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11/05/2023 | FRANCE | N°21/05192

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 11 mai 2023, 21/05192


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59D



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MAI 2023



N° RG 21/05192 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWH6





AFFAIRE :



S.A.S. GLASS EXPRESS



C/



S.A. ALLIANZ IARD









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2020F00483



Expéditions

exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Lucile BARRE



Me Oriane DONTOT



TC NANTERRE













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'ar...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59D

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 21/05192 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWH6

AFFAIRE :

S.A.S. GLASS EXPRESS

C/

S.A. ALLIANZ IARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2020F00483

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Lucile BARRE

Me Oriane DONTOT

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. GLASS EXPRESS

RCS Evreux n° 797 542 560

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Lucile BARRE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 7A et Me Manuel MENEGHINI et Me Guillaume AKSIL de la SELARL LINCOLN AVOCATS CONSEIL, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0293

APPELANTE

****************

S.A. ALLIANZ IARD

RCS Nanterre n° 542 110 291

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Mathilde DELAUTRE et Me Stéphane BOUILLOT de la SCP HB & ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0497

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Glass Express a pour activité le remplacement de tous types de vitrages sur tous types de véhicules automobiles, pose de film plastique sur véhicules et bâtiments, entretien, nettoyage de véhicules et ventes de véhicules d'occasion.

Elle n'est pas agréée par Ies compagnies d'assurance, dont la SA Allianz Iard (ci-après Allianz), et pratique la libre tarification de ses prestations.

A partir de l'année 2017, la société Allianz a refusé de prendre en charge tout ou partie de factures présentées par la société Glass Express suite au remplacement des pare-brises des véhicules de ses assurés.

Par courrier du 24 octobre 2017, la société Glass Express a mis vainement en demeure la société Allianz de lui régler la somme de 2.186,82 €.

Par acte du 6 mars 2020, elle a fait assigner la société Allianz devant le tribunal de commerce de Nanterre en paiement de diverses sommes. Sa demande de remboursement au titre des factures impayées s'élevait en dernier lieu à la somme globale de 106.680,41 €.

Par jugement contradictoire du 2 juillet 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté la SAS Glass Express de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SA Allianz Iard au titre du non-remboursement des montants facturés par ses soins au titre de ses prestations ;

- Débouté la SAS Glass Express de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SA Allianz Iard pour perte de clientèle ;

- Débouté la SAS Glass Express de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'utilisation d'un salarié dédié aux dossiers d'Allianz ;

- Débouté la SAS Glass Express de sa demande à l'encontre de la SA Allianz Iard au titre du préjudice d'image et de dénigrement ;

- Débouté la SAS Glass Express de sa demande de voir ordonner la SA Allianz Iard de lui régler les factures à venir ;

- Débouté la SAS Glass Express de sa demande de publication du jugement ;

- Débouté la SA Allianz Iard de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de la SAS Glass Express pour pratique trompeuse et de publication ;

- Condamné la SAS Glass Express à verser à la SA Allianz Iard la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la SAS Glass Express aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 9 août 2021 et enregistrée le 10 août 2021, la société Glass Express a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2022, la société Glass Express demande à la cour de :

- L'accueillir en ses écritures et l'y déclarer bien fondée ;

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 12 juillet 2021 (RG n°2020F00483) en ce qu'il a débouté la société Glass Express de l'ensemble de ses réclamations dirigées à l'encontre de la compagnie d'assurances Allianz Iard ;

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 2 juillet 2021 (RG n°2020F00483) en ce qu'il a prononcé la condamnation de la société Glass Express à verser à la compagnie d'assurances Allianz Iard la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 2 juillet 2021 (RG n°2020F00483) en ce qu'il a débouté la compagnie d'assurances Allianz Iard de sa demande d'indemnisation au titre d'une pratique commerciale trompeuse de la société Glass Express celle-ci n'ayant pas qualité à agir ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 2 juillet 2021 (RG n°2020F00483) en ce qu'il a débouté la compagnie Allianz Iard de sa demande de publication de la décision à intervenir sous astreinte financière ;

Et statuant à nouveau,

- Condamner la compagnie Allianz Iard à réparer l'ensemble des préjudices subis par la société Glass Express consécutifs aux manquements contractuels de la société Allianz Iard ;

- Condamner la compagnie d'assurances Allianz Iard à verser à la société Glass Express les sommes de 2.186,82 €, avec intérêt au taux légal à compter du 24 octobre 2017, de 106.570,65 € à compter du 6 mars 2020, date de l'assignation en justice et de 80.828,88 € à compter de la notification des conclusions récapitulatives notifiées le 22 avril 2022 au titre de son préjudice subi du fait du non-remboursement par la compagnie Allianz Iard de ses factures établies auprès de ses assurées, ce défaut de règlement étant contraire aux dispositions d'ordre public du code des assurances ainsi qu'aux engagements contractuels de l'assureur ;

- Condamner la compagnie d'assurances Allianz Iard à verser à la société Glass Express la somme de 260.513,29 € à titre de dommages et intérêts pour sa perte de clientèle ;

- Condamner la compagnie Allianz Iard à verser à la société Glass Express la somme de 25.409,20 € du préjudice subi pour le traitement des dossiers litigieux par la compagnie Allianz Iard ;

- Condamner la compagnie Allianz Iard à verser à la société Glass Express la somme de 15.000 € au titre des dommages et intérêts pour le préjudice d'image subi ;

- Condamner la compagnie Allianz Iard à verser à la société Glass Express la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts concernant le dénigrement subi ;

- Débouter la compagnie d'assurances Allianz Iard de l'ensemble de ses réclamations dirigées à l'encontre de la société Glass Express ;

- Condamner la compagnie d'assurances Allianz Iard à verser à la société Glass Express la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la compagnie d'assurances Allianz Iard à verser à la société Glass Express les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2022, la société Allianz Iard demande à la cour de :

A titre principal,

- Juger que les demandes complémentaires formulées par la société Glass Express au titre des 487 nouvelles factures constituent des demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d'appel ;

- Juger, en conséquence, que ces demandes nouvelles sont irrecevables ;

A titre subsidiaire,

- Juger que les demandes en paiement des factures nouvelles, figurant dans la pièce adverse n°13, émises avant le 19 avril 2020 sont prescrites ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Juger que les demandes nouvelles de la société Glass Express sont infondées ;

Y faisant droit,

- Confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a débouté la société Glass Express de l'intégralité de ses demandes ;

- Infirmer partiellement le jugement frappé d'appel en ce qu'il a débouté Allianz Iard de ses demandes reconventionnelles ;

- Recevoir en conséquence Allianz Iard en son appel incident, et le déclarer bien fondé ;

Et statuant à nouveau,

- Juger que les demandes en paiement aux titres des factures listées dans le tableau communiqué par Allianz Iard en pièce 28, et émises avant le 19 avril 2020, pour un montant de 18.222,98 €, sont prescrites ;

- Condamner la société Glass Express à payer à Allianz Iard la somme de 10.000 € pour pratique commerciale trompeuse ;

- Condamner la société Glass Express à publier l'intégralité de la décision à intervenir, sous astreinte de 15.000 € par jour de retard, sur la page d'accueil de son site internet, à ses frais, pour une durée de 6 mois, à compter de la signification du jugement ;

- Juger que chacune des sommes ci-dessus énoncées portera intérêts au taux légal capitalisés à compter de la signification des présentes conclusions ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Glass Express de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions ;

- Condamner la société Glass Express au paiement d'une somme de 10.000 € à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Glass Express aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de Me Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les demandes nouvelles formulées par la société Glass Express

La société Allianz soutient que la société Glass Express n'est pas fondée à réclamer le paiement intégral de 487 factures supplémentaires, pour un montant total de 80.828,98 €, au motif que ces demandes, formulées pour la première fois en cause d'appel, sont nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile. Elle fait observer que ces 487 factures ont été émises en grande majorité avant le jugement frappé d'appel du 2 juillet 2021, voire même avant l'acte introductif d'instance du 6 mars 2020 ; qu'ainsi la société Glass Express en avait connaissance dès la première instance mais s'est abstenue d'en solliciter le paiement, privant ainsi l'assureur d'un double degré de juridiction.

La société Glass Express répond, au visa de l'article 565 du code de procédure civile, que l'augmentation de ses réclamations correspond uniquement aux nouvelles factures non réglées en intégralité et que ces demandes ne constituent pas des demandes nouvelles puisqu'elles tendent à la même fin d'indemnisation du préjudice subi, à savoir l'absence de règlement intégral des factures par la société Allianz. Elle ajoute, au visa de l'article 566 du même code, que les réclamations critiquées sont des compléments de ses réclamations indemnitaires puisqu'elles concernent des factures émises postérieurement au jugement dont appel.

*****

Selon l'article 564 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».

L'article 565 du même code précise que « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».

En outre, l'article 566 de ce code prévoit que « Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

Comme le rappelle la société Glass Express, son action est une action en responsabilité délictuelle fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil, qui tend à l'indemnisation de son préjudice consécutif au refus de la société Allianz de prendre en charge l'intégralité du dommage subi par ses assurés. Ainsi, l'action de l'appelante ne tend pas au paiement de factures identifiées mais au versement de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice.

En cause d'appel, la société Glass Express augmente le montant de ses réclamations à ce titre pour y ajouter la somme de 80.828,98 €. Cette demande poursuit la même fin d'indemnisation du préjudice subi que celle présentée devant les premiers juges, de sorte qu'elle est recevable comme n'étant pas nouvelle en appel, conformément aux dispositions de l'article 565 du code de procédure civile.

Le moyen d'irrecevabilité sera écarté.

Sur la prescription des demandes en paiement au titre des nouvelles factures

La société Allianz prétend à titre subsidiaire que les réclamations concernant les factures émises avant le 19 avril 2020, au nombre de 77 et pour un montant de 18.222,98 €, sont prescrites. Elle souligne que la demande en paiement de la société Glass Express se fonde sur l'application du contrat d'assurance, de sorte que doivent s'appliquer les dispositions de l'article 112'6 du code des assurances qui lui permettent d'opposer à l'appelante toutes les exceptions opposables à l'assuré, dont la prescription biennale prévue par l'article L.114-1 du même code.

La société Glass Express fait valoir en réplique qu'en sa qualité de tiers au contrat, elle forme ses réclamations au visa de la responsabilité délictuelle de l'assureur dont les manquements contractuels envers ses assurés lui causent un préjudice. Elle en déduit que seule la prescription quinquennale de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil est applicable et qu'ainsi aucune réclamation n'est prescrite.

*****

Comme relevé précédemment, la société Glass Express recherche la responsabilité délictuelle de l'assureur sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, en invoquant une exécution fautive du contrat d'assurance à l'origine de son propre dommage. Il en résulte que cette action intentée par un tiers au contrat d'assurance n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances.

Il convient en conséquence de faire application de l'article 2224 du code civil, qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les 487 factures au vu desquelles l'appelante demande à être indemnisée pour la première fois en cause d'appel sont listées dans un tableau figurant en pièce n°13 de l'appelante. Les dates de ces factures n'y sont pas toutes précisées mais la société Allianz a établi son propre tableau en y ajoutant la date manquante d'émission des factures. L'analyse de ces deux documents conduit à relever que les 487 factures litigieuses ont été émises sur une période comprise entre le 16 juillet 2018 et le 17 janvier 2022.

La société Glass Express a saisi le tribunal de commerce de Nanterre par acte du 6 mars 2020, elle a interjeté appel du jugement déféré par déclaration du 9 août 2021, elle a fait état de ces nouvelles factures et augmenté le montant de ses réclamations aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 22 avril 2022. Elle n'est donc pas prescrite en ses demandes.

Le moyen d'irrecevabilité sera rejeté.

Sur la violation du principe indemnitaire par Allianz

La société Glass Express considère que la société Allianz doit procéder au règlement de l'intégralité des factures acquittées qu'elle lui a présentées, en ce qu'elles correspondent aux travaux de réparation et remplacement des bris de glace tels que définis par le contrat d'assurances. Elle prétend que l'intimée ne rapporte aucun élément de preuve justifiant son opposition de limite de garantie et qu'elle viole le principe indemnitaire issu de l'article L.121-1 du code des assurances. Elle lui fait grief de ne pas respecter ses obligations contractuelles découlant de l'article 14 de ses conditions générales aux termes duquel elle s'engage vis-à-vis de son assuré, en cas de bris de glace, à procéder au règlement de la facture acquittée. L'appelante prétend que l'assureur a donné son accord sur les réparations à effectuer et que les factures litigieuses lui ont ensuite été remises ; qu'il ne justifie pas que l'ensemble de ces factures est au-dessus du prix constructeur, dans la mesure où il produit quelques rapports Dekra qui représentent moins de 2 % des factures objet du litige ; qu'il ne justifie pas non plus que le montant du taux horaire est systématiquement au-dessus des prix moyens pratiqués par la région. La société Glass Express considère que le fait que le prix du pare-brise soit plus conséquent que ceux référencés par le logiciel Dekra ne saurait constituer un enrichissement sans cause pour l'assuré et que la valeur du véhicule reste inchangée dès lors que la vitre remplacée est d'une gamme identique à son état initial. Elle reproche encore à la société Allianz de ne pas respecter ses obligations contractuelles découlant de l'article 20.2 de ses conditions générales pour ne pas avoir mis en place une expertise sur pièces contradictoire dès lors qu'elle contestait le montant des réparations.

La société Allianz s'estime quant à elle bien fondée à ne pas régler l'intégralité du montant des factures présentées par la société Glass Express dans la mesure où les prix pratiqués par cette dernière sont systématiquement supérieurs aux prix recommandés par les constructeurs automobiles et où son taux horaire ne correspond pas au taux moyen de la région concernée, ce qui génère un enrichissement sans cause au profit du réparateur - non de l'assuré - et au préjudice tant de l'assureur, qui supporte un coût sans rapport avec la réalité du sinistre déclaré, que de l'assuré, qui verra ses cotisations d'assurance augmenter puisque l'activité d'assurance mutualise les risques et la charge des sinistres garantis. Elle souligne que l'appelante, qui prétend engager sa responsabilité pour de prétendus manquements contractuels à l'égard de ses assurés, n'en rapporte pas la moindre preuve ; que la mise en oeuvre de la garantie bris de glace est soumise à l'application des dispositions du contrat d'assurance ainsi qu'au respect du principe indemnitaire, principe d'ordre public consacré par l'article L.121-1 du code des assurances, qui a pour conséquence que l'assuré ne peut être remboursé d'un coût (pièces + main d'oeuvre) plus élevé que celui du remplacement du pare-brise sinistré. Elle rappelle que l'indemnisation des assurés n'est pas fondée sur le principe de la réparation intégrale du préjudice. Elle s'estime fondée à opposer aux tiers qui invoquent le bénéfice du contrat d'assurance, dont la société Glass Express, les exceptions opposables à l'assuré, en application de l'article L.112-6 du code des assurances. Elle précise qu'elle n'a connaissance du sinistre qu'au jour où elle reçoit la facture de la part du réparateur, qui se charge de déclarer le sinistre pour le compte de l'assuré, et que l'expertise amiable devient donc sans objet et matériellement impossible puisque le remplacement a d'ores et déjà été effectué, privant ainsi l'assureur de la possibilité de constater la matérialité du sinistre et de faire chiffrer le dommage.

*****

Il a déjà été rappelé que la société Glass Express recherche la responsabilité délictuelle de la société Allianz sur le fondement articles 1240 et 1241 du code civil, en invoquant une exécution fautive du contrat d'assurance à l'origine de son propre dommage.

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement de son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Il convient par ailleurs de rappeler qu'en application des dispositions impératives de l'article L.121-1 du code des assurances, l'indemnité due au titre du contrat d'assurance de choses ne peut dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.

L'article R.112-1 de ce code dispose, notamment, que :

« Les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R.321-1, à l'exception des polices d'assurance relevant du titre VII du présent code, doivent indiquer :

(')

- pour les assurances autres que les assurances contre les risques de responsabilité, la procédure et les principes relatifs à l'estimation des dommages en vue de la détermination du montant de l'indemnité. »

La société Glass Express soutient qu'aux termes de l'article 14 des dispositions générales du contrat d'assurance automobile, la société Allianz s'engage, en cas de bris de glace, à procéder au règlement de la facture correspondant aux réparations. Elle souligne que celle-ci ne conteste pas être l'assureur des 914 véhicules concernés par les sinistres bris de glace, objets du présent litige, ni que ces dommages mobilisent sa garantie bris de glace ; qu'elle n'allègue en outre aucune limite de garantie.

L'article 14 dont elle se prévaut, issu d'une version des dispositions générales de la police référencée 'COM01755 - V05/09 - Imp08/09", est ainsi rédigé :

« Article 14 - Garantie bris des glaces

Nous garantissons le remboursement des dommages subis par suite de fêlure ou bris des seuls éléments du véhicule assuré, énumérés ci-après :

- Pare-brise,

- Glace arrière,

- Glaces latérales,

- Glaces toit ouvrant,

- Bloc optique des phares ainsi que leur verre de protection,

- Miroirs des rétroviseurs extérieurs.

Notre règlement est subordonné à la production de la facture acquittée des réparations. (...) »

Cependant, la société Allianz indique que cette version des dispositions générales n'est pas applicable au litige dans la mesure où elle date de l'année 2009 et où la quasi-totalité des factures litigieuses concernent des contrats qui ont été souscrits postérieurement à l'année 2009. Elle communique les versions des conditions générales en matière d'assurance automobile de novembre 2019, juin 2020, novembre 2020, avril 2021 et juillet 2021 (respectivement référencées 'COM015824 - V11/19 - Imp11/09", 'COM015824 - V06/20 - Imp06/20", 'COM015824 - V11/20 - Imp11/20", 'COM015824 - V04/21 - Imp04/21" et 'COM015824 - V07/21 - Imp07/21") dont l'applicabilité au litige est contestée par l'appelante, qui reproche à l'intimée de ne pas produire les conditions particulières des contrats de chacun des assurés ayant fait remplacer le pare-brise de son véhicule. Toutefois, la société Glass Express, qui invoque le manquement de l'assureur à ses obligations contractuelles, ne démontre pas que les conditions générales dont elle se prévaut sont applicables aux sinistres en cause, la société Allianz faisant observer qu'avant d'effectuer le remplacement du pare-brise, l'appelante se limite à consulter l'attestation automobile (carte verte) du client, sans prendre connaissance des dispositions générales applicables, et que d'ailleurs le changement de pare-brise s'opère avant même que la déclaration de sinistre ne soit effectuée auprès de l'assureur.

La cour relève qu'il est indiqué en page 26 des conditions générales produites par l'assureur (versions de novembre 2019, juin 2020, novembre 2020) :

« V - Garantie bris des glaces

1. Ce que nous garantissons

Quelle que soit la cause des dommages, la réparation ou le remplacement :

- du pare-brise,

- des glaces latérales,

- de la lunette arrière,

- du toit ouvrant transparent,

- de l'ensemble des feux avant. (...) »

Il n'est pas discuté qu'en vertu des dispositions de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, dite loi Hamon, tout assuré bénéficie du libre choix de faire appel, en cas de sinistre, à un réparateur automobile, agréé ou non agréé par les assureurs.

Les dispositions générales des contrats d'assurance automobile Allianz le rappellent en mentionnant page 49 de la version de novembre 2019, ou page 50 de la version de juin 2020 :

« Vous avez la faculté, en cas de dommage garanti par votre contrat et dans les conditions fixées par celui-ci, de choisir le réparateur professionnel auquel vous souhaitez recourir, pour procéder aux réparations.

- Dans la mesure où vous faites le choix de votre réparateur, le coût des réparations garanties vous sera remboursé sur la base de l'évaluation contractuelle de l'indemnité, déduction faite des franchises éventuelles.

- Dans la mesure où vous faites le choix de confier votre véhicule au réseau de réparateurs sélectionnés par nos soins, nous mettons à votre disposition, pour vous accompagner, des solutions de prise en charge de votre sinistre de A à Z. Dans cette hypothèse vous n'avez pas à faire l'avance des fonds (hormis le cas échéant les éventuelles franchises) (...). »

Les dispositions générales prévoient par ailleurs les modalités d'évaluation des dommages et les modalités de l'indemnisation, conformément aux dispositions de l'article R.112-1 susévoqué du code des assurances. Il est ainsi stipulé en page 51 de la version de novembre 2019, ou page 52 de la version de juin 2020 :

« II. Comment est déterminée l'indemnité '

(...)

2. Votre véhicule ou ses éléments sont endommagés à la suite d'un événement garanti

Les dispositions ci-dessous concernent les dommages autres que ceux entrant dans le champ d'application du Pack Réparation (...)

a. Expertise

Les dommages ou pertes sont évalués à l'amiable, entre vous et nous.

S'il y a lieu, nous faisons apprécier et chiffrer les dommages par un expert indépendant que nous désignons, selon les modalités figurant au chapitre présent, paragraphe II.2.b.

b. Evaluation des dommages et modalités de l'indemnisation

L'expert que nous désignons détermine :

- le coût des réparations et du remplacement des pièces détériorées, directement consécutifs au sinistre garanti,

- la valeur du véhicule avant sinistre,

- s'il y a lieu, la valeur de sauvetage du véhicule après le sinistre.

Ce chiffrage est effectué sur la base de la méthodologie de réparation et de changement des éléments endommagés, du prix des pièces et du temps de main d''uvre fixés par les constructeurs.

Il constituera le montant maximal susceptible de vous être indemnisé dans le cadre d'un dommage garanti, déduction faite des franchises éventuelles. (...) »

La société Glass Express produit pour chaque client dont la facture n'a pas été intégralement prise en charge par l'assureur :

1- Un document à en tête 'Glass Express, Le spécialiste du pare-brise sans franchise' intitulé 'Déclaration de « Bris de glaces » automobile', signé par le client lors du dépôt du véhicule chez le réparateur et mentionnant :

- les nom, prénom et adresse de l'assuré,

- le nom de la compagnie d'assurance et le numéro du contrat, l'existence ou non d'une franchise et dans l'affirmative, son montant,

- la marque, le modèle et l'immatriculation du véhicule,

- la date et le lieu du sinistre, l'élément endommagé (cases à cocher : pare-brise, lunette arrière, vitre latérale, vitre de toit ou optique de phare), les circonstances (cases à cocher : projection, vandalisme, effraction ou autre),

- la réparation ou le remplacement ;

2- Un document à en tête 'Glass Express, Le spécialiste du pare-brise sans franchise' intitulé 'Ordre de réparation', signé par le client, étant observé que la réception et la restitution du véhicule s'effectuent le même jour ;

3- Une facture établie par la société Glass Express au nom du client, précisant notamment le prix du pare-brise remplacé et le coût de la main d'oeuvre ;

4- Un chèque établi par la compagnie Allianz à l'ordre de la société Glass Express, d'un montant systématiquement inférieur au net à payer figurant sur la facture.

Outre que rien ne démontre, comme le prétend le réparateur, que l'assureur a préalablement été informé de chacun des sinistres survenus entre le 2 août 2017 et le 26 novembre 2019, il convient de relever qu'aucune de ces pièces ne permet de déterminer précisément quels dommages ont affecté les pare-brises et s'il était nécessaire de les remplacer ou si une simple réparation n'était pas suffisante. Aucune information n'est non plus donnée sur le type de pare-brise équipant le véhicule avant l'intervention de la société Glass Express.

De plus, la cour observe que le contrat conclu avec chaque assuré prévoit que « Les dommages ou pertes sont évalués à l'amiable, entre vous et nous ». Or, la société Glass Express ne rapporte pas la preuve de l'accord de la société Allianz concernant le montant de l'indemnité.

La société Glass Express échoue ainsi à faire la preuve de l'adéquation entre le montant facturé et la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, seule susceptible de donner lieu à indemnisation conformément au principe indemnitaire posé par l'article L.121-1 susvisé du code des assurances et aux dispositions générales du contrat d'assurance. Elle ne justifie pas non plus du bien-fondé de l'indemnité réclamée.

Or, la société Allianz explique avoir procédé à la vérification des factures à l'aide d'un logiciel de contrôle développé par la société Dekra, leader reconnu dans l'inspection et la certification dans le domaine automobile. Le logiciel Dekra permet de vérifier que chaque facture présentée au paiement respecte les prix préconisés par le constructeur du véhicule concerné pour chaque modèle de pare-brise mais aussi la méthodologie du constructeur, notamment sur le temps nécessaire à la pose du pare-brise. La société Allianz verse aux débats un tableau (sa pièce n°9) dans lequel sont comparés pour chaque facture le prix facturé par la société Glass Express et le prix pratiqué par le constructeur automobile. Il en ressort que le prix facturé est quasi systématiquement supérieur au tarif constructeur, et ce y compris par rapport aux tarifs constructeurs issus du logiciel X'Glass utilisé par l'appelante, équivalents à ceux issus du logiciel Dekra. De plus, l'intimée démontre à l'aide de plusieurs exemples, sans être utilement contredite, que lorsqu'une sélection de différents pare-brises est proposée pour un même modèle de véhicule, la société Glass Express a systématiquement choisi le pare-brise le plus cher. Elle indique que la somme restant due correspond à la surfacturation pratiquée par le réparateur.

La société Glass Express reproche encore à l'assureur de ne pas avoir fait diligenter une expertise. Cependant, les pièces produites par l'appelante pour chaque client, et en particulier la déclaration de sinistre et l'ordre de réparation, permettent de constater que les remplacements de pare-brises sont effectués aussitôt que les véhicules sont déposés chez le réparateur, sans possibilité pour l'assureur, conformément aux stipulations contractuelles, de donner son accord ou, en cas de désaccord, de faire procéder à une expertise et de contester le type de réparation choisi. Il n'est de toute façon pas établi que la société Allianz soit informée du sinistre avant la réception de la facture.

En l'absence de démonstration d'un manquement contractuel à ses obligations vis-à-vis de ses assurés, la responsabilité délictuelle de la société Allianz ne saurait être mise en cause.

Aucun élément ne permet non plus de retenir que la société Allianz serait à l'origine d'une perte de clientèle de la société Glass Express ou encore que le comportement de la société Allianz aurait nui à son image ou aurait été dénigrant.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Glass Express de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Allianz

La société Allianz sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires pour pratiques commerciales déloyales. Elle considère que la promotion réalisée par la société Glass Express concernant un prétendu « rachat de franchise » est une pratique déloyale car elle est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, qui ne vérifie pas véritablement le coût de la prestation, et ce d'autant que les ordres de réparation ne précisent jamais la nature exacte des réparations à effectuer, ni le coût prévisible des interventions. Elle soutient que la société Glass Express a manqué à son obligation de conseil et d'information des assurés d'Allianz, les privant du droit de comparer les prix du marché et de se diriger éventuellement vers un autre réparateur. Elle s'estime recevable et fondée à lui opposer de tels griefs qui lui causent nécessairement un préjudice dont elle réclame réparation à hauteur de 10.000 €.

Elle demande enfin à la cour d'ordonner sous astreinte la publication de la décision à intervenir.

La société Glass Express répond que la pratique du « rachat de franchise » ne peut être considérée comme déloyale et qu'elle n'est pas l'unique réparateur de pare-brise à annoncer cette position, qu'ainsi de nombreux acteurs de ce marché (notamment Ze Parebrise, Rapid Parebrise, SOS Parebrise) annoncent que la franchise sera « offerte » aux assurés. Elle fait en outre observer que si tant est qu'elle ait une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L.121-1 du code de la consommation, la société Allianz n'a aucunement qualité à agir dans la mesure où seul un consommateur peut agir sur ce fondement.

Elle s'oppose à la demande de publication de la décision.

*****

C'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu le défaut de qualité à agir de la société Allianz, dans la mesure où seul l'assuré est susceptible de se plaindre des agissements de la société Glass Express à son égard et qu'en outre l'assureur ne justifie pas d'un quelconque préjudice.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Allianz de sa demande indemnitaire ainsi que de sa demande de publication de la décision, qui n'apparait pas utile.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la Glass Express, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de Me Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser à la société Allianz la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

REJETTE les moyens d'irrecevabilité relatifs aux nouvelles factures ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société Glass Express aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Oriane Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Glass Express à verser à la société Allianz Iard la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Glass Express de sa demande de ce chef.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/05192
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.05192 ?
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