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11/05/2023 | FRANCE | N°21/01634

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 11 mai 2023, 21/01634


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 MAI 2023



N° RG 21/01634 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UREX



AFFAIRE :



[F] [E] épouse [O]



C/



S.A.S. EVANCIA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 19/01423



Copie

s exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Stéphane MARTIANO



Me Audrey RYMARZ de la AARPI M2A AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Vers...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 21/01634 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UREX

AFFAIRE :

[F] [E] épouse [O]

C/

S.A.S. EVANCIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 19/01423

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphane MARTIANO

Me Audrey RYMARZ de la AARPI M2A AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [F] [E] épouse [O]

née le 06 Juin 1965 à [Localité 6] (GUINEE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphane MARTIANO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1459

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012257 du 25/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

S.A.S. EVANCIA

N° SIRET : 447 818 600

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Audrey RYMARZ de l'AARPI M2A AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R067, substitué à l'audience par Me Carla SOLLIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Par contrat de travail à durée indéterminée du 26 décembre 2014, Madame [F] [E] épouse [O] a été engagée à compter du 5 janvier 2015 par la Sas Evancia en qualité d'auxiliaire petite enfance volante. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des entreprises de service à la personne du 20 septembre 2012.

Par courrier recommandé du 4 avril 2019, la salariée a été convoquée à un entretien préalable qui s'est tenu le 11 avril 2019, à l'issue duquel elle a été dispensée d'activité le temps de la procédure disciplinaire par lettre datée du même jour, puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 18 avril 2019, elle a été licenciée pour faute grave.

Par requête reçue au greffe le 07 juin 2019, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement de diverses sommes.

Par jugement du 10 mai 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- fixé le montant du salaire brut moyen de Madame [F] [E] épouse [O] sur les trois derniers mois précédant la rupture du contrat de travail à la somme de 1931,35 euros ;

- dit et jugé le licenciement prononcé par la SAS Evancia à l'encontre de Madame [F] [E] épouse [O], reposait sur une faute grave ;

- débouté, en l'état, Madame [F] [E] épouse [O] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la Sas Evancia de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure.

Par déclaration au greffe du 1er juin 2021, la salariée a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en son appel,

infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre,

statuant à nouveau,

- condamner Evancia à lui payer la somme de 10 220 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner Evancia à lui payer la somme de 4 088 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- condamner Evancia à lui payer la somme de 408,80 euros à titre de congés payés afférents ;

- condamner Evancia à lui payer la somme de 2 149 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- condamner Evancia à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700-2 du code de procédure civile ;

- débouter Evancia de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Evancia aux dépens de l'instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 1er avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas Evancia demande à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

Fixé le montant du salaire brut moyen de Madame [O] à la somme de 1 931,35 euros ;

Dit et jugé que le licenciement notifié à Madame [O] le 18 avril 2019 repose bien sur une faute grave;

Débouté Madame [O] de l'intégralité de ses prétentions ;

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau,

- débouter Madame [O] de l'ensemble de ses demandes ;

- recevoir la société Evancia dans sa demande conventionnelle et condamner Madame [O] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la débouter de sa demande sur ce fondement ;

- la condamner aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. La preuve de son existence incombe exclusivement à l'employeur.

Dans la lettre de licenciement, les motifs du licenciement s'énoncent en ces termes :

Nous vous informons de notre décision de vous licencier pour non-respect de vos horaires de travail,

propos diffamatoires envers l'une de vos collègues et manquement l'organisation ayant mis en danger la sécurité des enfants, agissements constitutifs d'une faute grave.

Lors de ces deux entretiens nous vous avons exposé les raisons nous conduisant à envisager à votre encontre cette procédure et vous avez pu vous exprimer sur chaque fait présenté. Vos explications ne nous ont cependant pas convaincues.

En effet vous exercez les fonctions d'auxiliaire petite enfance volante au sein du secteur 3 de la Direction Ile de France ouest comprenant l'ensemble des structures de [Localité 5]. A ce titre, vous avez notamment pour missions :

- d'assurer la surveillance des enfants ;

- apporter un cadre de vie sécurisé et propre,

- veiller à la sécurité et à l'hygiène des enfants et de la structure ;

- respecter les consignes de votre direction et les procédures internes.

Le 15 mars 2019, au moment du repas dans l'espace de vie des petits, vous étiez en désaccord avec l'une de vos collègues au sujet de la place d'une enfant à table. Celle-ci était déjà installée à une table et vous l'avez déplacé pour la positionner à une autre table.

Votre collègue vous a alors fait remarquer qu'il était préférable qu'elle soit assise à la table initiale car elle se retrouvait isolée du Groupe à la table ou vous l'aviez installée. Vous vous êtes alors emportée et avez pris cette enfant de manière inadaptée dans vos bras.

Le ton est monté entre vous et votre collègue est alors sortie en tenant des propos inadaptés à votre encontre. Elle s'est alors rendue dans le bureau de la Direction. Les deux autres professionnelles, présentes au moment des faits, nous ont rapporté que vous avez continué à vous énerver et à tenir des propos diffamatoires à son encontre en l'insultant notamment de " fille de pute ", " c'est ta mère la conasse ".

Un peu plus tard dans la journée, votre collègue se trouvait en salle de pause, à votre arrivée dans la pièce vous l'avez de nouveau interpellée en l'insultant en lui disant " t'es une petite conasse " " ta place n'est pas ici mais au bois de Boulogne ".

Le manque de respect dont vous avez fait preuve envers votre collègue est inacceptable.

Votre comportement est incompatible avec la mission commune à l'ensemble de l'équipe de garantir un climat serein pour les enfants accueillis sur la crèche afin de garantir leur sécurité affective. Cette attitude a engendré au contraire un climat de stress chez vos collègues qui a pu influer sur leur comportement auprès des enfants et donc sur la qualité d'accueil attendue dans nos crèches. De part, votre mission envers les enfants, vous avez l'obligation de mesurer vos propos, surtout en présence des enfants. Par votre attitude ce jour-là vous avez failli à votre mission.

Nous avons constaté à plusieurs reprises et notamment les lundis 1er, mardi 2 et mercredi 3 avril 2019 que vous êtes arrivée avec 15 à 25 minutes de retard. Ces retards ont entraîné une désorganisation du service dans lequel vous avez été positionné pour venir en renfort de l'équipe des Petits. Nous vous rappelons que, conformément au règlement intérieur en vigueur, tout retards réitérés peuvent entraîner des sanctions. Par ailleurs, en tant qu'auxiliaire petite enfance volante, vous êtes positionnée sur des établissements où il manque du personnel, vous devez donc être tout particulièrement vigilante à être présente aux horaires prévus et ce afin de ne pas mettre plus en difficulté les équipes que vous renforcez.

Le 2 avril 2019, votre collègue faisait les transmissions du soir à la baby-sitter d'une enfant, qui est également une ancienne professionnelle de la crèche [7]. Elle lui expliquait que cet enfant n'avait pas beaucoup dormi à midi, et que l'équipe lui avait reproposé une sieste l'après-midi mais qu'elle n'avait pas voulu dormir. Vous êtes intervenue en disant que c'était dû à un problème d'organisation avec l'équipe et vous avez poursuivi cet échange en évoquant votre collaboration l'année précédente et en disant que vous étiez mieux organisé. Cet échange n'avait pas lieu d'être à ce moment là et dans l'enceinte de l'établissement, nous attendons de chaque professionnelle une juste distance et une attitude professionnelle avec toutes les personnes extérieures à la structures. Nous vous rappelons qu'en tant que salariée vous avez un devoir de réserve, vos propos ce jour là ont contribué à discréditer le professionnalisme de vos collègues alors même que toute l'équipe travaille au quotidien à gagner et maintenir la confiance des familles accueillies.

Enfin, le 3 avril 2019, vous avez pris votre service à 8h30 au lieu de 8h15 et vous êtes restée dans la salle des petits sans les enfants jusqu'à 8h55, en laissant votre collègue seule prendre en charge l'accueil de plus de 12 enfants dont 8 enfants de votre service.

En effet, l'agent de collectivité étant absente, une organisation provisoire a été mise en place avec un agent de service remplaçant. A 8h15, celui-ci nettoyait le sol de la salle des Petits. En arrivant, vous vous êtes tout d'abord mise au niveau de la porte entre la salle des bébés et la salle des petits, votre collègue vous a demandé de la rejoindre pour faire l'accueil des petits avec elle dans la salle des bébés. Vous l'avez ignorée et êtes restée dans la section des petits au lieu de la rejoindre. Plusieurs parents se sont plaints et ont dû retarder leur départ.

Notamment deux familles qui se sont plaint et ont attesté auprès de la Direction de l'établissement des faits ci-dessus. L'une d'elle a expliqué qu'elle était allée vous chercher pour accueillir les enfants. Vous l'avez orientée chez bébés en lui disant que vous n'étiez pas en charge de l'accueil des enfants car vous deviez faire le ménage.

Un autre parent a confirmé, qu'à son arrivée un peu après 8h30, vous avoir vu dans la salle des petits et vous a demandé de venir avec votre collègue chez les bébés. Vous lui avez répondu que vous ne pouviez pas venir car vous attendiez les ordres pour y aller et que vous deviez finir le ménage. Ce parent a confirmé que votre collègue se trouvait seule avec 12 enfants.

Nous vous rappelons que la législation impose un taux d'encadrement précis, à savoir une professionnelle pour 4 enfants non marcheur et tout au plus une professionnelle pour 8 enfants marcheurs. Votre mission première, en tant que professionnelle petite enfance et comme le prévoit votre contrat de travail et votre fiche de mission est de garantir la sécurité des enfants dès lors qu'ils sont accueillis sur la structure. A aucun moment la direction ne vous a demandé de sécher le sol de la section, un agent de service intérimaire était présent pour réaliser ces missions. Par votre comportement ce jour-là vous avez mis en difficulté votre collègue, mis en danger la sécurité des enfants et de nouveau entaché la relation de confiance avec les familles enfants de la section des petits.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise est impossible. La rupture de votre contrat de travail prendra donc effet immédiatement à la date de notification de ce courrier, sans indemnité de préavis ni de licenciement et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date'"

La salariée fait valoir que le grief relatif aux propos qu'elle aurait tenus le 15 mars 2019 est inopérant pour justifier un licenciement pour faute grave dès lors qu'elle en a eu connaissance le jour-même et qu'elle n'a été dispensée de toute activité qu'à compter du 11 avril 2019.

L'employeur réplique que sa réaction n'a pas été tardive en ce que, peu après la connaissance de ces faits, par courrier recommandé du 21 mars 2019, il a convoqué la salariée à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 29 mars 2019, avant de la convoquer au second entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 11 avril en raison de la révélation d'autres faits commis du 1er au 3 avril.

Il ressort des éléments de la cause, appréciés, notamment, dans leur chronologie, que l'employeur n'a pas tardé à réagir à la suite de la révélation des faits du 15 mars 2019 en ayant convoqué la salariée par courrier recommandé à un premier entretien préalable fixé au 21 mars 2019 puis, après que de nouveaux faits aient

été successivement portés à sa connaissance, en dernier lieu le 3 avril 2019, en l'ayant convoquée à un second entretien préalable à licenciement qui s'est tenu le 11 avril 2019 et qui a été suivi de la notification du licenciement une semaine plus tard. Il en résulte l'absence d'élément de nature à retirer aux fautes qui sont reprochées à la salariée leur caractère de gravité.

Sur les griefs, en premier lieu, la salariée soutient que les seuls faits du 15 mars 2019 qui sont établis sont les insultes proférées à son encontre par la collègue concernée, quand l'employeur fait valoir qu'il ressort des attestations qu'il produit aux débats que la salariée a mal agi envers un enfant qu'elle a attrapé et porté de manière inadaptée et en étant irritée pour la déplacer de la table où l'avait installée sa collègue, avant que cette dernière ne sorte de la salle en proférant une insulte à l'encontre de la salariée puis de rapporter l'incident dans sa globalité auprès de la directrice, la salariée ayant proféré à plusieurs reprises des insultes envers sa collègue après le départ de celle-ci.

Afin de justifier de la réalité et de la gravité de ces faits, l'employeur produit aux débats :

- un rapport, dépourvu de signature, mentionné avoir été établi le 18 mars 2019 par la directrice de la crèche, au sein duquel il est indiqué que dans le cadre d'un désaccord avec une collègue sur la table où devait être installée un enfant, la salariée a " tiré brutalement la chaise " de celui-ci pour la changer une troisième fois de table après l'avoir " attrapé brutalement ", moment à partir duquel sa collègue s'est énervée et l'a traitée de " connasse " avant de rapporter l'incident à la direction ; la directrice ajoute qu'après le départ de sa collègue et en présence de deux témoins, la salariée a tenu les propos qui suivent : " C'est ta mère la connasse " ; " Je ne vais pas me laisser insulter par [W] " ; " Sinon je vais te montrer ce que c'est une vraie noire " ; " J'ai jamais travaillé avec une équipe aussi débile " ; elle termine en indiquant qu'environ deux heures plus tard la salariée " est sortie du service des Petits " pour rejoindre la salle de pause où se trouvait la même collègue qu'elle a directement insultée en présence de deux nouveaux témoins: " T'es une petite connasse " ; " Tu sors du bois de Boulogne " ; " C'est celle qui t'a engrocée qui est une connasse";

- l'attestation d'une collègue témoin de la première série de faits qui déclare : " A mon arrivée [F] et [W] se disputaient devant les enfants à propos de place pour le déjeuner, je les ais séparés, [W] est

sortie pour descendre au bureau de [V] en disant Conasse à [F] et [F] a insulté plusieurs fois devant les enfants sa maman(la maman d'[W]) et à haute voix et a dis fille de pûtte ta place n'est pas ici, c'est tous ce que j'ai observé dans cette histoire " ;

- l'attestation d'une autre collègue relative à ces mêmes faits, selon laquelle :

" Quand je donnais le repas à un enfant dans la section, à un moment donné j'ai entendu [F] prononcer le mot " connasse " à haute voix et en criant.

Par la suite, ce que j'ai vu c'est que [F] lors de la dispute, elle porter un enfant mais de façon pas normale qui ma choqué. Elle porter l'enfant sous son bras, l'enfant était de travers, l'enfant pas à l'aise, pendant qu'elle crier. " ;

- l'attestation d'une troisième collègue témoin de la seconde série de faits, laquelle déclare : " J'étais en pause ce jour là avec [W] puis [F] est arrivée énervé et a commencé à insulter [W] pour citer : " que sa place n'était pas ici mais au bois de Boulogne " ainsi que " la connasse c'était plutôt la personne qui l'avait porté dans son ventre ". [W] n'a rien répondu et l'a laissé parler en l'ignorant. Il y a eu d'autres insultes dont j'ai oublié le contenu. "

Il ressort de l'ensemble des témoignages ci-dessus reproduits, suffisamment précis, circonstanciés et concordants, non utilement contredits, que la salariée a adopté une attitude et a eu des gestes inadaptés à l'égard d'un enfant en très bas âge, puis a tenu à plusieurs reprises des propos particulièrement insultants, en présence partiellement d'enfants et systématiquement de collègues, à l'encontre de l'une d'entre elles dont l'emportement et la parole insultante, intervenus dans un contexte de grande tension en réaction à l'attitude non-professionnelle adoptée en premier lieu par la salariée, n'étaient pas de nature à provoquer, a fortiori à excuser, la succession d'insultes proférées par cette dernière, notamment celles à caractère sexuel et sexiste et visant la mère de l'intéressée, prononcées quand l'altercation initiale avait cessé depuis environ deux heures, de tels propos excédant à l'évidence la liberté d'expression dont jouit tout salarié dans l'entreprise.

En deuxième lieu, la matérialité des retards, contestés, de 15 à 25 minutes à la prise de poste au cours des trois premiers jours d'avril 2019, n'est pas établie au vu d'un rapport non-signé attribué à la directrice et du témoignage d'une collègue de la salariée qui se borne à indiquer : " A plusieurs reprises nous avons pu constater des importants retards de la part de [F] par exemple ( 19/03/19) lors d'une ouverture avec 45 min de retard ", la rédaction de cette attestation étant antérieure aux faits reprochés. A cet égard, force est d'observer que l'employeur ne justifie d'aucun rapport d'incident ayant date certaine et signé par son auteur, d'aucune mise en garde ou alerte quelconque en lien avec des retards imputables à la salariée.

En troisième lieu, il est fait grief à la salariée d'avoir, le 2 avril 2019, manqué à son devoir de réserve en ayant discrédité le travail de ses collègues auprès d'une baby-sitter venue récupérer un enfant et d'avoir plus globalement manqué de professionnalisme à ce moment de transmission et d'échange à propos de l'enfant, toutes accusations que la salariée conteste et qu'aucun élément ne corrobore.

En quatrième lieu, si l'employeur reproche à la salariée, outre un retard dans sa prise de service nullement

avéré, d'avoir, le 3 avril 2019, laissé une collègue seule prendre en charge l'accueil de plus de douze enfants dont huit enfants de son service, ce qui a provoqué le mécontentement de parents dont les enfants ont été accueillis avec retard, il n'en justifie pas au moyen d'un rapport de la direction non-signé et sans date certaine, et à l'exclusion de tout témoignage émanant, notamment, d'un parent mécontent. L'employeur ne contredit pas non plus utilement la salariée qui indique avoir respecté ses instructions, qui participent du simple bon sens, selon lesquelles il lui appartenait au préalable d'achever le ménage de l'agent de collectivité en séchant le sol de la salle afin de garantir la sécurité des enfants.

Si, en tenant compte de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise et de l'absence de tout précédent disciplinaire, les faits, isolés, du 15 mars 2019, n'apparaissent pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement pour faute grave, ils constituent néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il y aura donc lieu de requalifier le licenciement en ce sens, le jugement entrepris étant dès lors infirmé de ce chef.

Sur les conséquences indemnitaires de la requalification du licenciement

Les demandes de la salariée en paiement d'une indemnité de préavis et de congés payés afférents, ainsi que d'une indemnité légale de licenciement, ne sont contestées par l'employeur qu'en ce qu'elles seraient incompatibles avec un licenciement pour faute grave, lequel n'est pas validé par la cour.

Au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, il y a lieu d'allouer à la salariée les sommes suivantes :

- 4 088 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, lequel est d'une durée conventionnelle de deux mois compte tenu de l'ancienneté de la salariée, outre 408,80 euros bruts de congés payés afférents,

- 2 132,15 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement en application des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, en tenant compte d'une ancienneté de 4 ans et 5 mois complets (1931 € : 4 x 4 + 1931 € : 4 x 5/12).

Sur les frais irrépétibles

La salariée fonde sa demande au titre des frais irrépétibles l'article 700 2° du code de procédure civile mais elle ne formule aucune demande au profit de son avocat de ce chef.

En équité et à défaut de tout justificatif à ce sujet, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la salariée bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

L'équité commande de ne pas faire application de ces mêmes dispositions au profit de l'employeur.

Sur les dépens

L'employeur, partiellement succombant, supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Requalifie en licenciement pour cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave de Madame [F] [E] épouse [O] par la Sas Evancia.

Condamne la Sas Evancia à payer à Madame [F] [E] épouse [O] les sommes de :

- 4 088 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 408,80 euros bruts de congés payés afférents,

- 2132,15 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la Sas Evancia aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01634
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;21.01634 ?
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