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10/05/2023 | FRANCE | N°21/03656

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 10 mai 2023, 21/03656


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MAI 2023



N° RG 21/03656

N° Portalis: DBV3-V-B7F-U4NZ



AFFAIRE :



S.A.S.U. SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE ET SECURITY SERVICES



C/



[C] [V]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section

: E

N° RG : F18/01410



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SELEURL MINAULT TERIITEHAU



Me Jean-michel DUDEFFANT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MAI DEUX MILLE V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2023

N° RG 21/03656

N° Portalis: DBV3-V-B7F-U4NZ

AFFAIRE :

S.A.S.U. SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE ET SECURITY SERVICES

C/

[C] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F18/01410

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELEURL MINAULT TERIITEHAU

Me Jean-michel DUDEFFANT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S.U. SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE ET SECURITY SERVICES

N° SIRET : 805 02 0 7 40

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 substituée à l'audience par Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P82

APPELANTE

****************

Monsieur [C] [V]

né le 21 Avril 1960 à [Localité 5] (Côte d'Ivoire)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4] /France

Représentant : Me Jean-michel DUDEFFANT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0549

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 8 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

EXPOSE DU LITIGE

M. [C] [V] a été embauché à compter du 17 janvier 2007 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de technicien principal par la société STERIA.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective Syntec.

Depuis 2009, M. [V] exerce des mandats de représentant du personnel.

Le 22 septembre 2014, M. [V] et la société STERIA ont conclu une transaction relative à l'exécution du contrat de travail.

Le même jour, en exécution de cette transaction, les parties ont conclu un avenant au contrat de travail prévoyant, à effet au 1er juin 2013, son repositionnement en qualité de cadre technique, position 2.1, coefficient 115, ainsi que l'application d'une convention de forfait de 38,5 heures par semaine (dite modalité 2) prévue par un accord d'entreprise.

À compter du 1er janvier 2015, le contrat de travail de M. [V] a été transféré à la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES.

Le 9 novembre 2018, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour demander notamment un rappel de salaire pour heures supplémentaires en conséquence d'une inopposabilité de la convention de forfait, un repositionnement au niveau de cadre technique 2.3, des dommages-intérêts notamment pour discrimination syndicale et dégradation des conditions de travail et un paiement par l'employeur de côtisations de retraite des cadres.

Par un jugement de départage du 19 novembre 2021, le juge départiteur du conseil de prud'hommes a :

- déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire de M. [V] pour la période antérieure au 8 novembre 2015 ;

- déclaré irrecevables les demandes de dommages-intérêts de M. [V] se rapportant à des préjudices nés antérieurement à la signature de la transaction du 22 septembre 2014 ;

- constaté que la convention de forfait en heures prévue à l'avenant au contrat de travail signé le 22 septembre 2014 est inopposable ;

- condamné la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à payer à M. [V] les sommes suivantes :

* 20 179,60 euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 8 novembre 2015 au 1er octobre 2021 et 2 018 euros au titre des congés payés afférents ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-paiement en temps et en heure des côtisations de retraite ;

- condamné la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à régulariser la situation de M. [V] auprès de l'institution de retraite en s'acquittant des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire des cadres entre les années 2007 et 2011 ;

- rappelé que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation tandis que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à payer à M. [V] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 15 décembre 2021, la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 9 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur l'inopposabilité de la convention de forfait en heures, le rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés afférents, les dommages-intérêts pour non-paiement en temps et en heure des côtisations de retraite, la régularisation de la situation de M. [V] auprès des institutions de retraite, les intérêts légaux et la capitalisation, le débouté de ses demandes et notamment en ce qu'il n'a pas été fait droit à sa demande tendant à dire irrecevables les demandes antérieures à septembre 2014, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens et statuant à nouveau sur les chefs infirmés, débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement attaqué pour le surplus, en ses dispositions plus amples ou contraires, et précisément en ce qu'il a débouté M. [V] de toutes ses autres demandes ayant trait notamment à un traitement discriminatoire et à un repositionnement au niveau cadre technique 2.3 ;

- débouter M. [V] de ses demandes ;

- condamner M. [V] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL MINAULT TERIITEHAU.

Aux termes de ses conclusions du 15 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [V] demande à la cour de :

1°) confirmer le jugement en ce qu'il statue sur l'inopposabilité de la convention de forfait en heures, le rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés afférents, les dommages-intérêts pour non-paiement en temps et en heure des côtisations de retraite, la régularisation de la situation de M. [V] auprès des institutions de retraite, l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

2°) infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de dommages-intérêts se rapportant à des préjudices nés antérieurement à la signature de la transaction du 22 septembre 2014 et les déboutés de ses demandes et statuant à nouveau de :

- dire qu'il a subi un traitement discriminatoire dans son positionnement et son évolution dans l'entreprise et ordonner son repositionnement au niveau Cadre Technique 2.3 de la convention Syntec avec le salaire de 4 027 euros à compter de la décision à intervenir ;

- condamner la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles conventionnelles ;

- condamner la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ;

- condamner la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la discrimination et du préjudice de carrière qu'il a subi ;

- condamner la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Michel DUDEFFANT, Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 28 février 2023.

SUR CE :

Sur l'irrecevabilité de demandes indemnitaires tirée de la transaction conclue le 22 septembre 2014 :

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a estimé que les termes de la transaction conclue le 22 septembre 2014 rendaient irrecevables les demandes indemnitaires de M. [V] en réparation de préjudices nés avant cette date ;

Sur l'inopposabilité de la convention de forfait hebdomadaire en heures et la demande subséquente de rappel de salaire pour heures supplémentaires pour la période de novembre 2015 au 1er octobre 2021 :

Considérant que selon l'article L. 3121-39 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche, qui détermine préalablement les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée individuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ; que ces dispositions permettent de fixer par voie d'accord d'entreprise ou d'établissement des conditions d'éligibilité des salariés au forfait en heures sur l'année et des caractéristiques principales de ces conventions de forfait différentes de celles prévues par l'accord collectif de branche, quelle que soit la date de conclusion de l'accord de branche ;

Qu'en conséquence, par application des dispositions de l'article L. 3121-39 mentionné ci-dessus, la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES est fondée à invoquer sur ce point du litige les stipulations de l'accord d'entreprise relatif à la mise en place de l'aménagement et de la réduction du temps de travail signé le 27 mars 2000, auquel renvoie l'avenant au contrat de travail de M. [V] signé le 22 septembre 2014 ainsi que les accords de substitution et d'adaptation conclus avec les organisations syndicales représentatives les 31 mars et 30 juin 2016, tandis que M. [V] ne peut utilement invoquer les stipulations de l'accord du 22 juin 1999 annexé à la convention Syntec relatives notamment aux conventions de forfait hebdomadaires en heure, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ;

Que ces accords d'entreprise prévoient que peuvent se voir appliquer le forfait de 38,5 heures par semaine, dit 'modalité 2", les salariés bénéficiant notamment d'un salaire annuel au moins égal à 85 % du plafond annuel de la sécurité sociale et au moins égal à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie ;

Qu'en l'espèce, au soutien de sa demande d'inopposabilité de sa convention de forfait dite modalité 2 au regard de ces accords d'entreprise, M. [V] invoque de manière inopérante le fait que son salaire mensuel est, selon lui, inférieur à un plafond mensuel de la sécurité sociale et à 115 % du minimum mensuel conventionnel de sa catégorie, alors que ces accords se fondent sur la rémunération annuelle englobant tous les éléments de rémunérations ;

Qu'il y a donc lieu de débouter M. [V] de sa demande tendant à dire sa convention de forfait inopposable et de sa demande subséquente de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés afférents ; que le jugement sera infirmé sur ces chefs ;

Sur les dommages-intérêts pour non-respect des règles conventionnelles relatives à l'application de la convention de forfait :

Considérant que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucun manquement de l'employeur en matière d'application des accords d'entreprise relatifs à la convention de forfait en heures n'est établi ; qu'il convient donc de confirmer le débouté de la demande de dommages-intérêts formée à ce titre ;

Sur la recevabilité de la demande de régularisation des côtisations de retraite AGIRC pour les années 2007 à 2011 par l'employeur :

Considérant que le délai de prescription de l'action fondée sur l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite complémentaire et de régler les côtisations qui en découlent ne court qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite ;

Qu'en l'espèce, M. [V], qui n'a pas encore liquidé ses droits à la retraite, est donc recevable par application des dispositions de l'article 2224 du code civil à demander la condamnation de la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à payer aux organismes concernés les côtisations dues au titre de la retraite complémentaire des cadres pour les années 2007 à 2011 ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à régulariser cette situation après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par l'employeur à ce titre ;

Sur les dommages-intérêts pour non-paiement en temps et en heure des côtisations de retraite :

Considérant en l'espèce que M. [V] se borne à soutenir que le non paiement des côtisations de retraite complémentaire mentionnées ci-dessus lui a causé un 'préjudice certain', 'compte tenu du temps et de l'investissement qu'il a dû diligenter pour faire valoir ses droits' ;

Que toutefois, il ne verse aucun élément venant justifier l'existence du préjudice allégué ; qu'il y a donc lieu de débouter M. [V] de cette demande indemnitaire ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé :

Considérant, en premier lieu, qu'il sera rappelé, ainsi qu'il est dit ci-dessus, que les demandes liées à des faits antérieurs au 22 septembre 2014 sont irrecevables ;

Qu'en second lieu, sur la période postérieure, M. [V] soutient que la dégradation de son état de santé est la conséquence de son affectation à des missions sous qualifiées par rapport à ses compétences et à sa mise à l'écart ; que toutefois, les pièces médicales versées aux débats ne font ressortir aucun lien de causalité entre la dépression constatée et les conditions de travail de M. [V] au sein de la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande de dommages-intérêts ;

Sur les dommages-intérêts pour discrimination syndicale :

Considérant en premier lieu, qu'il sera rappelé, ainsi qu'il est dit ci-dessus que les demandes liées à des faits antérieurs au 22 septembre 2014 sont irrecevables ;

Qu'en second lieu, pour la période postérieure à cette date, aux terme de l'article L. 1132-1 du code du travail : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique' ; qu'en application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Qu'en l'espèce, M. [V] soutient tout d'abord qu'il occupe des mandats de représentant du personnel depuis 2009 et qu'il voit sa rémunération stagner depuis la transaction en n'ayant pas bénéficié de réelle revalorisation de son salaire ; que la cour constate toutefois qu'il n'explique pas ce qu'est une 'réelle revalorisation' du salaire et se borne à renvoyer, sans les analyser, à ses bulletins de salaire et à un document incompréhensible intitulé 'extrait du fichier des salaires classification fournis au C.E. en 2014" (pièce n° 44) ;

Qu'il soutient ensuite qu'il subit une mise à l'écart en ce qu'il a cessé de se voir affecté à des missions auprès de clients depuis 2019 et qu'il est maintenu à l'écart de la communauté de travail en attente d'affectation et en restant à la disposition de l'employeur ;

Que la cour constate que cette situation d'absence de fourniture de travail depuis 2019 n'est pas contestée par la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES ;

Que de la sorte, M. [V], qui occupe des mandats de représentation du personnel depuis 2009, présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ;

Que pour sa part, la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES n'apporte aucun élément de justification de cette situation ;

Qu'il s'ensuit que M. [V] est fondé à soutenir qu'il est victime de discrimination syndicale directe ou indirecte ;

Que le préjudice moral en découlant sera réparé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts, faute de démonstration d'un plus ample préjudice, notamment de carrière ;

Sur le repositionnement au niveau cadre technique 2.3 de la classification :

Considérant que M. [V] soutient à ce titre que 'compte tenu des fonctions qu'il a d'ores et déjà occupés, de son âge et de son expérience acquise dans l'entreprise et en dehors de celle-ci d'une part, mais également de l'évolution des carrières moyennes des collaborateurs au sein de l'entreprise SOPRA STERIA d'autre part, (il) devrait à ce jour être à tout le moins placé en position 2.3 coefficient 150" ;

Que sur le premier moyen, la cour rappelle qu'en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert ;

Qu'aux termes de l'annexe II de la convention collective relative à la classification des ingénieurs et cadres, sont ainsi définis les critères afférents aux positions 2.2 et 2.3 :

'2.2. Remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d'instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d'études ou de recherches, mais sans fonction de commandement

2.3. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche' ;

Qu'en l'espèce, M. [V] n'établit ni même n'allègue que partant des directives données par ses supérieurs, il prend des initiatives et assume des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche, ainsi que prévu par les stipulations de la convention collective mentionnées ci-dessus ;

Que sur le second moyen, qui est tiré en réalité d'un manquement au principe d'égalité de traitement, la cour rappelle que le salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité ; qu'il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ;

Qu'en l'espèce, M. [V] se borne à se référer à un document relatif à une durée moyenne entre deux promotions, dont il n'est pas précisé s'il est relatif à la société employeuse et qui ne contient aucune précision quant aux postes en cause, ainsi qu'à un accord en faveur de l'égalité professionnelle conclu en 2021 au sein des sociétés de l'UES Sopra Stria sans préciser en quoi ce document se rapporte au présent litige ; que M. [V] ne fournit aucun élément sur des salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne ; qu'il ne soumet pas ainsi à la cour des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement ;

Qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de débouter M. [V] de sa demande de repositionnement au niveau cadre technique 2.3 et de sa demande de fixation d'un salaire correspondant pour l'avenir ; que le jugement sera confirmé sur ces points ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que les dommages-intérêts alloués ci-dessus portent intérêts légaux à compter du présent arrêt ; que la capitalisation des intérêts sera en outre confirmée, l'appelant ne soulevant aucun moyen au soutien de sa demande d'infirmation à ce titre ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES sera condamnée à payer à M. [V] une somme de 1 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Jean-Michel Dudeffant, avocat ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur l'opposabilité de la convention de forfait en heures appliquée à M. [C] [V], le rappel de salaire pour heures supplémentaires et les congés payés afférents, les dommages-intérêts pour non-paiement en temps et en heure des côtisations de retraite complémentaire, les dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à payer à M. [C] [V] une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

Rappelle que les dommages-intérêts alloués ci-dessus portent intérêts légaux à compter du présent arrêt,

Dit que la convention de forfait hebdomadaire en heures incluse dans le contrat de travail de M. [C] [V] lui est opposable,

Déboute M. [C] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour non-paiement en temps et en heure des côtisations de retraite et de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de congés payés afférents,

Condamne la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES à payer à M. [C] [V] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société SOPRA STERIA INFRASTRUCTURE & SECURITY SERVICES aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Jean-Michel Dudeffant, avocat,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03656
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;21.03656 ?
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