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19/04/2023 | FRANCE | N°21/01265

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 19 avril 2023, 21/01265


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 AVRIL 2023



N° RG 21/01265

N° Portalis DBV3-V-B7F-UPA6



AFFAIRE :



[X] [W]



C/



Société FRAMATOME









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 18/00178



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Xavier BERJOT



Me Marc BORTEN







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suiv...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 21/01265

N° Portalis DBV3-V-B7F-UPA6

AFFAIRE :

[X] [W]

C/

Société FRAMATOME

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 18/00178

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Xavier BERJOT

Me Marc BORTEN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [W]

né le 30 juillet 1981 à [Localité 4]

de nationalité française

Ayant élu domicile au Cabinet Sancy

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Xavier BERJOT de la SARL SANCY, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J063, substitué à l'audience par Me Alexia TOUCHARD, avocat au barreau de Paris

APPELANT

****************

Société FRAMATOME

N° SIRET : 379 041 395

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Marc BORTEN de l'ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIES, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: R271

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [W] a été engagé sur un emploi d'ingénieur, en qualité de Taishan Deputy Project Control Manager pour la Chine, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 26 avril 2012, avec reprise d'ancienneté au 1er juillet 2004, par la société Areva NP, devenue la société Framatome. Le lieu de sa première affectation a été fixée à [Localité 3].

Cette société est spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente de produits et de services dans les domaines de l'énergie et de l'industrie nucléaire. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972, étendue par arrêté du 27 avril 1973.

Par avenant du 23 juillet 2012, le salarié a été détaché en Chine pour une mission de longue durée d'une durée prévisionnelle de deux années.

Au terme de ce détachement qui a pris fin en septembre 2014, le salarié a sollicité un congé sabbatique jusqu'au 31 octobre 2015.

Par lettre du 19 janvier 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 28 janvier 2016.

Il a été licencié par lettre du 1er février 2016 pour faute grave dans les termes suivants:

« Depuis le 02 novembre 2015, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail sans justification de votre part. Malgré notre courrier recommandé du 30 novembre 2015 et notre mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 22 décembre 2015, vous n'avez pas repris le travail ni justifié vos absences (') Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée du préavis. Par conséquent, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, lequel prend donc effet à la date de première présentation du présent courrier ».

Le 29 janvier 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 12 février 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [W] est fondé sur une faute grave,

en conséquence,

- débouté M. [W] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- débouté M. [W] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,

- débouté M. [W] de sa demande d'indemnité de congés payés afférents,

- débouté M. [W] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [W] de sa demande de remise d'une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte,

- débouté M. [W] de sa demande de remise de bulletins de paye conformes sous astreinte,

- débouté M. [W] de sa demande de remise d'un certificat de travail conforme sous astreinte,

- débouté M. [W] et la société Framatome de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire de la présente décision,

- débouté M. [W] du surplus de ses demandes.

Par déclaration adressée au greffe le 28 avril 2021, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 12 février 2021 (RG n° F 18/00178) en ce qu'il a :

. dit et jugé que le licenciement de M. [W] est fondé sur une faute grave,

. débouté M. [W] de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. débouté M. [W] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis,

. débouté M. [W] de sa demande d'indemnités de congés payés afférents,

. débouté M. [W] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. débouté M. [W] de sa demande de remise d'une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte,

. débouté M. [W] de sa demande de remise de bulletins de paye conformes sous astreinte,

. débouté M. [W] de sa demande de remise d'un certificat de travail conforme sous astreinte,

. débouté M. [W] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau,

- fixer la moyenne des salaires à 7 580 euros bruts,

- condamner la société Framatome à lui payer les sommes suivantes :

. 52 681 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 22 740 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 274 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 75 800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Framatome à la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard d'une attestation Pôle emploi conforme, d'un certificat de travail conforme et de bulletins de salaire conformes,

- assortir les condamnations de l'arrêt des intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les éléments de salaire et l'indemnité de licenciement et du prononcé de l'arrêt pour les éléments indemnitaires,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Framatome aux entiers dépens, comprenant les frais d'exécution de l'arrêt,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 12 février 2021 (RG n° F 18/00178) en ce qu'il a :

. débouté la société Framatome de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Framatome de l'ensemble de ses demandes.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Framatome demande à la cour de:

- déclarer M. [W] irrecevable et en tout cas mal fondé en ses demandes,

en conséquence,

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner M. [W] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la rupture

Le salarié fait valoir qu'aucune réponse relative à sa demande de prise de congés payés ni aucun éclaircissement au sujet du poste proposé n'ont été apportés par l'employeur, qui l'a convoqué à un entretien préalable. Il affirme que son absence s'explique par le fait que le poste de reclassement proposé à l'issue de son congé sabbatique, dans le contexte de restructuration de la société, n'était pas conforme aux exigences légales ou conventionnelles. Il explique que l'employeur a adressé toutes ses lettres en France alors qu'il savait que le salarié résidait encore en Chine.

L'employeur objecte que l'abandon de poste est caractérisé et que le sérieux du motif du licenciement excluait que le salarié puisse être maintenu dans les effectifs, y compris pendant la durée du préavis, ayant été absent du 1er novembre 2015 au 19 janvier 2016 sans aucun justificatif alors qu'il a été invité à régulariser sa situation à plusieurs reprises.

**

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En cas de faute grave, il appartient à l'employeur d'établir les griefs qu'il reproche à son salarié.

Il appartient au juge, le cas échéant, de donner sa véritable qualification au licenciement (Soc., 22 février 2005, pourvoi n° 03-41.474, Bull. 2005, V, n° 58). Il incombe au juge saisi d'un litige relatif à l'appréciation de la cause réelle et sérieuse d'un licenciement de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre, la véritable cause du licenciement, notamment lorsque le salarié soutient devant le juge que les motifs véritables de son licenciement ne sont pas ceux énoncés dans la lettre de rupture (Soc., 10 avril 1996, pourvoi n° 93-41.755, Bull V n° 149), tel que lorsque le salarié soutient que le véritable motif est de nature économique (Soc., 26 mai 1998, pourvoi n°96-41.062, Bull. 1998, V, n° 276).

Aux termes de l'article L.3142-31 du code du travail, à l'issue du congé, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente et bénéficie de l'entretien professionnel mentionné au I de l'article L.6315-1.

L'employeur a l'obligation de réintégrer le salarié en priorité à son poste initial et, dans le cas où cela est impossible, dans un emploi similaire ( Soc., 8 juin 1994, n° 90-45.744). L'emploi initial n'étant alors plus disponible au retour du salarié, l'employeur peut lui proposer un emploi similaire (Soc.,3 juin 2015, n° 14-12.245), ce qui qui implique qu'il n'y ait pas de modification du contrat de travail (Soc., 26 février 1997, n° 94-41.071). En cas de litige, c'est à l'employeur de démontrer le caractère similaire du poste (Soc., 9 avril 2008, n° 06-45.898).

Au cas présent, la lettre de licenciement invoque l'abandon de poste du salarié à l'issue du congé sabbatique.

Pour ce faire, l'employeur produit de nombreux échangesélectroniques :

- par courriel du 1er novembre 2015, adressé à Mme [P] de la société Areva, le salarié lui a fait part de la fin de son détachement et lui a demandé d'effectuer un 'point de situation' et de 'régulariser son solde de congés'.

- par courriel du 9 novembre 2015, le salarié a demandé à M. [D] d'effectuer ce point de situation et a précisé se tenir à sa disposition pour un appel téléphonique en rappelant l'existence de sept heures de décalage horaire entre la France et la Chine.

- par courriel du 20 novembre 2015, M. [D] a rappelé qu'ils ont eu l'occasion d'échanger avec le salarié par téléphone le 10 novembre et il a confirmé qu'un poste de 'Cost Control' était disponible au sein de l'activité des grands projets, en proposant à M. [W] d'une part un nouveau point téléphonique le 23 novembre et, d'autre part, de lui donner davantage de détails sur le poste.

Toutefois, le salarié a informé par courriel du ' M. [D] de ce qu'il devait reporter cet entretien téléphonique.

- M. [D] par courriel du 24 novembre 2015 a indiqué au salarié qu'il a tenté de le joindre sans succès et l'a invité à le rappeler dès que possible.

C'est ainsi que par mise en demeure du 1er décembre 2015 adressée à [Localité 6], l'employeur a constaté que le salarié ne s'est pas présenté dans l'entreprise et n'a pas justifié de son absence en lui demandant de le contacter le plus rapidement possible.

Le salarié, toujours en Chine, n'a pas reçu cette lettre.

- par courriel du 3 décembre 2015, le salarié a indiqué à M. [D] ne pas avoir reçu la fiche de poste et luia demandé quelle personne contacter au service du personnel, Mme [P] n'étant plus en charge des congés sabbatiques, pour former une demande de congés payés pour la période en cours, pour régulariser son solde de congé, ce qui n'avait pas encore été fait 'malgré les nombreux échanges à ce sujet'.

- par courriel du 7 décembre 2015, M. [D] a répliqué que la société n'avait toujours pas eu de retour du salarié sur sa reprise d'activité et lui a rappelé qu'il ddevait contacter M. [J] successeur de Mme [P], pour tout complément d'information sur le poste proposé, un descriptif du poste Cost Control lui étant communiqué en pièce jointe. M. [D] a demandé également au salarié de reprendre contact rapidement pour régulariser sa situation.

- M. [J] a adressé ses coordonnées au salarié lequel lui a répondu par courriel du 14 décembre 2015 qu'il le rappellait dans la journée, ce qui n'a pas été possible, M. [J] n'étant pas disponible au même créneau horaire que celui du salarié.

- le 16 décembre 2015, le salarié a présenté ses excuses à M. [J] en lui précisant qu'il n'avait pas pu le joindre le 15 décembre 2015 et lui a proposé un entretien dans la journée, M. [J] répondant qu'il le rappellerait à 12h30 après sa réunion.

Par lettre du 22 décembre 2015 adressée à [Localité 6], l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable fixé le 4 janvier 2015 et par courriel du 15 janvier 2016, M. [D] a indiqué au salarié ' qu'après plusieurs mois d'échanges, il est indispensable que vous régularisiez votre situation', et ce après avoir tenté de joindre le salarié les jours précédents en dépit de plusieurs créneaux horaires organisés pour ce faire, le salarié indiquant qu'il n'avait pas pu se libérer ou qu'il allait rappeler.

- par courriel du 18 janvier 2016, M. [D] a effectué un compte rendu de la situation à la directrice de l'établissement Areva NP siège en rappelant l'historique des événements et a conclu que ' compte tenu de l'absence de réponse formelle de la part de [X] [W], il faut en déduire qu'il n'a pas la volonté de reprendre son activité au sein de LP. Je vais à nouveau essayer de le joindre mais la situation ne peut pas perdurer'.

Le salarié a été de nouveau convoqué par lettre adressée à [Localité 6] du 19 janvier 2016 à un second entretien préalable fixé le 28 janvier 2016 à la Défense, l'employeur lui précisant qu'il a bénéficié d'un délai supplémentaire pour reprendre son poste de travail, et de fournir un justificatif d'absence.

- par courriel du 26 janvier 2016, le salarié a indiqué à M. [D] qu'il a été informé par ses parents de la réception d'une lettre d'Areva à leur domicile de [Localité 6] et il a rappelé que l'employeur connait 'sa situation en Chine'. Il a sollicité un numéro de téléphone pour que l'entretien préalable s'effectue par téléphone, rappelant que l'employeur n'avait pas répondu à ses messages et appels téléphoniques presque quotidiens.

M. [D] a répondu à M. [W] que des échanges ont eu lieu et que malgré plusieurs tentatives, la société n'a pas réussi à le joindre et lui a rappelé l'entretien préalable fixé à Paris le lendemain, le salarié lui indiquant le contacter par téléphone.

- par courriel du 31 janvier 2016, le salarié a indiqué à la directrice de l'établissement Areva NP siège et à M. [D] qu'il n'avait pas réussi à les joindre par téléphone le 28 janvier2016.

Le salarié a été licencié pour faute grave le1er février 2016 et a reçu ses documents de rupture le 24 mai 2016 à [Localité 6], adresse indiquée également par l'employeur dans le document Pôle Emploi, le salarié n'ayant pas réclamé la modification de cette adresse sur l'ensemble de ces documents.

Tous les congés payés du salarié ont été régularisés par paiement lors du départ du salarié en congé sabbatique (cf le bulletin de paye du 30 septembre 2014). Le solde de tout compte établi alors ne comprend pas de reliquat de congés payés mais une indemnité compensatrice de compte épargne temps (CET) d'un montant de 56 895,98 euros, le salarié ayant acquis 109 jours sur son CET au 30 septembre 2014.

Le salarié, qui conteste toute intention d'abandon de poste, produit des courriels complémentaires dont il ressort qu'il a pris contact avec M. [J] dans le courant du mois de décembre 2015 et qu'il a demandé le 28 décembre 2015 à M. [D] d'utiliser son solde de 'congés' pour ' couvrir la période actuelle'.

Dans ce courriel, le salarié fait également part de son inquiétude quant au descriptif du poste proposé,' imprécis sur les lignes hiérarchiques ascendantes et descendantes' rappelant qu'il attend un poste au ' niveau de responsabilité comparable' à celui occupé avant son congé sabbatique. Il ajoute qu'après précision de son positionnement dans l'organisation et notamment de savoir qui est le N+1 vec lequel il doit travailler au quotidien, il peut ' organiser un retour rapide'.

Par ailleurs, il résulte également des courriels communiqués par le salarié que M. [D] a organisé pour lui des rendez-vous téléphoniques en début d'année 2016 avec des salariés de la société.

A un message de M. [D] indiquant à M. [W] le 13 janvier 2016 ' nous vous avons adressé un avis d'invitation pour un entretien téléhonique demain à 10h. Sauf erreur de notre part, nous n'avons pas eu de confirmation de votre disponibilité. Merci de votre retour au plus tôt', le salarié a répondu le lendemain ' je confime pour demain. Je m'excuse de ce malentendu' et a expliqué qu'il risquait d'avoir du retard car il avait une réunion. En définitive, l'appel ne sera pas possible sur toute la journée du 14 janvier 2016, le salarié s'en excusant encore une fois et expliquant qu'il a assuré une dernière partie d'une présentation, le salarié ayant un autre emploi en Chine.

Le 27 janvier 2016, le salarié a indiqué à M. [D] ' je vous ai rappelé hier, n'ayant pas pu répondre à temps à votre appel' et a précisé de nouveau qu'il attendait l'occasion de discuter avec M. [D] pour avancer sur des questions qui restaient encore floues.

Il résulte de l'ensemble de ces messages que le salarié ne s'est pas ' tenu à la disposition' de l'employeur comme il le prétend entre le 1er novembre 2015 et le 28 janvier 2016. Si le salarié a donné l'apparence de réactivité, cela n'était pas suffisant d'autant que les contacts ont été rendus difficiles de son fait et n'ont jamais pas permis l'organisation concrète de son retour en France. En effet, peu important que le salarié a travaillé une grande partie de sa carrière à l'étranger,son détachement en Chine ayant pris fin le 30 septembre 2014, il dépendait alors du siège de la société situé en France en application de son contrat de travail et de cet avenant.

Peu important également les envois par l'employeur des convocations à l'entretien préalable à une adresse en France alors que le salarié, qui a indiqué par courriel du 27 janvier 2016 que l'adresse de [Localité 6] est celle de ses parents, n'en a pas communiqueé une autre à l'employeur et a sollicité notamment que l'entretien préalable s'effectue par téléphone puisqu'il réside en Chine. Le salarié n'a pas davantage contesté l'établissement des documents de rupture avec mention de l'adresse de [Localité 6] et il n'établit pas avoir communiqué une autre adresse à l'employeur, depuis la signature de l'avenant du 23 juillet 2012, pour la gestion de sa situation administrative.

Les documents relatifs à l'engagement de la procédure et la lettre de licenciement ont été adressés au salarié à l'adresse connue par l'employeur, qui certes était informé de l'établissement en Chine du salarié mais dont il ne connaissait que le mail. Le salarié a été informé par l'employeur par courriel et téléphoniquement de la date de l'entretien préalable de sorte que la procédure de licenciement n'est donc pas irrégulière.

Par ailleurs, il est constant que si le salarié a repris contact de sa propre initiative avec l'employeur à l'issue du congé sabbatique, l'employeur a effectué un point de situation avec le salarié sur ses conditions de retour le 10 novembre 2015 et lui a proposé un poste de reclassement.

Si le salarié affirme ne pas avoir obtenu suffisamment d'informations sur ce poste, l'employeur justifie, et ce n'est pas contredit, qu'il a délivré des informations téléphoniques au salarié le 10 novembre à ce sujet, précisé le 20 novembre que ce poste se situe au sein de l'activité des grands comptes, puis a communiqué au salarié la fiche de poste , le salarié, après avoir réclamé davantage de précisions, n'ayant pas été en mesure, entre le 10 novembre 2015 et le 27 janvier 2016, d'être joint aisément par l'employeur, ainsi qu'il a été précédemment rappelé.

Nommé par avenant du 23 juillet 2012 ' Deputy Project Control Manager' au sein du projet Taishan en Chine et rattaché hiérarchiquement au ' Projet Control Manager', le salarié communique une pièce et ses annexes ( n°19) non rédigées en langue française et non traduites relatives au projet Taishan. Ces pièces ne sont donc pas exploitables/ ne peuvent être examinées par la cour, en application de l'ordonnance de Villers Cotterêts du 25 août 1539 qui fonde la primauté et l'exclusivité de la langue française devant les juridictions nationales.

Le salarié se prévaut de ces pièces dont l'examen n'est pas possible mais, l'employeur lui a communiqué son contenu concret du poste proposé dont il ressort que le salarié était notamment appelé à travailler en équipes et sur de grands projets, comme dans le poste occupé avant son congé sabbatique et ce sans modification de sa rémunération.

Enfin, l'employeur produit un extrait de la page LinkedIn du salarié qui y mentionne qu'il a été en poste au sein de la société Areva de juillet 2012 à octobre 2014 puis qu'il est en poste en Chine depuis cette date au sein de la société Idemia, de sorte que c'est à juste titre que, l'employeur souligne que le salarié avait un autre emploi, ce que ce dernier ne conteste d'ailleurs pas, quand il lui a demandé de prendre un poste en France.

Ce contrat de travail chinois, signé le 13 octobre 2014, d'une durée de deux années comporte un préavis d'un mois du salarié pour le rompre alors qu'il était prévu que son congé sabbatique prenne fin le 30 octobre 2015.

L'intention du salarié de reprendre son activité au sein de la société Framatome à l'issue de son congé sabbatique n'a pas été effective entre novembre 2015 et janvier 2016 et ne s'est pas manifestée clairement pendant toute cette période.

Si le salarié indique bénéficier de congés pour ' régulariser' la période pendant laquelle il n'a pas repris son activité professionnelle, il n'en justifie pas. En revanche, il ressort des pièces produites que salarié bénéficiait seulement d'un CET lui permettant d'accumuler des droits à congés rémunérés ou de cesser de manière progressive son activité. En tout état de cause, l'employeur n'a pas envisagé que le salarié soit en congés, lui ayant demandé de reprendre une activité.

Le comportement du salarié s'analyse donc en un abandon de poste qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise et au surplus il ne justifie pas que le licenciement s'inscrit dans un contexte de restructuration, le salarié ayant reçu une note de l'employeur, non datée, adressée à tous les salariés, qui explique qu'un plan de départs volontaires est applicable en 2016 et 2017, l'employeur n'en ayant tiré aucune conséquence dans ses échanges avec le salarié.

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave, débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents, à l'indemnité de licenciement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Le salarié qui succombe, doit supporter la charge des dépens. Il conviendra également de condamner le salarié à payer à l'employeur une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter la demande du salarié à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE M. [W] à payer à la société Framatome la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

REJETTE la demande de M. [W] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [W] aux dépens d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01265
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;21.01265 ?
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