COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 AVRIL 2023
N° RG 21/01287
N° Portalis DBV3-V-B7F-UPG5
AFFAIRE :
Société L'ANNEAU
C/
[M] [B]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er avril 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
Section : AD
N° RG : F19/00180
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Pearl GOURDON
Me Olivier BICHET
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société L'ANNEAU
N° SIRET : 445 201 247
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Pearl GOURDON, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0309
APPELANTE
****************
Monsieur [M] [B]
né le 2 novembre 1970 à [Localité 6] (Mali)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Olivier BICHET de la SELEURL BICHET AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: B403
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [B] a été engagé en qualité d'agent de sécurité par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, à compter du 13 juin 2016, par la société L'Anneau.
Cette société est spécialisée dans la surveillance, le gardiennage et la sécurité. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Par lettre du 12 juillet 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 26 juillet 2018.
Il a été licencié par lettre du 6 août 2018 pour faute grave dans les termes suivants :
« Objet : Notification de licenciement pour faute grave
Monsieur,
Dans le cadre d'une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, engagée à votre encontre, vous avez été convoqué en entretien préalable le 12 juillet 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception, puis le 26 juillet 2018.
Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.
Nous vous avions convoqué pour les faits suivants :
Le 27 juin 2018, vous étiez planifié sur le site Le Centorial pour effectuer une vacation de 07h00 à 19h00. Lors de cette vacation, avant de s'absenter du PCS, votre chef de site vous a donné le nom d'une personne extérieure qui devait se présenter à l'entrée du parking afin d'obtenir une place de parking.
A son retour, celui-ci a aperçu l'arrière d'un véhicule qui rentrait dans le parking et lorsqu'il vous a demandé s'il s'agissait du visiteur, bien que vous ayez connaissance du nom de la personne, vous lui avez répondu : « Je crois que c'est lui ». Après vérification, il ne s'agissait pas de la bonne personne.
Le 30 juin 2018, votre chef de site vous a appelé afin d'avoir un retour sur la coupure d'eau qui impactait les serveurs informatiques de tous les locataires ainsi que des banques dont nous avons un contrat de surveillance pour intrusion et alarmes technique. Lorsque vous avez reçu l'appel, vous avez utilisé un langage inadapté et non professionnel en répondant: « Ouais », au lieu des formules de politesse de salutation standard.
Par ailleurs lors de cette même vacation, vous avez reçu au PC Sécurité une personne extérieure du site sans en avoir avisé le chef de site ni même le client. Lorsque le client est venu vous demander qui était cette personne, vous lui avez fait part de vos problèmes personnels en rapport avec la société, ce qu'il ne lui incombait pas dans la mesure où le client ne peut faire d'ingérence dans la relation entre un salarié et son employeur.
Mais encore, vous avez eu un retard important le 09 juillet 2018. Vous vous êtes présenté à 21h23 au lieu de 20h00, soit une heure et vingt-trois minutes de retard.
Vous comprendrez que nous ne pouvons tolérer un tel comportement de la part d'un de nos collaborateurs.
De plus, le 11 juillet 2018, lors de votre vacation, votre chef de site vous a surpris en train de dormir devant les installations du PC Sécurité.
Lorsque celui-ci vous a réveillé et vous a rappelé vos missions, vous lui avez répondu « j'ai des petits maux de tête », sans même le regarder et en étant dos tourné à votre chef de site.
En effet, votre attitude constitue non seulement un acte d'insubordination mais également une inexécution de vos obligations contractuelles.
Vos manquements à vos obligations contractuelles réitérés, démontrent un manque total de professionnalisme, d'implication et d'intégrité dans l'exercice de vos fonctions. Vos agissements sont préjudiciables à l'image de marque et au sérieux de notre Entreprise et ont dégradé la relation de confiance avec notre client.
Par conséquent, après réflexion et compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, privatif des indemnités de préavis et de licenciement.
Vous cesserez de faire partie des effectifs de notre Société à la date d'envoi de la présente. »
Le 18 mars 2019, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et un rappel de majoration de nuit, ainsi que diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 1er avril 2021, le conseil de prud'hommes de Montmorency (section activités diverses) a :
- condamné la société L'Anneau à verser à M. [B] les sommes suivantes :
. 5 404,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 603,20 euros à titre d'indemnité de préavis,
. 360,32 euros à titre de congés payés afférents au préavis,
. 900,80 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 18,58 euros à titre de majoration de nuit,
. 1,85 euros à titre de congés payés sur majoration de nuit,
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par le défendeur de la convocation en bureau de conciliation pour les créances salariales et en ce qui concerne les créances indemnitaires, à compter de la date de mise à disposition du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire sur l'ensemble du jugement,
- débouté M. [B] du surplus de ses demandes,
- laissé les éventuels dépens à la charge de la société L'Anneau.
Par déclaration adressée au greffe le 30 avril 2021, la société L'Anneau a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société L'Anneau demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 1er avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [B] les sommes suivantes :
. 5 404,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 603,20 euros à titre d'indemnité de préavis,
. 360,32 euros à titre de congés payés afférents au préavis,
. 900,80 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 18,58 euros à titre de majoration de nuit,
. 1,85 euros à titre de congés payés sur majoration de nuit,
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
statuant à nouveau,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [B] est bien fondé ;
En conséquence ;
- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formées à son encontre,
- condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [B] aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [B] demande à la cour de :
- rejeter les demandes de l'appelante et de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency, section activités diverses du 1er avril 2021 RG F19/00180 en ce qu'elle a dit le licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse et condamné la société à lui verser :
. 5 404,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 3 603,20 euros à titre d'indemnité de préavis,
. 360,32 euros au titre des congés payés y afférents,
. 900,80 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 18,58 euros à titre de rappel de salaire au titre des majorations de nuit,
. 1,85 euros au titre des congés payés y afférents,
. 1 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,
. assorti les condamnations de l'intérêt au taux légal,
à titre d'appel incident,
- infirmer partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency du 1er avril 2021 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives au rappel d'heures supplémentaires et congés payés y afférents,
- condamner par conséquent la société L'Anneau à lui verser :
. 687,33 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,
. 68,73 euros au titre des congés payés y afférents,
- condamner en outre la société L'Anneau à lui verser :
. 2 000 euros au titre de l'Article 700 code de procédure civile pour la cour d'appel,
. dépens.
MOTIFS
Sur le rappel de salaire afférent au mois d'avril 2018
L'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile prescrit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, dans les motifs de ses conclusions (point 4), le salarié revendique un rappel de salaire de 34,52 euros outre 3,45 euros au titre des congés payés afférents.
Cette prétention ne figure pas dans le dispositif de ses écritures. La cour n'en est donc pas davantage saisie que les premiers juges devant lesquels cette demande n'a pas été formée.
Sur les heures supplémentaires
Le salarié présente deux moyens. L'un relatif à l'assiette de calcul de ses heures supplémentaires et l'autre relatif au quantum des heures qu'il affirme avoir réalisées entre septembre 2016 et août 2018. S'agissant du premier moyen, le salarié expose qu'il a été engagé en qualité d'ADS-SSIAP 1 ; que sur ses bulletins de paie, il bénéficie d'un coefficient 130 et est situé au niveau 3 échelon 1 ; que ses plannings montrent pourtant qu'il occupait exclusivement des fonctions de SSIAP1 à compter du mois de septembre 2016, ce qui correspond à un coefficient 140 soit un revenu de 1 524,15 euros au lieu de 1 479,74 euros. S'agissant du second moyen, le salarié présente des tableaux et des plannings qu'il estime suffisants pour étayer sa demande.
En réplique, l'employeur objecte, au visa de l'article L. 1471-1 du code du travail, que la demande du salarié est prescrite en ce qui concerne la période antérieure au 18 mars 2017. Au fond, il soutient que le salarié a, dans les faits, été rémunéré au salaire minimum conventionnel afférent au coefficient 140 et que ses heures supplémentaires lui ont été intégralement rétribuées.
***
Sur la prescription
A tort, l'employeur invoque l'application de l'article L. 1471-1 du code du travail relatif à toute action portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail qui se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
La demande du salarié est en réalité une demande de rappel de salaire régie par l'article L. 3245-1 du code du travail soumise à la prescription triennale.
En l'espèce, le salarié a saisi la juridiction prud'homale par requête du 18 mars 2019 ce qui lui permet de revendiquer un rappel de salaire pour la période du 18 mars 2016 au 18 mars 2019. Sa demande de rappel de salaire, couvrant la période comprise entre les mois de septembre 2016 et d'août 2018, n'est donc pas prescrite.
La fin de non-recevoir soulevée par l'employeur tirée de la prescription sera donc rejetée.
Sur le fond
Sur l'assiette de la rémunération du salarié servant de base au calcul des heures supplémentaires
La qualification d'un salarié s'apprécie au regard des fonctions qu'il exerce réellement au sein de l'entreprise, au regard de la définition des emplois donnée par la convention collective, et non par référence à l'intitulé de ses fonctions. Elle peut aussi résulter du contrat de travail.
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie, de démontrer qu'il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
En l'espèce, le salarié a été engagé en qualité d'agent de sécurité SSIAP 1 (coefficient 130) ainsi qu'il résulte de son contrat de travail, ce qui lui offrait, pour 151,67 heures mensuelles de travail, une rémunération de 1 479,74 euros.
Ses bulletins de paie montrent qu'il était rémunéré sur la base du coefficient 130 entre septembre 2016 et août 2018 même si, comme le fait observer l'employeur, il bénéficiait d'une rémunération supplémentaire dite « Heures SSIAP1 » , soit sur la totalité, soit sur une partie des heures totales qu'il réalisait. Par exemple, au titre de sa rémunération de janvier 2018, le bulletin de paye correspondant le rétribue pour 151,67 heures au taux horaire de 9,903 correspondant au coefficient 130 et pour 120 heures au titre des « Heures SSIAP 1 » avec un taux horaire majoré de 0,29 euros.
Or, les plannings que le salarié verse aux débats établissent qu'il était planifié en qualité de SSIAP1, dont l'employeur ne conteste pas qu'il s'agit d'une qualification différente de celle d'ADS SSIAP1 du salarié.
Par conséquent, pour la détermination des heures supplémentaires éventuellement dues au salarié - mais également pour la détermination de sa référence salariale - il conviendra de retenir que le salarié bénéficiait du coefficient 140 qu'il revendique.
Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'« en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l'employeur de justifier des horaires de travail effectués par l'intéressé.
Il revient ainsi au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre l'instauration d'un débat contradictoire et à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, le salarié produit, outre ses bulletins de paie, ses plannings de septembre 2016 à août 2018, étant précisé que ces plannings détaillent, jour après jour, les plages horaires sur lesquelles le salarié était planifié. Dans ses conclusions, le salarié présente des tableaux synthétisant les heures supplémentaires réalisées mensuellement, celles payées et, par différence, celles qui restent dues.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répliquer utilement en produisant ses propres éléments. A cet égard, l'employeur n'apporte aux débats aucun autre élément que ceux présentés par le salarié.
Il ressort des pièces du salarié que, comme il le prétend, il a réalisé des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées. En effet et à titre d'exemple, pour le mois de septembre 2016, le salarié présente ainsi sa demande (p. 9 de ses écritures) :
HS réalisées
HS 125 %
Sous-total
HS 150 %
Sous-total
HS réglées
Solde dû
Septembre 2016
26
16
200,96 euros
10
150,71 euros
199,15 euros
152,51 euros
Or, en conformité avec la demande, la cour relève :
. que selon le planning du mois de septembre 2016, le salarié a effectué 48 heures de travail de jour lors de la semaine du lundi 5 au dimanche 11 (soit 13 heures au-delà de 35 heures hebdomadaires) puis 48 heures de travail de jour lors de la semaine du lundi 19 au dimanche 25 (soit 13 heures au-delà de 35 heures hebdomadaires) ; qu'ainsi, le salarié est bien fondé, dans l'exemple choisi, à revendiquer 26 heures supplémentaires, dont 16 majorées à 25 % et 10 majorées à 50 % ;
. que selon son bulletin de paie du mois de septembre 2016, le salarié a été rémunéré pour 16,33 heures supplémentaires majorées à 25 % pour un total de 199,15 euros ;
. que dès lors qu'il a été jugé que le salarié devait être rétribué sur la base du coefficient 140, son taux horaire était ' pour septembre 2016 ' de 10,046 euros (9,756+0,29) de sorte qu'au titre des 16 heures supplémentaires majorées à 25 %, le salarié aurait pu prétendre à une rémunération de 200,92 euros (16x(10,046+25%)) et qu' au titre des 10 heures supplémentaires majorées à 50 %, il aurait pu prétendre à une rémunération de 150,69 euros (10x(10,046+50%)) ;
. que, par différence, il reste dû au salarié la somme de 152,46 euros (soit 150,69+200,92-199,15).
La différence minime entre l'évaluation faite par la cour (rappel de 152,46 euros pour septembre 2016) et celle faite par le salarié (152,51 euros pour le même mois) tient uniquement à l'arrondi effectué par ce dernier, lequel a retenu un taux horaire de 10,05 euros là où la cour l'a évalué à 10,046 euros.
La méthode d'évaluation du salarié est donc correcte et sera adoptée par la cour.
Dès lors, il conviendra d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de faire droit à la demande du salarié, de telle sorte que l'employeur sera condamné à lui payer la somme de 687,33 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 68,73 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le rappel de salaire au titre des majorations de nuit
L'employeur reproche aux premiers juges de l'avoir condamné à payer un rappel de salaire au titre des majorations de nuit affirmant que les bulletins de paie du salarié montrent qu'il a bien été rémunéré pour les heures de nuit, et rappelant qu'elle versait les rémunérations à ses salariés le mois suivant la période travaillée suivant la méthode dite du « décalage de paie ».
Le salarié conclut pour sa part à la confirmation du jugement, se fondant en cela - en droit - sur l'article L. 3122-2 du code du travail ainsi que sur la convention collective et - en fait - sur ses plannings des mois d'avril 2018 à août 2018, comparés à ses bulletins de paye.
***
L'article L. 3122-2 du code du travail dispose que tout travail effectué au cours d'une période d'au moins neuf heures consécutives comprenant l'intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit. La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures.
Il ressort de l'article 1er de l'avenant du 25 septembre 2001 relatif au travail de nuit que les heures de travail comprises entre 21 heures et 6 heures font l'objet d'une majoration de 10 % du taux horaire minimum conventionnel.
En l'espèce, la comparaison entre les heures de nuit rémunérées par l'employeur (cf. bulletins de paye du salarié) et celles qui lui étaient dues telles qu'elles apparaissent dans les plannings du salarié montrent - pour les mois d'avril 2018 à août 2018 - que l'employeur reste devoir au salarié la somme qu'il réclame.
Par ailleurs, dès lors que le salarié présente un calcul global sur plusieurs mois, il tient compte du décalage de paie invoqué par l'employeur.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 18,58 euros à titre de rappel de salaire au titre des majorations de nuit, outre 1,85 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la rupture
L'employeur reproche aux premiers juges d'avoir dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse alors, selon lui, qu'il rapporte la preuve des griefs qu'il lui impute, lesquels griefs rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.
Au contraire, le salarié conteste les griefs et affirme que l'employeur n'en démontre pas la matérialité.
***
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Le licenciement pour faute grave implique néanmoins une réaction immédiate de l'employeur, la procédure de licenciement devant être engagée dans des délais restreints et le licenciement devant intervenir rapidement.
En cas de faute grave, il appartient à l'employeur d'établir les griefs qu'il reproche à son salarié.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
En l'espèce, le salarié a été licencié pour faute grave pour plusieurs motifs qu'il convient d'étudier.
Sur l'incident du 27 juin 2018 : il est reproché au salarié d'avoir laissé passer un visiteur du site « Le Centorial » sans vérifier son identité. Ce fait est établi par l'attestation de M. [J], chef du service de sécurité incendie.
Sur les incidents du 30 juin 2018 : il est reproché au salarié d'avoir répondu « ouais » à son chef de site lorsque ce dernier l'appelait au téléphone au sujet d'une fuite d'eau. Il lui est aussi reproché d'avoir introduit dans les locaux du site « Le Centorial » un prénommé « [C] », ce qui avait déplu au client.
Ces faits ressortent du formulaire de demande de sanction qui, rédigé spontanément par le chef de site, en établit la matérialité.
Toutefois, s'agissant du deuxième fait (présence de « [C] »), le salarié produit l'attestation de l'intéressé, en l'occurrence M. [C] [L], qui n'est pas étranger au personnel de la société puisqu'il y exerce ses fonctions en qualité de SSIAP1, et surtout, de représentant de section syndicale qui s'est rendu le 30 juin 2018, sur le site « Le Centorial », pendant une heure de délégation, pour y rencontrer le salarié comme l'y autorise sa mission syndicale.
Aussi, ce fait, bien que matériellement établi, ne constitue toutefois pas une faute du salarié, quand bien même le client s'en était plaint auprès de la société par courriel du 4 juillet 2018.
Sur l'incident du 9 juillet 2018 : il est reproché au salarié un retard d'une heure et vingt-trois minutes. Toutefois, ainsi que le démontre le salarié, il ressort de son planning du mois de juillet 2018 qu'il n'était pas planifié le 9 juillet 2018. En outre, si effectivement, le salarié a finalement été amené à travailler ce jour là, ce dernier expose qu'il a été planifié « à la dernière minute » et la société ne précise pas quand son planning a été modifié ni quand le salarié a été avisé de cette modification. Le grief n'est par conséquent pas établi.
Sur l'incident du 11 juillet 2018 : il est reproché au salarié d'avoir dormi devant les installations du PC sécurité. Pour l'établir, la société produit la demande de sanction de M. [Y] à laquelle est jointe une photographie prise dans le PC sécurité. Si, comme le soutient à juste titre le salarié, cette photographie ne permet pas d'accréditer le fait reproché, il demeure que la demande de sanction, rédigée spontanément par le chef de site, est suffisamment précise et circonstanciée pour lui conférer force probante. Il en ressort que (sic) : « après avoir quitté la galerie 66, je me suis dirigé au Centorial pour mettre au point certains dossiers. Pendant que je travaillais avec M. [J] sur des dossiers, M. [J] et moi-même avons constaté que M. [B] était en train de dormir devant les installations du PC sécurité (voir photo). Je m'approchais et le réveilla. Je lui ai rappelé ses devoirs, et la raison qu'il avança, je cite : « j'ai des petits maux de tête » fin de citation. Lorsqu'il m'a répondu, il n'a même pas osé me regarder, dos tourné, dans la position de la photo. Son attitude voulait tout dire : irrespectueux, arrogant et « m'en foutiste ». Son attitude, son comportement, ses retards répétitifs ('), son incompétence professionnelle, font que le client NE VEUT PLUS LE VOIR SUR SON SITE ». Cette dernière remarque, rédigée par le chef de site en lettres capitales d'imprimerie, est d'ailleurs corroborée par un courriel que le client avait adressé à la société et dont il ressortait : « Suite aux nombreux problèmes avec Monsieur [B], nous vous rappelons que nous n'en voulons plus sur le site ».
Le salarié, qui conteste avoir dormi, expose néanmoins que « il est à rappeler que la société avait fait travailler M. [B] à une vacation planifiée en dernière minute le 9 juillet durant la nuit et que M. [B] avait en outre enchaîné avec ses vacations de 12h-20h00 le 10 juillet puis la nuit le lendemain ». Or, la société ne le conteste pas de sorte qu'il convient de retenir que le salarié a travaillé :
. à partir de 21h23 (compte tenu de son retard d'1h23) durant la nuit du 9 au 10 juillet 2018, avec cette précision que les plannings montrent que les vacations de nuit s'achevaient à 7h00,
. puis de 12h00 à 20h00 le 10 juillet 2018 comme le montre son planning (pièce 6S),
. puis de 20h00 à 7h00 entre le 11 et le 12 juillet.
Dès lors, la faute qui consiste dans le fait pour le salarié d'avoir dormi le 11 juillet 2018 devant les installations du PC sécurité s'explique par cet emploi du temps, dont la mauvaise conception, ne respectant pas le droit au repos du salarié, ne relève que de la responsabilité de l'employeur.
Par ailleurs, le fait que le salarié ne se soit pas retourné pour expliquer les raisons de son sommeil ne caractérise pas l'« acte d'insubordination » qui lui est reproché dans la lettre de licenciement.
En définitive, ne peuvent être retenus comme fautifs que le fait, pour le salarié, d'avoir laissé passer un visiteur sans vérifier son identité le 27 juin 2018 et le fait d'avoir répondu « ouais » au téléphone à son chef de site le 30 juin 2018.
Ces faits ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et ne justifiaient pas non plus la sanction ultime que constitue le licenciement, s'agissant d'un salarié qui n'avait auparavant pas fait l'objet de sanctions disciplinaires.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié.
Il convient également de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié ses indemnités de rupture (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents) dont les montants ne sont pas critiqués par les parties.
Le salarié peut aussi prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 27 septembre 2017, prévoyant qu'un salarié justifiant, comme M. [B], de deux années complètes dans l'entreprise peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.
Compte tenu de ce que le salarié percevait une rémunération moyenne de 1 801,60 euros bruts, de son ancienneté, de son âge lors du licenciement (48 ans), le conseil de prud'hommes a fait une exacte appréciation du préjudice résultant pour le salarié de la perte injustifiée de son emploi en l'évaluant à la somme de 5 404,80 euros, représentant trois mois de salaire brut.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les intérêts
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la réception par le défendeur de la convocation en bureau de conciliation pour les créances salariales et en ce qui concerne les créances indemnitaires, à compter de la date de mise à disposition du jugement.
La condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de salaire et des congés payés afférents sera assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.
Il conviendra de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer au salarié une indemnité de 1 000 euros au titre des frais exposés en première instance et de condamner l'employeur à lui payer en outre une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
INFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société L'Anneau à payer à M. [B] les sommes suivantes :
. 687,33 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires,
. 68,73 euros au titre des congés payés afférents,
. avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société L'Anneau, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Montmorency,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société L'Anneau à payer à M. [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel,
CONDAMNE la société L'Anneau aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente