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10/05/2023 | FRANCE | N°21/02144

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 10 mai 2023, 21/02144


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MAI 2023



N° RG 21/02144 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTV3



AFFAIRE :



[B] [D]





C/

S.A.S GARAGE VEXIN POIDS-LOURDS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : C

N° R

G : F 18/00176



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS



Me Orane CARDONA







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2023

N° RG 21/02144 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTV3

AFFAIRE :

[B] [D]

C/

S.A.S GARAGE VEXIN POIDS-LOURDS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 18/00176

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS

Me Orane CARDONA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [D]

né le 24 Décembre 1981 à [Localité 5]

de nationalité

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Renaud CAVOIZY de la SELARL CABINET CAVOIZY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0263 -

Représentant : Me François AJE de l'AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413

APPELANT

****************

S.A.S GARAGE VEXIN POIDS-LOURDS

N° SIRET : 822 766 929

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Orane CARDONA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0215

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[B] [D] a été engagé par la société Trpl suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 octobre 2006 en qualité de mécanicien poids lourds en référence aux dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

A compter de février 2013, il est devenu responsable d'atelier.

A compter du 1er septembre 2016, le contrat de travail a été repris par la société Garage Vexin Poids-Lourds qui emploie habituellement moins de onze salariés.

A compter du 14 mars 2017, le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie.

Le 17 juillet 2017, il a fait l'objet d'un avis d'inaptitude du médecin du travail mentionnant : 'propositions de reclassement : aucune'.

Par lettre datée du 1er août 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, puis par lettre datée du 16 août 2017, lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 30 avril 2018, [B] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir la condamnation de la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui payer divers rappels de salaire et indemnités tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par décision du 13 juin 2018, le bureau de conciliation et d'orientation a fait droit aux demandes de provisions du salarié en ordonnant à l'employeur de lui verser à titre provisoire les sommes de 806,42 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement et de 12 514 euros au titre du rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.

Par jugement rendu le 11 mars 2020 après prorogation, les premiers juges :

- ont statué sur une partie des demandes,

- se sont déclarés en partage de voix sur le harcèlement moral, la requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, les manquements à l'obligation de sécurité et l'article 700 du code de procédure civile et ont renvoyé ces points devant la formation de départage,

- ont ordonné une mission d'enquête concernant les autres demandes.

Les parties ont été entendues dans le cadre de la mission le 28 septembre 2020 et le rapport d'enquête a été adressé aux parties le 7 décembre 2020.

Par jugement mis à disposition le 2 juin 2021 après prorogation, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- infirmé partiellement l'ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d'orientation du 13 juin 2018,

- ordonné à la société Garage Vexin Poids-Lourds de payer à [B] [D] la somme de 4 897 euros à titre de congés payés,

- dit que l'intérêt au taux légal court à compter de la date de réception de la convocation en ce qui concerne les créances salariales et à compter de la présente décision pour les autres sommes allouées,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- ordonné le remboursement du trop-perçu par [B] [D] à la société Garage Vexin Poids-Lourds,

- débouté [B] [D] de ses autres demandes,

- limité l'exécution provisoire au sens de l'article R. 1454-14 du code du travail et fixé le salaire mensuel à 3 409 euros,

- débouté la société Garage Vexin Poids-Lourds de sa demande reconventionnelle,

- mis les dépens éventuels de l'instance à la charge de la société Garage Vexin Poids-Lourds.

Le 2 juillet 2021, [B] [D] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 1er octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [B] [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a infirmé partiellement l'ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation du 13 juin 2018, l'a débouté de ses demandes et a limité l'exécution provisoire,

- statuant à nouveau, condamner la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui verser les sommes suivantes :

* 23 876,35 euros à titre de rappel des 918 heures supplémentaires réalisées et non rémunérées du mois d'août 2014 au mois de mars 2017 au sein de la société Trpl puis la société Garage Vexin Poids-Lourds, outre 2 387,35 euros de congés payés afférents,

* 39 235,41 euros à titre d'indemnité compensatrice de repos obligatoire au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires sur la période allant du mois d'août 2014 au 31 décembre 2016, outre 3 923,51 euros de congés payés afférents,

* 14 871,52 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 15 000 euros au titre de la violation des durées maximales quotidienne et hebdomadaire du travail,

* 20 456,76 euros à titre d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise erronée des documents de fin de contrat,

le tout assorti des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts,

- à titre subsidiaire, sur le droit à contrepartie obligatoire de repos, et dans l'hypothèse où les heures supplémentaires non contractualisées n'étaient pas reconnues, condamner la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui verser la somme de 8 328,79 euros à titre d'indemnité compensatrice de repos obligatoire au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires sur la seule base de l'exécution des heures supplémentaires contractualisées et sur la période allant du mois d'août 2014 au 31 décembre 2016, outre 832,87 euros de congés payés afférents,

sur l'indemnité compensatrice de congés payés, condamner la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui verser la somme de 12 514 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, sur la base des bulletins de paie valant reconnaissance du droit à congé,

- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui verser la somme de 4 897 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, sur la base du rapport des conseillers rapporteurs,

- en tout état de cause, condamner ladite société à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 9 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Garage Vexin Poids-Lourds demande à la cour de débouter intégralement [B] [D] de ses demandes, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de la confirmation de la condamnation provisionnelle du bureau de conciliation et d'orientation, de débouter [B] [D] de sa demande de confirmation de cette condamnation, de condamner celui-ci à lui payer une indemnité d'un montant de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 21 mars 2023.

MOTIVATION

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments;

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires pour la période comprise entre août 2014 et jusqu'au 14 mars 2017, le salarié fait valoir qu'il a effectué des heures supplémentaires à la demande de l'employeur au-delà de l'horaire contractuel de 186 heures par mois incluant des heures supplémentaires, sans en être rémunéré ; qu'il ouvrait l'atelier le matin à 5 heures 30 et le fermait à 18 heures ; que ses journées étaient de 11 heures de travail effectif ; qu'il travaillait trois samedis par mois ; que l'employeur n'a jamais mis en place un système de décompte du temps de travail des salariés.

Il produit, outre une attestation rédigée par un ancien collègue, M. [N], totalement illisible et qui sera par conséquent écartée :

- ses bulletins de salaire de 2014 à 2017 mentionnant ses heures supplémentaires contractualisées et des heures supplémentaires ;

- un décompte précis des heures de travail effectuées entre janvier 2014 et décembre 2016, mentionnant pour chaque jour travaillé ses heures de prise et de fin de poste, les pauses journalières d'1,30 heure étant déduites et les jours de congés étant mentionnés, faisant ressortir :

. 176 heures supplémentaires non rémunérées entre août et décembre 2014 correspondant à un rappel de salaire de 4 076,69 euros, outre les congés payés afférents,

. 359 heures supplémentaires non rémunérées entre janvier et décembre 2015 correspondant à un rappel de salaire de 9 565,56 euros, outre les congés payés afférents,

. 295 heures supplémentaires non rémunérées entre janvier et décembre 2016 correspondant à un rappel de salaire de 7 813,69 euros, outre les congés payés afférents,

. 88 heures supplémentaires non rémunérées entre janvier 2017 et jusqu'au 14 mars 2017, date de l'arrêt de travail pour maladie, correspondant à un rappel de salaire de 2 421,14 euros, outre les congés payés afférents ;

- le rapport d'enquête des conseillers prud'homaux aux termes duquel l'employeur reconnaît qu'[B] [D] travaillait trois samedis par mois ;

- des attestations de M. [F], ancien collègue de travail confirmant les dires du salarié et de salariés de sociétés extérieures travaillant avec lui ;

- une attestation datée du 21 août 2017 aux termes de laquelle le salarié indique avoir déposé la carte 'DKV' et le 'bip' du portail de la société, signée par un représentant de l'employeur, afin de démontrer qu'il procédait à l'ouverture de l'atelier le matin ;

- une lettre de l'inspection du travail du 25 octobre 2018 faisant suite à un contrôle du 11 septembre 2018 indiquant notamment que :

. l'atelier est ouvert pendant une large amplitude de 5h30 à 18h du lundi au vendredi,

. les mécaniciens sont amenés en moyenne trois fois par semaine à effectuer des déplacements pour dépanner les véhicules en Ile de France,

. les prises et fins de postes des mécaniciens de l'atelier s'effectuent donc à des heures différentes,

. certains salariés bénéficient variablement, selon les mois, en-sus des heures supplémentaires contractuellement prévues, d'heures supplémentaires,

. qu'alors que les salariés de l'atelier ne travaillent pas selon un horaire collectif, aucun système de décompte de la durée du travail n'a été mis en place contrairement à ce qui est prévu par l'article L. 3171-2 du code du travail.

Les éléments produits par le salarié sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que celui-ci prétend avoir accomplies afin de permettre à la société, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Critiquant la valeur probante des pièces produites par le salarié, la société conclut au débouté de la demande en faisant valoir que celui-ci a été réglé de toutes les heures supplémentaires effectuées, qu'il n'a jamais élevé de contestation sur les heures supplémentaires avant la rupture du contrat de travail, qu'il bénéficiait de repos compensateurs de remplacement pour limiter l'impact des heures supplémentaires.

La société produit une attestation de M. [J], collègue du salarié, ainsi que des attestations de salariés d'autres sociétés ayant travaillé avec celui-ci et de deux délégués du personnel de la société Trpl. Toutefois, ces attestations sont rédigées en des termes insuffisamment précis et circonstanciés et ne permettent pas de justifier des heures précises de travail accomplies par le salarié sur la période considérée.

La société produit encore en pièce 39 des copies de factures de repas inexploitables et en pièce 8 des tableaux mensuels en indiquant que ceux-ci font état des repos compensateurs du salarié. Toutefois, ces tableaux qui supportent des mentions manuscrites 'R' sans plus de précisions dans certaines colonnes, mentionnent chacuns une liste de plus de trente noms sans plus de précisions, alors que la société Garage Vexin Poids-Lourds emploie habituellement moins de onze salariés, et ne contiennent aucune indication sur leur origine et leur date de réalisation. L'absence de toute garantie de fiabilité apportée par la société quant à l'origine, la date et les conditions de réalisation de ces tableaux ne permet pas de retenir que le salarié a effectivement bénéficié de repos compensateurs de remplacement pour limiter l'impact des heures supplémentaires réalisées comme soutenu par la société.

Force est de constater que la société ne produit aucun décompte des heures de travail effectivement réalisées par le salarié sur la période considérée.

Dans ces conditions, la cour retient que le salarié n'a pas été rémunéré de l'ensemble des heures réalisées pour l'accomplissement des tâches qui lui ont été confiées sur la période considérée.

Il convient de condamner la société à lui payer les sommes de :

* 23 876,35 euros au titre des heures supplémentaires,

* 2 387,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Le salarié forme une demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos en faisant valoir que le contingent d'heures supplémentaires a été systématiquement dépassé pour la période considérée sans qu'il ait jamais bénéficié de repos compensateur, que l'employeur ne l'a jamais informé des droits à repos afférents au dépassement du contingent, que celui-ci a produit un tableau de prises de repos compensateurs mensonger, établi pour les besoins de la cause a posteriori, que la lecture croisée de ce tableau avec la synthèse de ses déplacements professionnels enregistrés avec sa carte de conducteur démontre la création factice de ces repos compensateurs par l'employeur, ce qui est corroboré en outre par M. [S] qui a travaillé avec lui.

La société fait valoir que le salarié bénéficiait de repos compensateurs de remplacement, que le contingent d'heures supplémentaires n'a pas été dépassé et conclut au débouté de cette demande.

En application de l'article L. 3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires effectuées au-delà d'un contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

L'article 12 de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport prévoit notamment que : '(...) le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspection du travail est fixé, par période de 12 mois, à compter du 1er janvier 1983 à :

- 195 heures pour le personnel roulant " voyageurs ", " marchandises " et " déménagement " ;

- 130 heures pour les autres catégories de personnel (...)'.

Du fait de la seule exécution des heures supplémentaires contractualisées, le salarié a systématiquement dépassé le contingent annuel de 130 heures supplémentaires pour les années 2014, 2015 et 2016, étant relevé que l'employeur ne justifie pas l'avoir informé des droits à repos obligatoires afférents au dépassement du contingent annuel.

Il résulte des développements qui précèdent que les tableaux produits en pièce 8 par la société sont dépourvus de toute fiabilité et ne démontrent pas que le salarié a bénéficié d'une contrepartie obligatoire en repos au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour la période considérée.

De surcroît, il ressort de la comparaison entre les informations contenues dans les tableaux de l'employeur produits en pièce 8 et les données issues de la lecture de la carte conducteur du salarié sur laquelle sont enregistrés les jours, heures et durées de déplacements professionnels effectués par le salarié entre le 2 janvier 2015 et le 18 février 2017, produites en pièce 35, que le salarié a utilisé les véhicules de l'employeur à au moins 18 reprises durant des jours inscrits en repos compensateurs par l'employeur dans ses tableaux, ce qui représente une incohérence non justifiée par l'employeur.

Au vu du décompte du salarié produit en pièce 28, il sera fait droit à sa demande au titre de l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos pour la période considérée.

La société sera condamnée à lui payer les sommes de 39 235,41 euros de ce chef outre 3 923,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la violation des durées maximales de travail

Le salarié fait valoir qu'il travaillait 11 heures par jour et entre 55 et 58 heures par semaine suivant qu'il travaillait ou pas le samedi matin et réclame une indemnisation du préjudice causé par la violation des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail à hauteur de 15 000 euros.

La société conclut au débouté de cette demande en soutenant que les durées maximales de travail n'ont pas été dépassées et que le salarié ne justifie pas d'un préjudice à ce titre.

Il ressort de l'article L. 3121-18 du code du travail que la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures sauf en cas de dérogation et d'urgence et de l'article L. 3121-20 du même code qu'au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

Il ressort des décomptes des heures de travail effectués produits par le salarié en pièce 19 des dépassements des durées maximales journalière et hebdomadaire de travail en 2014, 2015, 2016 et 2017.

Alors que la charge de la preuve lui incombe, l'employeur ne justifie pas du respect des durées maximales de travail du salarié.

Le préjudice nécessairement causé au salarié par les dépassements de ces durées maximales de travail sera réparé par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros. La société sera condamnée au paiement de cette somme. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales '.

Le salarié réclame une indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé en soutenant que l'employeur a inscrit sur ses bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui qu'il réalisait.

Toutefois, il n'établit par aucun élément que la dissimulation alléguée ressort d'un élément intentionnel de l'employeur.

Il sera débouté de cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés

Le salarié fait valoir qu'il a été privé de la pose de 82 jours de congés payés, qui avaient été reportés d'une année sur l'autre et qui ont été effacés du compteur de congés par manipulation injustifiée de l'employeur. Il réclame à titre principal une indemnité à hauteur de 14 871,52 euros à ce titre.

La société réplique que le salarié a pris des congés qui n'apparaissent pas sur le compteur des congés des bulletins de paie, que ce compteur ne peut servir de base pour connaître le droit à congés des salariés, que le salarié a été rempli de ses droits et doit être débouté de sa demande de ce chef.

En premier lieu, contrairement à ce qu'allègue la société, le salarié ne forme pas de demande au titre de congés payés pendant ses absences pour maladie.

Dans leur rapport d'enquête, les conseillers prud'homaux ont indiqué que lors de son audition, le salarié a admis prendre trois semaines et demi de congés payés par an, ce qui correspond aux jours de congés relevés par l'employeur ; que pour l'année 2017, sur les congés acquis de 2016, le solde de congés est de 30 jours ; que sur la période comprise entre 2013 et le 31 mai 2016, le solde de congés payés non pris est de 19 jours ; que l'employeur a réglé lors du solde de tout compte 22 jours sur 49 jours ; qu'au vu de ces éléments, le différentiel entre le solde de congés non pris et le solde de congés payés est de 27 jours sur la période réclamée.

Alors que lui incombe la charge de la preuve de ce que les droits du salarié à congés payés ont été respectés et que notamment le salarié a été mis en mesure d'exercer effectivement son droit à congés payés, force est de constater que la société allègue que le compteur de congés payés indiqué en bas du bulletin de paie 'n'est clairement pas le bon et n'était pas remis à jour régulièrement' et qu'il ne peut servir de base pour connaître le droit à congé des salariés, sans prouver en aucune sorte cette affirmation, le planning versé aux débats en pièce 8 sus-analysé étant insuffisant à rapporter la preuve des congés pris par le salarié, à défaut de toute garantie de fiabilité quant à sa réalisation ainsi qu'il a déjà été retenu.

Dans ces conditions, la cour retient que le différentiel entre le solde de congés payés et le solde de congés non pris est de 27 jours, correspondant à une indemnité de 4 897 euros, comme retenu par les premiers juges.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu'il a infirmé partiellement l'ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d'orientation du 13 juin 2018, en ce qu'il a condamné la société à payer au salarié la somme de 4 897 euros à titre de congés payés et en ce qu'il a ordonné le remboursement du trop-perçu par le salarié à la société.

Sur la remise de documents sociaux erronés

Le salarié fait valoir que l'employeur lui a remis des documents sociaux erronés quant à sa date d'ancienneté et aux salaires versés et sollicite des dommages et intérêts de 5 000 euros de ce chef.

La société fait valoir qu'aucune erreur n'affecte les documents de fin de contrat et qu'au surplus le salarié ne justifie pas d'un préjudice ; elle conclut au débouté de cette demande.

Force est de constater que le salarié ne justifie d'aucun préjudice résultant des erreurs commises par l'employeur dans les mentions portées sur les documents de fin de contrat.

Le salarié sera débouté de sa demande de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il y a lieu de rappeler que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire portent intérêts légaux à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et infirmé en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles.

Eu égard à la solution du litige, la société sera condamnée aux dépens d'appel et à payer au salarié la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il déboute [B] [D] de ses demandes d'heures supplémentaires et congés payés afférents, au titre de la contrepartie obligatoire en repos et congés payés afférents, au titre de la violation des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail et en ce qu'il statue sur les intérêts, leur capitalisation et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Garage Vexin Poids-Lourds à payer à [B] [D] les sommes suivantes :

* 23 876,35 euros au titre des heures supplémentaires,

* 2 387,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 39 235,41 euros à titre d'indemnité pour contrepartie obligatoire en repos,

* 3 923,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales quotidienne et hebdomadaire du travail,

RAPPELLE que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par la société Garage Vexin Poids-Lourds de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise et les créances de nature indemnitaire portent intérêts légaux à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la société Garage Vexin Poids-Lourds aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Garage Vexin Poids-Lourds à payer à [B] [D] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02144
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;21.02144 ?
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