COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 AVRIL 2023
N° RG 21/01236
N° Portalis: DBV3-V-B7F-UO2K
AFFAIRE :
[V] [G]
C/
Société ORANGE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-
BILLANCOURT
Section : E
N° RG : F 19/00397
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Rachel SPIRE
Me Oriane DONTOT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [V] [G]
né le 24 janvier 1955 à [Localité 9]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B335
APPELANT
****************
Société ORANGE
N° SIRET : 380 129 866
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Frédéric-Guillaume LAPREVOTE de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [G] a été engagé par la société France Télécom, devenue Orange, en qualité d'agent technique de maintenance selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er mai 1998, avec reprise d'ancienneté au 22 novembre 1976.
Cette société est spécialisée dans le secteur d'activité des télécommunications filaires. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale des télécoms.
Le salarié, âgé de 68 ans à ce jour, et disposant des trimestres nécessaires pour percevoir une retraite à taux plein avec une surcote maximale, est toujours, au jour de l'audience, dans les effectifs de la société Orange, où il occupait en dernier lieu un emploi de directeur de sites. Il détient de façon continue depuis 1995 un mandat de conseiller auprès du conseil de prud'hommes de Paris.
Le 29 mars 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de faire constater les agissements de harcèlement moral et obtenir le paiement de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 25 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :
- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Orange de ses demandes reconventionnelles,
- laissé les dépens de la présente instance à la charge de chacune des parties.
Par déclaration adressée au greffe le 23 avril 2021, M. [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 7 février 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [G] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 25 mars 2021 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
y faisant droit et statuant à nouveau,
- condamner la société Orange à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages- intérêts pour harcèlement moral,
- condamner la société Orange à lui verser la somme de 11 509,79 euros à titre de dommages- intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- condamner la société Orange aux entiers dépens et éventuels frais d'exécution et à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal ainsi que de l'anatocisme conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 23 janvier 2023 , auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Orange demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 25 mars 2021 en ce qu'il a :
. débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,
. débouté la société Orange de ses demandes reconventionnelles,
. laissé les dépens à la charge de chacune de parties,
à titre subsidiaire,
- débouter M. [G] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral,
- débouter M. [G] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité,
- débouter M. [G] de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
à titre très subsidiaire,
- réduire le montant des dommages-intérêts accordés à M. [G] au titre d'un harcèlement moral à de plus justes proportions,
- réduire le montant des dommages-intérêts accordés à M. [G] au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité à de plus justes proportions,
- réduire le montant de l'indemnité accordée à M. [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,
en tout état de cause,
- condamner M. [G] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il appartient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au cas présent, à l'appui du harcèlement moral allégué, le salarié invoque les faits suivants :
1 - l'atteinte aux prérogatives de communication du directeur de sites par mise à l'écart de missions importantes et entrave aux projets portés par M. [J] :
A ce titre, il invoque :
* la mise à l'écart de l'audit à [Adresse 6]
Le salarié expose que 'le jour de l'audit du site de [Localité 7] dont il a la responsabilité a été arrêté sans information préalable par M. [C] à une date à laquelle il savait pertinemment que M. [J] n'était pas disponible en raison de son mandat prud'homal.'
Toutefois, il résulte des échanges de courriel produits (pièce 7 du salarié) que le salarié n'a pas été mis à l'écart de cet audit puisqu'au contraire M. [C], responsable des DSSO, et donc son supérieur hiérarchique, l'a informé le 5 octobre de sa tenue, le 9 octobre, et lui a demandé d'essayer de se rendre disponible au moins l'après-midi.
'La mise à l'écart de l'audit à [Localité 7]' n'est pas établie.
* L'aval très tardif pour les projets de travaux menés par M. [J]
Le salarié fait valoir que 'M. [C] a validé un devis six mois après la demande de M. [J] et a transmis sa réponse directement aux occupants concernés, sans passer par celui-ci, son interlocuteur légitime en sa qualité de directeur du site de [Localité 5] (v. mails du 2 au 23 mai 2019, pièce 8.1 et mail du 17 mai 2019, pièce 8.2) (...)', que 'M. [C] est même allé jusqu'à faire un communiqué auprès des occupants sur le calendrier des travaux, thématique interne au site et bien en deçà du champ d'intervention du responsable des DSSO, mettant ainsi à mal les prérogatives et la légitimité de M. [J] (pièce 8.4) (...) Et qu'il a mis 'plusieurs mois avant de donner son accord pour la rénovation d'un bureau insalubre (v. mail du 5 juin 2018, pièce 21)'.
Toutefois, le salarié n'établit pas autrement que par ses propres affirmations, contenues dans un de ses courriels à un manager de proximité du site de [Localité 5], que les devis litigieux ont été transmis par ses soins à M. [C] six mois auparavant.
Au contraire, il ressort des courriels produits que dès réception du courriel de M. [J], le 17 mai 2019, M. [C] a indiqué au bénéficiaire des travaux avoir fait le nécessaire pour les programmer dès que possible, rien n'empêchant cette communication directe entre un manager et son N+2.
'L'aval très tardif pour les projets de travaux menés par M. [J]' n'est pas établi.
* Une immixtion dans le règlement de problèmes secondaires relevant de la gestion exclusive d'un directeur de sites
Le salarié expose que 'M. [C] a fait grief à M. [J] de ne pas être intervenu dans le règlement d'un problème d'éclairage sur un site dont il est responsable (pièces 10.1 à 10.3), réglé habituellement non pas par le directeur de sites lui-même, mais par les services logistiques, s'est immiscé dans la maintenance d'équipements (déplacement d'une imprimante et vidéoprojecteur défectueux (pièce 11.1 et 11.2), la signalisation d'un point de livraison du magasin logistique du site de [Localité 5] (v. mail du 11 juillet 2019, pièce 30).'
Toutefois, les courriels produits par M. [J] ne revèlent pas une immixtion de son supérieur dans la gestion d'un site de [Localité 8], dirigé par le salarié : en effet, le courriel de M. [C] adressé au salarié le 28 mars lui demande au contraire de pouvoir échanger avec lui au sujet d'un message que lui a directement adressé un responsable de sécurité du secteur 93 lui indiquant être intervenu de lui-même pour des raisons de sécurité sur un problème d'éclairage même s'il était conscient d'être en dehors de son périmètre, et lui fait part du signalement qu'il a reçu pendant une absence de M. [J] au sujet du déplacement d'une imprimante, demandant au salarié de s'en occuper à son retour, ce qui est précisément l'inverse d'une immixtion dans les fonctions de l'intéressé.
Enfin, le courriel de M. [C] (pièce 30) lui demandant de solliciter un devis concernant l'emplacement d'un zebra ne constitue pas davantage une telle immixtion, laquelle aurait été de solliciter directement ce devis de la société en question.
'L' immixtion dans le règlement de problèmes secondaires relevant de la gestion exclusive d'un directeur de sites' n'est pas établie.
* La contestation de la mission transverse de communication sociale
Le salarié expose que M. [C] 's'est autorisé à remettre en cause la mission transverse de communication sociale de M. [J], en le questionnant sur son objet (mail du 30 janvier 2019, pièce 3)', que ' M. [C] lui demandait alors des explications, prétextant qu'il n'en avait « pas connaissance » ; paradoxalement il atteste ensuite du contraire (pièce 5 et pièce adverse 18)' et que 'Moins d'un mois plus tard, M. [C] contestait à nouveau la mission transverse de communication sociale de M. [J] (mail du 25 février 2019, pièce 6).'
Toutefois, la réponse de M. [C] au courriel sybillin du 30 janvier 2019 du salarié à différents interlocuteurs dont M. [C] indiquant: 'Bonjour
(Info dans le cadre de ma mission transverse : communication sociale)
En PJ : rémunération- extrait du bilan social 2017 (enfin en ligne !)
Niveau E (aco) : 4.1 et 4.2 (afo) ; Niveau F (aco) = 4.3 (afo)
- indicateur 211 bis : rémunération mensuelle moyenne brute
- indicateur 212 : rémunération moyenne du mois de décembre (hors primes à périodicité non mensuelle)
A votre disposition si vous avez des questions'
auquel M. [C] a répondu par courriel du même jour au seul salarié : 'sauf erreur de ma part je n'ai pas connaissance de ta mission transverse de communication sociale. De quoi s'agit-il exactement'' ne constitue pas une contestation de la mission transverse de communication sociale du salarié, dont M. [C] indique avoir en effet été informé à sa prise de poste, mais un souhait du supérieur hiérarchique de connaître le contenu exact de cette mission ainsi que cela résulte de son attestation, produite par le salarié lui-même.
La cour relève ici que le salarié réplique ainsi (sic), en mettant en copie notamment l'inspecteur du travail et les délégués du personnel :
'Bonjour [S]
(N+1)
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''''
..................................................!!''
Cela ne trompera personne : c'est bien plus qu'une erreur de ta part !
Ton harcèlement à mon encontre, à livre ouvert, ne te dérange apparemment pas']
Dans son courriel du 25 février 2019 M. [C] indique seulement au salarié que lors d'un codep auquel ce dernier n'assistait pas, il a déjà diffusé l'information sur l'intéressement objet du courriel adressé par le salarié dans le cadre de sa mission transverse, dont ce nouvel échange ne constitue pas une remise en cause mais la transmission d'une information.
'La contestation de la mission transverse de communication sociale' n'est pas établie.
- les brimades et provocations à son encontre :
* Les brimades verbales
Le salarié expose que 'le 13 juin 2018 en présence de l'ensemble des directeurs de l'équipe de direction, Mme [P], adjointe de M. [C], a tenu des propos déplacés et vexatoires : « C'est bien quand tu n'es pas là : on est tranquille » (pièce 22.1)', que 'lors d'une visite CHSCT le mardi 25 juin 2019 sur le site de [Localité 5], Mme [P] n'a eu de cesse de le provoquer et de le défier, situation qu'il a dénoncée par mail du 1 er juillet suivant (pièce 31).'
Toutefois, le salarié n'établit pas autrement que par ses propres affirmations, contenues dans ses propres courriels des 15 juin 2018 et 3 juillet 2019, l'existence de brimades verbales de la part de Mme [P].
'Les brimades verbales' ne sont pas établies.
*Les provocations écrites
Le salarié fait valoir que 'le 1er décembre 2016 (pièce 27.1), Mme [P] a écrit : « ta prose nous manquait » sur le tableau de présence aux réunions hebdomadaires Codep, que Mme [P] a noté « X '' » (pièces 25.1 à 25.8), indifféremment qu'il soit en congés ou absent en raison de son mandat de conseiller prud'homal'. Il ajoute qu'il a fait l'objet d'un avertissement du 27 mars 2019 et d'un blâme en 2020, dont il a saisi le conseil de prud'hommes de l'annulation.
Toutefois, d'abord, la délivrance d'une sanction par l'employeur, dont le salarié dispose d'un droit de contestation, qu'il a d'ailleurs exercé, ne peut s'analyser en une 'provocation écrite'.
Ensuite, le seul fait d'indiquer, sur une fiche de présence à des Codir au droit de son nom et dans la case 'absent non excusé'et / ou la case 'absent excusé', la mention 'XX'' ne peut davantage s'analyser une provocation écrite de la rédactrice du compte-rendu, qui indique uniquement par ce sigle qu'elle n'a pas connaissance des motifs de la non présence de M. [J] à ces réunions, la cour relevant qu'aucun élément n'est produit par le salarié au sujet desdites absences non excusées, qu'il ne conteste d'ailleurs pas.
'Les provocations écrites' ne sont pas établies.
- l'octroi tardif des avantages en nature dont bénéficie le directeur de sites :
Le salarié fait valoir que 'Monsieur [C] a mis plus de deux mois à adresser à Monsieur [J] sa carte de carburant, aux termes d'une réclamation faite auprès de l'inspection du travail (pièce 2)', et que 'De la même façon, il a mis plus d'un mois à lui délivrer les papiers du nouveau véhicule de service (pièce 9).'
Toutefois, d'abord, il ressort des pièces qu'il produit que la carte expirait fin novembre 2018, et que, par courriel du 10 décembre 2018, M. [C] l'a informé que sa nouvelle carte était à sa disposition sur le site de Noisy où il pouvait aller la récupérer puisqu'il n'avait pu le faire lors d'une réunion du 18 octobre à laquelle il n'était pas présent et ne justifie pas qu'il avait prévenu de son absence. Cet octroi n'est pas tardif car seuls quelques jours se sont écoulés entre l'expiration de l'ancienne carte et la remise de la nouvelle carte au salarié, son supérieur s'étant engagé à lui rembourser les frais d'essence qu'il a dû avancer (cf son attestation, produite par le salarié, pièce 2.4).
Ensuite, il résulte des différents échanges versés aux débats par le salarié que, s'il a été informé le 6 février qu'il allait recevoir les papiers pour prendre livraison d'un nouveau véhicule, cet envoi a été effectué dès le lendemain, 7 février 2019, à destination de [Localité 10], et n'est parvenu à M. [C] que le 4 mars ainsi qu'il résulte du courriel qu'il a adressé au salarié l'informant avoir 'reçu ce jour un courrier avec les documents' pour son nouveau véhicule. Aucun élément n'établit donc que M. [C] a eu à sa disposition ces documents dès le 7 février 2019.
'L'octroi tardif des avantages en nature dont bénéficie le directeur de sites' n'est pas établi.
- 'l'absence de progression professionnelle (rémunération et formation)'
Le salarié expose que son évolution de carrière était arrêtée, qu'il n'a pas plus connu de progression salariale, puisque sa rémunération variable a été de 50% moindre que celle de ses collègues en 2016 (pièce 56.2 et 56.11)', que 'Et au final à 0% en 2020, alors que ses collègues ont bénéficié d'un taux jusqu'à plus de 100% (Pièces 56.9 et 56.10).'
Toutefois, il ressort des notifications de prime qu'il produit qu'il est passé de 70 % en mai 2016 à 85 % en 2019, de sorte qu'il existe une progression de sa rémunération entre ces trois années, l'absence de versement de la part individuelle à compter du second semestre 2019 concernant tous les salariés et, contrairement à ses allégations, pas uniquement M. [J], ainsi que cela résulte de son propre tableau de synthèse (pièce 56.11).
'L'absence de progression professionnelle (rémunération et formation)' n'est pas établie.
Sur le plan médical, il invoque dans le cadre de la demande de réparation de son préjudice, un certificat du médecin du travail du 22 juin 2021 considérant son état de santé préoccupant, préconisant un arrêt de travail prolongé et la mise en place d'un suivi psychologique (pièce 51), un arrêt de travail à compter du 23 juin 2021, et expose qu'il a été 'diagnostiqué en décompensation anxio-dépressive et épuisement professionnel, le Dr [U] ayant établi un certificat initial de maladie professionnelle le 13 juillet 2021 (pièce 53).'
Toutefois, aucun de ces éléments n'est contemporain des faits allégués au titre du harcèlement moral, qui se situent sur les années 2018 et 2019, soit plus de deux ans avant les constatations médicales.
En tout état de cause, M. [J] ne présentant, en définitive, aucun élément de fait établi laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, celui-ci ne peut être caractérisé par les seuls éléments médicaux précités.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral.
Sur l'obligation de sécurité
Le salarié expose que l'employeur s'est abstenu de prendre des mesures adéquates pour éviter que ses conditions de travail ne se dégradent, que lors de l'entretien du 5 février 2019 avec M. [E], le directeur des ressources humaines de l'UIPP, le salarié a dénoncé des faits de harcèlement et une enquête interne a été proposée, mais elle ne présentait pas les garanties nécessaires pour être efficace, et a été diligentée plus d'un an après l'arrivée de M. [C].
L'employeur objecte qu'il a immédiatement diligenté une enquête confiée à des personnes extérieures à l'unité du salarié, laquelle n'a révélé aucun fait de harcèlement moral et a fait l'objet d'une restitution à l'intéressé, qui n'en a pas contesté le contenu, qu'il a refusé de revoir comme cela lui avait pourtant été proposé.
**
Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'obligation générale de sécurité se traduit par un principe de prévention au titre duquel les équipements de travail doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant en considération les propositions de mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs que le médecin du travail est habilité à prendre en application de l'article L. 4624-1 du code du travail dans sa version en vigueur jusqu'au 19 août 2015.
Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (actions de prévention, d'information, de formation...) et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.
L'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle. Ainsi, même si les faits ne sont pas établis l'employeur doit diligenter une enquête après la dénonciation de faits de harcèlement par un salarié, sous peine de manquer à son obligation de prévention (Soc., 27 novembre 2019, n° 18-10.551, publié).
L' enquête effectuée au sein d'une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n'est pas soumise aux dispositions de l'article L. 1222-4 du code du travail selon lequel aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance (Soc., 17 mars 2021, pourvoi n° 18-25.597, publié).
Au cas présent, la cour rappelle à titre liminaire qu'elle a précédemment écarté l'existence du harcèlement moral allégué par le salarié. Ce dernier, sans se référer dans ses écritures à des alertes antérieures, invoque l'avoir dénoncé au cours d'un entretien du 5 février 2019. Or, il n'est pas contesté que la société Orange a aussitôt mis en oeuvre une enquête interne, aucun texte n'imposant le recours à un prestataire extérieur. Il n'est pas plus contesté, d'une part, que cette enquête a été réalisée par un binôme de deux cadres extérieurs à l'UI Portes de Paris, sans aucun lien avec les protagonistes, et, d'autre part, que ses conclusions ne révélaient pas de faits de harcèlement moral et ont été portées à sa connaissance.
En tout état de cause, le salarié ne justifie de l'existence d'aucun préjudice résultant pour lui d'un éventuel manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'obligation de sécurité.
Sur l'article 700 et les dépens
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner M. [J] aux dépens de l'instance d'appel.
Il y a lieu de condamner M. [J] à payer à l'employeur la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.
PAR CES MOTIFS:
La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
CONFIRME le jugement entreprise en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [G] à payer à la société Orange la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [G] aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente