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20/04/2023 | FRANCE | N°20/00845

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 20 avril 2023, 20/00845


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 AVRIL 2023



N° RG 20/00845 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-T2H3



AFFAIRE :



[G] [C]



C/



S.A.S. DIEBOLD NIXDORF



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F18/00122







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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Valérie PLANEIX



Me Géraud SALABELLE







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a ren...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 AVRIL 2023

N° RG 20/00845 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-T2H3

AFFAIRE :

[G] [C]

C/

S.A.S. DIEBOLD NIXDORF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F18/00122

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Valérie PLANEIX

Me Géraud SALABELLE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 13 avril 2023 et prorogé au 20 avril 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [C]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Valérie PLANEIX de l'AARPI MONCEAU AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J083 substitué par Maître Florian CELLIER, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. DIEBOLD NIXDORF

N° SIRET : 410 383 533

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Géraud SALABELLE de la SELARL ESPLUGA SALABELLE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0885

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SAS Diebold Nixdorf, dont le siège social est situé à [Localité 4] dans le département des Yvelines, est spécialisée dans la commercialisation de matériels et de logiciels pour les automates en libre-service dans le secteur bancaire, dans des prestations de service associées, ainsi que dans la vente de solutions logicielles et matérielles et de services d'installation et de maintenance pour le secteur de la distribution, en lien avec le flux clients de gestion d'espèces et de paiements électroniques. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

M. [G] [C], né le 3 mai 1969, a été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er mars 2017, en qualité de key account manager ou responsable grands comptes, statut cadre, moyennant une rémunération composée d'une partie fixe d'un montant mensuel de 6 000 euros brut et d'une partie variable d'un montant mensuel de 4 000 euros à 100 % d'objectifs atteints, étant précisé que le contrat de travail prévoyait que la part variable de la rémunération de M. [C] était garantie à hauteur de 100 % pendant les six premiers mois d'activité.

M. [C] était soumis à une période d'essai de trois mois renouvelable en application de l'article 2 du contrat de travail rédigé dans les termes suivants :

« Durée du contrat ' Période d'essai

Le présent contrat est conclu pour une durée indéterminée et débutera au plus tard le 13 mars 2017. Il ne deviendra définitif qu'après l'accomplissement satisfaisant d'une période d'essai de trois mois, éventuellement renouvelable.

Durant cette période, chacune des parties pourra rompre le contrat dans le cadre de la législation en vigueur, sauf en cas de force majeure ou de faute grave ».

Par ailleurs, M. [C] était lié à la société Diebold Nixdorf par une clause de non-concurrence en ces termes :

« Clause de non-concurrence

Vous occupez un emploi vous donnant des informations primordiales sur les clients, méthodes et procédés industriels et techniques, produits, logiciels et la stratégie de la société.

Compte tenu de la spécificité de vos fonctions et pour préserver les intérêts légitimes de la société Wincor Nixdrof SAS, en cas de rupture de votre contrat de travail, pour quelque motif que ce soit et y compris pendant la période d'essai, vous vous engagez à ne pas entrer au service d'une entreprise concurrente (telle notamment que NCR, Talaris, ATeM, Laser Symag, Ingenico, percom/Verifone, Cegid, IBM, ACI, ScanCoin, Atos, Stéria, CSC, CGI), ni à exercer, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente à celle de la société Wincor Nixdorf SAS ou à collaborer directement ou indirectement à toute fabrication, commerces, ou autres activités pouvant concurrencer les produits ou les activités de la société.

Cette obligation de non-concurrence s'applique pour une durée d'un an (1) renouvelable une fois à compter de la date de rupture du contrat de travail, et également, pendant le préavis (effectué ou non) précédant la date susvisée.

Cette obligation est limitée au territoire métropolitain.

En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, la société s'engage à vous verser, pendant la durée de l'interdiction, une indemnité correspondant à 5/10 du salaire moyen mensuel des douze derniers mois, dans les conditions prévues par la convention collective.

La violation de la présente clause par le salarié rend ce dernier redevable d'une somme fixée forfaitairement à 12 mois de salaire.

Toutefois, la société pourra vous libérer de cette obligation de non-concurrence, sous réserve d'une notification écrite par lettre recommandée avec avis de réception (ou par remise en main propre contre décharge) dans les huit jours suivant la notification de la rupture du présent contrat. »

Par courrier du 11 juillet 2017, la société Diebold Nixdorf a notifié à M. [C] la rupture de sa période d'essai dans les termes suivants :

'Nous vous avons embauché par contrat à durée indéterminée en date du 1er mars 2017 prévoyant une période d'essai d'une durée de trois mois venant à expiration le 31 mai 2017 que nous avons renouvelée jusqu'au 31 août 2017.

Malheureusement, cet essai ne s'est pas avéré concluant, et nous sommes donc au regret de vous informer de notre décision de mettre un terme à notre collaboration, comme exprimé ce jour lors de votre entretien avec Monsieur [V] [L], General Manager Retail. Cette décision est notamment motivée par une inadéquation entre nos attentes et votre inadaptation à l'organisation existante pour proposer et mettre en 'uvre ce qui est à construire pour développer nos ventes.

A l'issue de la période d'absence pour congé que vous aviez demandée du 17 au 28 juillet 2017, vous serez dispensé de présence soit du 31 juillet 2017 au 18 août 2017 au soir.

Le solde de la période d'essai non effectué soit du 19 au 31 août 2017 vous sera intégralement payé. »

M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles en contestation de la rupture de sa période d'essai et en paiement de la contrepartie de la clause de non-concurrence, par requête reçue au greffe le 5 mars 2018.

Le salarié avait saisi en parallèle la formation de référé, qui par ordonnance du 26 janvier 2018 a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la qualification de la rupture des relations contractuelles y compris sur la demande reconventionnelle d'un montant de 6 000 euros au titre du remboursement d'une partie du préavis non exécuté,

- ordonné à la société Diebold Nixdorf de verser à M. [G] [C] la somme de 6 000 euros à titre de provision sur la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 26 février 2020, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Versailles a :

- dit et jugé qu'il n'existe pas de preuve non équivoque de l'information et l'acceptation du renouvellement de sa période d'essai par M. [C],

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail est abusive,

- dit et jugé que la levée de la clause de non-concurrence a été faite mais que les indemnités liées n'ont pas été intégralement versées,

en conséquence,

- condamné la société Diebold Nixdorf à verser à M. [C] les sommes de :

. 10 000 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive,

. 30 000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3 000 euros à titre de congés payés afférents,

. 2 799,12 euros de rappel d'indemnité de non-concurrence,

. 133,25 euros brut à titre de rappel de congés payés afférents,

. 6 000 euros à titre d'indemnité de non-concurrence,

. 600 euros brut à titre de congés payés afférents,

- dit que déduction sera faite des 6 000 euros versés au titre de 1'ordonnance du 26 janvier 2018 de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Versailles,

- condamné la société Diebold Nixdorf à verser à M. [C] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [C] du surplus de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté la société Diebold Nixdorf de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la société Diebold Nixdorf aux entiers dépens.

M. [C] avait formulé les demandes suivantes :

- indemnité pour rupture abusive : 30 000 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 30 000 euros,

- indemnité de congés payés sur préavis : 3 000 euros,

- indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement : 10 000 euros,

- rappel d'indemnité de non-concurrence : 2 799,12 euros,

- rappel de congés payés : 133,25 euros,

- indemnité de non-concurrence (de décembre 2017 à août 2018) : 40 000 euros,

- indemnité de congés payés : 4 600 euros,

- indemnité pour résistance abusive de la société : 10 000 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 3 500 euros,

- exécution provisoire (article 515 du code de procédure civile),

- dépens.

La société Diebold Nixdorf avait, quant à elle, sollicité :

sur la rupture du contrat de travail de M. [C]

à titre principal,

- constater que la rupture de la période d'essai de M. [C] est valable,

- débouter M. [C] de ses entières demandes liées à la rupture de son contrat de travail,

à titre subsidiaire,

- constater que M. [C] s'est dispensé d'exécuter son préavis,

- constater que la rupture du contrat de travail de M. [C] repose sur une cause réelle est sérieuse,

- débouter M. [C] de sa demande de paiement d'une indemnité compensatrice de préavis,

- ordonner à M. [C] de lui rembourser la somme qui lui a été versée au titre du délai de prévenance de la rupture de la période d'essai soit la somme de 6 000 euros brut,

- débouter M. [C] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

- débouter M. [C] de sa demande d'indemnité pour le licenciement abusif,

sur la clause de non-concurrence

- constater qu'elle a levé l'obligation de non-concurrence de M. [C],

- constater qu'elle a payé la contrepartie financière pendant toute la période au cours de laquelle M. [C] était soumis à une obligation de non-concurrence,

- débouter M. [C] de ses demandes de paiement de contrepartie financière à son obligation de non-concurrence,

- article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros.

La procédure d'appel

M. [C] a interjeté appel du jugement par déclaration du 19 mars 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/00845.

Par ordonnance rendue le 14 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 16 février 2023.

Prétentions de M. [C], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 7 septembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [C] demande à la cour d'appel de :

- confirmer la décision rendue en ce qu'il a été jugé que la rupture de son contrat de travail était abusive et en ce que la société a été condamnée à lui verser une indemnité de préavis, ainsi que les congés payés afférents,

jugeant à nouveau,

- condamner la société Diebold Nixdorf à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité au titre de la rupture abusive du contrat de travail : 30 000 euros,

. au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement : 10 000 euros,

. indemnité de non-concurrence (de janvier 2018 à août 2018) : 40 000 euros,

. au titre des congés payés afférents : 4 000 euros,

. au titre de la résistance abusive de la société : 10 000 euros.

Le salarié appelant sollicite en outre une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la société aux dépens.

Prétentions de la société Diebold Nixdorf, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 24 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Diebold Nixdorf demande à la cour d'appel de :

- la recevoir en ses écritures et l'y déclarer bien fondée,

sur la rupture du contrat de travail de M. [C]

à titre principal,

- constater que la rupture de la période d'essai de M. [C] est valable,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la rupture du contrat de travail de M. [C] avait la nature d'un licenciement abusif,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [C] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,  

- ordonner le remboursement des sommes d'ores et déjà versées par la société, soit : 

. 30 000 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 3 000 euros brut au titre des congés payés sur préavis.  

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat de travail de M. [C] s'analysait en un licenciement,  

- constater que M. [C] s'est dispensé d'exécuter son préavis,

- constater que la rupture du contrat de travail de M. [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,  

- infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [C] une indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés afférents,

- ordonner à M. [C] de lui rembourser les sommes de 30 000 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 3 000 euros brut au titre des congés payés afférents,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [C] la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,

à titre infiniment subsidiaire,

- ordonner à M. [C] de lui rembourser la somme qui lui a été versée au titre du délai de prévenance de la rupture de la période d'essai, soit la somme de 6 000 euros brut,  

en tout état de cause,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure,  

Sur la clause de non-concurrence

- constater qu'elle a levé l'obligation de non-concurrence de M. [C],

- constater qu'elle a payé la contrepartie financière pendant toute la période au cours de laquelle M. [C] était soumis à une obligation de non-concurrence,

- confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes de paiement de contrepartie financière à son obligation de non-concurrence.

La société intimée sollicite enfin une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la rupture du contrat de travail

M. [C] soutient qu'il n'a pas accepté le renouvellement de sa période d'essai de sorte que la rupture de son contrat de travail à l'initiative de son employeur est intervenu pour un motif erroné, qu'elle doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Diebold Nixdorf soutient au contraire que le renouvellement de la période d'essai était parfaitement valable et donc que le contrat de travail a pris fin dans le cadre de la rupture de la période d'essai.

Il est rappelé que le terme initial de la période d'essai de trois mois était fixé au 31 mai 2017, que son renouvellement pour trois mois avait pour échéance le 31 août 2017 et que la rupture du contrat de travail est intervenue par courrier du 11 juillet 2017.

Au regard de cette chronologie, il apparaît que la solution du litige dépend de la question de savoir si la période d'essai a été ou non valablement renouvelée.

Il est constant que les parties doivent donner leur accord exprès au renouvellement, ce qui implique une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié.

Il n'est pas discuté par les parties que M. [C] n'a rédigé aucun écrit à ce titre.

A l'appui de sa thèse, la société Diebold Nixdorf explique que tout au long de son processus d'intégration, M. [C] a été accompagné et suivi par M. [H], directeur commercial retail, et M. [L], vice-président retail, qui ont ainsi pu apprécier les aptitudes de celui-ci et l'alerter sur les efforts à fournir, que cet accompagnement a fait l'objet d'échanges et de points hebdomadaires réguliers, que son supérieur hiérarchique a décidé de renouveler sa période d'essai et a adressé une fiche à la direction des ressources humaines en ce sens et que des entretiens de renouvellement de la période d'essai se sont tenus les 15 et 22 mai 2017.

Elle soutient que M. [C] a exprimé clairement son accord sur le renouvellement de sa période d'essai auprès de ses trois interlocuteurs, à savoir M. [L], M. [H] et Mme [W], directrice des ressources humaines (DRH).

Pour établir la validité du renouvellement de la période d'essai du salarié, la société Diebold Nixdorf produit les pièces justificatives suivantes :

- la fiche adressée à la DRH par M. [H] faisant état d'une période d'essai non concluante, au motif de « profiter des trois prochains mois pour se mettre en situation de confirmer ses qualités pour développer le business chez DN (') - esprit de synthèse, organisation », cette fiche étant un document interne à la direction et n'étant pas signée par M. [C] (pièce 4 de l'employeur),

- un courriel adressé par M. [L] à M. [C] le 15 mai 2017 pour lui demander ses disponibilités afin de « faire le point sur son intégration » (pièce 5 de l'employeur),

- un courriel de Mme [W] à M. [H] du 17 mai 2017 reprenant des notes qu'elle a prises sur les points positifs et les points à développer, beaucoup plus nombreux, concernant M. [C] (pièce 7 de l'employeur),

- des attestations de M. [L], de M. [H] et de Mme [W] (pièces 7 à 9 de l'employeur).

Il sera relevé que ces éléments de preuve manquent à l'évidence d'impartialité, en ce qu'ils émanent de personnes appartenant à la direction de l'entreprise, dont les intérêts sont directement contraires à ceux du salarié.

En toute hypothèse, même s'il est retenu que ceux-ci corroborent la version de l'employeur qui soutient avoir entendu renouveler la période d'essai, ils ne sont pas de nature à établir l'accord express du salarié au renouvellement .

Ainsi, il n'est pas établi que M. [C] avait donné son accord explicite, clair et non équivoque pour le renouvellement de sa période d'essai.

Il s'ensuit que la rupture du contrat de travail ne pouvait intervenir au motif de la rupture de la période d'essai, laquelle avait expiré depuis le 31 mai 2017.

Pour prétendre à une rupture fondée sur un autre motif que la rupture de la période d'essai, la société Diebold Nixdorf soutient que la lettre de rupture évoque une inadéquation au poste, ce qui constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Elle propose ainsi de considérer que la rupture de la période d'essai constituerait un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le courrier de rupture, dont les termes ont été repris précédemment, fait toutefois état, sans aucune ambiguité, d'un essai qui ne s'est pas avéré concluant et de la décision de mettre un terme à la collaboration aux motifs d'une inadéquation entre les attentes de l'entreprise et l'inadaptation à l'organisation existante pour proposer et mettre en 'uvre ce qui est à construire pour développer les ventes de la société.

Il se déduit des termes de ce courrier que l'employeur a uniquement entendu motiver sa décision de rompre la période d'essai et non faire état d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, ce qui doit conduire à rejeter l'argumentation développée par la société Diebold Nixdorf.

Sur l'indemnisation du salarié

Il est rappelé qu'en l'absence de renouvellement valable par accord exprès des parties, la rupture tardive de la période d'essai du contrat de travail consolidé par l'employeur s'analyse en droit en une rupture abusive.

Par ailleurs, si la rupture intervient à l'initiative de l'employeur sans que la procédure de licenciement ne soit respectée, ce dernier doit être condamné à verser au salarié une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en application de l'article L. 1235-2 du code du travail.

Enfin, lorsque le salarié a moins de deux ans d'ancienneté ou l'entreprise moins de onze salariés, l'indemnité pour irrégularité de la procédure se cumule avec celle due au titre de la rupture abusive du contrat de travail.

Ainsi, M. [C] peut prétendre aux différentes indemnités suivantes :

Indemnité pour licenciement abusif

L'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version antérieure au 24 septembre 2017 applicable au litige, dispose que le salarié a droit, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

M. [C] souligne à juste titre que la rupture de son contrat de travail est intervenue de façon très brutale, dans la semaine précédant son départ en congés d'été, sur la base d'un motif non valable, qu'il était par ailleurs prévu qu'il ne réintègre pas son poste après ses congés d'été, le dispensant de toute activité à compter de cette date.

Au regard de ces circonstances mais également de l'âge du salarié et du salaire qui lui était versé, le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par M. [C] en raison de la perte injustifiée de son emploi en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Cette condamnation sera confirmée.

Indemnité pour irrégularité de la procédure

L'employeur n'ayant pas mis en 'uvre une procédure de licenciement alors qu'il y était tenu, il sera condamné à verser à M. [C] une indemnité pour irrégularité de la procédure, cumulable avec l'indemnité pour licenciement abusif, d'un montant qui sera fixé à la somme de 6 000 euros, le salarié n'ayant pas bénéficié des garanties attachées au respect de cette procédure.

Indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, le préavis applicable était de trois mois.

La société Diebold Nixdorf oppose que cette indemnité ne serait pas due au motif que le salarié aurait demandé de fait à en être dispensé, en ne se présentant plus après le 31 juillet 2017.

Or, il ressort du courrier de rupture que c'est au contraire la société qui, pour organiser le départ immédiat du salarié, l'a dispensé de présence à compter de cette date. Il y est en effet indiqué : « A l'issue de la période d'absence pour congé que vous aviez demandée du 17 au 28 juillet 2017, vous serez dispensé de présence soit du 31 juillet 2017 au 18 août 2017 au soir. ». Cet argument sera en conséquence écarté.

Conformément aux termes de la lettre de rupture du 11 juillet 2017, le solde de la période d'essai non effectué, soit du 19 au 31 août 2017, a été intégralement payé au salarié, la date de la rupture de la relation contractuelle devant être fixée au 31 août 2017. Le préavis courrait donc à compter du mois de septembre, et sur les mois d'octobre et novembre 2017.

Il n'y a pas lieu de prendre en compte ici la rémunération variable maximale de 4 000 euros, dans la mesure où celle-ci n'était garantie que pendant six mois, jusqu'au 31 août 2017, mais uniquement le salaire fixe de M. [C] qui s'élevait à 6 000 euros.

Il est donc dû au salarié au titre de l'indemnité compensatrice de préavis la somme de 18 000 euros outre celle de 1 800 euros au titre des congés payés afférents.

La société Diebold Nixdorf, qui demande à titre infiniment subsidiaire, le remboursement par le salarié de la somme qui lui a été versée au titre du délai de prévenance de la rupture de la période d'essai, soit la somme de 6 000 euros brut, ne s'explique pas utilement sur cette demande. Elle en sera déboutée.

Elle sera également déboutée de sa demande tendant au remboursement de la condamnation prononcée en première instance, les parties devant établir un compte dans le cadre de l'exécution du présent arrêt.

Sur la clause de non-concurrence

M. [C] soutient que son ancien employeur a dénoncé tardivement la clause de non-concurrence et sollicite le paiement de l'intégralité de la contrepartie financière.

La société Diebold Nixdorf indique avoir renoncé au bénéfice de la clause par courrier du 28 novembre 2017, avoir payé l'indemnité pour les mois de septembre, octobre et novembre 2017 mais s'estime libérée à compter du 1er décembre 2017, puisque le salarié n'était plus tenu à une obligation de non-concurrence à compter de cette date.

S'agissant de la renonciation au bénéfice de la clause

Il est constant que l'employeur ne peut décharger le salarié de son obligation postérieurement au délai prévu contractuellement.

La clause de non-concurrence liant les parties prévoit à ce sujet que : « Toutefois, la Société pourra vous libérer de cette obligation de non-concurrence, sous réserve d'une notification écrite par lettre recommandée avec avis de réception (ou par remise en main propre contre décharge) dans les huit jours suivant la notification de la rupture du présent contrat. »

Elle reprend les dispositions de la convention collective qui prévoit que « L'employeur, en cas de cessation d'un contrat de travail, qui prévoyait une clause de non-concurrence, peut se décharger de l'indemnité prévue ci-dessus en libérant l'intéressé de l'interdiction de concurrence, mais sous condition de le prévenir par écrit dans les huit jours qui suivent la notification de la rupture du contrat de travail ».

La société Diebold Nixdorf n'a pas manifesté sa volonté de libérer le salarié de cette clause dans les huit jours de la rupture du contrat de travail, intervenue le 31 août 2017, puisque l'employeur se prévaut d'une telle démarche faite seulement par courrier du 28 novembre 2017.

La renonciation apparaît donc tardive.

Dans ce cas, l'employeur reste redevable de la totalité de la contrepartie financière de la clause sans pouvoir limiter l'indemnité à la fraction correspondant au retard.

S'agissant des sommes dues au salarié à ce titre

En contrepartie de cette obligation pesant sur le salarié, la société Diebold Nixdorf s'est engagée à verser à celui-ci une somme correspondant au 5/10 de son salaire moyen, portée à 6/10 tant que le salarié n'a pas retrouvé de travail, pour une durée contractuelle d'un an.

Sur la base d'un salaire mensuel de 10 000 euros, les 5/10 correspondant à 5 000 euros et les 6/10 à 6 000 euros.

M. [C] a donc légitimement réclamé devant la formation de référé paiement de 6 000 euros par mois à compter de septembre 2017 jusqu'au mois de décembre 2017 inclus, puis, devant la formation statuant au fond, après avoir indiqué avoir retrouvé un emploi chez Telino à compter du 2 janvier 2018, 5 000 euros de janvier 2018 à août 2018 inclus, soit sur une durée totale d'un an comme prévu contractuellement.

Sur l'incidence de l'ordonnance de référé

M. [C] explique qu'il avait sollicité devant la formation de référé la contrepartie financière des mois de septembre, octobre et novembre 2017, soit 3 fois 6 000 euros outre les congés payés afférents, que la société Diebold Nixdorf lui a versé la somme de 15 200,88 euros ainsi que la somme de 1 665,75 euros au titre des congés payés afférents, sans explication de son calcul.

Il a sollicité et obtenu, devant la formation de référé du conseil de prud'hommes, la seule somme complémentaire de 2 799,12 euros outre celle de 133,25 euros au titre des congés payés afférents alors même qu'en principe, l'ordonnance de référé n'est rendue qu'à titre provisoire et qu'elle a vocation à être suppléée par la décision au fond.

Pour cette raison, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que déduction sera faite des 6 000 euros versés au titre de 1'ordonnance du 26 janvier 2018 de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Versailles.

Sur le nouvel emploi de M. [C]

La société Diebold Nixdorf soutient que, pour prétendre au paiement de l'indemnité après son retour à l'emploi, il appartient à M. [C] de rapporter la preuve qu'il a continué à respecter son obligation de non-concurrence et donc que les deux sociétés n'ont pas des activités concurrentes puisque Diebold propose, comme Telino, des solutions de gestion de flux dématérialisé.

Toutefois, comme le souligne à juste titre M. [C], si l'indemnité n'est plus due en cas de non-respect de son obligation par le salarié, il incombe à l'employeur qui se prétend délivré de l'obligation de payer la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié.

Or, l'employeur, qui conteste devoir supporter la charge de la preuve, se limite à indiquer que les sociétés ont toutes les deux des activités de solutions de gestion de flux dématérialisés, sans donner plus amples explications.

De son côté, M. [C] explicite, sans y être tenu, que la société Telino propose des solutions EDI (Electronic Data Interchange) de gestion de flux de données en tout genre, ainsi que la gestion ou le traitement de ces données, à destination de sociétés souhaitant simplifier ou rationaliser leurs échanges ou traitement de données ou souhaitant adopter une démarche écologique dans leur gestion tandis que la société Diebold Nixdorf commercialise des matériels pour les automates en libre-service dans le secteur bancaire, ainsi que les prestations associées d'installation et de maintenance.

Faute de démontrer que le salarié n'a pas respecté son obligation de non-concurrence, l'argument de la société Diebold Nixdorf sera écarté.

En définitive, il sera fait droit à la demande de M. [C] dans les termes de celle-ci, à savoir, la somme de 40 000 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence de janvier 2018 à août 2018 et celle de 4 000 euros au titre des congés payés afférents.

Il sera également fait droit à sa demande de confirmation de la condamnation de la société à lui payer la somme de 2 799,12 euros de rappel d'indemnité de non-concurrence et celle de 133,25 euros brut à titre de rappel de congés payés afférents.

Sur la résistance abusive de la société Diebold Nixdorf

M. [C] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive. A l'appui de sa demande, il fait valoir que la société ne pouvait ignorer son obligation de payer l'indemnité, qu'elle a malgré cela, résisté au paiement, l'obligeant à agir en justice en référé, qu'elle n'a reconnu son obligation que la veille de l'audience et ne s'est exécutée que partiellement, qu'elle a de nouveau refusé de s'exécuter pour les échéances suivantes, l'obligeant de nouveau à agir en justice, se dispensant ainsi de s'acquitter de sa dette pourtant due mensuellement depuis plus d'une année.

La société Diebold Nixdorf objecte qu'il lui est fait un procès d'intention, qui illustre les velléités pécuniaires du salarié. Elle indique maintenir sa contestation et estime ne pas être redevable des sommes réclamées. Elle ajoute que le salarié ne démontre pas le préjudice qu'il prétend avoir subi.

Au regard des éléments du débat sur la clause de non-concurrence, même si l'employeur est en définitive condamné au paiement, M. [C] ne rapporte pas la preuve d'un abus de celui-ci de son droit d'ester en justice pour faire arbitrer ses prétentions, de sorte qu'il sera débouté de cette demande, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

La société Diebold Nixdorf, qui succombe pour l'essentiel dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à M. [C] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 3 000 euros et sera déboutée de sa propre demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 26 février 2020, excepté en ce que la SAS Diebold Nixdorf a été condamnée à payer à M. [G] [C] les sommes suivantes :

30 000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

3 000 euros au titre des congés payés afférents,

6 000 euros à titre d'indemnité de non-concurrence,

600 euros brut au titre des congés payés afférents,

en ce que M. [G] [C] a été débouté de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

et en ce qu'il a dit que déduction sera faite des 6 000 euros versés au titre de 1'ordonnance du 26 janvier 2018 de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Versailles,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Diebold Nixdorf à payer à M. [G] [C] les sommes suivantes :

18 000 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 800 euros au titre des congés payés afférents,

40 000 euros à titre d'indemnité de non-concurrence,

4 000 euros au titre des congés payés afférents,

6 000 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

DÉBOUTE la SAS Diebold Nixdorf de sa demande tendant à ordonner le remboursement des sommes d'ores et déjà versées par la société, soit 30 000 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 3 000 euros brut au titre des congés payés sur préavis,

DIT n'y avoir lieu à déduction des 6 000 euros versés au titre de 1'ordonnance de référé du 26 janvier 2018,

CONDAMNE la SAS Diebold Nixdorf au paiement des entiers dépens,

CONDAMNE la SAS Diebold Nixdorf à payer à M. [G] [C] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SAS Diebold Nixdorf de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/00845
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;20.00845 ?
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