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19/04/2023 | FRANCE | N°22/00035

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 19 avril 2023, 22/00035


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 AVRIL 2023



N° RG 22/00035

N° Portalis DBV3-V-B7G-U5VI



AFFAIRE :



[G] [S]





C/

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E



N° RG : 19/00116



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO



la SELARL CAPSTAN LMS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF AVRIL DEUX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 22/00035

N° Portalis DBV3-V-B7G-U5VI

AFFAIRE :

[G] [S]

C/

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/00116

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO

la SELARL CAPSTAN LMS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [S]

né le 10 Juillet 1959 à MADRID

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Philippe THIVILLIER de la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0750

Représentant : Me Geoffrey CENNAMO de la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0750

APPELANT

****************

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

M. [G] [S] a été engagé par la compagnie d'assurance Drouot suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 1979.

Le 13 mai 1987, un accord collectif d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail en fin de carrière a été conclu.

Le contrat de travail de M. [S] a été transféré successivement à plusieurs sociétés dont en dernier lieu la société Axa France Iard.

Par courriel des 19 et 29 juin 2018, M. [S] a demandé le bénéfice du dispositif de pré-retraite Drouot en application de l'accord.

En dernier lieu, M. [S] exerçait les fonctions de chargé d'accompagnement corporel, classe 6, avec le statut de cadre.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de l'inspection d'assurance.

Le 17 janvier 2019, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Axa France Iard au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de l'accord collectif du 13 mai 1987 et pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité.

Le contrat de travail de M. [S] a pris fin le 31 juillet 2021 par départ à la retraite.

Par jugement en date du 14 décembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes a dit et jugé que l'accord collectif du 13 mai 1987 ne s'appliquait pas à M. [S] en 2018 à la date de sa demande, que la société Axa France Iard n'a pas commis de manquement à son obligation de santé et de sécurité, débouté M.[S] de sa demande de dommages et intérêts de 83 339,10 euros, de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé-sécurité de 75 000 euros, débouté M.[S] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande d'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile et condamné M.[S] aux entiers dépens.

Le 4 janvier 2022, M. [S] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 31 août 2022, M. [S] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que l'accord collectif du 13 mai1987 'est applicable et que lui-même relève de son champ d'application' et statuant à nouveau de juger que l'accord collectif du 13 mai 1987 s'appliquait bien,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'il ne remplissait pas les conditions de bénéfice de la pré-retraite d'entreprise de l'accord du 13 mai 1987 et statuant à nouveau, de juger que, compte tenu de sa carrière exceptionnellement longue, il remplissait les conditions pour bénéficier de deux années de pré-retraite Drouot à compter du 1er août 2019 jusqu'à son départ en retraite à taux plein le 1er août 2021,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts du préjudice direct subi du refus d'application de l'accord et statuant à nouveau condamner la société Axa France Iard à lui verser 83 339,10 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution par la société de l'accord de pré-retraite Drouot auquel il pouvait prétendre à partir du 1er août 2019,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de préjudice indirect lié à la violation de l'obligation de santé et de sécurité en lien avec la finalité de l'accord lui-même et statuant à nouveau, condamner la société Axa France Iard à lui verser 75 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et de sécurité,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation à 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau condamner la société Axa France Iard à verser 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 17 juin 2022, la société Axa France Iard demande à la cour de confirmer le jugement , à titre subsidiaire, de juger dans de biens plus justes proportions d'éventuelles condamnations indemnitaires, en tout état de cause, de condamner M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 7 mars 2023.

MOTIVATION

Sur l'accord du 13 mai 1987

Le salarié sollicite l'interprétation de l'accord collectif relatif à la pré-retraite considérant qu'il remplissait les conditions pour en bénéficier au moment de sa demande. Il indique qu'il subit un préjudice résultant de l'inexécution d'un accord collectif par l'employeur puisqu'il a été contraint de travailler plus longtemps alors qu'il aurait dû percevoir un revenu de remplacement sans contrepartie de travail sur une période donnée.

L'employeur fait valoir que le dispositif n'était pas accessible au salarié qui ne bénéficiait pas d'une retraite à taux plein à la date de sa demande conformément aux exigences conventionnelles. Il ajoute que le salarié pouvait bénéficier d'autres dispositifs d'aménagement de fin de carrière.

L'accord collectif doit être interprété d'abord en respectant la lettre du texte.

L'accord de pré-retraite Drouot prévoit en III-) qu'il repose sur le volontariat et que la pré-retraite: 'permet au personnel de cesser son activité une ou deux années avant 60 ans ou avant l'âge auquel il pourrait bénéficier de la retraite à taux plein (37,5 années de cotisations sécurité sociale validées)'.

S'agissant des cadres, l'accord prévoit en 3) que les bénéficiaires sont 'le personnel ayant effectué une carrière exceptionnellement longue à Drouot et souhaitant partir à l'âge de 60 ans :

- une année de pré-retraite pour le personnel ayant 35 à 37 années d'ancienneté à 59 ans,

- deux années de pré-retraite pour le personnel ayant une ancienneté de 38 années et plus à 58 ans'.

Si le texte ne reprend en 3) pour les cadres que la condition de l'âge de 60 ans, sans reprendre la condition de l'âge auquel le salarié pourrait bénéficier de la retraite à taux plein, cette condition figure bien en introduction de la partie III-) de sorte, que cette condition a vocation à s'appliquer à l'ensemble des bénéficiaires de l'accord y compris les cadres ayant effectué une carrière exceptionnellement longue à Drouot, souhaitant partir à l'âge légal de départ à la retraite, qui était alors de 60 ans, et justifiant des conditions d'ancienneté.

Au moment de la rédaction de l'accord, inchangée depuis, l'âge minimal de départ à la retraite était de 60 ans avec 37,5 annuités de cotisations à la sécurité sociale.

La loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a prévu le relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.

La loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 a accéléré le rythme de la période transitoire, l'âge légal de départ à la retraite de 62 ans étant atteint dès 2017 pour les personnes nées à partir de 1955.

La durée d'assurance nécessaire pour percevoir une retraite à taux plein a été portée à 167 trimestres pour les salariés nés en 1959.

Ainsi, M. [S] a formé une demande pour bénéficier d'une pré-retraite du 1er août 2019 au 31 juillet 2021, deux ans avant ses 62 ans, âge minimal de départ à la retraite au moment de sa demande. Il bénéficiait alors de 40 ans d'ancienneté et pouvait bénéficier de sa retraite à taux plein au 31 juillet 2021.

Il s'en déduit que M. [S] remplissait la condition d'ancienneté requise, ayant effectué une carrière particulièrement longue à Drouot, pour bénéficier d'une pré-retraite de deux années en application de l'accord collectif précité à compter du 1er août 2019, à l'âge de 60 ans, soit deux ans avant de pouvoir bénéficier de sa retraite à taux plein à l'âge de 62 ans correspondant au nouvel âge légal minimal pour prendre sa retraite.

L'employeur qui a refusé d'exécuter cet accord collectif a manqué à ses obligations.

Le salarié a subi un préjudice résultant du fait d'être privé d'un revenu de remplacement pendant deux ans qu'il convient de réparer par l'allocation d'une somme de 83 339,1 euros correspondant à la somme qu'il aurait dû percevoir en application de l'accord, telle que figurant au dispositif des écritures, la cour ne pouvant statuer ultra petita, somme que la société Axa France Iard doit être condamnée à payer à M. [S] en réparation.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'obligation de santé et de sécurité

Le salarié sollicite une somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il indique qu'un départ en pré-retraite était lié à un état de santé fragilisé, puisqu'il avait connu des difficultés de santé, un burn-out en raison d'une surcharge de travail. Il précise que le médecin du travail était informé de cette situation et que l'accord pour partir en pré-retaite avait pour finalité de permettre aux salariés en carrière longue de préserver leur santé.

L'employeur s'oppose à la demande. Il fait valoir que les certificats médicaux sont dénués de force probante et ne suffisent à prouver le burn-out professionnel invoqué. Il souligne qu'après avoir fait l'objet d'un arrêt maladie en 2016, le salarié a passé une visite de reprise et a fait l'objet d'un avis d'aptitude sans réserve du médecin du travail, renouvelé en 2019. Il soutient que le salarié n'a jamais alerté sur sa situation.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Le salarié ne produit pas d'éléments alertant l'employeur sur sa santé, la demande du bénéfice de l'application de l'accord collectif du 9 novembre 2018 adressée à son employeur, ne mentionnant pas d'élément sur sa santé.

En outre, le médecin du travail l'a déclaré apte sans réserve en 2016 après un retour d'arrêt de travail pour maladie de trois mois et demi, avis renouvelé postérieurement.

Il s'en déduit qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est établi.

M. [S] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Axa France Iard succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra également régler une somme de 2 000 euros à M. [S] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société Axa France Iard à payer à M. [G] [S] la somme de 83 339,1 euros en réparation du préjudice subi par l'inexécution de l'accord de pré-retraite Drouot,

Condamne la société Axa France Iard aux dépens,

Condamne la société Axa France Iard à payer à M. [G] [S] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00035
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;22.00035 ?
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