconsulting.digital est responsable du développement du site Internet et que toute condamnation éventuelle de la société Esearch Vision devra être inscrite au passif de la société Myconsulting.digital ;

En tout état de cause,

- Condamner tout succombant, solidairement et à tout le moins in solidum, aux entiers dépens de l'instance et à payer à la société Esearch Vision la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2022 dans le dossier RG 21/05194, la société M.J.S. Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Myconsulting.digital, demande à la cour de :

A titre principal, sur l'irrecevabilité des demandes présentées par la société Esearch Vision,

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a dit la société Esearch Vision irrecevable en ses demandes à l'encontre de la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Myconsulting.digital ;

A titre subsidiaire, sur le fond,

- Débouter la société Esearch Vision de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre de la société M.J.S. Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Myconsulting.digital ;

En toutes hypothèses, sur les frais et dépens,

- Confirmer le jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Esearch Vision à payer à la SELAS MJS Partners, prise en la personne de Me [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Myconsulting.digital, une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens ;

- Condamner la société Esearch Vision à payer une somme de 5.000 € à la société M.J.S. Partners, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Myconsulting.digital, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Et la condamner aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2022 dans le dossier RG 21/05096 et le 5 janvier 2023 dans le dossier RG 21/05194.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient, pour une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 21/05096 et 21/05194, afin de les juger ensemble.

Sur l'irrecevabilité des demandes présentées par la société Esearch Vision à l'encontre de la société Myconsulting.digital

La société MJS Partners ès qualités sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit la société Esearch Vision irrecevable en ses demandes à son encontre. Elle fait valoir d'une part, que la procédure initiée par la société Esearch Vision à l'encontre de la société Myconsulting.digital a été engagée postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, se heurtant ainsi à l'interdiction des poursuites prévue par l'article L.622-21 du code de commerce, s'agissant d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective ; d'autre part que la société Esearch Vision a omis de déclarer sa créance dans les délais légaux et que sa demande en relevé de forclusion a été rejetée par le juge-commissaire aux termes d'une ordonnance en date du 9 septembre 2020 ; que cette ordonnance demeure exécutoire par provisoire, en dépit du recours formé par la société Esearch Vision.

La société Esearch Vision considère que les premiers juges ont méconnu le droit des entreprises en difficultés et elle soutient que l'interdiction des poursuites n'est valable que jusqu'à ce que la déclaration de créances soit effectuée, conformément à l'article L.622-22 du code de commerce. Elle indique qu'elle a relevé appel de l'ordonnance du juge-commissaire l'ayant déboutée de sa demande en relevé de forclusion, de sorte que la société Myconsulting.digital ne peut pour l'instant se prévaloir d'aucune irrecevabilité.

*****

Selon l'article L.622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est antérieure à celui-ci, tendant notamment à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Myconsulting.digital est intervenu le 26 mars 2018, la procédure ayant ensuite été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 26 septembre 2019.

La société Esearch Vision a fait assigner la société MJS Partners, ès qualités, le 19 février 2020 en garantie du paiement d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure collective puisque relative à l'exécution du contrat signé avec la société Elegia le 17 juin 2017, pour lequel la recette définitive des prestations a été réalisée le 9 décembre 2017.

Il est en outre établi que la société Esearch Vision n'a pas déclaré sa créance au passif de la société Myconsulting.digital dans les délais requis par la loi.

Dans ces conditions, le principe de l'interdiction des poursuites édicté à l'article L.622-21 susvisé du code de commerce ne permettait pas à la société Esearch Vision d'agir en paiement à l'encontre de la société Myconsulting.digital ou de son liquidateur.

La société Esearch Vision doit donc être déclarée irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Myconsulting.digital, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les manquements contractuels de la société Esearch Vision

La société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits de la société Elegia, expose que le site internet de celle-ci représentait un enjeu majeur pour son activité, comme le rappelait le cahier des charges ; que l'attention des candidats à l'appel d'offres lancé pour la refonte de ce site avait notamment été attirée sur l'importance du référencement du site internet et sur le caractère impératif des délais ; que pour autant la société Esearch Vision ne s'est aucunement conformée aux délais prévus, bien qu'un calendrier précis de l'ensemble des étapes du projet ait été prévu au contrat et que le prestataire n'ait pas manqué de confirmer à plusieurs reprises son engagement à le respecter. Elle lui reproche d'avoir lourdement manqué à son obligation de livraison du site internet dans les délais prévus contractuellement puisque le site internet a finalement été livré le 9 octobre 2017 et mis en ligne le 10 octobre 2017, soit près de trois mois après la date prévue, et ce sans que la société Esearch Vision n'ait jamais alerté la société Elegia sur un potentiel risque de retard. Elle indique que l'objectif, plusieurs fois rappelé à la société Esearch Vision, était d'avoir un site exploitable à l'approche de la rentrée du mois de septembre 2017 qui représente une période de l'année importante avec la mise en ligne des programmes de formation ; qu'elle n'était pas en mesure matériellement et financièrement de reprendre un tout nouveau chantier auprès d'un autre prestataire et qu'elle n'a eu d'autre choix que de poursuivre son contrat avec la société Esearch Vision.

Elle prétend avoir découvert, dès la livraison du site, d'importantes anomalies, à savoir notamment un dysfonctionnement de redirections stratégiques, un temps de chargement anormalement long, des erreurs d'affichage des pages du site, une impossibilité d'accès à certaines fonctionnalités selon le navigateur utilisé, une inaccessibilité au site internet en raison de maintenances imprévues, que la société Esearch Vision n'a pas solutionnés bien que ces dysfonctionnements lui aient été signalés.

Elle se prévaut de différents rapports d'audit réalisés par la société Emdro le 8 mars 2018, par la société Smile au mois d'août 2018 ainsi que par la société Myconsulting.digital le 24 août 2018, qui mettent tous en lumière les difficultés rencontrées.

Elle fait grief à la société Esearch Vision d'avoir unilatéralement décidé de mettre fin à la période de garantie le 26 mars 2018 alors que les prestations prévues au cahier des charges n'avaient pas entièrement été réalisées, que la majorité des anomalies relevées par la société Elegia n'avait pas été corrigée et qu' aucun procès-verbal de recette n'avait été signé conformément aux termes du contrat. Elle considère que la société prestataire a failli tant à son devoir de conseil qu'à son obligation de délivrance conforme et que la résiliation du contrat en cause, intervenue le 26 mars 2018, l'a été aux torts exclusifs de celle-ci.

La société Esearch Vision répond que le retard pris pour le développement du site internet ne lui est pas imputable et qu'en tout état de cause les parties avaient mutuellement convenu de rallonger les délais de réalisation du projet. Elle rappelle que le contrat du 14 juin 2017 prévoyait en effet que si les délais n'étaient pas respectés, la société Elegia avait le choix entre résilier le contrat ou convenir de nouveaux délais pour la réalisation du site internet. La relation contractuelle s'étant poursuivie jusqu'au 9 mars 2018, date de fin de la garantie trimestrielle, elle en déduit que les parties ont convenu de repousser la date de fin de la prestation et que la société Elegia ne peut se prévaloir d'une inexécution contractuelle en ce qui concerne le non-respect du calendrier. Elle ajoute que le retard pris par le projet provient plutôt des nombreuses modifications et adjonctions effectuées par la société Elegia, outre la communication par cette dernière d'informations erronées, probablement en raison d'un changement d'équipes en interne ; que le retard s'explique également par une problématique liée aux serveurs qui a été solutionnée par un changement de prestataire ; que d'autres retards trouvent leur origine dans le non-respect des délais convenus par certains des sous-traitants de la société Esearch Vision. Elle prétend avoir souligné la problématique du retard bien en amont.

Elle considère qu'il ne saurait lui être reproché un quelconque manquement à son obligation de conseil et à son obligation de délivrance dès lors qu'elle a livré un site parfaitement fonctionnel, tout en assurant son obligation contractuelle de garantie jusqu'au 9 mars 2018. Elle souligne que la société Elegia a elle-même défini son besoin grâce à un cahier des charges de près de 40 pages, qu'elle était dotée d'une équipe de salariés dédiés aux prestations digitales et n'était donc pas un client non averti. Elle soutient que le site internet a été mis en ligne et achevé, que la recette du site internet est intervenue le 9 décembre 2017 et que la société Elegia était tout à fait satisfaite du site développé ; que celle-ci a ensuite trouvé un prétexte pour ne pas régler les factures en souffrance et également pour confier la prestation de maintenance à la société Myconsulting.digital ; que la société Elegia ne rapporte aucunement la preuve que le site internet ait été inutilisable ou mal conçu ; qu'elle n'hésite pas à faire grand cas de problèmes techniques mineurs qui ont été soulevés en cours de développement ; que les interventions qui auraient été nécessaires pour corriger les prétendues malfaçons du site se révèlent être des prestations de maintenance. Elle critique les rapports d'audit dont se prévaut la société Lefebvre Dalloz Compétences en faisant observer que l'un d'eux a été établi par le président de la société Emdro, M. [U], qui est aujourd'hui chef de projet au sein du groupe Lefebvre Sarrut auquel appartenait la société Elegia, qu'un autre rapport a été émis par la société Myconsulting.digital, qui se fait donc critique de son propre travail de développement, qu'ainsi ces rapports, émis de manière unilatérale et produits de surcroît postérieurement à l'intervention de la société Esearch Vision, sont nécessairement biaisés. Elle souligne néanmoins que ces rapports démontrent que le site a été développé de manière satisfaisante, qu'ils ne font état d'aucune carence, qu'ils préconisent seulement des axes d'amélioration et des mises à jour de sécurité, ce qui rentre justement dans le cadre des prestations de maintenance qui n'étaient pas assurées par la société Esearch Vision. Elle estime que la société Elegia aurait dû diligenter une expertise judiciaire juste après la livraison du site internet.

Elle indique enfin que le contrat du 14 juin 2017 était expiré à la fin de la période de garantie trimestrielle, soit le 9 mars 2018, qu'aucune inexécution contractuelle ne saurait lui être reprochée au-delà de cette date et que la société Elegia est irrecevable et mal fondée à solliciter la résiliation d'un contrat d'ores et déjà expiré.

*****

L'article 1104 du code civil dispose « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».

Selon 1604 du même code, « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

L'article 1615 précise que « L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel ».

En outre, selon l'article 1353 de ce code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, le préambule du contrat conclu entre les parties le 14 juin 2017 expose notamment « qu'Elegia ne dispose pas de l'intégralité des compétences nécessaires pour mener à bien les Prestations tels que définies ci-dessous, et souhaite bénéficier de l'expertise d'une entreprise extérieure » ; que « Le Prestataire [Esearch Vision] est une agence conseil en stratégie et performance digitale, proposant notamment le développement de solutions et plateformes numériques » ; que « Le Prestataire déclare avoir acquis dans le domaine défini ci-dessus une compétence, une expérience et un savoir-faire conformes aux meilleurs standards du marché en termes de qualité, de performance, de fiabilité, de sécurité et de pérennité, afin de fournir des prestations qui soient parfaitement adaptées aux besoins d'Elegia et qui le rendent apte à répondre à toutes demandes d'Elegia relatives aux Prestations. Le Prestataire s'est dit prêt à apporter ses services et son conseil pendant toute la durée du présent Contrat » .

Aux termes de l'article 3.1 (Modalités contractuelles de réalisation) de ce contrat, la société Esearch Vision s'est engagée à « assurer vis-à-vis d'Elegia son devoir de conseil sur tous les aspects techniques du dossier », étant tenue à « une obligation de mise en garde et de conseil contre tous les risques, inconvénients, imperfections des spécifications techniques que ses prestations lui permettent de constater ». L'article 3.1 précise également que les obligations du prestataire sont des obligations de résultat.

Aux termes de l'article 2.1.3 (Délais de réalisation), la société Esearch Vision s'est aussi engagée à respecter des délais selon un calendrier précisé en annexe du contrat, ayant été informée de leur « caractère particulièrement impératif ». Il a ainsi été convenu que la livraison du site devait intervenir le 22 juin 2017 et sa mise en ligne le 11 juillet 2017.

L'article 2.1.3 stipule « Lesdits délais établis et approuvés par les Parties ne pourront être révisés que d'un commun accord entre les Parties. Si en cours d'exécution des Prestations, le Prestataire constate ou pressent qu'il ne pourra pas tenir ces délais, il devra en aviser immédiatement Elegia par écrit et en préciser la cause. Elegia pourra alors soit convenir de nouveaux délais avec le Prestataire, soit mettre fin au présent Contrat dans les conditions de l'article 15.2 du présent Contrat ».

Or, sans qu'aucun accord n'intervienne entre la société Elegia et la société Esearch Vision, contrairement à ce que soutient cette dernière qui n'en fait pas la démonstration, la livraison du site a finalement eu lieu le 9 octobre 2017 et la recette le 9 décembre 2017.

Le mardi 27 juin 2017, la société Elegia écrivait au chef de projet Esearch Vision : « Niveau timing, je dois bien avouer que cela commence à être tendu. On aurait déjà dû être en recette finale du site depuis vendredi (...) Comment vois-tu les choses pour qu'on arrive à livrer sans retard et à avoir une semaine de recette complète pour qu'on puisse faire des tests utilisateurs avec des clients externes ». En réponse, la société Esearch Vision a proposé à son client un nouveau calendrier prévoyant une date de mise en ligne au 25 juillet 2017, en indiquant : « Le planning initial pour une mise en ligne au 11/07 ne prenait pas en compte le fait de revenir sur des éléments fonctionnels validés, pendant la phase de recette (même si il faut aussi prendre en compte un peu de retard de notre côté + le retard sur la mise à disposition des serveurs par NBS) » (souligné par la cour). La société Elegia a répondu en ces termes : « La date du 25-07 est très tardive, et ça sera la dernière limite au regard des plannings des vacances interne. Si nous ne sommes pas prêts à cette date, il faudra donc reporter la sortie à mi-septembre, ce qui serait une véritable problématique de notre côté. (...) ».

Pour autant, la date proposée du 25 juillet 2017 n'a pas non plus été respectée par la société Esearch Vision et le 10 août 2017, la société Elegia lui a adressé un nouveau courriel ainsi rédigé : « (...) Au-delà du retard qui ne cesse de s'accroître, la gestion des tickets et devenue très compliquée. (...) Sans compter le nombre de tickets qui sont traités tellement rapidement qu'ils sont à moitié résolu et que je dois renvoyer à ton équipe. Tous ces sujets et tickets devraient et auraient dû être traités pour le lancement du site en date du 11 juillet dernier. Or, au vu du travail qui doit encore être réalisé pour avoir une version stable du site, il me semble de plus en plus inimaginable que le site puisse être fin prêt pour la 1ère semaine de septembre, soit plus d'un mois et demi après la date prévue de lancement du site. Lors de l'appel d'offre, votre équipe s'était engagée à staffer davantage son équipe de développement pour réduire au maximum différents problèmes/retards. A l'heure actuelle, et selon [K], seuls 2 personnes (1 intégrateur et un développeur) travaillent sur notre projet du fait des congés estivaux mais également d'une priorisation des projets en interne chez vous. Ce n'est pas ce qui était prévu et ce sur quoi vous vous étiez engagés (...) ».

Il n'est pas inutile de souligner que la société MJS Partners, ès qualités, vise elle-même dans ses conclusions, parmi les causes du retard pris par le projet Elegia, les carences de la société Esearch Vision dans son rôle de chef de projet, entraînant des sollicitations directes de l'équipe Myconsulting.digital par le client final, outre la fourniture par la société Esearch Vision d'un planning initial trop optimiste par rapport à la charge de travail et sans marge de manoeuvre.

En réplique, la société Esearch Vision invoque, sans toutefois en rapporter utilement la preuve, « de nombreuses modifications et adjonctions » effectuées par la société Elegia par rapport au cahier des charges. Cependant, comme relevé précédemment, il incombait à la société prestataire, au surplus chef de projet, de conseiller sa cliente sur tous les aspects techniques du dossier, en particulier sur les risques, inconvénients, imperfections des spécifications techniques, de sorte qu'elle ne peut en toute hypothèse pas se retrancher derrière les demandes de modifications de sa cliente qu'elle a manifestement acceptées sans réserves.

La société Lefebvre Dalloz Compétences produit ensuite différents courriels par lesquels la société Elegia signale plusieurs anomalies dans le fonctionnement du site, après sa livraison le 9 octobre 2017.

Par courrier du 26 octobre 2017, la société Elegia a rappelé à la société Esearch Vision qu'il lui avait été demandé à plusieurs reprises de remettre à niveau la performance du site internet, afin de permettre une inscription optimale des clients, et elle l'a enjointe de mobiliser toutes les ressources nécessaires afin de trouver sans délai des solutions. Par courrier en réponse du 31 octobre 2017, la société Esearch Vision a reconnu que, concernant le retard pris sur le déroulement du projet, « une part de responsabilité incombe à ESV Digital [Esearch Vision] » et que, s'agissant des problèmes techniques, « [ses] équipes sont mobilisées pour les résoudre le plus rapidement possible » (souligné par la cour).

Le 6 novembre 2017, la société Elegia a de nouveau écrit à la société Esearch Vision pour se plaindre que les performances étaient encore « très mauvaises » et que les régressions étaient incessantes, ce qui affectait son activité. A cette date, soit près d'un mois après la livraison du site, il restait ainsi plus de 118 "tickets' ouverts et non résolus.

Selon le rapport d'audit établi le 8 mars 2018 par la société Emdro, il était notamment constaté des temps de chargement supérieurs à ceux de la version précédente, un nombre élevé d'erreurs et de redirections, ce qui envoyait un signal négatif au moteur de recherche Google quant à la qualité du site, une problématique de référencement concernant le catalogue de formations, ce que au surplus confirmait l'audit réalisé le 24 août 2018 par la société Myconsulting.digital.

Ces rapports ne sont pas utilement critiqués par la société Esearch Vision, dont il convient de rappeler qu'en tant que chef de projet, elle était chargée du suivi du projet et de la coordination entre le client et les différents intervenants. Ils corroborent le fait que les anomalies relevées par la société Elegia, qui ne ressortaient pas de simples prestations de maintenance, n'ont pas été corrigées et ce alors qu'au terme du contrat conclu le 14 juin 2017, la société prestataire était pleinement responsable de la bonne exécution et de la qualité des prestations fournies. Il convient d'ailleurs de relever que le procès-verbal de recette emportant, selon l'article 3.4.1 du contrat, « reconnaissance de la conformité des Prestations aux spécifications techniques et contractuelles » n'a pas été signé par la société Elegia, qui n'a ainsi jamais validé le travail effectué. Il en résulte que, comme le fait justement observer la société Lefebvre Dalloz Compétences, la garantie contractuelle de 3 mois n'a pu commencer à courir puisque, selon l'article 3.4.2 du contrat, le point de départ de cette garantie était la date du procès-verbal de recette définitive des prestations.

Dans ces conditions, c'est à tort que le 26 mars 2018, la société Esearch Vision a mis unilatéralement fin à la période de garantie et c'est dans le strict respect des stipulations contractuelles, en particulier de l'article 15 relatif à la résiliation du contrat, que la société Elegia lui a, par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 mai 2018, notifié sa décision de résilier le contrat d'achat de prestations de services conclu le 14 juin 2017.

Au vu des manquements à ses obligations contractuelles, il convient de constater que le contrat a été résilié aux torts exclusifs de la société Esearch Vision. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le comportement fautif de cette dernière, qui n'a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme dans les délais convenus.

Sur le préjudice

La société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits de la société Elegia, invoque un préjudice résultant des manquements de la société Esearch Vision dès lors que la société Elegia a été contrainte de recourir à des prestataires extérieurs pour auditer le site internet livré afin d'identifier les dysfonctionnements, pour effectuer les prestations non réalisées par la société Esearch Vision, pour solutionner la perte de référencement de son site internet ; qu'elle a dû en outre mobiliser son personnel pour de nombreuses réunions et points. Elle sollicite l'infirmation du jugement dont appel s'agissant du montant alloué à titre de dommages et intérêts (73.450 €) et demande à la cour de condamner la société Esearch Vision à lui payer la somme de 321.566,55 € en remboursement des dépenses engagées par la société Elegia, incluant les factures payées à la société Esearch Vision ainsi qu'aux autres prestataires auxquelles elle a été contrainte de recourir. Elle ajoute qu'elle a subi un manque à gagner significatif, évalué à la somme de 1.004.000 € dont elle demande en outre le paiement à titre de dommages et intérêts.

La société Esearch Vision soutient que la société Elegia n'a subi aucun préjudice et qu'elle tente désormais de faire l'économie de factures impayées ; que la demande de remboursement des sommes qui lui ont déjà été versées ne saurait être admise puisque les prestations ont été pleinement accomplies et que le site internet est fonctionnel ; que la société Elegia ne démontre pas la réalité des sommes prétendument déboursées pour remédier aux prétendus vices qui auraient affecté le site internet ; que pour les mêmes raisons, la demande de paiement de la somme de 1.004.000 € au titre d'une prétendue perte de chiffre d'affaires ne saurait non plus prospérer ; que de plus cette demande est peu sérieuse car seule une perte de marge pourrait être indemnisable, à supposer qu'elle existe et que soit démontré le lien de causalité avec une prétendue défaillance du site internet. Elle fait observer que la société Lefebvre Dalloz Compétences ne communique pas la moindre pièce comptable ou technique au soutien de ses affirmations.

*****

Pour justifier du manque à gagner qu'elle demande à voir indemnisé, la société Lefebvre Dalloz Compétences se limite à produire, comme en première instance, deux tableaux Excel qu'elle a réalisés censés démontrer que le chiffre d'affaires généré en 2017, au titre de l'activité du site internet en cause, a été trois fois moins élevé que celui réalisé en 2019 en utilisant un autre site internet. Cependant, étant rappelé que nul ne peut se constituer de preuve à lui-même, ces tableaux, qui ne sont corroborés par aucune pièce comptable, sont insuffisants à démontrer le manque à gagner allégué.

En ce qui concerne les dépenses engagées par la société Elegia, les premiers juges méritent d'être suivis en ce qu'ils ont rejeté la demande de remboursement des factures payées à la société Esearch Vision, faute de démontrer un préjudice, au motif que les prestations de mise en place du site ont été rendues même si cela a été avec retard et avec des défaillances, dont l'indemnisation est sollicitée par ailleurs.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Esearch Vision à payer à la société Elegia, aux droits de laquelle vient la société Lefebvre Dalloz Compétences, la somme de 73.450 € correspondant aux prestations commandées auprès de prestataires tiers soit pour auditer le site, soit pour corriger les non-conformités de celui-ci, en retenant justement que ces dépenses, que la société Elegia n'aurait pas supportées si la société prestataire avait produit un site conforme et dans le délai convenu, et dont elle justifie, sont bien constitutives d'un préjudice.

Sur la condamnation de la société Elegia à payer les factures

La société Lefebvre Dalloz Compétences, venant aux droits de la société Elegia, soutient que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le solde des factures émises par la société Esearch Vision pour un montant de 19.400,42 € n'est pas dû dès lors que la société prestataire a manqué à ses obligations contractuelles en n'exécutant pas ou mal certaines des prestations. Elle fait valoir que la société Elegia a été contrainte de payer une somme totale de 321.566,55 € TTC au titre de la refonte de son site internet alors qu'un prix initial de 134.595,17 € HT, soit 161.514,12 € TTC, était initialement prévu ; que la confirmation du jugement sur ce point aboutirait à ce qu'elle doive payer des prestations similaires d'une part à la société Esearch Vision et d'autre part à des prestataires extérieurs auxquels elle a dû faire appel.

La société Esearch Vision répond que la société Elegia doit être condamnée à payer les cinq factures dont elle demeure débitrice, pour des prestations qui ont été exécutées. Elle précise que la cliente n'a pas payé la totalité du prix convenu et reste devoir un reliquat de 19.400,42 € TTC correspondant à trois factures ; qu'elle doit également lui rembourser la somme de 15.811,20 € TTC qui concerne une dépense liée à l'hébergement du site internet que la société Esearch Vision n'a fait qu'avancer pour le compte de la société Elegia ; qu'elle doit enfin lui payer la somme de 21.524,80 € TTC, facturée le 28 mars 2018 pour des prestations de développement complémentaires sans rapport avec le contrat du 14 juin 2017.

*****

La société Esearch Vision communique trois factures demeurées impayées pour un montant de 19.400,42 € TTC. Il n'est pas utilement discuté que cette somme correspond à des prestations réalisées par elle au titre du contrat litigieux, étant rappelé que la société Elegia a précédemment été indemnisée des dépenses qu'elle a été contrainte d'engager auprès de prestataires tiers. Il n'y a donc pas double paiement pour des prestations identiques, comme le soutient la société Lefebvre Dalloz Compétences.

La société Esearch Vision s'estime en outre bien fondée à se voir rembourser la somme de 15.811,20 € TTC correspondant aux frais qu'elle a engagés pour le compte de la société Elegia à l'égard de l'hébergeur du site internet, la société Platform.SH. Elle produit une facture du 31 janvier 2019 visant un 'Hébergement 08/11/18 - 07/11/19', qui n'est cependant accompagnée d'aucun bon de commande correspondant, ni d'aucun justificatif d'envoi. Il convient donc de rejeter cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Enfin, la société Esearch Vision réclame le paiement de prestations complémentaires sans rapport avec le contrat du 14 juin 2017, pour un montant de 21.524,80 € TTC. Elle produit la facture datée du 28 mars 2018 ainsi que le courriel d'envoi du 29 mars 2019 à la société Elegia, qui ne conteste pas l'avoir reçu, ne justifie pas avoir contesté la facture et ne formule aucune observation. Il convient de retenir que cette somme est due.

Au total, la société Lefebvre Dalloz Compétences sera condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à payer à la société Esearch Vision la somme de 40.925,22 € TTC, assortie d'un taux d'intérêt égal au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter de la date d'échéance de chacune des factures, outre l'indemnité forfaitaire de 40 € par facture, soit 160 € au titre des quatre factures impayées.

En application des dispositions des articles 1347 et 1347-1 du code civil, il sera fait droit à la demande de la société Esearch Vision tendant à la compensation des créances réciproques des parties à due concurrence.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Esearch Vision, qui succombe au principal, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser à la société MJS Partners ès qualités la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il ne sera pas fait droit à la demande présentée sur ce fondement par la société Lefebvre Dalloz Compétences.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

ORDONNE la jonction des affaires RG 21/05096 et RG 21/05194 ;

CONFIRME le jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre sauf en ce qui concerne les sommes dues à la société Esearch Vision ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Lefebvre Dalloz Compétences, agissant en qualité de société absorbante de la société Elegia, à payer à la société Esearch Vision la somme de 40.925,22 € TTC au titre des factures impayées, majorée d'un taux d'intérêt égal au taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points à compter de la date d'échéance de chacune des factures, outre une indemnité forfaitaire de 160 € ;

ORDONNE la compensation des créances réciproques à concurrence de leur quotité respective ;

CONDAMNE la société Esearch Vision aux dépens d'appel, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Esearch Vision à verser à la société MJS Partners, ès qualités de liquidateur de la société Myconsulting.digital, la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Esearch Vision et la société Lefebvre Dalloz Compétences, agissant en qualité de société absorbante de la société Elegia, de leur demande de ce chef.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/05194
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.05194 ?
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