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10/05/2023 | FRANCE | N°22/00317

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 10 mai 2023, 22/00317


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MAI 2023



N° RG 22/00317

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7MF



AFFAIRE :



S.A.S. STN





C/

[T], [R] [G]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C



Copies exécutoires et cert

ifiées conformes délivrées à :



Me Laurent OHAYON



Me Thierry ALLAIN







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire en...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2023

N° RG 22/00317

N° Portalis DBV3-V-B7G-U7MF

AFFAIRE :

S.A.S. STN

C/

[T], [R] [G]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurent OHAYON

Me Thierry ALLAIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. STN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurent OHAYON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0944

APPELANTE

****************

Madame [T], [R] [G]

née le 08 Mars 1976 à [Localité 5] (Brésil)

de nationalité Brésilienne

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Thierry ALLAIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 28 - N° du dossier 101557

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002661 du 10/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[T] [R] [G] a été engagée par la société Stn suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 4 août 2018 en qualité de chef d'équipe, classification Ce3, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Par lettre datée du 4 février 2020, la salariée a démissionné de ses fonctions.

Par lettre recommandée remise à la société Stn le 4 mars 2020, la salariée a rétracté sa démission.

Le 4 juin 2020, [T] [R] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir la condamnation de la société Stn au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral, ainsi que de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 6 décembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que la société Stn devra verser les sommes suivantes à [T] [R] [G] :

* 4 318,82 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 809,77 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 159,41 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 215,94 euros au titre des congés payés sur préavis,

* 5 000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Stn de remettre à [T] [R] [G] l'attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte et le certificat de travail, conformes à la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision conformément aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- dit que les sommes dues en exécution du présent jugement porteront intérêt aux taux légal à compter de la date de réception par la société de sa première convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la date de la mise à disposition au greffe du présent jugement pour les créances indemnitaires,

- débouté la société Stn de sa demande reconventionnelle,

- mis les entiers dépens à la charge de la société Stn.

Le 2 février 2022, la société Stn a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 30 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Stn demande à la cour de dire la démission claire et non équivoque, au surplus, de dire que la rétractation est tardive, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de débouter [T] [R] [G] de l'ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [T] [R] [G] demande à la cour de débouter la société Stn de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner la société Stn à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 21 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail

La société fait valoir que la démission de la salariée présente un caractère clair et non équivoque, qu'elle n'a exercé aucune contrainte à son égard, que sa rétractation un mois plus tard est tardive, qu'elle doit être déboutée de toutes ses demandes et que le jugement doit être infirmé.

La salariée conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu qu'elle n'avait pas donné librement sa démission, mais a été contrainte sous la dictée d'écrire sa lettre de démission, que la rupture s'analyse par conséquent en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail. Elle doit être l'expression d'une volonté libre et réfléchie du salarié.

En l'espèce, les parties s'accordent sur la tenue d'un entretien informel le 4 février 2020 entre la salariée et sa supérieure hiérarchique, [Y] [Z], gouvernante générale, dans les locaux de l'hôtel Le Brach où travaillait la salariée, au cours duquel a été évoqué le sort de son contrat de travail à la suite de faits de vol de produits stupéfiants dans une chambre imputés par Mme [Z] à la salariée et que la salariée a rédigé dans le même trait de temps une lettre de démission qu'elle a remise à Mme [Z].

La salariée indique avoir contesté les faits qui lui étaient reprochés et que sa supérieure a alors prétendu détenir des éléments justifiant ses accusations, l'a menacée de sanctions pénales et d'un licenciement pour faute lourde et a exigé sa démission, que s'y étant refusé dans un premier temps, elle a, devant la véhémence des propos tenus par sa supérieure et son attitude lui refusant de quitter les lieux, été contrainte sous la dictée d'établir la lettre de démission, en précisant que l'entretien a duré deux heures et demi. Elle précise que Mme [Z] a indiqué que si elle donnait sa démission, elle effectuerait des démarches pour lui trouver un nouveau poste dans une autre entreprise, qu'étant de nationalité étrangère, élevant seule deux enfants et étant ignorante de ses droits, elle a craint de ne plus pouvoir travailler sur le territoire français, voire d'être expulsée.

La cour constate que la salariée conteste avoir commis les faits qui lui ont été reprochés par Mme [Z]. A cet égard, l'attestation de [B] [K], voiturier, datée du 15 septembre 2021 produite en appel par la société pour démontrer la faute de la salariée, est imprécise, les faits rapportés par l'attestant n'étant pas datés et insuffisamment circonstanciés, de sorte qu'elle ne permet pas de démontrer la faute alléguée par l'employeur. Quant à l'attestation de [Y] [Z] datée du 19 septembre 2021 produite pareillement à hauteur d'appel, sa force probante est insuffisante eu égard à son lien de subordination hiérarchique avec la société Stn.

Il ressort d'échanges de textos datés du 5 février 2020 produits par la salariée que suite à une demande de celle-ci relative à sa prise en charge par Pôle emploi, Mme [Z] lui a écrit : 'Mais [R] on en a parlé hier clairement, je vous ai dit que vous n'auriez aucun droit dans les 2 cas vu les circonstances aggravantes de votre situation (licenciement pour faute lourde : 0 droits OU démission : 0 droit). Je me suis engagée à vous soutenir dans vos recherches également. Envoyez moi votre CV. Il y a aussi staffmatch à essayer'. La matérialité de cette pièce n'est pas contestée par la société Stn.

Aux termes de sa lettre recommandée remise à l'employeur le 4 mars 2020, la salariée indique revenir sur sa démission et vouloir conserver son poste, en indiquant que sa décision de démissionner est la conséquence directe de la pression et de la contrainte exercée par Mme [Z] et qu'elle a fait l'objet d'accusation de faute grave qu'elle n'a pas commise.

Alors que la démission a été donnée sur le lieu de travail dans la suite directe d'un entretien inopiné, en dehors de tout cadre légal, au cours duquel la supérieure hiérarchique de la salariée l'a accusée de faits de nature pénale et a invoqué un licenciement pour faute lourde privatif de toute indemnité et que la salariée a ainsi été confrontée à une situation intimidante, comportant un élément émotionnel de nature à la mettre en position d'infériorité, la précipitation dans laquelle la démission a été donnée n'a pas été l'expression sereine d'une libre volonté. Les conditions de recueil de cette démission caractérisent l'existence d'une violence morale génératrice d'un vice du consentement à la démission.

Il s'ensuit que la démission est nulle.

Le contrat de travail ayant été rompu sans procédure ni lettre de licenciement, il s'ensuit que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La salariée a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur d'un mois de salaire, soit 2 159,41 euros, à une indemnité compensatrice de congés payés incidents, à une indemnité de licenciement, dont les montants non contestés, ont été exactement fixés par les premiers juges.

Eu égard à son ancienneté d'une année complète, la salariée a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un et deux mois de salaire brut en application de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il fixe l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de la société Stn à la somme de 4 318,82 euros.

Sur le préjudice moral

La salariée n'établit pas de préjudice moral distinct du préjudice causé par la rupture injustifiée du contrat de travail, déjà réparé. Il convient de débouter la salariée de cette demande et d'infirmer le jugement en sa condamnation à paiement de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Stn sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel et à payer à la salariée la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en sa condamnation de la société Stn au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

DEBOUTE [T] [R] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Stn aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Stn à payer à [T] [R] [G] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00317
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;22.00317 ?
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