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10/05/2023 | FRANCE | N°21/03658

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 10 mai 2023, 21/03658


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MAI 2023



N° RG 21/03658

N° Portalis: DBV3-V-B7F-U4OC



AFFAIRE :



[J] [S]





C/



G.I.E. IMAGERIE MEDICALE [Localité 4] [Localité 5]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section :

E

N° RG : 19/00852



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SELARL ALTALEXIS



SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La c...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2023

N° RG 21/03658

N° Portalis: DBV3-V-B7F-U4OC

AFFAIRE :

[J] [S]

C/

G.I.E. IMAGERIE MEDICALE [Localité 4] [Localité 5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : E

N° RG : 19/00852

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELARL ALTALEXIS

SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Y] [J] [U] [I] épouse [S]

née le 31 Octobre 1961 à [Localité 6] (PORTUGAL)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sandra HERRY de la SELARL ALTALEXIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0921

APPELANTE

****************

G.I.E. IMAGERIE MEDICALE [Localité 4] [Localité 5]

N° SIRET : 809 37 8 7 06

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Anne-guillaume SERRE de la SELARL SERRE ODIN EMMANUELLI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R105

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme [Y] [J] [U] [I] épouse [S] (ci-après Mme [S]) a été embauchée à compter du 1er août 1980 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de secrétaire médicale par un premier employeur aux droits duquel est venu en janvier 2015 le GIE [Localité 4] [Localité 5] (ci-après le GIE).

Depuis 2014, les bulletins de salaire de Mme [S] ont mentionné un emploi de directeur administratif et financier.

À compter du 15 octobre 2019, Mme [S] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre du 5 novembre 2019, Mme [S] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts du GIE en invoquant l'existence d'un harcèlement moral.

Par lettre du 30 novembre 2019, le GIE a notifié à Mme [S] son licenciement pour faute lourde.

Le 23 décembre 2019, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency pour demander la requalification de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation du GIE à lui payer des indemnités de rupture ainsi que des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Devant le conseil de prud'hommes, le GIE a demandé reconventionnellement la condamnation de Mme [S] à lui payer des dommages-intérêts pour faute lourde.

Par un jugement du 17 novembre 2021, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail formée par Mme [S] en une démission ;

- débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté le GIE de ses demandes reconventionnelles ;

- laissé les dépens à la charge des parties.

Le 15 décembre 2021, Mme [S] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 13 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [S] demande à la cour de :

1°) infirmer le jugement attaqué en ce qu'il requalifie sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail en une démission et la déboute de ses demandes et, statuant à nouveau :

- requalifier sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en un licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner le GIE à lui payer les sommes suivantes :

* 63 114,63 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

* 15 483 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 548,30 euros au titre des congés payés afférents ;

* 200 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner au GIE de lui remettre une attestation pour Pôle emploi rectifiée et conforme à la décision à intervenir ;

- condamner le GIE à payer les intérêts légaux avec capitalisation ;

- condamner le GIE aux dépens ;

2°) confirmer le jugement en ce qu'il déboute le GIE de ses demandes reconventionnelles.

Aux termes de ses conclusions du 20 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, le GIE demande à la cour de :

1°) confirmer le jugement en ce qu'il requalifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [S] en une démission et la déboute de ses demandes ;

2°) infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

- condamner Mme [S] à lui payer une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa faute lourde ;

- condamner Mme [S] à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 28 février 2023.

SUR CE :

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Considérant que Mme [S] soutient avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de la direction du GIE à compter de 2015, ayant dégradé son état de santé et constitué par une remise en cause quotidienne systématique de son travail et de son autorité, un retrait croissant de ses responsabilités ainsi que des reproches publics permanents, l'imposition brutale du respect d'un planning précis et impératif avec un contrôle permanent de ses horaires de travail alors qu'elle disposait auparavant d'une complète autonomie dans la gestion de son organisation, une mise à l'écart et un licenciement pour faute lourde postérieur à sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail ; qu'elle réclame en conséquence l'allocation de dommages-intérêts ;

Que le GIE conclut au débouté de la demande en faisant valoir que Mme [S] n'a subi aucun harcèlement moral ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral dans la rédaction applicable au litige (pour les faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) ou présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement (pour les faits postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi sus-mentionnée), et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en l'espèce, au soutien de sa demande, Mme [S] verse aux débats :

- quelques courriels épars adressés par elle à des dirigeants du GIE qui ne contiennent que ses allégations imprécises et subjectives sur la relation de travail, telles que 'je me sens exclue', 'mes dires sont décortiqués, mes moindres faits et gestes scrutés' ;

- un courriel du 22 février 2019 dont il ressort seulement que la gestion de certains documents en matière de radiologie est attribuée à une autre salariée, ce qui est insuffisant à caractériser une diminution des responsabilités constitutive d'une modification du contrat de travail ;

- trois attestations de salariés ou anciens salariés du GIE, lesquelles sont dactylographiées, dont l'une mentionne de manière très imprécise que Mme [S] a été déchargée peu à peu de ses responsabilités et dont les deux autres font seulement état de manière subjective et imprécise d'un 'mal être' au travail ressenti par l'intéressée ;

- une copie du dossier de la médecine du travail qui ne fait que reprendre les dires de la salariée à l'occasion d'une visite médicale relative à une 'souffrance au travail' ;

- d'autres pièces médicales qui soit ne contiennent aucun élément relatif aux conditions de travail de l'intéressée auprès de son employeur, soit font abusivement état d'un lien de causalité entre les conditions de travail de Mme [S] et son état de santé en l'absence de toute constatation personnelle du praticien relative à ces conditions de travail ;

Qu'en outre, le licenciement pour faute lourde notifié par l'employeur après la prise d'acte, qui est sans objet, est en tout état de cause postérieur à la rupture du contrat de travail et ne peut donc se rapporter à un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ;

Qu'il résulte de ce qui précède que Mme [S] n'établit ni ne présente des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de dommages-intérêts formée à ce titre ;

Sur la prise d'acte et ses effets :

Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou, le cas échéant, nul, si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que la charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié ; qu'en application de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

Qu'en l'espèce, le harcèlement moral invoqué par Mme [S] au soutien de sa demande de requalification de sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur en un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse n'est pas établi ainsi qu'il est dit ci-dessus ;

Qu'il y a donc lieu de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission et de débouter Mme [S] de ses demandes d'indemnités afférentes à la rupture ;

Que le jugement sera confirmé sur ces points ;

Sur la remise d'une attestation pour Pôle emploi rectifiée :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le débouté de cette demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour faute lourde formée par l'employeur :

Considérant en l'espèce que le GIE ne démontre en rien une intention de nuire de Mme [S] dans les faits de vol de données informatiques, introduction dans les locaux de l'entreprise pendant son arrêt de travail, introduction frauduleuse dans un système automatisé de traitement de données et violation du secret professionnel reprochés à la salariée ;

Qu'en outre, et en tout état de cause, le GIE ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de dommages-intérêts formée par l'employeur ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, Mme [S], qui succombe majoritairement en appel, sera condamnée à payer au GIE une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué,

Y ajoutant,

Condamne Mme [Y] [J] [U] [I] épouse [S] à payer au GIE [Localité 4] [Localité 5] une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [Y] [J] [U] [I] épouse [S] aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03658
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;21.03658 ?
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