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10/05/2023 | FRANCE | N°20/02504

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 10 mai 2023, 20/02504


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MAI 2023



N° RG 20/02504

N° Portalis DBV3-V-B7E-UEPH



AFFAIRE :



[B] [F]





C/

S.A.S. GARAGE VEXIN POIDS-LOURDS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : Cr>
N° RG : F 18/00177



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS



Me Orane CARDONA







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2023

N° RG 20/02504

N° Portalis DBV3-V-B7E-UEPH

AFFAIRE :

[B] [F]

C/

S.A.S. GARAGE VEXIN POIDS-LOURDS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 18/00177

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS

Me Orane CARDONA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [F]

né le 23 Décembre 1961 à [Localité 5] (95)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Renaud CAVOIZY de la SELARL CABINET CAVOIZY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0263

Représentant : Me François AJE de l'AARPI ALL PARTNERS-AJE LENGLEN LAWYERS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413

APPELANT

****************

S.A.S. GARAGE VEXIN POIDS-LOURDS

N° SIRET : 822 766 929

[Adresse 1]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentant : Me Orane CARDONA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0215

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[B] [F] a été engagé par la société Trpl suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 octobre 2011 en qualité de mécanicien poids lourds, coefficient 150 M, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

A compter du 1er septembre 2016, le contrat de travail a été repris par la société Garage Vexin Poids-Lourds qui emploie habituellement moins de onze salariés.

A compter du 9 mars 2017, le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie.

Le 26 juin 2017, il a fait l'objet d'un avis d'inaptitude du médecin du travail mentionnant : 'propositions de reclassement : aucune'.

Par lettre datée du 7 juillet 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 juillet suivant.

Par lettre datée du 19 juillet 2017, le salarié, invoquant des manquements de l'employeur à l'exécution du contrat de travail depuis son transfert en septembre 2016, a mis en demeure celui-ci de lui régler des heures supplémentaires, de lui appliquer rétroactivement la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport, de lui verser son complément de salaire et de lui communiquer ses bulletins de paie.

Par lettre datée du 25 juillet 2017, l'employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par lettre datée du 16 octobre 2017, le salarié, par l'intermédiaire de son conseil, a demandé notamment le paiement de ses heures supplémentaires.

Le 30 avril 2018, [B] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir la condamnation de la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui payer divers rappels de salaire et indemnités tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 11 mars 2020 après prorogation, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges :

- ont dit que la date d'embauche de [B] [F] est celle du 10 octobre 2011, date à laquelle court son ancienneté, que le salaire de référence est d'un montant de 3 202,99 euros, que la convention collective applicable jusqu'à la rupture du contrat de travail (du 1er septembre 2016 au 27 juillet 2017) est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport,

- ont débouté [B] [F] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour préavis, de dommages et intérêts au titre du retard de l'effectivité de la portabilité de la mutuelle, de rappel de congés payés calculés sur les périodes de maladie,

- ont débouté la société Garage Vexin Poids-Lourds de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ont condamné ladite société à payer à [B] [F] les sommes de :

* 500 euros à titre de l'indemnité de dommages et intérêts pour non-application de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires (idcc 16),

* 4 617,11 euros au titre du rappel de complément de salaire maladie,

- ont dit que ces sommes porteront intérêts de droit et capitalisation des intérêts,

- ont limité l'exécution provisoire aux dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- se sont déclarés en partage de voix sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat et sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ont renvoyé la cause et les parties à l'audience du 8 septembre 2020 à 9h15 présidée par le juge départiteur,

- avant dire droit, ont ordonné une mission de conseillers rapporteurs concernant les heures supplémentaires et congés payés afférents, les repos compensateurs, l'indemnité pour travail dissimulé, le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés ordonnée par le bureau de conciliation et d'orientation en date du 13 juin 2018, la remise des documents sociaux, les dommages et intérêts pour remise de documents sociaux erronés et l'astreinte,

- ont nommé M. [X] [P], conseiller employeur et Mme [O] [E], conseiller salarié afin de prescrire toutes mesures nécessaires à cet effet et établir un rapport après enquête,

- ont dit que l'enquête devra débuter le 6 avril 2020 pour une durée maximale de trois mois, que les conseillers rapporteurs entendront les parties le 22 avril 2020 à 9h30 au siège du conseil de prud'hommes et que les conseillers feront connaître aux parties dans un délai d'un mois à compter du prononcé du jugement et au plus tard le 30 mars 2020 la date d'intervention au sein de l'entreprise, qu'est désignée en qualité de juge de suivi Mme [C] [L], que le rapport devra être déposé au plus tard le 6 juillet, que l'enquête sera susceptible d'être prorogée à son issue en cas de nécessité et au plus tard jusqu'au 3 septembre 2020, que l'affaire sera entendue devant le bureau de jugement du 30 septembre 2020 à 14 heures, que la notification du présent jugement vaut convocation des parties,

- ont réservé les dépens.

Le 6 novembre 2020, [B] [F] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 11 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [B] [F] demande à la cour de :

- sur l'appel principal, infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour préavis pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts au titre du retard de l'effectivité de la portabilité de la mutuelle, de demandes de rappel de congés payés calculés sur les périodes de maladie,

- statuant à nouveau, condamner la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui verser les sommes suivantes :

* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans l'exécution de son obligation afférente à la portabilité des droits,

* 461,71 euros au titre des congés payés afférents au complément de salaire d'un montant de 4 617,11 euros auquel la société Garage Vexin Poids-Lourds a été condamnée,

* 70 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* à titre principal, 6 818,92 euros outre 684,89 euros au titre des congés payés afférents en cas de reconnaissance des heures supplémentaires, et à titre subsidiaire, 6 405,98 euros, outre 640,60 euros au titre des congés payés afférents en cas de non-reconnaissance, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- le tout assorti des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts,

- sur l'appel incident, infirmer le jugement rendu sur le quantum du complément de salaire maladie et condamner la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui verser la somme de 3 940,57 euros à titre de rappel de complément de salaire maladie,

- en tout état de cause, condamner la société Garage Vexin Poids-Lourds à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 22 juillet 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Garage Vexin Poids Lourds demande à la cour de débouter intégralement [B] [F] de ses demandes, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il statue sur le licenciement, le retard de l'effectivité de la portabilité de la mutuelle et le rappel de congés payés calculés sur les périodes de maladie,

- l'infirmer sur le rappel du complément de salaire maladie, juger que le rappel du complément de salaire maladie est de 3 026,06 euros et non de 4 617,11 euros,

- condamner [B] [F] à lui payer une indemnité d'un montant de 3 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 21 mars 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

Le salarié conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement aux motifs d'une part, que son inaptitude trouve son origine dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité ce qui a eu pour conséquence la dégradation de son état de santé et d'autre part, que l'employeur manqué à son obligation de reclassement en raison de l'absence de proposition de poste et de l'absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement au regard notamment des entreprises du groupe Pinchon dont la société Garage Vexin poids-Lourds fait partie. Il réclame en conséquence une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés incidents.

Sans contester son appartenance au groupe Pinchon, la société conclut au bien-fondé du licenciement et au débouté des demandes du salarié de ce chef.

Les premiers juges se sont déclarés en partage de voix pour statuer sur la demande relative au manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur et ont renvoyé cette partie du litige devant la formation de départage du conseil de prud'hommes. Par conséquent, la présente cour n'est pas saisie de cette partie du litige et ne peut donc statuer sur le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

S'agissant du moyen tiré du manquement à l'obligation de reclassement, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige :

'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail'.

Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise ou des sociétés du groupe auquel elle appartient.

En l'espèce, la société n'a adressé aucune proposition de reclassement au salarié.

La société a, par courriel du 3 juillet 2017, sollicité le médecin du travail pour avoir son avis sur une proposition de reclassement au poste d'employé de bureau et celui-ci lui a répondu le même jour n'avoir aucune proposition de reclassement compatible avec l'état de santé du salarié à faire dans l'entreprise.

La société produit son registre des entrées et sorties du personnel dont il ressort qu'au moment du licenciement du salarié, quatre contrats à durée indéterminée pour des emplois de mécaniciens poids lourds étaient en cours, dont deux embauches intervenues les 15 et 19 juin 2017.

Elle produit en outre des courriers du 3 juillet 2017 de recherche de reclassement du salarié adressés aux sociétés Sdeb, Thevenot entreprise, Transports Pinchon, toutes sociétés du groupe Pinchon, ainsi qu'aux entités Fntr, Agefiph et Pôle emploi, avec leurs avis de réception.

Aucune réponse des ces interlocuteurs n'est produite aux débats.

Pourtant par lettre datée du 6 juillet 2017, soit trois jours suivant les demandes de reclassement adressées aux sociétés du groupe, avant même de justifier des réponses des sociétés interrogées, la société a indiqué au salarié : 'Malgré notre souhait de vous conserver un emploi dans l'entreprise ainsi que dans les sociétés qui nous sont liées, il apparaît à l'issue des différentes recherches que nous avons entreprises à cet effet que nous sommes dans l'impossibilité de procéder à votre reclassement', et : 'Nous nous voyons donc contraints d'envisager à votre égard une procédure de licenciement', procédure qui a été engagée dès le lendemain, 7 juillet 2017.

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que la recherche de reclassement a été menée avec sérieux et de manière complète et loyale.

La société n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, ce qui rend le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Le salarié a par conséquent droit à une indemnité compensatrice de préavis qui sera fixée, eu égard au salaire de référence de 3 202,99 euros, à la somme de 6 405,98 euros, ainsi qu'à une indemnité compensatrice de congés payés incidents de 640,60 euros.

Eu égard à l'effectif de moins de onze salariés de l'entreprise, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait du licenciement abusif en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

Eu égard à son âge au moment du licenciement (56 ans), à son ancienneté de cinq années complètes dans l'entreprise, à sa situation postérieure au licenciement au regard de l'emploi (pas de retour à l'emploi, prise en charge indemnitaire par Pôle emploi), le préjudice subi par le salarié par le licenciement abusif sera réparé par l'octroi d'une indemnité à hauteur de 19 000 euros. La société sera condamnée au paiement de la somme sus-mentionnée.

Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur le retard de l'effectivité de la portabilité de la mutuelle

Le salarié fait valoir que l'employeur a failli à son obligation de déclaration de la rupture du contrat de travail auprès de la mutuelle et qu'il n'a donc pu bénéficier qu'avec retard de la portabilité de la mutuelle à laquelle il avait droit.

La société conclut au débouté de cette demande en faisant valoir qu'elle a signalé le départ du salarié sur le site de la mutuelle, que la portabilité de la mutuelle a pris du retard du fait du salarié et que le salarié ne justifie pas d'un préjudice.

Par lettre datée du 11 décembre 2017, la société April a notifié au salarié la portabilité de ses droits et le maintien des garanties de complémentaire santé depuis la date de cessation du contrat de travail jusqu'au 30 juin 2018.

Le salarié ne verse aucune pièce justifiant qu'il aurait engagé des dépenses de santé dans le délai compris entre le licenciement et la lettre du 11 décembre 2017, de sorte qu'il ne démontre par aucun élément le préjudice qu'il aurait subi du fait du retard de cinq mois dans la mise en oeuvre de la portabilité de ses droits à la mutuelle.

Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de congés payés durant les arrêts de travail du salarié

Le salarié forme une demande d'indemnité compensatrice de congés payés pour la période comprise entre le 9 mars 2017 et le licenciement, correspondant à ses arrêts de travail pour maladie, en faisant valoir qu'en application du droit européen, son droit à congé payé annuel ne peut être affecté par ses absences pour maladie. Il demande l'infirmation du jugement sur ce chef.

La société conclut au débouté de cette demande en faisant valoir que le salarié n'a acquis aucun congé payé durant ses absences pour maladie.

Le salarié invoque l'article 7 § 1 de la directive 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail aux termes duquel tout travailleur qu'il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence à la suite d'un accident sur le lieu de travail ou ailleurs, ou à la suite d'une maladie de quelques nature ou origine qu'elle soit, ne saurait voir affecté son droit au congé annuel payé d'au moins quatre semaines, et l'arrêt de la cour de justice de l'Union européenne du 24 janvier 2012 instituant le droit au congé annuel payé de chaque travailleur comme un principe de droit social de l'Union revêtant une importance particulière auquel il ne saurait être dérogé.

Toutefois la directive n° 2003/88/CE ne pouvant permettre, dans un litige entre des particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire, un salarié ne peut prétendre, au regard de l'article L. 3141-3 du code du travail, au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre d'une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l'article L. 3141-5 du code du travail énumérant les périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé parmi lesquelles ne figure pas la période de suspension du contrat de travail pour maladie.

Le salarié sera par conséquent débouté de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés durant ses arrêts de travail pour maladie. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel au titre du complément de salaire maladie

La société conclut à l'infirmation du jugement sur ce chef en faisant valoir que les calculs du salarié sont erronés et reconnaît devoir une somme de 3 026,06 euros à ce titre.

Le salarié conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

L'article 10 ter de l'accord du 16 juin 1961 relatif à l'indemnisation pour absence en raison d'une maladie, attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport stipule notamment :

- au point 2.b sur les durées et taux d'indemnisation d'absences pour maladie :

'Chaque maladie constatée conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article donne lieu, après application d'un délai de franchise de 5 jours (1), au versement d'un complément de rémunération assurant les garanties de ressources suivantes :

(...)

Après 5 ans d'ancienneté :

- 100 % de la rémunération du 6e au 70e jour d'arrêt ;

- 75 % de la rémunération du 71e au 130e jour d'arrêt.

(...)',

- au point 3 relatif au calcul des indemnités :

'Les indemnités versées par l'employeur au titre du présent article sont réduites, pour les jours effectivement indemnisés, de la valeur des indemnités journalières auxquelles l'ouvrier malade ou blessé a droit en application de la législation de sécurité sociale ou de tout régime de prévoyance mais en ne retenant dans ce dernier cas que la part des prestations résultant des versements patronaux (...)'.

Il en résulte que le calcul du rappel de complément de salaire pour maladie dû par l'employeur doit se faire en retenant la part des prestations résultant des versements patronaux, comme le souligne la société.

Au vu du calcul produit par la société dans ses écritures, il convient de fixer la part du complément de salaire pour maladie due par l'employeur à la somme de 3 026,06 euros, somme au paiement de laquelle elle sera condamnée.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Les autres dispositions du jugement dont il n'est pas demandé l'infirmation seront par conséquent confirmées.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il y a lieu de rappeler que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire portent intérêts légaux à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement n'a pas statué sur les dépens et a renvoyé la question de l'application de l'article 700 du code de procédure civile à la formation de départage.

Eu égard à la solution du litige, il convient de condamner la société aux dépens de première instance et d'appel.

La société sera condamnée à payer au salarié la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité pour les frais irrépétibles engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il statue sur le licenciement, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et le rappel de complément de salaire maladie,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Garage Vexin Poids-Lourds à payer à [B] [F] les sommes suivantes :

* 6 405,98 euros àtitre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 640,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 19 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

* 3 026,06 euros à titre de rappel de complément de salaire maladie,

* 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

RAPPELLE que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par la société Garage Vexin Poids-Lourds de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise et les créances de nature indemnitaire portent intérêts légaux à compter du présent arrêt,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

CONDAMNE la société Garage Vexin Poids-Lourds aux dépens de première instance et d'appel,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02504
Date de la décision : 10/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-10;20.02504 ?
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