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19/04/2023 | FRANCE | N°21/00342

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 19 avril 2023, 21/00342


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 AVRIL 2023



N° RG 21/00342

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UJGD



AFFAIRE :



Société ORANGE



C/



[D] [M]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 17/00144

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Oriane DONTOT



Me Olivier BICHET







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 21/00342

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UJGD

AFFAIRE :

Société ORANGE

C/

[D] [M]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 novembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 17/00144

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Oriane DONTOT

Me Olivier BICHET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société ORANGE

N° SIRET : 380 129 866

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Cosntitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Frédéric-Guillaume LAPREVOTE de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [M]

né le 24 janvier 1955 à [Localité 14] (Tunisie)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Olivier BICHET de la SELEURL BICHET AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: B403

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [M] a été engagé par la société France Télécom, devenue Orange, en qualité d'agent technique de maintenance selon contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er mai 1998, avec reprise d'ancienneté au 22 novembre 1976. Au jour de l'audience, le salarié est toujours dans les effectifs de la société Orange, où il occupait en dernier lieu un emploi de directeur de sites.

Cette société est spécialisée dans secteur d'activité des télécommunications filaires. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale des télécoms.

Le salarié, âgé de 68 ans à ce jour, détient de façon continue depuis 1995 un mandat de conseiller auprès du conseil de prud'hommes de Paris.

Dans le cadre d'une réorganisation en 2015, la direction de la société Orange a proposé à l'ensemble des directeurs de sites un poste de Directeur Sécurité Services aux occupants (DSSO), nouvellement créé.

Le 31 janvier 2017, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir le rappel de prime de mobilité, ainsi que des dommages-intérêts pour discriminations syndicale et en raison de l'âge.

Par jugement du 26 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

- fixé le salaire mensuel de M. [M] à 3 629,45 euros,

- condamné la société Orange à verser la somme de 10 000 euros au titre de la discrimination liée à l'âge de M. [M],

- condamné la société Orange à verser un mois de salaire à M. [M], soit la somme de 3 629,45 euros au titre de la prime de mobilité,

- condamné la société Orange à mentionner sur le bulletin de salaire de mai 2020 de M. [M] la prime de mobilité, sans astreinte,

- ordonné à la société Orange de mettre en 'uvre au bénéfice de M. [M] les formations de sécurité nécessaires à l'accomplissement des missions du poste de Directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO),

- condamné la société Orange à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [M] de sa demande d'affichage du jugement à intervenir sur les sites:

. au siège de l'UI PP, [Adresse 2],

. et sur les trois sites sur lesquels travaille M. [M], à savoir :

* [Localité 8] : [Adresse 6],

* [Localité 11] : [Adresse 3],

* [Localité 12] : [Adresse 7],

- débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale,

- débouté la société Orange de l'ensemble de ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement au-delà des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail,

- dit que les intérêts légaux seront calculés selon les dispositions de l'article 1153-1 du code civil (nouvel article 1231-6 du code civil),

- condamné la société Orange aux dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 29 janvier 2023, la société Orange a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Orange demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 26 novembre 2020 en ce qu'il a :

. fixé le salaire mensuel de M. [M] à 3 629,45 euros,

. condamné la société Orange à verser la somme de 10 000 euros au titre de la discrimination liée à l'âge de M. [M],

. condamné la société Orange à verser un mois de salaire à M. [M], soit la somme de 3 629,45 euros au titre de la prime de mobilité,

. condamné la société Orange à mentionner sur le bulletin de salaire de mai 2020 de M. [M] la prime de mobilité, sans astreinte,

. ordonné à la société Orange de mettre en 'uvre au bénéfice de M. [M] les formations de sécurité nécessaires à l'accomplissement des missions du poste de directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO),

. condamné la société Orange à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. dit que les intérêts légaux seront calculés selon les dispositions de l'article 1153-1 du code civil,

. condamné la société Orange aux dépens,

. débouté implicitement la société Orange de sa demande de condamnation de M. [M] aux entiers dépens de première instance ainsi qu'à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer la décision déférée pour le surplus,

et, statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions de première instance et d'appel,

à titre subsidiaire,

- débouter M. [M] de sa demande de fixation de son salaire mensuel moyen à 3 836, 57 euros,

- débouter M. [M] de sa demande de condamnation de la société à lui verser des dommages-intérêts pour discrimination liée à l'âge,

- débouter M. [M] de sa demande de condamnation de la société à lui verser des dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

- débouter M. [M] de sa demande de condamnation de la société à lui verser un rappel de prime de mobilité,

- débouter M. [M] de sa demande tendant à son intégration sur une poste de directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO) comportant des missions de sécurité pour les sites de [Localité 8], du [Localité 11] et de [Localité 12], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

- débouter M. [M] de sa demande de communication d'un bulletin de salaire modifié mentionnant le versement du rappel de prime,

- débouter M. [M] de sa demande de bénéficier des formations de sécurité nécessaires à l'accomplissement des missions du poste de directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO),

- débouter M. [M] de sa demande tendant à l'affichage de l'arrêt à venir,

- débouter M. [M] de sa demande d'indemnisation au titre des dépens et des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre plus subsidiaire,

- fixer le salaire mensuel de M. [M] à 3 606,93 euros bruts,

- réduire la somme accordée à M. [M] à titre de rappel de prime de mobilité à de bien plus justes proportions,

- réduire la somme accordée à M. [M] à titre de dommages-intérêts au titre de la discrimination liée à l'âge à de bien plus justes proportions,

- réduire la somme accordée à M. [M] à titre de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale à de bien plus justes proportions,

- réduire le montant journalier de l'astreinte prononcée à de bien plus justes proportions,

- dire que l'astreinte prononcée ne pourra commencer à courir que trois mois après la signification de l'arrêt à intervenir, à la condition que M. [M] ait signé l'avenant qu'elle a proposé en vue de formaliser son intégration sur un poste de directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO) comportant des missions de sécurité pour les sites de [Localité 8], du [Localité 11] et de [Localité 12],

- réduire la somme accordée à M. [M] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à des bien plus justes proportions,

- dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,

en tout état de cause,

- condamner M. [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à verser à orange la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [M] demande à la cour de :

- rejeter les demandes de la société appelante et de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 26 novembre 2020 RG n° F 17/00144 en ce qu'il a condamné la société Oranger à lui verser des dommages intérêts pour discrimination du fait de l'âge, au versement de la prime de mobilité et à la mention sur le bulletin de salaire de mai 2020 de la prime de mobilité / de bienvenue, ainsi qu'à l'article 700 code de procédure civile,

à titre d'appel incident,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 26 novembre 2020 RG n° F 17/00144 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives à un rappel de salaire au titre de la prime mobilité / de bienvenue à hauteur de 4 228 euros, de ses demandes relatives à des dommages-intérêts pour discrimination syndicale, de sa demande de condamnation relative à l'affichage de la décision à intervenir, et de ses demandes relatives visant à ordonner à Orange de l'intégrer à un véritable poste de Directeur de Sécurité et Services aux Occupants (DSSO) comportant des missions de sécurité en conformité avec les critères prévus au projet d'organisation DSSO, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- condamner la société Orange à lui verser :

. rappel de salaire au titre de la prime non versée :

* à titre principal : 5 139 euros,

* à titre subsidiaire : 3 836,57 euros,

* soit la confirmation du jugement : 3 629,45 euros année 2016, actualisé salaire année 2019,

. dommages intérêts pour discrimination syndicale : 15 000 euros,

. dommages et intérêts pour discrimination du fait de l'âge : nouveau quantum : 15 000 euros,

- condamner la société Orange à afficher l'arrêt à intervenir :

. au siège de la Direction Orange [Localité 10], [Adresse 4],

. au siège de l'UI PP (Unité d'Intervention [Localité 13]) [Adresse 2],

. et sur les trois sites sur lesquels il travaille, à savoir :

* [Localité 8] : [Adresse 6],

* [Localité 11] : [Adresse 3],

* [Localité 12] : [Adresse 7],

- ordonner à la société Orange de l'intégrer au poste de Directeur de Sécurité et Services aux Occupants (DSSO) comportant des missions de sécurité en conformité avec les critères prévus au projet d'organisation DSSO, présenté à la consultation des IRP, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

- condamner la société Orange aux entiers dépens de la présente instance,

- assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal,

- article 700 code de procédure civile pour la procédure d'appel : 2 500 euros.

MOTIFS

Sur la demande d'intégration à un poste de directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO) comportant des missions de sécurité et d'environnement

L'employeur soutient que le salarié a refusé d'assumer les nouvelles fonctions liées à la sécurité et l'environnement lors d'un entretien du 7 janvier 2016, qu'il a donné son accord de principe à un poste de DSSO aménagé, en le conditionnant à la perception de la prime versée aux DSSO.

Le salarié objecte que l'employeur ne lui a jamais proposé de poste de DSSO, contrairement à ce qu'il soutient.

**

A titre liminaire, la cour relève que le conseil de prud'hommes a ordonné à la société Orange de mettre en oeuvre les formations nécessaires à l'accomplissement des missions du poste de DSSO aux seuls motifs que 'il appartient à la société Orange de s'organiser autour de tout mandat incluant celui de conseiller prud'homal qui n'est pas incompatible avec les fonctions de directeur de sécurité et services aux occupants'.

A l'appui de sa demande d'infirmation, l'employeur produit notamment l'attestation de la directrice des ressources humaines [Localité 10], Mme [O] (pièce 22E), dont la valeur probante ne saurait être déniée du seul fait qu'elle émane d'une personne mise en cause par le salarié dans la présente instance. Il ressort de cette attestation que le salarié n'a pas souhaité donner suite à la proposition faite le 7 janvier 2016 de le nommer à un poste de DSSO, raison pour laquelle un poste de DSSO aménagé lui a été proposé, conformément à l'accord intergénérationnel du 27 septembre 2013.

De même, M. [Y], cadre Orange, atteste que pour tous les directeurs de site du périmètre UI [Localité 10] /75 la proposition du poste de DDSO s'est faite oralement suite au passage du dossier en CE, le projet n'envisageant en effet que des entretiens managériaux pour l'attribution des nouveaux postes de DDSO (cf pièce 29 E : 'semaine du 4 au 8 janvier 2016 : Entretiens managériaux de positionnement des Dsites par rapport au projet DSSO').

L'employeur produit également un courriel du salarié du 15 janvier 2016 dans lequel l'intéressé ne conteste pas avoir avoir reçu une proposition de poste de DSSO, et un courriel du 20 janvier 2016 dans lequel le salarié, qui reconnaît la tenue d'un entretien (de même dans son courriel du 12 février qu'il produit en pièce 4.2 où il confirme que cet entretien a eu lieu avec Mme [O] et M. [T]), se plaint seulement de ne pas avoir reçu de proposition de poste, sans précision sur la nature du poste en question.

Est également versé aux débats un courriel intitulé 'proposition de poste' du 8 février 2016 de M. [T] au salarié lui indiquant, 'suite à notre conversation en lien à la mise [en oeuvre] du projet DSSO sur la DO Ile de France' : 'je vous propose d'être rattaché à l'UI Ile de France à compter de mars 2016. Conformément à l'accord sénior, vous serez maintenu dans vos fonctions de directeur de site et votre faculté à la mobilité reste acquise. Votre portefeuille sera composé des sites de [Localité 8], [Localité 11] et [Localité 12]'.

Dans un courriel intitulé 'acceptation de poste' du 10 février 2016 à Mme [O], le salarié y indique donner son accord de principe à la proposition faite par M. [T] dans le courriel précité.

Or, il résulte de la pièce A du salarié (Compte-rendu - RPS - entretien collectif du 10 septembre 2015 projet DSSO) que l'hypothèse d'un refus d'accepter le poste de DSSO avait précisément été identifiée de la façon suivante : Question 2 : Comment vous projetez vous dans le métier de DSSO ' (...) 'quid des directeurs de site qui ne rentrent pas dans le projet DSSO ' Si on ne leur propose pas d'autre alternative de poste, on va leur forcer la main pour accepter le poste de DSSO; sinon risque que le directeur de site qui refuse le poste de DSSO soit mis sur la touche ou se voit proposer une mission sans intérêt.'

De même, il ressort de la pièce 3.6 du salarié (Extrait PV CE direction Orange [Localité 10] du 28 mai 2015) que M. [M] y a lui-même tenu les propos suivants : ' Il est clair que l'esprit, la culture fonction publique, pèse et fait de la résistance notamment sur ce projet. Il indique clairement comme acquis - c'est incroyable - le passage du directeur de site en DSSO. C'est comme les antibiotiques, ce n'est pas automatique ! Pour illustrer ce point, nous avons déjà 2 départs de directeurs de site : un très exactement par rapport à ce projet, un autre pour lequel ce projet a contribué. Un autre directeur de site m'a fait savoir qu'il ne suivra pas directeur de site vers DSSO, et je rappelle que je suis légitime à représenter les directeurs de site, et non seulement par mon mandat parce qu'il n'y a pas que les directeurs de site qui votent pour la délégation des délégués du personnel, mais aussi parce qu'il y a une certaine proximité entre eux et moi, et je peux rapporter ici que l'ensemble des directeurs de site sont opposés à prendre ce poste de DSSO. Ils ne sont pas volontaires, motivés, cela ne les intéresse pas. (...)'

Enfin, et en tout état de cause, le salarié indique lui-même dans ses écritures (p. 5) que 'Suite à une réorganisation, la direction a proposé à l'ensemble des directeurs de sites un poste nouvellement créé, à savoir celui de DSSO (Directeur Sécurité Services aux occupants).'

Ainsi, d'une part, il se déduit de l'ensemble de ces éléments, non seulement l'existence, dans le cadre du projet présenté au CE par la société Orange, d'une proposition faite à tous les directeur de sites d'évoluer vers un poste de DDSO, prioritairement sur les sites qu'ils dirigent, cet automatisme étant précisément critiqué par le salarié, mais aussi l'absence de formalisme exigé à cette proposition, formulée lors d'entretiens managériaux.

D'autre part, il résulte de ces constatations que contrairement à ses allégations, un poste de DSSO lui a bien été d'abord proposé lors de la réunion managériale du 7 janvier 2016, conformément au projet, et, ensuite, qu'il a accepté le 10 février 2016, à la seule condition de bénéficier de la prime de bienvenue, un poste de DDSO avec maintien dans ses fonctions de directeur de sites, son portefeuille étant constitué des sites [Localité 8], [Localité 11] et [Localité 12].

En l'état de l'acceptation par le salarié d'un poste de DDSO avec maintien dans ses seules fonctions de directeur des sites, pour les sites de [Localité 8], [Localité 11] et [Localité 12], l'employeur n'est dès lors pas tenu d'intégrer le salarié à un autre poste de DSSO, peu important que le salarié, par courriel à M. [R] (responsable de l'UI [Localité 10]) du 12 février (sa pièce 4.2 précitée) ait ensuite indiqué qu'il 'exige le poste de DDSO sur mon périmètre réservé, et (qu'il se) fiche de la désorganisation /organisation que cela va engendrer pour Orange', concluant toutefois in fine qu'il lui 'confirme l'acceptation du poste tel que proposé par (sa) DRH'. La cour relève au surplus que le salarié a décliné la proposition d'assurer les missions environnementales en janvier 2018 (pièce 27 E), de sorte que ce refus du salarié d'exercer les missions du DDSO a perduré.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il ordonne à la société Orange de mettre en 'uvre au bénéfice de M. [M] les formations de sécurité nécessaires à l'accomplissement des missions du poste de directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO).

Sur l'éligibilité du salarié à la prime de mobilité

L'employeur expose que la prime de mobilité fonctionnelle en cause récompense, comme son nom l'indique, les évolutions liées à un changement de fonction, et qu'elle n'est pas une « prime de bienvenue », ni une prime de mobilité géographique. Elle explique que la société a décidé de la verser pour accompagner l'évolution de ses salariés de la fonction de directeurs de sites (DS), vers celle de directeurs de sécurité et services aux occupants (DSSO) en reconnaissance de leurs efforts d'adaptation, de leur montée en compétences liée notamment à la formation de vingt-et-un jours à la sécurité et à la prise de nouvelles responsabilités relatives à la sécurité et à l'environnement [Pièces n° 4, 5 et 6], et qu'elle constitue une initiative propre aux unités d'intervention d'[Localité 10]. Elle ajoute que l'offre faite au salarié d'un poste « aménagé » de directeur de sécurité et services aux occupants (DSSO) ne comportant pas de missions de sécurité ni de missions liées à l'environnement, pour les sites de l'unité d'intervention [Localité 10] « Sud » de [Localité 8], du [Localité 11] et de [Localité 12], le poste du salarié n'était pas éligible à la prime de mobilité fonctionnelle [Pièces n° 15 et 22 ; Pièce adverse n° 4-4], de la même qu'une autre directrice de site qui, n'ayant pas évolué vers le poste de DSSO, n'a pas perçu cette prime.

Le salarié objecte que le conseil de prud'hommes a a indiqué à tort dans son jugement que tous les directeurs de site rattachés à la nouvelle entité bénéficiaient d'une prime de bienvenue qui était liée uniquement à la prise de fonction du poste de DSSO et non liée à la condition de mobilité, alors que c'est précisément le contraire, puisque la prime intitulée « de mobilité fonctionnelle » par Orange, sera versée, contrairement à ce que la société indique, dès le mois du transfert des salariés, de l'entité DISAS à l'entité UI [Localité 10] SUD, en février 2016, de sorte que cela ne peut donc être « en reconnaissance de leurs efforts d'adaptation, de leur montée en compétences liée notamment à la formation de vingt-et-un jours », comme l'indique Orange, que la prime sera versée à l'arrivée, dans la nouvelle entité, ce qui explique aussi pourquoi elle était appelée « de Bienvenue ». Il ajoute que, contrairement à ce que soutient l'employeur, il n'a jamais refusé d'assurer les missions relatives à la sécurité et l'environnement.

**

D'abord, la cour rappelle qu'il vient d'être jugé que le salarié a accepté un poste de DSSO le maintenant dans ses fonctions de directeur de sites, ne contenant donc pas les missions de sécurité et environnement.

Ensuite, il ressort des pièces du dossier que les conditions d'attribution de la prime de mobilité fonctionnelle sont définies par l'accord GPEC du 9 septembre 2014, dont l'article 3.3 dispose :

« Concernant les mesures financières d'accompagnement de la mobilité interne à l'initiative du salarié, le Groupe applique sur le périmètre de l'UES Orange la décision N° 5 du 29 avril 2011 (cf. annexe 9). »

S'agissant de la prime de mobilité fonctionnelle, la décision n° 5 du 29 avril 2011 précise :

« Cette prime vise à reconnaître l'investissement entrepris par le salarié lors d'une mobilité fonctionnelle.

L'éligibilité du poste à la prime est obligatoirement précisée dans l'appel à candidature.

Cette prime est exprimable en euros ou en % du SGB Brut :

' Si la prime est exprimée en % du SGB Brut, son montant ne peut excéder 25% (3 mois) de SGB brut ;

' Si la prime est exprimée en euros, son montant ne peut excéder 6 000 € brut.

Le montant définitif est déterminé par le manager dans le cadre d'une décision managériale à double niveau et peut notamment prendre en compte la localisation géographique du poste, la nature du métier et l'effort d'adaptation lié à la mobilité. »

Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le projet de la société Orange de création de postes de DSSO ait prévu l'octroi, aux salariés nommés à ces postes, d'une prime de 'bienvenue' sur leur nouvelle affectation. En revanche, la prime qui leur a été versée récompense leur mobilité sur ces nouvelles fonctions, impliquant, pour certains, une nouvelle localisation géographique et, pour tous, un effort d'adaptation par le suivi d'une formation en matière de sécurité et d'environnement, conditions de mise en oeuvre de cette mobilité 'fonctionnelle'.

A ce titre, la cour relève que le 'compte-rendu - RPS - entretien collectif du 10 septembre 2015 projet DSSO' (pièce A du salarié, précitée) indique au paragraphe relatif à la charge de travail 'Difficulté à apprendre les 3 métiers : directeur de site + SME + directeur de sécurité. Il faut tout apprendre quand on débute.(...) En arrivant on est nommé directeur et on doit faire même si on a pas encore la formation'; au paragraphe 'Formation', il est indiqué 'La formation proposée semble insuffisante : (...) Création d'un cursus formation par rapport au poste de DSSO nécessaire. Projet prévoit 14h de formation sécurité mais nettement insuffisant.' (...) 'Cumul de l'activité directeur de site SME et sécurité. Si on veut bien faire les choses cela est très prenant'.

Le salarié, qui ne conteste pas que ses fonctions n'ont pas été modifiées par son acceptation du poste de DSSO avec maintien de ses fonctions de directeur de sites, ne remplissait donc pas la condition de mobilité 'fonctionnelle' déclenchant le bénéfice de ladite prime ; ceci expliquant son versement aux nouveaux DSSO dès février 2016, dès lors que ceux-ci ont bien connu une modification de leurs fonctions, et donc 'une mobilité fonctionnelle' à cette date.

Enfin, les allégations du salarié selon lesquelles 'Lors de cette réunion, ce dernier [M. [T]] a indiqué à tous les directeurs de site qu'ils bénéficieraient, du fait de l'arrivée au sein de la nouvelle entité d'une « prime de bienvenue. », M. [T] a indiqué que la prime serait identique pour tous, du fait de l'arrivée au sein de l'UI [Localité 10] SUD' sont dépourvues de toute offre de preuve.

Par voie d'infirmation, le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 3 629,45 euros au titre de la prime de mobilité.

Sur la discrimination syndicale et en raison de l'âge

L'article L. 2141-5 du code du travail dispose qu'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

En application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison notamment de ses activités syndicales ou de son âge.

Au cas présent, le salarié expose que lors de l'entretien du 7 janvier 2016, la direction lui a fait savoir que le fait qu'il détienne un mandat de conseiller prud'homal était incompatible avec la nouvelle fonction de DSSO, qu'il a tout de même été transféré au sein de l'UI [Localité 10] SUD, mais sans lui proposer de poste de DSSO, que la société s'est permise de ne pas verser la prime liée à ce nouveau rattachement.

A l'appui de sa demande au titre d'une discrimination syndicale et d'une discrimination liée à l'âge, il ressort de ses écritures que le salarié invoque les éléments suivants :

- le fait que lors de l'entretien du 7 janvier 2016, la direction lui a fait savoir que son mandat de conseiller prud'homal était incompatible avec la nouvelle fonction de DSSO : cette allégation est dépourvue de toute offre de preuve.

- le fait qu'il a tout de même été transféré au sein de l'UI [Localité 10] SUD, mais sans lui proposer de poste de DSSO : ce fait n'est pas établi, dès lors qu'il résulte au contraire des développements précités qu'un poste de DSSO avec maintien de ses fonctions de directeur de sites lui a été proposé dès le 7 janvier 2016 puis à nouveau le 8 février 2016,

- le fait que le poste de DSSO « aménagé » tel qu'il est proposé ne correspond pas un poste de DSSO, qui intègre par principe les fonctions et la responsabilité de la sécurité : ce fait est établi.

- le non versement par la société au salarié de la prime liée à ce nouveau rattachement : ce fait est établi.

- l'utilisation d'office, par la société, d'une disposition sénior prévue dans un accord d'entreprise (pièce 4-11 article 3.2.2) en vue de tenter de contourner une discrimination syndicale apparente, ayant pour conséquence le non-bénéfice d'une prime : ce fait est établi.

- le fait qu'à la suite du départ à la retraite de M. [V], libérant ainsi le périmètre de [Localité 9], celui-ci ait été attribué à Mme [E], libérant le site de Noisy, affecté à M. [F], ces postes n'étant pas proposés au salarié : ce fait est établi.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison des activités syndicales et de l'âge, au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail.

Il convient donc de vérifier l'existence de justifications objectives étrangères à toute discrimination.

Or, ainsi qu'il a été précédemment jugé, la proposition à M. [M] d'un poste de DSSO « aménagé » par rapport à un poste de DSSO 'complet', en utilisant une disposition sénior prévue dans un accord d'entreprise imposant de permettre aux séniors une adaptation de leur poste à quelques années de la retraite, a été rendue nécessaire par le refus du salarié exprimé, y compris publiquement, de considérer qu'un directeur de sites devait automatiquement devenir DDSO. Ceci a obligatoirement conduit l'employeur, pour M. [M], à adapter son poste, afin de ne pas le contraindre à assurer des missions pour lesquelles il avait exprimé son souhait de ne pas les effectuer.

Le non versement de la prime liée au nouveau rattachement du salarié, est, ainsi qu'il a été dit, la conséquence de l'absence, dans le poste de DDSO aménagé de M. [M], de l'intégralité des missions confiées à un DSSO en terme de sécurité et environnement.

Enfin l'absence de proposition des postes de DSSO du site de [Localité 9] puis du site de Noisy s'explique à nouveau par le souhait exprimé par le salarié de ne pas assurer les missions de sécurité et environnement.

Il y a donc lieu de retenir que l'employeur prouve que les agissements invoqués par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison des activités syndicales et de l'âge.

Il y a lieu de débouter M. [M] de ses demandes de dommages-intérêts au titre d'une discrimination syndicale, par voie de confirmation, et d'une discrimination en raison de l'âge, par voie d'infirmation.

Sur l'affichage de l'arrêt

Le salarié étant débouté de l'ensemble de ses demandes, sa demande d'affichage de l'arrêt sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le salarié, bien que succombant en appel, ne sera pas condamné à verser une certaine somme au titre des frais exposés par l'employeur qui ne sont pas compris dans les dépens, en raison des situations économiques respectives des parties.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [M] aux dépens de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00342
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;21.00342 ?
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