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19/04/2023 | FRANCE | N°21/02378

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 19 avril 2023, 21/02378


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 AVRIL 2023



N° RG 21/02378

N° Portalis DBV3-V-B7F-UU7H



AFFAIRE :



[M] [I]

...



C/

S.A. PSA AUTOMOBILES SA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : I

N° RG : 19/00205


>Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI METIN & ASSOCIES



la SELARL HUGO AVOCATS





le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a r...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 21/02378

N° Portalis DBV3-V-B7F-UU7H

AFFAIRE :

[M] [I]

...

C/

S.A. PSA AUTOMOBILES SA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : I

N° RG : 19/00205

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI METIN & ASSOCIES

la SELARL HUGO AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159 - N° du dossier 19.106

Syndicat CGT PSA

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159 - N° du dossier 19.106

APPELANTS

****************

S.A. PSA AUTOMOBILES SA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Françoise FAVARO de la SELARL HUGO AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0866 substitué par Me Adèle DoERR avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mars 2023, Madame Isabelle MONTAGNE, présidente, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY

EXPOSE DU LITIGE

[M] [I] a été engagé par la société Talbot & Cie, devenue la société Psa Automobiles suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 septembre 1992 avec une reprise de son ancienneté au 6 mai 1991. Il exerçait au dernier état des relations contractuelles les fonctions de contrôleur ferrage, statut ouvrier professionnel de fabrication, au sein de l'établissement de [Localité 4].

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne.

Il percevait une rémunération brute moyenne de 2 217,76 euros.

Le salarié bénéficie d'une reconnaissance de travailleur handicapé.

L'employeur lui a notifié trois mises à pied disciplinaires successivement les 17 octobre 2017, 7 mars 2018 et 20 avril 2018.

Par lettre datée du 11 juillet 2018, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 juillet suivant, puis par lettre datée du 2 août 2018, lui a notifié son licenciement, en le dispensant d'activité professionnelle durant l'exécution du préavis qui lui a été payé.

Le 1er août 2019, [M] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy afin d'obtenir la nullité des sanctions disciplinaires et de son licenciement et sa réintégration au poste de travail en invoquant à titre principal une discrimination à raison de son handicap et une inégalité de traitement ainsi que le paiement de rappel de salaire et d'indemnités tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail. Le syndicat Cgt Psa est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement mis à disposition le 7 juin 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont débouté [M] [I], le syndicat Cgt Psa et la société Psa Automobiles de toutes leurs demandes et ont condamné [M] [I] aux dépens.

Le 21 juillet 2021, [M] [I] et le syndicat Cgt Psa ont interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 20 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [M] [I] et le syndicat Cgt Psa demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de :

- Sur l'exécution du contrat de travail

à titre principal, juger que le salarié a fait l'objet de discrimination en raison de son handicap, en conséquence, condamner la société Psa Automobiles à verser à [M] [I] les sommes suivantes :

* 9 649 euros à titre de rappel de salaire,

* 964 euros au titre des congés payés afférents,

* 30 000 euros au titre des dommages et intérêts pour discrimination,

à titre subsidiaire, juger qu'il a fait l'objet d'une inégalité de traitement, en conséquence, condamner la société Psa Automobiles à lui verser les sommes suivantes :

* 3 687 euros à titre de rappel de salaire,

* 368 euros au titre des congés payés afférents,

* 30 000 euros au titre des dommages et intérêts pour inégalité de traitement,

- Sur les sanctions disciplinaires

annuler les mises à pied disciplinaires notifiées les 17 octobre 2017, 7 mars 2018 et 20 août 2018 et condamner la société Psa Automobiles à verser à [M] [I] les sommes suivantes :

* 184 euros à titre de rappel de salaire outre 18 euros au titre des congés payés afférents au titre de la mise à pied disciplinaire du 17 octobre 2017,

* 462 euros à titre de rappel de salaire outre 42 euros au titre des congés payés afférents au titre de la mise à pied disciplinaire du 7 mars 2018,

* 924 euros à titre de rappel de salaire outre 92 euros au titre des congés payés afférents au titre de la mise à pied disciplinaire du 20 août 2018,

- Sur le licenciement

à titre principal, juger que le licenciement est nul, en conséquence, à titre principal, ordonner la réintégration du salarié, condamner la société Psa Automobiles à verser à [M] [I] une indemnité égale au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et son retour dans l'entreprise, subsidiairement, condamner ladite société à lui verser la somme de 52 000 euros à titre d'indemnité de licenciement nul,

à titre subsidiaire, juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, à titre principal, juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, condamner en conséquence la société Psa Automobiles à lui verser la somme de 52 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement, condamner ladite société à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 42 200 euros,

- Sur les autres demandes

fixer la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 2 217,76 euros, condamner la société Psa Automobiles à verser à [M] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au syndicat Cgt Psa la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et condamner la société Psa Automobiles aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 11 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Psa Automobiles demande à la cour de débouter [M] [I] et le syndicat Cgt Psa de toutes leurs demandes, de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, statuant à nouveau, d'infirmer le jugement rendu sur ce dernier point, de condamner [M] [I] et le syndicat Cgt Psa in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la discrimination et l'atteinte au principe d'égalité de traitement

Le salarié fait valoir qu'il a été discriminé dans son évolution de carrière et sa rémunération en raison de son handicap et qu'il a été l'objet d'une inégalité de traitement. Il produit des rapports de l'inspection du travail, ses bulletins de salaire, des bulletins de paie de salariés auxquels il se compare. Il réclame des dommages et intérêts de ces chefs et un rappel de salaire consécutif.

La société conclut au débouté des demandes du salarié en faisant valoir l'absence d'éléments laissant supposer une discrimination et une inégalité de traitement de salaire et de carrière alors que le salarié a eu une évolution de carrière depuis son entrée en 1991 en ayant été promu et que ses entretiens d'évaluation montrent qu'il n'a jamais atteint ses objectifs.

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français'.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du même code : ' Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. / Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Au soutien de la discrimination en raison de son handicap, le salarié qui présentait une ancienneté de 27 années dans l'entreprise à sa sortie des effectifs produit :

- des décisions notifiant sa reconnaissance de travailleur handicapé des 20 février 1996, 23 novembre 2000, 25 août 2016 ;

- des rapports de l'inspecteur du travail des 20 juillet, 25 septembre et 15 novembre 2018 et 4 mars 2019 établis à la suite de sa demande de réalisation par l'employeur de panels de salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne.

Le premier panel de comparaison regroupe des salariés 'professionnels' du secteur ferrage ayant plus de vingt ans d'ancienneté, le second panel regroupe des salariés du secteur ferrage (opérateur polyvalent d'Uep + même famille professionnelle que [M] [I]) ayant plus de vingt-cinq ans d'ancienneté.

Dans son analyse du 15 novembre 2018, l'inspecteur du travail note que le salarié a été embauché le 6 mai 1991 dans la catégorie professionnelle au coefficient 165 et est sorti des effectifs en 2018 dans la catégorie professionnelle au coefficient 190 et que :

- s'agissant de la rémunération :

* s'agissant du panel 1, le salarié est classé 16ème sur 17 en terme de rémunération et 17ème sur 17 en terme de coefficient,

* s'agissant du panel 2, le salarié est classé 47ème sur 56 en terme de rémunération et 56ème sur 56 en terme de coefficient,

- s'agissant de l'évolution de carrière :

* s'agissant du panel 1, en terme de rémunération, le salarié était 7ème ex-aequo sur 17 à l'entrée et est 16ème sur 17 à la sortie et en terme de coefficient, il était 3ème sur 17 à l'entrée et est 17ème sur 17 à la sortie,

* s'agissant du panel 2, en terme de rémunération, le salarié était 4ème ex-aequo sur 56 à l'entrée et est 47ème sur 56 à la sortie et en terme de coefficient, il était 19ème sur 56 à l'entrée et est 56ème sur 56 à la sortie.

Le salarié a par ailleurs demandé dans le cadre de l'instance prud'homale la communication par l'employeur des bulletins de paie des mois de décembre des salariés figurant au moins une fois dans les panels sur la période comprise entre 1999 et 2018, que l'employeur produit aux débats. Il ressort de son analyse de ces éléments et de ses propres bulletins de salaire que jusqu'entre 2004, sa rémunération était relativement comparable à celle des autres salariés, l'écart entre son salaire et le salaire moyen du panel oscillant d'une dizaine d'euros mais qu'à partir de 2005, l'écart s'est creusé et a augmenté au fil des années.

Ainsi, la différence mensuelle de rémunération entre la moyenne des salaires des salariés du panel intégral était-elle de 14,02 euros en 2005 et a augmenté chaque année pour atteindre 115,33 euros en 2018 et la différence mensuelle de rémunération entre la moyenne des salaires des salariés engagés en 1991 était de 3,65 euros en 2005 et a augmenté chaque année pour atteindre 100,09 euros en 2018.

En outre, les salariés du panel ont bénéficié en moyenne d'une augmentation totale de 71,20 % alors que le salaire de [M] [I] n'a augmenté que de 63,42 % entre 1999 et 2018.

Le salarié présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination au regard de son salaire et de son évolution de carrière en raison de son handicap.

Contestant toute discrimination, la société critique les éléments présentés par le salarié en relevant que le dossier ne repose que sur les courriers de l'inspection du travail et fait valoir qu'elle mène une politique en faveur de l'intégration des salariés handicapés, qu'elle avait connaissance du handicap du salarié depuis son embauche en 1991, que jusqu'en 2017, le salarié n'a jamais fait l'objet de remontrances, qu'il a connu une évolution de carrière, étant entré en catégorie D correspondant aux opérateurs polyvalents d'unité élémentaire de production (Op d'Uep) jusqu'à atteindre en 2001 la catégorie H correspondant aux ouvriers professionnels de fabrication (Op).

Produisant :

- ses réponses datées des 3 août, 10 et 23 octobre 2018 et 7 janvier 2019 aux lettres de l'inspecteur du travail,

- les évaluations professionnelles du salarié entre 2008 et 2018, en précisant que le système d'archivage ne permet pas de remonter aux années antérieures à 2008,

- les listes des salariés des panels et les bulletins de paie des salariés figurant au moins une fois dans ces listes,

- les règles générales de promotion au sein de l'entreprise dont il ressort que pour prétendre à un coefficient, le niveau de compétence exercé doit être supérieur au coefficient actuel du salarié, le comportement du salarié doit être irréprochable au cours de l'année écoulée et le salarié doit avoir une ancienneté dans le coefficient de deux ans entre les coefficients 170 et 225 et de trois ans pour les coefficients supérieurs ou égaux à 220,

- une attestation de M. [X], gestionnaire de carrière,

la société explique les différences de traitement entre le salaire de [M] [I] et la moyenne des salaires des salariés des panels par le fait que le salarié n'a jamais atteint les objectifs attendus.

Il ressort effectivement des évaluations produites que sur l'ensemble de la période entre 2008 et 2018, il est noté que [M] [I], qui bénéficie du coefficient 190, n'atteint pas l'ensemble des 9 compétences du niveau correspondant au coefficient 190 lui permettant d'évoluer au coefficient 195. Ainsi, en 2008, celui-ci n'atteint pas 5 compétences sur 9 correspondant au niveau 190 ; en 2009 et 2010, 3 compétences ne sont pas atteintes ; en 2011 et 2012, 2 compétences ne sont pas atteintes ; en 2013, 2014 et 2015, 5 compétences ne sont pas atteintes ; en 2016, 2017 et 2018, 7 compétences ne sont pas atteintes.

En outre, la société produit :

- un tableau comparant l'évolution de salaire entre 2005 et 2018 de [M] [I] et de la moyenne de salaires de salariés se trouvant dans une situation similaire en termes de coefficient et d'évaluation de performance, dont il ressort que le salaire de [M] [I] se situe dans la moyenne des salaires ;

- un autre tableau opérant la même comparaison entre le salaire du salarié et la moyenne des salaires de salariés se trouvant dans une situation différente en ce qu'ils ont eu au cours de leur carrière de meilleures évaluations de performance en atteignant les objectifs fixés, dont il ressort que le salaire de [M] [I] se situe en-dessous de la moyenne des salaires.

L'employeur produit ainsi des éléments objectifs justifiant les différences d'évolution de salaire et de coefficient relevées par le salarié.

La discrimination en raison du handicap n'est pas établie.

Le salarié sera débouté de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'atteinte au principe d'égalité de traitement

Si, aux termes de l'article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En conséquence, il appartient au salarié de démontrer qu'il se trouve dans une situation identique ou similaire à celle des salariés auxquels il se compare et il incombe à la société de démontrer que la différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs et matériellement vérifiables.

Au soutien de ce moyen, le salarié présente les mêmes éléments que ceux présentés au soutien de la discrimination et l'employeur produit les mêmes éléments justificatifs.

Ce faisant, le salarié ne se compare précisément à aucun salarié exerçant des fonctions identiques ou comparables aux siennes, ce dont il s'ensuit qu'il ne présente pas d'élément de fait susceptible de caractériser une inégalité de traitement salarial. Il convient de le débouter de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts de ces chefs et de confirmer le jugement sur ces points.

Sur les sanctions disciplinaires

Le salarié conclut à l'annulation des trois mises à pied successivement notifiées en faisant valoir l'absence de passé disciplinaire, le caractère non fondé des sanctions et leur disproportion par rapport aux faits reprochés. Il sollicite des dommages et intérêts et des rappels de salaire.

La société conclut au caractère justifié des sanctions et au débouté des demandes du salarié.

Il ressort de l'article L. 1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à la mise en oeuvre du droit disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction, que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il ressort de l'article L. 1333-2 du code du travail que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Sur la sanction disciplinaire notifiée le 17 octobre 2017

Par lettre datée du 17 octobre 2017, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de deux jours pour ne pas avoir respecté son standard de poste le 20 juillet 2017 en ayant effectué un contrôle des caisses sans se lever de sa chaise, rendant de ce fait impossible les contrôles de la face arrière de manière satisfaisante et conformément à la gamme de travail du poste.

La société indique que le salarié n'a jamais fait l'objet de remontrance depuis son embauche en 1991 jusqu'au 17 octobre 2017.

Au regard des faits reprochés au salarié relatifs à une mauvaise exécution de ses tâches sans qu'il soit invoqué une mauvaise volonté délibérée ou une abstention volontaire et à l'absence de tout passé disciplinaire pour [M] [I] qui présentait alors une ancienneté très importante de 26 ans, la notification d'une mise à pied disciplinaire de deux jours revêt un caractère disproportionné par rapport au grief reproché.

La sanction sera annulée.

Il sera fait droit à la demande de rappel de salaire correspondant à la retenue de deux jours. La société sera condamnée au paiement des sommes de 184 euros à titre de rappel de salaire et de 18 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé sur ces chefs.

Sur la sanction disciplinaire notifiée le 7 mars 2018

Par lettre datée du 7 mars 2018, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de cinq jours pour ne pas avoir respecté son standard de poste le 15 janvier 2018 en ne détectant pas deux caisses présentant des défauts, engendrant un temps global de retouche de 40 minutes.

Au regard des faits reprochés au salarié relatifs à une mauvaise exécution de ses tâches sans qu'il soit invoqué une mauvaise volonté délibérée ou une abstention volontaire et à l'absence de passé disciplinaire du salarié présentant une ancienneté très importante, la précédente sanction étant annulée, la notification d'une mise à pied disciplinaire de cinq jours revêt un caractère disproportionné par rapport au grief reproché.

La sanction sera annulée.

Il sera fait droit à la demande de rappel de salaire correspondant à la retenue de cinq jours. La société sera condamnée au paiement des sommes de 462 euros à titre de rappel de salaire et de 42 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé sur ces chefs.

Sur la sanction disciplinaire notifiée le 20 avril 2018

Par lettre datée du 20 avril 2018, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de dix jours pour avoir dérogé aux règles de sécurité en vigueur le 30 mars 2018, ayant été vu par le responsable de groupe en train de descendre du convoyeur 103 bas sans sa casquette de sécurité et sans disposer des habilitations requises pour accéder à cet espace.

Le salarié explique qu'il était nécessairement habilité à accéder à cet espace sinon il ne pouvait tenir le poste dans son entier, dans la mesure où son poste était le PQG 103 se situant au niveau du convoyeur 103 bas et devant accéder à cette zone dans le cadre de ses contrôles.

Il ajoute qu'il a emprunté le convoyeur sur quelques mètres afin de rejoindre par un raccourci son vestiaire, ce qui lui évitait d'emprunter un escalier étant donné ses difficultés de déplacement. Ces difficultés de déplacement ne sont pas contestées par l'employeur.

Au regard des faits reprochés au salarié et à l'absence de passé disciplinaire du salarié présentant une ancienneté très importante, les précédentes sanctions étant annulées, la notification d'une mise à pied disciplinaire de dix jours revêt un caractère disproportionné par rapport aux griefs reprochés.

La sanction sera annulée.

Il sera fait droit à la demande de rappel de salaire correspondant à la retenue de dix jours. La société sera condamnée au paiement des sommes de 924 euros à titre de rappel de salaire et de 92 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera infirmé sur ces chefs.

Sur la validité et le bien-fondé du licenciement

[M] [I] a été licencié en ces termes :

'(...) Le mercredi 27 juin 2018, le matin, vous avez laissé passer un important défaut sur le véhicule n°JW084274. La fiche défaut n°812 émise par le secteur Ferrage suite à un signalement du secteur peinture indique dans la description du défaut : «support équilibre manquant de gouttière d'aile ARD A91». A ce stade, la retouche du défaut n'étant plus homologuée pour le pays de commercialisation de ce véhicule, à savoir le Japon, et les retouches à effectuer étant trop lourdes, nous n'avons eu d'autre choix que de le rebuter. Il est à noter pourtant que ce contrôle fait partie intégrante de votre gamme de travail sur le poste au PQG 103 et que cette nouvelle insubordination consistant à ne pas respecter les standards liés à votre poste a engendré un coût pour l'entreprise.

La sécurité et la qualité sont au c'ur de nos processus, force est de constater que votre comportement n'est pas acceptable car vous avez manqué à vos obligations contractuelles et notamment à l'article 15 du règlement intérieur en vigueur au sein de l'établissement de [Localité 4] qui indiquent que «sont interdits tous actes contraires aux lois et règlements en vigueur, aux bons rapports entre membres du personnel, à la sécurité des personnes et des biens, au bon déroulement du travail et, d'une manière générale, tous actes sans rapport avec l'exécution du travail».

Par ailleurs, nous vous rappelons que vous avez déjà fait l'objet des sanctions suivantes :

- 2 jours de mise à pied notifiés par courrier du 17 octobre 2017 ;

- 5 jours de mise à pied notifiés par courrier du 7 mars 2018 ;

- 10 jours de mise à pied notifiés par courrier du 20 avril 2018.

(...)'.

Le salarié conclut à la nullité du licenciement en invoquant son caractère discriminatoire car fondé en réalité sur son handicap et demande sa réintégration au poste de travail. A titre subsidiaire, il conclut au caractère infondé du licenciement en invoquant sa disproportion par rapport aux faits reprochés.

La société conclut au débouté des demandes du salarié en contestant toute discrimination et au caractère bien-fondé du licenciement au regard du passé disciplinaire du salarié.

Sur la validité du licenciement

Le salarié allègue un lien entre le licenciement et son état de santé.

Il indique que son poste de travail a évolué au cours de l'année 2017, qu'alors que le travail s'effectuait à deux salariés, il s'est retrouvé seul à assurer ces tâches mais que l'employeur n'a pas sollicité de visite auprès du médecin du travail pour apprécier son aptitude à occuper ce poste dans ces nouvelles conditions où la charge de travail, physique et mentale reposait désormais intégralement sur ses épaules et qu'il n'a bénéficié de cet examen médical que deux jours après l'entretien préalable au licenciement alors qu'il aurait dû bénéficier d'une visite médicale au plus tard le 30 mai 2018.

Cependant, il ressort des pièces produites aux débats que le salarié a fait l'objet d'un avis d'aptitude du médecin du travail le 8 mars 2017, comportant les restrictions suivantes : pas de travaux bras levé, pas de travaux avec risque de chute, avis médical avant mutation/changement de poste, pas d'efforts physiques importants.

L'employeur explique que le poste tenu jusqu'alors par deux salariés a désormais été tenu par le salarié seul tout en s'accompagnant d'une baisse de la cadence de contrôle des véhicules.

Il n'est pas discuté que le poste de travail était aménagé, le salarié disposant d'une chaise pour s'asseoir en cas de besoin.

Le fait reproché au salarié au soutien du licenciement n'a pas de relation avec son état de santé ou son handicap puisqu'il lui est reproché une mauvaise exécution de ses tâches, à savoir ne pas avoir détecté un défaut sur un véhicule qu'il devait contrôler, sans rapport avec son état de santé ou son handicap.

En l'absence de lien démontré entre l'état de santé du salarié et le licenciement, le moyen tiré de la nullité du licenciement n'est pas fondé.

Sur le bien-fondé du licenciement

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute.

La lettre de licenciement reproche au salarié un acte d'insubordination constitué par le non-respect des standards liés à son poste.

Cependant force est de constater l'absence de tout refus opposé par le salarié à l'exécution des standards liés au poste de travail en l'absence de tout élément se rapportant à un tel refus, ce dont il s'ensuit qu'aucune insubordination n'est établie.

Par ailleurs, il n'est pas plus démontré une mauvaise volonté délibérée ou une abstention volontaire du salarié dans l'exécution de ses tâches.

Le licenciement fondé sur un motif disciplinaire qui relève en réalité d'une insuffisance professionnelle ne repose par conséquent pas sur une cause réelle et sérieuse.

Le salarié a par conséquent droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur au moment du licenciement qui, eu égard à son ancienneté, est comprise entre trois et dix-neuf mois de salaire brut, étant précisé que ces dispositions ne sont pas contraires à l'article 10 de la convention n° 158 de l'organisation internationale du travail et que les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne ne peuvent être invoquées par l'appelant faute d'effet direct.

Eu égard à son âge au moment du licenciement (54 ans), à sa rémunération moyenne mensuelle brute de 2 217,76 euros, aux circonstances du licenciement et au fait qu'il expose avoir été contraint de vendre sa maison compte tenu de la précarité dans laquelle il se trouve (production de l'attestation notariée de vente de sa maison), il sera alloué au salarié à la charge de l'employeur une somme de 42 137,44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande formée par le syndicat Cgt Psa

Le syndicat forme une demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-3 du code du travail.

Eu égard à la solution du litige, aucune atteinte à l'intérêt collectif de la profession n'est établie.

Il convient de débouter le syndicat de sa demande de ce chef et de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal

Il y a lieu de rappeler que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances de nature indemnitaire à compter du présent arrêt.

Sur la demande de fixation de la moyenne des salaires

Cette demande sera rejetée comme étant sans objet dès lors qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire devant la cour et que l'article R. 1454-28 du code du travail imposant au juge de fixer la moyenne des salaires n'est donc pas applicable.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Psa Automobiles aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à [M] [I] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer au salarié la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté [M] [I] de ses demandes d'annulation des sanctions disciplinaires, de rappels de salaire et congés payés afférents à l'annulation des sanctions, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

ANNULE les sanctions disciplinaires notifiées les 17 octobre 2017, 7 mars 2018 et 20 août 2018,

DIT que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Psa Automobiles à verser à [M] [I] les sommes suivantes :

* 184 euros de rappel de salaire et 18 euros d'indemnité compensatrice de congés payés incidents, au titre de la mise à pied disciplinaire du 17 octobre 2017,

* 462 euros de rappel de salaire et 42 euros d'indemnité compensatrice de congés payés incidents, au titre de la mise à pied disciplinaire du 7 mars 2018,

* 924 euros de rappel de salaire et 92 euros d'indemnité compensatrice de congés payés incidents, au titre de la mise à pied disciplinaire du 20 août 2018,

* 42 137,44 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les créances de nature salariale portent intérêts légaux à compter de la date de réception par la société Psa Automobiles de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Poissy et les créances de nature indemnitaire à compter du présent arrêt,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la société Psa Automobiles aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à [M] [I] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE la société Psa Automobiles aux entiers dépens,

CONDAMNE la société Psa Automobiles à payer à [M] [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02378
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;21.02378 ?
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