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20/04/2023 | FRANCE | N°21/01369

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 20 avril 2023, 21/01369


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 AVRIL 2023



N° RG 21/01369 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UPUL



AFFAIRE :



[H] [V]



C/



S.A.S. GROUPE SEBBIN









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : F 19/00128



Copies exécutoires et

certifiées conformes délivrées à :



Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Denis AGRANIER de la SCP P D G B





le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2023

N° RG 21/01369 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UPUL

AFFAIRE :

[H] [V]

C/

S.A.S. GROUPE SEBBIN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : F 19/00128

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Denis AGRANIER de la SCP P D G B

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [V]

né le 01 Avril 1971 à [Localité 3] (PAYS-BAS)

de nationalité Néerlandaise

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Virgile PUYAU de la SELARL W & S, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué à l'audience par Me Joël FERNANDEZ, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. GROUPE SEBBIN

N° SIRET : 519 665 467

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Denis AGRANIER de la SCP P D G B, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : U0001

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Par contrat de travail à durée indéterminée du 28 septembre 2011, M. [H] [V] a été engagé par la Sas Groupe Sebbin en qualité de directeur administratif et financier statut cadre. Par lettre de mission du 4 juillet 2016, il lui a été confié la mission « Columbus ». Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Par courrier recommandé du 18 octobre 2018, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 26 octobre 2018, puis, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 novembre 2018, la Sas Groupe Sebbin a notifié au salarié son licenciement pour faute grave et pour insuffisance professionnelle constituant selon l'employeur, en tant que de besoin, une cause additionnelle, réelle et sérieuse, de licenciement.

Par requête reçue au greffe le 8 avril 2019, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 22 avril 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :    

- débouté M. [H] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la Sas Groupe Sebbin de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les éventuels dépens de l'instance a la charge de M. [H] [V].

Par déclaration au greffe du 7 mai 2021, M. [V] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 3 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, le salarié demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

à titre principal, juger le licenciement prononcé par la société sans cause réelle et sérieuse et que la procédure afférente était irrégulière, brutale et vexatoire ;

en conséquence :

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* indemnité de licenciement 20 052,12 euros,

* dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 66 933,36 euros,

* dommages-intérêts en raison des conditions brutales et vexatoires du licenciement 25 101,01 euros,

* indemnité compensatrice du préavis 25 101,01 euros,

* rappel congés payés sur préavis 2 510 euros,

* rappel de rémunération variable 60 240,01 euros,

* rappels congés payés sur rémunération variable 6 024,00 euros,

* indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile 2 500 euros,

- condamnation de la partie intimée aux frais de recouvrement (article 10 du décret du 8 mars 2001) ;

- condamnation aux dépens de la Société ;

- intérêts au taux légal avec anatocisme ;

- astreinte de 50 euros par jour pour chaque jour de retard à compter de l'expiration de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, la cour de céans se réservant le droit de liquider ladite astreinte.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 2 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas Groupe Sebbin demande à la cour de :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Jugé le licenciement pour faute grave de M. [H] [V] intervenu le 9 novembre 2018 parfaitement justifié ;

Débouté M. [H] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamné M. [H] [V] aux éventuels dépens ;

- condamner M. [H] [V] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner M. [H] [V] aux éventuels dépens d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des

motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts.

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. La preuve de son existence incombe exclusivement à l'employeur.

Dans la lettre de licenciement, les motifs du licenciement s'énoncent en ces termes :

« Le signataire de la présente a eu la surprise de recevoir, le 28 août 2018, une facture d'un montant de 80 000 CHF de la société suisse Galderma SA au titre de la location, de février à septembre 2018, de locaux au sein de la Clinique Galderma à Zurich, ainsi qu'une facture impayée datée du 11 décembre 2017, de 80 000 CHF au titre de la même location pour l'année 2017.

Ces factures s'inscrivent dans le cadre d'un contrat de location en date du 22 juillet 2014, qui porte sur des périodes triennales débutant le 1er septembre 2014. Or, dans la mesure où Sebbin n'a plus aucun usage de ces locaux depuis au moins la fin de l'année 2016, il vous incombait d'éviter la reconduction pour 3 an en dénonçant le contrat au moins 3 mois avant son renouvellement soit au plus tard le 31 mai 2017. Non seulement vous avez négligé d'opérer cette résiliation, mais de plus vous avez délibérément camouflé le problème en conservant par-devers vous la facture de décembre 2017.

A présent, nous sommes donc engagés en pure perte sur 3 ans et le préjudice en résultant est de 240 000 CHF.

Je vous ai demandé des explications par un courriel du 28 aout 2018 qui n'a reçu aucune réponse de votre part.

Par ailleurs, du fait des difficultés de trésorerie de la société apparues à la fin de l'année 2017, nous avons sollicité un moratoire de nos dettes sociales et fiscales auprès de la commission des chefs de services financiers (CCSF) du Val d'Oise.

Nous avons reçu un document en date du 1er octobre 2018 faisant apparaitre, dans le cadre d'un moratoire déjà accordé sur les dettes sociales, une dette fiscale en principal de 225 138 €, et, surtout, des majorations et pénalités pour un montant de 72 059 €.

Il apparait qu'une grande partie de ces pénalités est due à la non-déclaration des divers impôts auxquels Sebbin était assujettie, à savoir taxe d'apprentissage, formation continue et effort de construction, taxe sur les véhicules de société, redevance Agefiph, pour la période de 2014 à 2016.

Les fautes graves évoquées ci-dessus nous ont amenées à reprendre votre dossier, en ce compris les bulletins de paie, et nous avons constaté à cette occasion un cumul totalement anormal de congés payés acquis et non pris, systématiquement reportés d'une année sur l'autre hors de tout contrôle. Plus grave encore, il apparait que vous vous êtes fait payer, en décembre 2017, une somme de 10.040 € en sus de votre salaire courant, au titre de congés payés que vous n'auriez soi-disant pas pu prendre et que vous avez ainsi décidé de vous octroyer en numéraire augmentant ainsi votre rémunération annuelle effective de 10%. Vous avez donné instruction à la personne en charge de la paie d'opérer ce paiement en usant de votre autorité et sans en référer à quiconque. Quand bien même vous auriez eu des difficultés à prendre vos congés, et en l'état de la vacance de la Présidence de la société au moment des faits, il vous appartenait d'en référer au Comité Stratégique et non pas d'opérer de votre propre chef un prélèvement additionnel en numéraire grevant la trésorerie de l'entreprise.

Ces faits sont révélateurs de fautes graves commises par vous et qui ont été portées à notre connaissance récemment. Dans ces conditions, la poursuite de votre contrat de travail n'est pas possible, même pour la durée d'un préavis.

Au-delà de ces faits constitutifs de faute grave, nous constatons une incapacité de votre part à remplir vos fonctions de directeur administratif et financier, et ce compris la mission dans le cadre du projet « Columbus » qui vous a été confiée par lettre de mission du 4 juillet 2016.

A cet égard, il convient de rappeler que conformément à cette lettre de mission, vous restiez en charge des partenariats.

Or, nous relevons, outre la reconduction fautive du contrat de location dans l'affaire Galderma, que nous avons dû subir une résiliation pour faute du contrat avec un partenaire italien, la Société Ibsa.

Nous relevons en outre que vous aviez signé ce contrat sans l'autorisation préalable du Comité Stratégique.

Par ailleurs, la mission « Colombus » qui vous était confiée, consistant en la recherche de nouveaux partenaires financiers, a globalement échoué, notamment du fait de la révélation de diverses anomalies comptables sur les années 2014-2015, mises en exergue lors de la présentation des comptes pour l'exercice 2017. En effet, il a été nécessaire de déprécier les frais de développement portés en immobilisations incorporelles à l'actif du bilan, d'un montant de 3 189 401 €, cette somme représentant pour l'essentiel des charges courantes qui n'avaient pas vocation à être portées à l'actif. Dans le même temps, la valeur de nos titres dans nos filiales Sebbin Suisse

et Sebbin UK a dû être dépréciée d'un total de 158 980 €, et nos comptes courants auprès desdites filiales, d'un total de 2 470 000 €.

L'ensemble de ces faits est révélateur d'une insuffisance professionnelle de votre part qui constitue, en tant que de besoin, une cause additionnelle, réelle et sérieuse, de licenciement '».

En premier lieu, le salarié soutient qu'invoquer la faute grave est incompatible avec le maintien du mandat social de directeur général durant plus de deux mois après le licenciement. Il ajoute que l'employeur n'a pas considéré devoir le sanctionner immédiatement s'agissant d'anomalies comptables mises en exergue lors de la présentation des comptes pour l'exercice 2017, ou du fait de s'être prétendument octroyé en décembre 2017 une certaine somme au titre de congés payés mentionnée sur le bulletin de paie de ce même mois établi par le service de paie sous la supervision d'un autre directeur administratif et financier.

L'employeur réplique que : des négociations ont été menées en vue du départ du salarié dans le cadre d'une solution transactionnelle globale et pour que celui-ci, dans un contexte de menace de suspension du marquage CE des produits commercialisés par le Groupe Sebbin, contribue, dans le cadre de son mandat et dans l'intérêt social, au maintien de ce marquage ; le salarié a décidé de s'octroyer la somme contestée quand il était le seul mandataire social opérationnel sans aucune supervision ; en application de l'article L. 1235-2 du code du travail, la précision est apportée de ce que les anomalies comptables de 2014-2015 participent de la faute grave reprochée au salarié qui a participé à la présentation d'une image fausse de la situation financière de la société ainsi que le fait apparaître le rapport Exafi du 20 mai 2019.

D'abord, le maintien du mandat social de M. [V] durant plus de deux mois ne saurait en lui-même avoir pour conséquence de retirer aux fautes qui lui sont reprochées leur caractère de gravité.

Ensuite, l'employeur n'établit nullement, ni n'avoir eu une connaissance exacte des faits relatifs aux congés payés qu'à partir du 28 août 2018, date à compter de laquelle d'autres faits lui ont été révélés, ni qu'une telle connaissance aurait été impossible en amont de cette date, en tout cas dans un délai restreint, par suite de leur dissimulation ou de toute autre raison objective tenant notamment à la circonstance, qui ne résulte que de sa seule affirmation, que M. [V] était le seul « maître à bord » compte tenu d'une présidence « formelle » de la société par actions simplifiée, étant relevé par ailleurs qu'il est constant que les bulletins de paie n'étaient pas établis par le salarié.

Enfin, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L. 1235-2 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 du même code peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à

la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'État.

Selon l'article R. 1232-13 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, le salarié peut, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, demander à l'employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement. L'employeur dispose d'un délai de quinze jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s'il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l'employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement.

Or, en l'espèce, l'employeur ne justifie pas d'une précision des motifs du licenciement dans le respect des conditions précitées. Il ne saurait valablement qualifier désormais de fautes graves des faits qu'il a clairement et distinctement invoqués, dans la lettre de licenciement, au soutien à titre exclusif d'une insuffisance professionnelle.

S'agissant du premier grief, force est de constater que le contrat de mise à disposition à titre onéreux, vingt jours par an, d'une salle dans une clinique suisse, conclu pour une durée de trois ans à compter du 1er septembre 2014, tacitement reconductible pour la même durée sauf dénonciation trois mois avant le premier terme fixé au 31 août 2017, a été signé le 22 juillet 2014 par le président de la société, Monsieur [R].

Or, il ne ressort pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour que la dénonciation de ce contrat n'aurait plus relevé des attributions de son signataire à la date du 31 mai 2017, dernier jour pour y procéder, comme soutenu à juste titre par le salarié.

De plus, d'une part, comme également souligné à juste titre par le salarié, cette dénonciation n'entrait pas dans le cadre de ses fonctions prévues par la lettre de mission du 4 juillet 2016, laquelle, postérieure à la conclusion du contrat précité, concernait la recherche de partenariats financiers pour assurer les investissements et le développement futurs de la société.

D'autre part, même à supposer une cessation, avant le 31 mai 2017, de la suspension des fonctions du salarié « dans le domaine administratifs et financier » durant toute la durée du projet « Colombus » tel que mentionné dans la lettre de mission précitée, interruption que l'employeur se borne vainement à déduire de la seule production d'un organigramme du groupe, lequel est de surcroît dépourvu de date certaine, il reste qu'il n'est pas établi, ni que la « Sebbin University », pour les besoins de laquelle la salle était mise à disposition, avait cessé son activité à la fin de l'année 2016 tel qu'affirmé par l'employeur, à tout le moins avant le 31 mai 2017, étant observé que sur ce point le salarié n'est pas utilement contredit lorsqu'il cite plusieurs sessions de formation ayant eu lieu dans la salle mise à disposition au cours de l'année 2017, dont une session en juin de cette même année, ni qu'au 31 mai 2017, la décision avait été prise d'arrêter toute activité dans cette salle à l'issue du terme contractuel. Par ailleurs, il n'est pas inintéressant de

relever le caractère très sommaire de la forme et du contenu des trois factures annuelles émises par l'entité suisse, seuls éléments produits par l'employeur afin de justifier de la perte réelle du prix de mise à disposition.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que ce premier grief ne peut être retenu.

S'agissant de l'absence de déclarations fiscales de 2014 à 2016, à l'origine de majorations et pénalités, d'abord, il apparaît que l'employeur en a bien eu une connaissance exacte dans le délai de prescription des faits fautifs et dans tous les cas celui-ci a réagi dans un délai restreint à la suite de la notification, le 1er octobre 2018, d'une dette fiscale augmentée de majorations et pénalités.

Ensuite, il résulte des éléments d'appréciation que les déclarations omises relevaient bien, tel que soutenu par l'employeur, des fonctions du salarié qui n'en était alors pas déchargé, ce que dernier ne contredit pas utilement.

Or, si la comptabilisation des dettes fiscales dans les comptes de la société ne suffit pas à établir l'aspect frauduleux des faits reprochés, cette situation comptable participe de la démonstration de leur caractère fautif et de leur gravité qui découlent de l'importance des négligences successivement commises par le directeur administratif et financier sur plusieurs années en tant que cadre dirigeant expérimenté situé parmi les niveaux les plus élevés des structures hiérarchique et fonctionnelle de la société, les dettes fiscales concernées, très diverses, ayant conduit à la notification, le 1er octobre 2018, par la Commission des chefs des services financiers et des représentants des organismes de sécurité sociale et d'assurance chômage, d'une dette fiscale globale d'un montant de 225 138 euros, outre 72 059 euros de majorations et pénalités directement consécutives aux négligences imputables au salarié. A cet égard, celui-ci invoque vainement la responsabilité d'autres intervenants qui ne résultent que de ses affirmations, sans offre de preuve, qu'il s'agisse d'une abstention fautive de la part d'un autre directeur administratif et financier, ou de la reconnaissance d'une part de responsabilité par l'auteur du rapport technique ayant largement contribué à la mise en évidence d'anomalies comptables. De même, la gravité des négligences commises par le salarié ne saurait être atténuée du fait de l'intervention de contrôleurs fiscaux et de la présence d'actionnaires, ce d'autant que la comptabilisation des dettes dans les comptes de la société n'est pas remise en cause.

En conséquence, compte tenu de sa gravité, ce seul grief fonde le licenciement pour faute grave du salarié, indépendamment du grief dont il a été précisé qu'il n'a pas été sanctionné dans un délai restreint, et des faits désormais improprement qualifiés de fautifs par l'employeur qui ne peut les invoquer qu'au titre d'une insuffisance professionnelle, la cour n'ayant plus à statuer sur cette cause du licenciement.

Le licenciement pour faute grave étant bien-fondé, le salarié doit être débouté de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de conditions vexatoires d'exécution et d'une rupture vexatoire et brutale du contrat de travail, et d'un préjudice moral 

Le salarié soutient que : l'employeur a agi avec mauvaise foi en jetant le discrédit sur ses qualités professionnelles jusqu'alors reconnues ; son préjudice résulte de la mise à néant de l'ensemble de sa carrière au sein du Groupe Sebbin et de l'atteinte à sa réputation dans le milieu professionnel au sein duquel il était honorablement connu ; l'intention de l'employeur a été de porter atteinte à son image en relevant une multitude de griefs totalement fallacieux ; le caractère brutal du licenciement résulte de l'absence de préavis ; il est resté assigné à ses fonctions malgré le licenciement pour faute en percevant pour seule rémunération celle de son mandat social d'un montant de 800 euros mensuels.

L'employeur réplique que si, comme le prétend le salarié, « une ombre a été jetée sur sa réputation », ce dernier en est le premier responsable.

Il ne ressort nullement des éléments soumis à l'appréciation de la cour, afférents notamment à la procédure de licenciement, que l'employeur a usé de mauvaise foi, a jeté le discrédit sur les qualités professionnelles du salarié, ou a porté atteinte à la réputation ou à l'image de celui-ci, cette réputation ou cette image fussent-elles entachées par le caractère bien-fondé du licenciement pour faute grave dont a valablement découlé, en outre, l'absence de préavis.

Le salarié ne justifie pas non plus avoir été assigné à ses fonctions malgré le licenciement pour faute grave à effet immédiat.

Enfin, il ne démontre pas, en tout ou partie, le préjudice qu'il invoque de manière globale.

Sur la rémunération variable

Le salarié se fonde sur l'article 4.2 de son contrat de travail afin de réclamer à titre de rémunération variable une somme globale représentant 20% de son salaire fixe sur les trois dernières années, celui-ci niant avoir bénéficié d'un arrangement occulte qui aurait consisté à bénéficier d'une montre de la marque « Rolex ».

L'employeur fait valoir que : le président de la société alors en poste, et le salarié, ont décidé d'abandonner toute référence à leurs contrats de travail respectifs et à des objectifs formalisés, pour s'arroger des avantages, parfois ostensibles, parfois occultes ; le salarié doit s'expliquer sur « comment doit être comptabilisée la montre Rolex dans le calcul » ; la « gestion calamiteuse » de la société, l'établissement de comptes « insincères » quand le salarié exerçait ses fonctions de directeur administratif et financier, et l'échec du projet « Columbus » et de lourdes pertes subies par le Groupe Sebbin, excluent l'attribution de bonus au salarié.

L'article 4.2 du contrat de travail prévoit, en sus d'une rémunération fixe, le versement d'une rémunération variable devant faire l'objet d'un avenant quant aux modalités d'attribution, avec ces précisions que les parties « conviennent expressément de prévoir les modalités de fixation des objectifs ouvrant droit à cette rémunération variable et ses conditions d'octroi, dans le mois suivant le présent contrat », et que «  Dores et déjà, il est convenu que ce bonus annuel variable sera égal au plus à 20% du salaire fixe. »

L'employeur ne justifie ni avoir fixé les objectifs dont dépendait le « bonus annuel » contractuellement prévu, pas même avoir engagé une concertation avec le salarié en vue de leur fixation, ni avoir obtenu l'accord exprès du salarié pour la suppression, ou la modification, de ce bonus, alors que la variation de la rémunération contractuelle doit, notamment, être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur et ne pas faire porter le risque d'entreprise sur le salarié.

Il ne communique pas non plus les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable du salarié ni ne justifie des éléments permettant de déterminer la base de calcul et la rémunération variable pour les périodes en litige.

C'est vainement qu'il évoque une fraude qu'il ne démontre pas ou la comptabilisation de la valeur d'une montre, qu'il s'abstient de chiffrer, à titre de rémunération variable, ce d'autant que l'octroi de ce « bonus » qui remonterait à mai 2017 pouvait n'être que discrétionnaire. En tout état de cause, pour parer à toute éventualité, le salarié justifie avoir vainement mis cette montre à la disposition de l'employeur par mail du 4 août 2017.

L'employeur est donc redevable de l'intégralité de la rémunération variable contractuellement prévue pour chaque exercice, laquelle doit être fixée à 20% du salaire fixe de chaque année concernée, soit d'une somme de 60 240,01 euros bruts pour la période litigieuse, outre 6 024 euros bruts de congés payés afférents.

Sur les intérêts au taux légal

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2019, date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code du travail.

Sur l'astreinte

Le prononcé d'une astreinte n'est pas nécessaire au vu des éléments de la cause.

Sur les frais irrépétibles 

En équité, il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit du salarié auquel la somme de 2 500 euros est allouée au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens

L'employeur, qui succombe pour l'essentiel, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Dit bien-fondé le licenciement pour faute grave de Monsieur [H] [V].

Le déboute de ses demandes de condamnation de la société Groupe Sebbin au paiement d'une indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts en raison des conditions brutales et vexatoires du licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

Condamne la société Groupe Sebbin à payer à Monsieur [H] [V] la somme de 60 240,01 euros bruts au titre d'un rappel de rémunération variable, outre 6 024 euros bruts de congés payés afférents.

Dit que les intérêts au taux légal courent sur ces sommes à compter du 10 avril 2019, date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Condamne la société Groupe Sebbin à payer à Monsieur [H] [V] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société Groupe Sebbin aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01369
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;21.01369 ?
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