COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 AVRIL 2023
N° RG 19/02426 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TDRP
AFFAIRE :
SA MMA IARD
...
C/
[N] [S]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2019 par le TGI de NANTERRE
N° Chambre : 6
N° RG : 15/15761
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Isabelle DELORME- MUNIGLIA
Me Rémi BAROUSSE
TJ NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA MMA IARD venant aux droits de la SA COVEA RISKS RCS Le Mans n° 440 048 882 - [Adresse 2]
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la SA COVEA RISKS RCS Le Mans n° 775 652 126 - [Adresse 3]
Représentées par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTES
****************
Monsieur [N] [S] né le 5 juillet 1945 à [Localité 5] - de nationalité Française [Adresse 1]
Représenté par Me Rémi BAROUSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2156
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
En novembre 2009 et mars 2010, M. [N] [S] a souscrit à un produit de défiscalisation monté par les sociétés [D] et Gesdom portant sur des investissements en outre-mer, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts issu de la loi de programme pour l'outre-mer n°2003-660 du 21 juillet 2003, dite « Girardin industriel ».
Les sociétés [D] et Gesdom sont assurées auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, ci-après dénommées les MMA, au titre de polices auxquelles elles ont chacune souscrit à titre personnel, mais également au titre d'une police à laquelle la Chambre nationale des conseillers en investissement financier (CNCIF) a souscrit pour ses membres, dont font partie les sociétés [D] et Gesdom.
Ces investissements consistaient, par le biais de sociétés en nom collectif ou de sociétés en participation, à procéder à l'acquisition de centrales photovoltaïques en vue de leur location aux entreprises exploitantes locales dans les Dom-Tom, et permettant une réduction d'impôt proportionnelle au montant des souscriptions et imputable sur l'impôt dû au titre de l'année de réalisation de l'investissement, ou pouvant être reportée sur cinq ans. L'investisseur était tenu de conserver ses parts pendant cinq ans, à l'issue desquels l'exploitant des matériels s'engageait à les racheter à un prix déterminé, tenant compte d'une rétrocession partielle de l'avantage fiscal obtenu.
En vue de procéder à de tels investissements, M. [S] a signé deux bulletins de souscription aux montages, ainsi que deux contrats d'assistance administrative et fiscale dénommés Simpladmi les 16 novembre 2009 et 12 mars 2010, puis a versé à la société [D], en 2009, la somme de 40.000 € et en 2010, la somme de 43.128 €. En contrepartie du versement de ces sommes, il a bénéficié de deux réductions d'impôt, une première d'un montant de 50.000 € sur ses revenus de l'année 2009 et une seconde d'un montant de 59.900 € sur ses revenus de l'année 2010.
Toutefois, l'administration fiscale a estimé qu'une installation dans le secteur photovoltaïque ne pouvait être considérée comme constitutive d'un investissement réalisé, ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B précité, qu'à compter de sa date de raccordement au réseau électrique ou, au minimum, à compter du dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement auprès d'EDF. Sur ces motifs, l'administration fiscale a engagé deux procédures de rectification à l'encontre de M. [S] à hauteur de 60.400 € pour la déclaration de revenus de 2009 et de 71.401 € pour la déclaration de revenus de 2010.
Par jugement du 24 juillet 2014. le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [D]. Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par un jugement du 19 août 2014.
Considérant que les sociétés [D] et Gesdom auraient dû s'assurer de l'efficacité de leur produit de défiscalisation, M. [S], par acte d'huissier en date du 14 décembre 2015, a fait assigner les sociétés MMA devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
Par jugement du 22 mars 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- Reçu l'intervention volontaire des sociétés MMA lard et MMA Assurances Mutuelles,
- Condamné solidairement les sociétés MMA lard et MMA Assurances Mutuelles à payer à M. [S] la somme de 66.563 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel :
- Sans limitation de plafond au titre de la police n°112.788.909, ni séquestre,
- Dans la limite du plafond annuel de garantie de 4.000.000 € applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société Gesdom pour des investissements réalisés en 2009, d'une part, puis en 2010, d'autre part, au titre de la police n°114.247.742, sans séquestre,
- Dans la limite du plafond de garantie de 1.250.000 € applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société [D], cette somme devant être séquestrée,
- Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement,
- Dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 14 décembre 2015, produiront eux-mêmes intérêts à compter du 14 décembre 2016,
- Désigné la Caisse des dépôts et consignation comme séquestre, avec pour mission de conserver la somme de 66.563 € en application du plafond de garantie de la police n°120.137.363 dans l'attente des décisions définitives tranchant les réclamations formées à l'encontre de la société [D],
- Condamné in solidum les sociétés défenderesses au paiement d'une somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné in solidum les sociétés défenderesses aux dépens, dont distraction au profit de Me Barousse, avocat dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 4 avril 2019, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurance Mutuelles ont interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 21 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a :
- Ordonné le sursis à statuer dans l'attente des décisions de la Cour de cassation sur les pourvois formés à l'encontre des arrêts référencés RG 17/04407 et RG 17/04403 rendus le 10 janvier 2019 par la 3ème chambre de la cour d'appel de Versailles,
- Dit que l'instance sera poursuivie à l'initiative de la partie la plus diligente,
- Réservé les dépens.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 2 février 2023, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurance Mutuelles, venant aux droits de la compagnie Covea Risks, demandent à la cour de :
- Déclarer la demande subsidiaire de l'intimé irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel ;
- Déclarer la demande subsidiaire de l'intimé irrecevable faute de qualité à agir ;
- Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 22 mars 2019 ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal :
- Dire et juger que l'investisseur n'établit pas avoir contracté avec la société Gesdom et, en tout état de cause, ne rapporte pas la preuve d'une faute de la société Gesdom ;
- Dire et juger que pour les raisons développées dans les motifs des présentes écritures, l'investisseur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice actuel et certain tant dans son principe que dans son quantum ;
- Dire et juger que l'investisseur ne rapporte pas, ainsi, la preuve d'une créance de responsabilité civile à l'encontre des sociétés [D] et Gesdom ;
A titre subsidiaire :
En ce qui concerne la police n°112.788.909,
- Dire et juger que le contrat souscrit par la CNCIF auprès de la société Covea Risks n'a nullement vocation à s'appliquer dans le cas présent, ni la société [D], ni la société Gesdom n'ayant exercé une activité de conseiller en investissements financiers ;
A titre infiniment subsidiaire :
En ce qui concerne la police n°112.788.909,
- Juger que les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles assurent la responsabilité civile professionnelle de la société [D] et/ ou de la société Gesdom au titre du contrat CNCIF dans la limite globale de 3.000.000 € dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation que la société [D] a montés et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au titre des autres réclamations répondant de ces deux sinistres distincts ;
- Désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société [D] et/ou Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;
- Subsidiairement : juger que la réclamation est intervenue au-delà de la période de garantie et que le contrat n°112.788.909 n'a pas vocation à s'appliquer ;
- Dire et juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 15.000 €, à la charge de la société [D] et/ou Gesdom, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles dans le cas où à la cour devrait retenir la responsabilité de la société et/ou Gesdom et/ou si la cour ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel ;
En ce qui concerne la police n°120.137.363,
- Juger que les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles assurent la responsabilité civile professionnelle de la société [D] dans la limite globale de 1.250.000 € dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation que la société [D] a montés et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au titre des autres réclamations répondant de ces deux sinistres distincts ;
- Désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société [D] concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;
- Subsidiairement : juger que la réclamation est intervenue au-delà de la période de garantie et que le contrat n°120.137.363 n'a pas vocation à s'appliquer ;
- Dire et juger que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 20.000 €, à la charge de la société [D], doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre de la Compagnie Covea Risks, dans le cas où la cour devrait retenir la responsabilité de la société [D] et/ou si elle ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel ;
En ce qui concerne la police n°114.247.742,
- Juger que la compagnie MMA Iard assure la responsabilité civile professionnelle de la société Gesdom dans la limite globale de 2.000.000 € dans le cadre du sinistre sériel résultant de la souscription des produits de défiscalisation qu'elle a commercialisés, et ce après déduction du montant des règlements qui auraient pu être effectués par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au titre des autres réclamations répondant de ces deux sinistres distincts ;
- Désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission qui n'excédera pas une période de 5 ans de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ;
- Subsidiairement: juger que la réclamation est intervenue au-delà de la période de garantie et que le contrat n°114.247.742 n'a pas vocation à s'appliquer ;
- Dire et juger subsidiairement que la somme correspondant à la franchise par sinistre, soit 20.000 €, à la charge de la société Gesdom, doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, dans le cas où à la cour devait retenir la responsabilité de la société Gesdom et/ou si elle ne retenait pas l'existence d'un sinistre sériel ;
En tout état de cause,
- Débouter l'intimé de son appel incident, et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Débouter l'intimé de sa demande subsidiaire ;
- Condamner M.[S] à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner M.[S] aux entiers dépens de la présente instance, qui seront recouvrés par Me Baechlin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 6 mars 2023, M.[S] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 22 mars 2019 en ce qu'il a retenu que les sociétés [D] et Gesdom ont engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard de M.[S] ;
- Le réformer s'agissant des préjudices subis, et, statuant à nouveau, fixer les préjudices subis par M. [S] à 31.899 € pour le préjudice matériel 2009, 84.463 € pour le préjudice matériel 2010 et à 3.000 € pour le préjudice immatériel ;
- Le confirmer s'agissant des garanties de l'assureur, et, statuant à nouveau, condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [S] les sommes de 31.899 € pour le préjudice matériel 2009, 84.463 € pour le préjudice matériel 2010 et de 3.000 € pour le préjudice immatériel en application de :
- La police n°112.788.909 souscrite par la CNCIF sans que le plafond de cette police soit opposable à M.[S] en garantie de la responsabilité des sociétés [D] et Gesdom,
- La police n°114.247.742 avec un plafond de 4.000.000 € pour les années 2009 et 2010, en garantie de la responsabilité de la société Gesdom,
- La police n°120.137.363, avec un plafond de 1.250.000 € par an, en garantie de la responsabilité de la société [D] ;
- Le confirmer en ce qu'il a fait courir les intérêts à compter de l'assignation et a ordonné leur capitalisation par année entière, y ajouter que les intérêts ne sont pas soumis aux plafonds des polices d'assurance ;
- Le confirmer en ce qu'il a globalisé les sinistres par année ;
- Ordonner que les indemnités allouées à M.[S] s'imputent d'abord sur la police n°114.247.742 (Gesdom) puis sur la police n°112.788.909 (CNCIF) et enfin sur la police n°120.137.363 ([D]) ;
- Le réformer s'agissant du séquestre, et. statuant à nouveau, rejeter la demande de séquestre ;
- À titre subsidiaire, condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à en réparation des préjudices subis la somme totale de 119.362 € sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'assureur avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2015 ;
- Réformer le premier juge en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts, et, statuant à nouveau, condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M.[S] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- Le confirmer en ce qu'il a fixé une indemnité au titre des frais irrépétibles à la charge de l'assureur, et, pour la procédure d'appel, condamner in solidum la société MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M.[S] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mars 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes nouvelles
Les MMA font valoir qu'aux termes de ses dernières conclusions, l'intimé invoque pour la première fois une prétendue faute contractuelle de l'assureur à l'égard de la société [D], pour solliciter, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, l'indemnisation des préjudices qu'il invoque dans le cadre de l'action directe. Les assureurs considèrent que l'action en responsabilité ne tend pas aux mêmes fins que l'action directe soumise aux premiers juges et doit donc être déclarée irrecevable. Les appelantes soutiennent que les arrêts de la cour d'appel de Paris du mois d'avril 2022 ayant jugé que le plafond de la police n°120.137.363 était épuisé ne constituent pas un fait nouveau, s'agissant de procédures concernant d'autres investisseurs étrangers à la présente instance. Elles soulignent qu'elles invoquent l'épuisement du plafond de cette police depuis la première instance et dans leurs premières conclusions d'appel.
M. [S] répond que la demande litigieuse n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que les demandes originaires et que les arrêts de la cour d'appel de Paris intervenus depuis le mois d'avril 2022, en cours de l'instance d'appel, ayant jugé que le plafond de la police n°120.137.363 était épuisé, constituent un fait nouveau qui rend recevable sa prétention qui est la conséquence directe de ces décisions.
*****
L'article 564 du code de procédure civile dispose que :
" Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ".
L'article 565 du même code précise que : 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.
Il ressort des éléments de la procédure que les demandes initiales formulées par M. [S] visent à obtenir, sur le fondement de l'action directe de l'article L.124-3 du code des assurances, la mise en 'uvre à son profit des garanties souscrites par les sociétés [D] et Gesdom auprès de leur assureur, les MMA. La demande nouvellement formée en appel par l'intimé a pour but de sanctionner l'assureur, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, d'un manquement contractuel, consistant en un défaut de conseil, à l'égard de la société [D] au titre de la police n°120.137.363.
La cour constate que ces demandes tendent toutes à permettre à M. [S] d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices sur le fondement de moyens se rapportant tous à l'exécution des contrats d'assurance, et notamment du contrat n°120.137.363.
En conséquence, la fin de non-recevoir doit être rejetée.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir
Les MMA font valoir que M. [S], en tant que tiers au contrat d'assurance, n'a pas qualité à invoquer un manquement à leur devoir de conseil vis-à-vis de la société [D].
M. [S] répond que le manquement par un assureur à une obligation contractuelle envers son assuré, responsable du dommage, est de nature à constituer un fait condamnable à l'égard d'un tiers au contrat d'assurance lorsqu'il lui cause un dommage. Il ajoute qu'en application de l'article L.112-6 du code des assurances, les clauses contractuelles sont opposables aux tiers, de sorte qu'il peut se prévaloir d'un manquement contractuel, en l'occurrence un défaut de conseil de l'assureur ayant un lien de causalité avec le préjudice qu'il a subi.
*****
L'article 31 du code de procédure civile dispose que : " L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt légitime ".
Contrairement à ce que prétendent les appelantes, M. [S], tiers aux contrats d'assurance liant les MMA aux sociétés [D] et Gesdom, a qualité pour se prévaloir d'un manquement contractuel des assureurs à l'égard de leurs assurées, dès lors qu'il constitue à son égard un manquement délictuel.
En conséquence, la fin de non-recevoir doit également être rejetée.
Sur l'action directe exercée par M. [S] sur le fondement de l'article L.124-3 du code des assurances
L'article L.124-3 du code des assurances dispose que " Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (') ".
M. [S] soutient que la responsabilité de la société [D] et celle de la société Gesdom sont toutes deux de nature contractuelle ; subsidiairement, il soutient que la responsabilité de la société Gesdom est de nature extracontractuelle.
- Sur la responsabilité de la société [D]
Les MMA font valoir que l'article 199 undecies B du code général des impôts parle d'investissements productifs neufs sans autre précision et que l'instruction administrative du 30 janvier 2007, se référant uniquement à la livraison, était bien applicable au moment où la société [D] a monté le produit fiscal litigieux. Les assureurs soutiennent que la société [D] ne pouvait soupçonner qu'une interprétation restrictive de la loi serait adoptée ultérieurement par l'administration fiscale et certaines juridictions administratives en exigeant un raccordement au réseau de distribution électrique qui n'est pas prévu par le code général des impôts. Ils précisent que l'interprétation fiscale de l'article 199 undecies B du code général des impôts et de l'instruction administrative du 30 janvier 2007 est postérieure à 2010, date du deuxième investissement réalisé par M. [S] et que cette interprétation n'a été définitivement entérinée que par les arrêts du Conseil d'Etat du 26 avril 2017. Les MMA se prévalent de nombreuses décisions de justice écartant toute faute du conseiller en opérations de défiscalisation et notamment de la société [D] dans ce contexte.
M. [S] considère qu'en tant que professionnel de la défiscalisation, la société [D] a des obligations renforcées à l'égard des souscripteurs à ses montages, simples consommateurs profanes d'un produit de défiscalisation qu'elle a conçu, commercialisé et mis en oeuvre dans le cadre du partenariat avec la société Gesdom. Il soutient que la société [D] était tenue d'une obligation de résultat concernant l'efficacité juridique de l'opération de défiscalisation, estimant qu'elle était présumée connaître la réglementation fiscale, son interprétation par l'administration et son évolution. L'intimé se prévaut de nombreuses décisions de justice ayant retenu la faute du conseiller en opérations de défiscalisation, que les MMA n'ont pas contestées. Il expose qu'au regard de l'instruction ministérielle de 2007, le fait générateur de la réduction d'impôt ne peut être que la date d'achèvement de la centrale et non la livraison de l'un ou l'autre de ses éléments. Il ajoute que la mise en production des centrales photovoltaïques dépend de leur raccordement au réseau électrique lequel est subordonné au dépôt d'une demande de raccordement auprès du gestionnaire du réseau. Il précise que de nombreux investisseurs ont vainement contesté leur rectification fiscale auprès des juridictions administratives qui ont unanimement rejeté leurs recours. Il souligne que lorsque l'administration fiscale lui a finalement reconnu le droit à un avantage fiscal, cette admission n'a été que partielle, après vérification du prix de vente des centrales qu'elle a considéré comme excessif au regard du prix de marché. M. [S] soutient qu'il s'agit d'un autre manquement qui l'a empêché d'obtenir l'intégralité de l'avantage fiscal espéré.
*****
Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer [...], dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. [...] ".
Selon l'article 95 Q de l'annexe II à ce code dans sa rédaction applicable au litige : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article, au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. [...] ".
Il est constant que les investissements auxquels M. [S] a procédé ne poursuivaient qu'un seul but, celui de bénéficier de l'avantage fiscal promis par la société [D].
La notice d'information remise à M. [S] au moment de la souscription en 2010 et les conditions générales de souscription se rapportant aux deux opérations d'investissement auxquelles l'intimé a procédé en 2009 et 2010 précisent qu'elles relèvent des dispositions des articles 199 undecies B du code général des impôts et bénéficient à ce titre de des avantages fiscaux de la loi Girardin.
Il ressort des contrats Simpladmi conclus entre M. [S] et la société [D] les 16 novembre 2009 et 12 mars 2010, que cette dernière s'est engagée en qualité de "conseiller en investissement financier ", ce qui est confirmé dans la notice d'information remise à M. [S] en 2010 : " Cabinet [D]. Cabinet de conseil en investissements financiers ".
La cour constate que les conditions générales des contrats Simpladmi précités ne font aucune mention du risque de remise en cause de l'avantage fiscal par l'administration fiscale, la notice d'information remise à l'investisseur en 2010 se limitant à évoquer la possibilité d'une modification des plafonnements de l'avantage fiscal par l'administration fiscale.
M. [S] s'est vu notifier des redressements fiscaux au titre des déclarations de revenus des années 2009 et 2010, l'administration fiscale ayant estimé, pour chaque opération, que l'installation photovoltaïque en cause ne pouvait être considérée comme constitutive d'un investissement réalisé au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts qu'à compter de son raccordement au réseau électrique, par référence à la notion d'investissement productif. L'administration fiscale a ajouté que le fait générateur de la réduction d'impôt peut être considéré comme établi pour ce type d'investissement si :
- les installations sont achevées,
- les installations sont livrées en état de fonctionner à la société au plus tard le 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle les investisseurs sollicitent le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 précité,
- la mise en production des investissements ne dépend plus que de leur raccordement au réseau public d'EDF.
Les MMA invoquent une évolution de la doctrine de l'administration fiscale, postérieure à 2010, concernant la notion d'" investissement réalisé " par l'introduction d'une condition relative au raccordement au réseau électrique, non prévue par la loi, cette interprétation n'ayant été entérinée par le Conseil d'Etat qu'en 2017, par arrêts du 26 avril 2017.
Cependant, la cour constate que les MMA ne rapportent aucun élément de preuve concernant l'état de la jurisprudence administrative sur le point litigieux en 2009 et 2010, années des investissements auxquels M. [S] a procédé.
Au surplus, il ressort de la proposition de rectification notifiée à M. [S] le 20 mai 2013 que le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion en 2007 et 2008 de se prononcer sur la définition du fait générateur de la déduction fiscale des investissements réalisés dans les départements d'outre-mer. La cour constate à la lecture des arrêts cités par la direction générale des finances publiques de Saint Germain en Laye (arrêts du 10 juillet 2007 n°295952 Notheaux et du 4 juin 2008, n°299309 Bayart) que la condition relative à l'exploitation de l'installation est au c'ur des litiges soumis au Conseil d'Etat.
De surcroît, il résulte de l'instruction administrative 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 que "conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de la réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail ". Il apparaît ainsi qu'en fonction des opérations considérées, l'administration fiscale retient, au titre de l'année de réalisation de l'investissement, soit l'année de l'achèvement, soit l'année de la livraison.
La cour relève encore que la plaquette commerciale remise à M. [S] pour le déterminer à souscrire précise que l'investissement n'encourt " aucun risque fiscal " et que sont contrôlés :
" - La livraison,
- L'installation,
- L'exploitation,
- Certificat de la Drire (')
- Justificatif de raccordement au réseau EDF (') Nous nous assurons donc, non seulement d'une présence réelle du matériel, mais surtout de son installation et de son exploitation qui est obligatoire au regard de l'administration fiscale ". (souligné par la cour)
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que dès 2007, la question du fait générateur de l'avantage fiscal avait donné lieu à interprétation par l'administration fiscale et par les juridictions administratives. Dans ce contexte, il appartenait à la société [D], dans le cadre de ses obligations contractuelles, de s'y conformer, au besoin en questionnant l'administration fiscale quant à l'année à prendre en compte au titre de la réalisation de l'investissement dans le cadre des opérations de défiscalisation vendues aux investisseurs, afin d'en assurer l'efficacité, conformément à ce que vantait la plaquette commerciale précitée. Or, elle ne justifie pas avoir satisfait à ces obligations. En raison de ce manquement, M. [S] n'a pas pu bénéficier de la faculté offerte aux termes des bulletins de souscription, en cas d'impossibilité de réaliser l'investissement avant le 31 décembre de l'année considérée, de se voir proposer par la société [D] un autre investissement.
Enfin, M. [S] justifie avoir pu bénéficier, à l'issue d'une procédure contentieuse, d'un report des réductions d'impôt au titre des revenus 2010, 2011. Cependant, ces reports n'ont été que partiels, l'administration fiscale ayant considéré que le prix de vente des centrales pratiqué par la société SFER était excessif au regard du prix du marché. Il apparaît ainsi que la société [D], en sa qualité de professionnelle des opérations de défiscalisation, n'a pas contrôlé le prix de vente des centrales photovoltaïques de manière à ce qu'il ne puisse être remis en cause par l'administration fiscale, caractérisant ainsi un manquement contractuel supplémentaire à l'égard de la société [D].
Dans ces conditions et par confirmation du jugement, la responsabilité contractuelle de la société [D] doit être retenue au titre des deux contrats Simpladmi précités.
- Sur la responsabilité de la société Gesdom
Les MMA soutiennent que M. [S], qui se prévaut de la responsabilité contractuelle de la société Gesdom, n'a pas contracté avec cette dernière nonobstant le fait que les pièces du dossier de souscription portent son en-tête. Les assureurs ajoutent que la société Gesdom n'avait pas l'obligation de contrôler ou de garantir les conditions d'éligibilité du produit à la suite de la souscription de l'investisseur, qu'elle n'était pas en charge du dépôt du dossier de raccordement et ne délivrait pas les attestations, qui n'étaient signées que par la société [D]. Les appelantes ajoutent qu'en tout état de cause :
- rien n'indique que les conditions d'éligibilité du produit fiscal au bénéfice de la loi Girardin n'étaient pas remplies,
- le dossier de souscription comportait une description précise du principe et des différentes phases de l'opération projetée, en détaillant le schéma fiscal et financier, de sorte que l'investisseur n'ignorait pas que le bénéfice de ces différents dispositifs était soumis à des conditions fixées par la loi fiscale et que l'opération comportait des risques.
M. [S] reproche à la société Gesdom les mêmes fautes que celles rappelées supra à l'égard de la société [D]. Il considère que la société Gesdom a eu un rôle central et qu'elle doit être considérée comme le cocontractant du client. Il souligne notamment que la brochure commerciale mise à disposition des CIF (conseillers en investissements financiers) a été établie par la société Gesdom, que les dossiers de souscription mentionnent le nom, les coordonnées et l'intervention de la société Gesdom et que les attestations fiscales sont à la disposition des investisseurs associés sur le site internet de Gesdom.
*****
Il ressort des contrats Simpladmi conclus les 16 novembre 2009 et 12 mars 2010 que seuls M. [S] et la société [D] sont parties à la convention.
Néanmoins, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu l'existence d'un manquement de la société Gesdom à ses obligations contractuelles.
En effet, il doit être relevé que dans la note d'information remise à M. [S] à en-tête de la société Gesdom, et qui lui est donc opposable, cette société se prévaut de sa qualité de conseil en ingénierie industrielle spécialisée dans le financement de matériels devant être exploités dans les départements et territoires d'outre-mer. Cette description est d'ailleurs conforme à ses statuts, qui lui confèrent pour objet la réalisation directe ou indirecte, pour son compte ou pour le compte de tiers, par mandat ou contrat, de toute activité se rapportant à la gestion et l'ingénierie financière, le conseil et la réalisation de montages financiers, la commercialisation directe ou indirecte d'investissements. Le bulletin de souscription signé par M. [S] porte son en-tête. La société Gesdom y est mentionnée sur chaque page en tant que " conseiller en investissements financiers enregistré sous le n° D008259, membre de la CNCIF ". Dans le document de commercialisation de l'opération (pièce n°62), toujours à en-tête de " Gesdom " et rédigé à la troisième personne du pluriel, elle présente le produit comme " l'investissement Gesdom ". Elle mentionne ses partenaires, dont la société [D]. Il s'en déduit qu'elle se positionne comme l'acteur principal. Il est ainsi précisé par exemple : " nous contrôlons la livraison, l'installation, l'exploitation, certificat de la Drire, justificatif de raccordement au réseau ". Comme rappelé précédemment, s'agissant de ce dernier point, celui-ci est développé de la manière suivante : " justifiant ainsi de l'activité de vente de la production, nous nous assurons donc, non seulement d'une présence réelle du matériel, mais surtout de son installation et de son exploitation qui est obligatoire au regard de l'administration fiscale ". Affirmer comme le font les MMA qu'il n'est pas établi que la société Gesdom devait s'assurer que le dossier de demande de raccordement des centrales photovoltaïques soit déposé avant le 31 décembre va donc à l'encontre de ce que la société Gesdom reconnaissait elle-même comme relevant de sa mission, à savoir s'assurer de l'installation et de l'exploitation du matériel, obligatoire au regard de l'administration fiscale.
La responsabilité contractuelle de la société Gesdom apparaît ainsi engagée. Le jugement entrepris doit également être confirmé sur ce point.
- Sur l'indemnisation des préjudices
Les MMA considèrent que les demandes ne sont pas justifiées, dès lors que le raccordement électrique a pu intervenir en 2010 ou au plus tard début 2011 et que l'administration fiscale a précisé, dans le cadre de ses différents redressements, que le contribuable pouvait demander, par voie contentieuse, le bénéfice de la réduction d'impôts l'année au titre de laquelle les conditions prévues au titre de l'article 199 undecies B précité seraient respectées. Les assureurs soulignent que le tribunal a relevé que la perte de l'avantage fiscal escompté ne saurait constituer un préjudice indemnisable, dès lors que le contribuable n'a payé que l'impôt auquel il était légalement tenu. Les appelantes ajoutent que la perte de chance de bénéficier du gain fiscal espéré ne peut être calculée en fonction des causes du redressement dont l'investisseur a fait l'objet et que les intérêts de retard et pénalités appliqués par le fisc ne constituent pas non plus un préjudice indemnisable, dans la mesure où ils sont pour les premiers, l'accessoire de l'impôt dû et pour les seconds, la conséquence de la position adoptée par l'administration fiscale. Concernant la perte du montant investi, les MMA soutiennent que rien ne démontre que le montant de l'investissement a été réellement perdu et que le préjudice ne peut consister qu'en une perte de chance de ne pas avoir investi, qui ne peut jamais être égal au montant du gain ou de l'avantage espéré ou de la perte subie, les assureurs relevant que l'intimé ne démontre pas qu'il aurait pu investir autrement et dans les mêmes conditions pour les mêmes avantages. Ils contestent également le préjudice moral invoqué soulignant que M. [S] ne pouvait en tout état de cause opérer une déduction et qu'un investissement fiscal comporte par nature une part de risque et une possible remise en cause par l'administration fiscale.
M. [S] conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a limité l'indemnisation de ses préjudices. Il considère qu'il doit être replacé dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence de manquement contractuel de la part des sociétés [D] et Gesdom. Il fait valoir que conformément à l'article 1149 du code civil, son préjudice matériel est constitué des pertes subies et du gain dont il a été privé. Il conteste que son préjudice matériel puisse s'analyser en une perte de chance, dès lors que ses préjudices sont définitivement consommés. M. [S] souligne que par 5 arrêts du 16 juin 2021, la Cour de cassation, rappelant le principe de la réparation intégrale du préjudice, a cassé partiellement les arrêts d'appel qui avaient limité l'indemnisation des investisseurs au motif que leur préjudice était caractérisé par une simple perte de chance sans préciser quel aléa était susceptible d'affecter l'éventualité favorable perdue.
M. [S] invoque également la perte de l'investissement effectué en vain, précisant que s'il a certes obtenu un avantage fiscal, celui-ci n'a été que partiel et demeure inférieur au montant de l'investissement. Il soutient que cette perte ne peut être compensée par la détention des parts sociales des sociétés de portage, lesquelles n'ont aucune valeur.
L'intimé se prévaut encore du préjudice matériel consécutif au paiement de majorations appliquées par l'administration fiscale dans le cadre du redressement dont les sociétés [D] et Gesdom sont responsables. Pour les mêmes raisons, il sollicite l'indemnisation de la perte de chance de ne pas payer les intérêts de retard. M. [S] souligne qu'au moment de la souscription aux opérations de défiscalisation, il a payé des frais de dossier en pure perte, dans la mesure où ils auraient dû être compensés par l'avantage fiscal. Il expose que la reprise de l'avantage fiscal a généré pour lui un manque à gagner qui représente la différence entre, d'une part, l'investissement et les frais y afférents, et d'autre part, la réduction d'impôt espérée. Enfin, M. [S] invoque un préjudice moral consécutif aux soucis et tracas causés par le redressement fiscal et à l'obligation de payer un impôt non budgété.
*****
Comme exposé supra, si M. [S], à la suite d'une procédure contentieuse, a effectivement pu bénéficier d'un report des réductions d'impôt au titre des revenus 2010, 2011, ces reports n'ont été que partiels, l'administration fiscale ayant considéré que le prix des centrales photovoltaïques était excessif au regard du prix du marché.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les MMA, M. [S] ne sollicite pas l'indemnisation de l'impôt qu'il a dû payer, mais celle de la perte de la réduction d'impôt escomptée.
En revanche, M. [S] ne peut prétendre à la fois au remboursement des sommes investies et à l'indemnisation du gain manqué constitué par la perte des avantages fiscaux attendus, dès lors que ces derniers supposaient au préalable deux investissements dont il n'est pas démontré qu'ils devaient être remboursés. La cour relève qu'aux termes de la notice d'information, l'investisseur s'engageait à conserver les parts sociales de SNC pendant 5 ans, période au terme de laquelle l'exploitant des matériels s'engageait à les racheter au prix de 1 €.
Pour les mêmes motifs, M. [S] ne peut davantage prétendre au remboursement des frais de dossier qui devaient être exposés.
Aussi, par infirmation du jugement, M. [S] sera débouté de sa demande indemnitaire au titre des sommes investies.
Par ailleurs, si M. [S] rappelle à juste titre que le principe de réparation intégrale du préjudice induit que la victime soit replacée dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le contrat avait été correctement exécuté, les manquements contractuels imputables aux sociétés [D] et Gesdom ne peuvent être à l'origine que d'une perte de chance pour M. [S] de bénéficier des deux réductions fiscales espérées. En effet, à la date de souscription des contrats litigieux, le bénéfice de l'avantage fiscal était soumis à des aléas inhérents notamment à l'opération de construction des centrales photovoltaïques, s'agissant notamment de l'approvisionnement en matériaux ou encore de la réalisation des travaux d'assemblage. Au regard des éléments de la procédure, cette perte de chance doit être évaluée à 75 %.
Les MMA ne contestent pas les montants figurant dans les tableaux de calculs des préjudices de M. [S] en pages 24 et 25 de ses conclusions.
Il ressort des éléments de la procédure que les réductions d'impôt devaient être les suivantes :
- 50.000 € au titre des revenus 2009,
- 59.900 € au titre des revenus 2010,
soit 109.900 € au total.
Or, après report partiel, l'avantage fiscal s'est limité à la somme totale de 39.098 € (12.840 € + 13.196 € + 13.062 €).
Le préjudice de M. [S] au titre de la perte de chance de bénéficier des avantages fiscaux escomptés s'élève ainsi à la somme de 53.101,50 € (75 % x 70.802 €).
Par ailleurs, les majorations appliquées à M. [S] sont en lien de causalité directe avec le redressement fiscal provoqué par les manquements imputables aux sociétés [D] et Gesdom. Leur montant total de 11.390 € doit être retenu dans l'évaluation du préjudice de l'intimé.
Concernant les intérêts de retard, il ressort des développements précédents que le contribuable n'a pas acquitté à l'échéance l'impôt légalement dû en raison du manquement du professionnel à ses obligations, la perte de chance de ne pas payer les intérêts de retard doit donc s'analyser en un préjudice réparable. Cette perte de chance peut être évaluée à 90 %.
Enfin, s'agissant du préjudice moral, les deux procédures de redressement fiscal ont généré un préjudice moral pour M. [S] au regard des tracas causés à ce particulier investisseur, qui établit avoir répondu, en vain, aux arguments de l'administration fiscale et avoir été contraint de régler de manière imprévue des sommes très importantes (60.400 € pour la déclaration de revenus 2009 et 71.401 € pour la déclaration de revenus 2010). Il convient d'allouer à M. [S] la somme réclamée de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le préjudice de M. [S], comprenant les préjudices matériels et moral se rapportant aux deux opérations d'investissement de 2009 et 2010, s'établit comme suit :
Perte de chance de bénéficier de l'avantage fiscal : 53.101,50 €,
Majorations : 11.390 €,
Intérêts : 10.251 € (90% x (5.400 € + 5.990 €)),
Préjudice moral : 3.000 €.
M. [S] déduit du calcul de son préjudice la somme de 2.465 € au titre du dégrèvement accordé par l'administration fiscale. En conséquence, son dommage sera évalué à la somme finale de 75.277,50 €.
- Sur les garanties au titre des contrats d'assurance
- Sur la police n°112.788.909 souscrite par la CNCIF
Les MMA concluent à la réformation du jugement en ce qu'il a décidé que les garanties de cette police étaient mobilisables sans plafond, dès lors que la société [D] n'est pas intervenue en qualité de CIF, M. [S] ayant été assisté de son propre conseiller en gestion de patrimoine. Les assureurs se prévalent de décisions du tribunal judiciaire de Paris et de la cour d'appel de Paris confirmant cette analyse. Ils ajoutent que de la commune intention des parties, l'activité se rapportant à l'ingénierie financière n'est pas garantie, seule l'activité de conseil en ingénierie financière étant visée. Les MMA se prévalent d'une attestation du Président de la CNCIF et de l'attestation d'assurance, qui selon eux, confirment la limitation de la garantie à l'activité de conseil, d'intermédiaire. Ils soulignent que la police comprend une clause d'exclusion relative à l'activité de conception d'un produit. Ils rappellent qu'aux termes de la police, seuls les produits fabriqués par un établissement financier français sont garantis, alors que la société [D] n'est pas un établissement financier. Les MMA précisent que le contrat d'assurance excluait expressément de la garantie les litiges afférents aux frais, honoraires et facturations d'assuré.
Les appelantes opposent, par ailleurs, un plafond de garantie d'un montant de 3.000.000 € par sinistre, qui s'applique selon elles à toutes les activités. Les assureurs précisent que le tableau des garanties ne reprend que les garanties principales et que l'activité d'ingénierie financière est associée à celle de conseil en investissement financier. Ils s'opposent à l'application d'un plafond par année et concluent à la globalisation des sinistres qui ont tous la même cause, à savoir le fait pour le monteur de ne pas s'être assuré de l'éligibilité du produit au dispositif de la loi Girardin et notamment du raccordement au réseau EDF. Les MMA sollicitent la désignation d'un séquestre en application des dispositions des articles L.124-3 du code des assurances et 2285 du code civil, afin de garantir une répartition au marc l'euro. Elles acceptent de limiter le séquestre à 5 ans à compter de la date à laquelle l'arrêt deviendra définitif. Subsidiairement, après avoir rappelé que la société [D] a été radiée de la CNCIF le 28 juin 2013, les MMA demandent à la cour d'appliquer un plafond unique de garantie en application de l'article R.124-4 du code des assurances, la garantie ayant été déclenchée dans le délai subséquent de l'article L.124-5 du même code. Les assureurs sollicitent par ailleurs l'application de la franchise contractuelle, soutenant qu'elle est opposable aux tiers en application de l'article L.112-6 du code des assurances. Les MMA ajoutent que si la cour devait considérer que la franchise ne peut s'appliquer à la demande individuelle de l'investisseur, ce qu'elles contestent, elle devrait logiquement s'appliquer au marc l'euro.
M. [S] sollicite la confirmation du jugement. Il souligne que la Cour de cassation a confirmé l'application de cette police à l'activité d'ingénierie financière à laquelle correspond le montage d'un produit de défiscalisation outre-mer. Il s'oppose à l'application du plafond invoqué par les assureurs, soutenant qu'aucun plafond de garantie n'est stipulé pour l'activité d'ingénierie financière, dont découle la responsabilité de la société [D]. Subsidiairement, il soutient que le plafond de garantie doit s'appliquer chaque année en vertu de la globalisation annuelle des sinistres dès lors que la cause du sinistre, comme la souscription et l'avantage fiscal sont liés à une année et non pas aux différentes années pendant lesquelles les sociétés Gesdom et [D] ont mis en oeuvre leur montage. M. [S] s'oppose à la demande des assureurs tendant à la séquestration de l'indemnité. Il explique qu'un séquestre est destiné à assurer une répartition proportionnelle d'un plafond de garantie et que s'il est jugé que la police n°112.788.909 ne comporte aucun plafond de garantie opposable, un séquestre s'avère inutile. Il ajoute qu'un séquestre n'est pertinent que si toutes les décisions condamnant les MMA ordonnaient un séquestre, alors que ce n'est pas le cas. Il considère qu'on ne peut imaginer des victimes soumises à une répartition proportionnelle et d'autres non. Il souligne que la Fédération de l'assurance estime qu'un séquestre n'est possible que si toutes les victimes sont connues d'emblée et qu'à défaut, il se heurte à des obstacles pratiques insurmontables s'agissant de procédures étalées dans le temps sur de nombreuses années. M. [S] précise que ces difficultés sont accrues par le fait que les condamnations de MMA ne sont pas fondées toutes sur les mêmes contrats lesquels ont des plafonds différents.
*****
Il ressort des contrats Simpladmi conclus entre M. [S] et la société [D] les 16 novembre 2009 et 12 mars 2010 que cette dernière a précisé contracter en qualité de " conseiller en investissement financier sous le n°CIF D005940, membre de la CNCIF agréée par l'Autorité des Marchés Financiers ".
Par ailleurs, il ressort des documents contractuels signés par M. [S] que la mention suivante apparaît en bas de page : " Gesdom - conseiller en investissements financiers, enregistré sous le n° D008259, membre de la CNCIF, association agréée par l'autorité des marchés financiers, SARL au capital de 10 000 €, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 502 966 336, ayant son siège social au [Adresse 4] ". Il est donc établi que la société Gesdom a revendiqué intervenir, dans le cadre de l'opération, en qualité de CIF.
Il ressort de la police n°112.788.909 souscrite par la Chambre nationale des conseillers en investissements financiers auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les MMA, à effet au 1er janvier 2007 au bénéfice de ses membres, dont font partie les sociétés [D] et Gesdom, que sont visées en première page : " Les opérations industrielles et immobilières de défiscalisation dans les DOM-TOM ".
Aux termes de cette police, les activités assurées sont, entre autres, le " conseil financier, ingénierie financière " et " conseiller en investissements financiers ". Contrairement à ce que soutiennent les MMA, la virgule séparant le " conseil financier " de celle de l'" ingénierie financière " ne restreint pas cette dernière activité à la sphère du conseil. De même, il n'apparaît nullement que toutes les activités garanties relèvent du domaine du conseil puisque sont également garanties la rédaction d'actes juridiques, la participation de l'assuré " au montage de dossiers de crédit pour les financements des clients ", l'activité d'administrateur auprès des tribunaux dans le cadre de successions ou d'indivisions contentieuses, les missions d'expertise judiciaire, l'enseignement, la formation ou encore l'activité de family office.
L'activité d'ingénierie financière n'est définie ni par la loi, ni par le contrat d'assurance. Il doit néanmoins être considéré que le montage d'un produit de défiscalisation relève de cette activité, en ce qu'elle exige des calculs complexes pour s'assurer de l'équilibre économique de l'opération, une analyse des projets d'investissements soumis par les exploitants et la vérification de leur éligibilité aux différentes aides fiscales, l'élaboration de schémas de financement répondant aux besoins des exploitants dans le respect des critères fixés par la loi fiscale, le dépôt d'une demande d'agrément fiscal lorsqu'il est nécessaire et le suivi de son instruction auprès de l'autorité compétente, et, en cas de recours à un schéma de financement externalisé, via un véhicule d'investissement qui acquiert le bien et le donne à bail à l'exploitant, la syndication de l'opération auprès d'investisseurs fiscaux, le plus souvent via des prestataires spécialisés tels que les CIF.
Cette analyse est confirmée par le rapport d'information du Sénat annexé au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2002 qui définit le " rôle des cabinets d'ingénierie financière " en expliquant que " Le métier de ceux qui sont généralement appelés " monteurs " est de mettre en relation des entreprises qui cherchent à investir et des épargnants qui souhaitent procéder à des placements défiscalisés dans le but d'abaisser leur taux de pression fiscale ".
Les MMA se prévalent de la clause définissant les " Produits couverts " comme suit : " Seuls les produits fabriqués par un établissement financier français c'est-à-dire soumis au contrôle d'une autorité de tutelle française sont couverts au titre du présent contrat ". Cependant, il ressort de la plaquette de commercialisation que les sociétés Gesdom et [D] ont, de concert, créé le produit de défiscalisation (" notre montage financier ", " grâce à notre montage "). Or, M. [S] n'est pas contredit par les MMA lorsqu'il indique que la société Gesdom est soumise à l'autorité des marchés financiers.
L'attestation du président de la CNCIF suivant laquelle cette police n'a pas vocation à garantir l'activité de monteur en défiscalisation est inopposable au demandeur, comme étant contraire aux termes du contrat d'assurance ci-dessus rappelés. Il en va de même de l'attestation d'assurance établie unilatéralement par l'assureur, qui ne correspond pas aux stipulations contractuelles.
Il ressort de la police n°112.788.909 qu'elle garantit " les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, omissions commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales ". En l'espèce, la responsabilité de la société [D] est engagée à raison d'une erreur, ou à tout le moins une négligence commise sur le fait générateur des réductions d'impôt.
Les assureurs ne sauraient se prévaloir d'une clause d'exclusion concernant les litiges afférents aux frais, honoraires et facturations d'assuré, dès lors que le présent litige ne porte nullement sur la prise en charge de frais, honoraires et facturations, la demande de remboursement de frais, à laquelle il n'a au demeurant pas été fait droit, n'étant formulée qu'au titre de la réparation d'une partie très résiduelle du préjudice subi du fait des fautes commises par les sociétés [D] et Gesdom.
La garantie au titre de la police n°112.788.909 est donc mobilisable.
Si M. [S] soutient qu'aucun plafond de garantie n'est stipulé pour l'activité d'ingénierie financière, il ressort du tableau figurant en page 7 de la police que le plafond de garantie dont se prévaut l'assureur est fixé à 2.500.000 € par sinistre, s'agissant notamment de l'activité de " conseiller en investissement financier ". Or, l'activité d'ingénierie financière relève de celle de CIF, qui est mentionnée sur les contrats des 16 novembre 2009 et 12 mars 2010. D'ailleurs, M. [S] attribue ces qualités aux sociétés [D] et Gesdom afin de revendiquer la mobilisation de la police n°112.788.909 souscrite par la CNCIF pour ses membres. L'application d'un plafond doit donc être retenue, étant précisé que l'attestation d'assurance du 17 février 2011 établit que le plafond a été porté à la somme de 3.000.000 € par sinistre.
M. [S] soutient, à titre subsidiaire, que le plafond de garantie doit s'appliquer chaque année en vertu de la globalisation annuelle des sinistres s'agissant de sinistres sériels ayant chaque année la même cause.
Les MMA s'y opposent, concluant à l'application d'un seul plafond pour l'ensemble des réclamations.
Selon l'article L.124-1-1 du code des assurances : " Au sens du présent chapitre, constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ".
La police litigieuse stipule au point n°7 (page 4) que, " constitue un seul et même sinistre (un sinistre sériel) l'ensemble des réclamations résultant :
- Soit d'un même évènement,
- Soit de plusieurs évènements même successifs, trouvant leur origine dans une même cause. En ce cas, la date du sinistre est celle de la première réclamation ou du premier évènement de cette série. Les conditions de la garantie, les montants de la garantie et des franchises sont ceux en vigueur à cette date ".
En l'espèce, les réclamations dont les MMA sont saisies trouvent leur origine dans une même cause, dès lors que le fait dommageable est unique comme résultant du manquement des sociétés [D] et Gesdom à leur obligation de s'assurer de l'efficacité du produit d'optimisation fiscale. Le sinistre est donc bien sériel et doit par conséquent être considéré comme un sinistre unique.
L'investisseur apparaît mal fondé à revendiquer l'application d'un plafond par année d'assurance, alors que la police prévoit l'application de ce plafond " par sinistre ".
Concernant la demande au titre du séquestre, l'article L.124-3 du code des assurances dispose que l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.
Le caractère probable du dépassement du plafond, qui est contesté par M. [S], résulte des très nombreuses décisions de tribunaux de commerce ou judiciaires et de cours d'appel versés aux débats par les parties, qui condamnent les MMA à l'indemnisation du préjudice des investisseurs au titre notamment de la police n°112.788.909. Nonobstant le caractère non définitif de ces décisions, il n'en demeure pas moins que les assureurs sont exposés à un risque de condamnations définitives dans ces nombreuses procédures. La cour relève, en outre, que la police en question garantit tous les membres de la CNCIF parmi lesquels les sociétés [D] et Gesdom. Dans ces conditions, le risque d'atteinte du plafond est caractérisé, de sorte qu'une répartition au marc l'euro s'avère possible.
M. [S] est mal fondé à soutenir, pour s'opposer à la désignation d'un séquestre, en premier lieu, que l'article 1961 du code civil réserve la mesure de séquestration au cas de propriété litigieuse et que l'indemnité fixée par une juridiction n'est plus litigieuse.
En effet, l'article 1961 dispose que :
" La justice peut ordonner le séquestre :
1° Des meubles saisis sur un débiteur ;
2° D'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes ;
3° Des choses qu'un débiteur offre pour sa libération ".
Toutefois, l'énumération de l'article 1961 n'est pas limitative. Le séquestre peut être ordonné toutes les fois que les juges estiment qu'il convient de prescrire cette mesure pour assurer la conservation des droits des parties.
Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient M.[S], le risque d'atteindre les plafonds de garantie est démontré par les pièces versées aux débats par les assureurs comme il a été dit ci-avant. Le fait que les litiges soient tranchés par des juridictions distinctes ne fait pas obstacle à une répartition proportionnelle in fine.
Enfin, la désignation d'un séquestre ne viole pas le droit à un procès dans un délai raisonnable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dès lors que la durée du séquestre est limitée par la cour à cinq ans, et n'est pas inéquitable non plus, en raison du fait qu'elle permet, au contraire, de traiter de la même façon tous les tiers lésés, sans désavantager les victimes moins diligentes, en procédant à une répartition au marc l'euro.
Il y a lieu, en conséquence, de désigner un séquestre selon les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt. Cette disposition étant de nature à retarder l'indemnisation effective des appelants, il y a lieu de limiter à cinq ans la mesure de séquestre décidée, ainsi que le proposent les assureurs.
Au regard du caractère sériel du sinistre, la franchise, régulièrement opposable aux tiers en application de l'article L.112-6 du code des assurances, ne peut être opposée individuellement à M. [S]. Elle doit être globalisée, de telle manière qu'une seule franchise de 15.000 €, (stipulée en page 7 du contrat), sera appliquée.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a condamné les MMA à garantir le dommage de M. [S] sans limitation de plafond, ni séquestre au titre de la police n°112.788.909.
- Sur la police n°114.247.742 souscrite par la société Gesdom
Les MMA considèrent que la police n'a pas vocation à s'appliquer, dès lors que M. [S] ne rapporte pas la preuve de la responsabilité de la société Gesdom. Surabondamment, les assureurs font valoir qu'il n'est pas démontré que la société Gesdom est intervenue en qualité de CIF et que tel n'a pas été le cas, son rôle s'étant limité à la commercialisation du produit fiscal monté par la société [D]. Ils soulignent en tout état de cause que la société Gesdom a souscrit un contrat spécifique auprès de la société Covea Risks pour assurer son activité de commercialisation des produits de défiscalisation dans les Dom-Tom, ce qu'elle n'aurait à l'évidence pas fait si elle était couverte pour cette activité au titre du contrat souscrit par la CNCIF.
Subsidiairement, les assureurs invoquent un plafond de garantie de 2.000.000 €. Ils sollicitent la globalisation des sinistres en application de l'article L.124-1-1 du code des assurances et la désignation d'un séquestre, renvoyant sur ces points à l'argumentation développée au titre de la police n°112.788.909. Subsidiairement, les MMA concluent à l'application d'un plafond unique de garantie en vertu de l'article R.124-4 du code des assurances et invoquent leur franchise.
M. [S] soutient que les garanties de cette police sont mobilisables au regard de son objet qui vise la commercialisation de produits de défiscalisation dans les Dom-Tom. Concernant les exclusions de garantie invoquées par les MMA, l'intimé renvoie à l'argumentation développée au titre de la police n°112.788.909. Il considère qu'en vertu de la globalisation des sinistres, le sinistre qu'il a subi doit être rattaché aux autres réclamations portant sur les montages fiscaux de la même année, dont il n'est pas contesté que les premières sont intervenues avant l'expiration du délai subséquent. M. [S] demande à la cour d'écarter l'avenant dont se prévalent les assureurs réduisant le plafond de garantie de 4.000.000 € à 2.000.000 €
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A titre liminaire, la cour constate que la police n°114.247.742 n'a pas été souscrite par la CNCIF mais par la société Gesdom directement auprès de la société MMA Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les MMA. Cette police a été souscrite à effet au 1er avril 2008. Elle garantit la " commercialisation de produits de défiscalisation dans les Dom Tom (Loi Girardin Industrie) montés par le cabinet [D] ". Il n'est nullement précisé au contrat que la garantie n'est accordée qu'au titre de l'activité de CIF de la société Gesdom. Au demeurant, comme indiqué supra, il ressort des documents contractuels signés par M. [S] que la mention suivante apparaît en bas de page : " Gesdom - conseiller en investissements financiers, enregistré sous le n° D008259, membre de la CNCIF, association agréée par l'autorité des marchés financiers, SARL au capital de 10 000 €, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 502 966 336, ayant son siège social au [Adresse 4] ". Il est donc établi que la société Gesdom a bien revendiqué intervenir à l'opération en qualité de CIF.
La police prévoit que sont garantis " les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, omissions commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tous actes dommageables ". Or, pour les motifs développés précédemment, la responsabilité de la société Gesdom est engagée à raison d'une erreur, ou à tout le moins une négligence commise sur le fait générateur des réductions d'impôt, ayant conduit à un défaut d'efficacité du produit d'optimisation fiscale.
Il n'est pas contesté que la garantie due par les assureurs au titre de la police initiale est soumise à un plafond qui, aux termes de la police est fixé à la somme de 4.000.000 €.
Au soutien de leur demande tendant à voir ramener le montant de ce plafond à la somme de 2.000.000 €, les MMA produisent un avenant au contrat de la police souscrite par la société Gesdom daté du 2 janvier 2012, indiquant :
" - le montant de la garantie RCP est ramené à 2.000.000 € par sinistre et par an (au lieu de 4.000.000 €),
- le montant de la franchise RCP par sinistre (inchangé) : 20 000 € ".
Aux termes des conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Gesdom, le litige sériel est ainsi défini au point 7 de la page 4 :
" Constitue un seul et même sinistre (un sinistre sériel) l'ensemble des réclamations résultant :
- soit d'un même événement,
- soit de plusieurs événements, même successifs, trouvant leur origine dans une même cause. En ce cas, la date du sinistre est celle de la première réclamation ou du premier événement de la série. Les conditions de garantie, les montants de garantie et des franchises sont ceux en vigueur à cette date ".
Comme énoncé précédemment, le sinistre résulte, en l'espèce, de la mise en cause de la responsabilité de la société Gesdom dans le cadre de la souscription du produit qu'elle a élaboré avec la société [D].
Selon la police, le plafond de la garantie à appliquer est celui en vigueur à la date du sinistre, définie, en cas de sinistre sériel, comme celle de la première réclamation ou du premier évènement de la série. L'" événement " mentionné dans la police, fait générateur unique du dommage, à savoir l'erreur d'appréciation de la notion d'" investissement réalisé ", datant comme le soutient à bon droit M. [S], à tout le moins de 2009, le plafond de garantie d'un montant de 4.000.000 € au moment de l'événement est seul opposable et déclaré applicable à ce dernier.
Le plafond de garantie doit s'appliquer de manière globale aux conséquences de la responsabilité de la société Gesdom pour l'ensemble des réclamants, dès lors qu'il n'y a qu'une seule cause technique à l'origine du fait dommageable. Il n'y a donc pas lieu à retenir un plafond par année comme l'ont décidé les premiers juges. La décision déférée sera infirmée sur ce point.
Concernant la demande de séquestre, la cour constate que la police en question ne garantit qu'un seul assuré, la société Gesdom, à la différence de la police n°112.788.909 et que le plafond applicable est très élevé. Les décisions communiquées par les MMA sont insuffisantes à établir l'existence d'un risque d'atteinte du plafond, la mobilisation de la garantie des MMA au titre de cette police n'étant pas visée dans toutes les procédures. En l'absence d'autre pièce probante justifiant du risque allégué, la demande de séquestre doit être écartée.
Comme indiqué supra, les assureurs ne sauraient se prévaloir d'une clause d'exclusion concernant les litiges afférents aux frais, honoraires et facturations d'assuré, dès lors que le présent litige ne porte nullement sur la prise en charge de frais, honoraires et facturations, la demande de remboursement de frais, à laquelle il n'a au demeurant pas été fait droit, n'étant formulée qu'au titre de la réparation d'une partie très résiduelle du préjudice subi du fait des fautes commises par la société Gesdom.
Enfin, pour les motifs précités, la franchise, d'un montant de 20.000 €, n'est pas opposable à titre individuel à M. [S].
- Sur la police n°120.137.363 souscrite par la société [D]
Les MMA invoquent le plafond de garantie contractuel et sollicitent la globalisation en application de l'article L.124-1-1 du code des assurances. Les assureurs invoquent par ailleurs l'épuisement de ce plafond de garantie. Subsidiairement, les appelantes demandent à la cour de faire application d'un plafond unique de garantie en application de l'article R.124-4 du code des assurances. Elles expliquent que le contrat souscrit par la société [D] a été résilié le 1er janvier 2013 et que la réclamation de M. [S] est intervenue pendant le délai subséquent de cinq ans, de sorte que si la cour n'entendait pas globaliser, elle dirait qu'en tout état de cause un seul et unique plafond s'applique pour toutes les réclamations formées pendant la période de garantie subséquente. Les MMA invoquent par ailleurs leur franchise.
M. [S] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les garanties au titre de la police en cause sont mobilisables. Il conteste l'épuisement du plafond de garantie qu'il estime non démontré. Il précise que les arrêts de la cour d'appel de Paris qui ont constaté cet épuisement font l'objet d'un pourvoi dès lors qu'ils se contentent, sur ce point, de procéder par voie d'affirmation. L'intimé considère que les sinistres doivent être globalisés par année et que son sinistre doit être rattaché aux autres réclamations portant sur les investissements de la même année dont il est reconnu par l'assureur que les premières sont intervenues avant l'expiration du délai subséquent de cinq ans, soit avant le 1er janvier 2018.
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Il ressort de la police n°120.137.363 à laquelle la société [D] a souscrit auprès de la société Covea Risks à effet au 1er janvier 2011 qu'elle garantit le montage d'opérations de défiscalisation à caractère industriel dans les collectivités d'outre-mer.
Le contrat garantit " les conséquences de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, omissions commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tous actes dommageables". ". En l'espèce, la responsabilité de la société [D] est engagée à raison d'une erreur, ou à tout le moins une négligence commise sur le fait générateur des réductions d'impôt.
L'application du plafond contractuel de garantie d'un montant de 1.250.000 € n'est pas contesté.
Pour les motifs précités, le plafond de garantie doit s'appliquer de manière globale aux conséquences de la responsabilité de la société [D] pour l'ensemble des réclamants, dès lors qu'il n'y a qu'une seule cause technique à l'origine du fait dommageable.
Les MMA font valoir que le plafond de garantie de la police n°120.137.363 est épuisé et produisent au soutien de leurs dires des décisions de condamnation qu'elles prétendent avoir exécutées. Cependant, la cour constate que les assureurs évoquent dans leurs conclusions des " justificatifs de règlements " qui ne sont pas produits. L'examen du tableau des règlements qu'elles communiquent en pièce n°37 permet de constater qu'il vise des sommes qui n'ont pas été réglées à titre définitif, puisque les sommes allouées à M. [S] en première instance y apparaissent. En outre, rien n'établit que toutes les sommes recensées ont été effectivement payées.
Dès lors que les MMA ne démontrent pas avoir procédé à des règlements, à titre définitif, dont le montant a atteint 1.250.000 €, l'épuisement du plafond de garantie ne peut être retenu.
Concernant la demande des assureurs tendant à la désignation d'un séquestre, la cour constate que la demande, formulée dans le dispositif des conclusions des MMA, ne fait l'objet d'aucune motivation dans la partie discussion des écritures, en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile. A défaut de motiver leur demande de séquestre, les MMA ne mettent pas la cour en mesure d'en apprécier le bien-fondé de sorte qu'elles en seront déboutées.
Pour les motifs précités, la franchise, d'un montant de 20.000 € suivant le tableau des garanties figurant en page 2 de la police, n'est pas opposable à titre individuel à M. [S].
Comme indiqué supra, les assureurs ne sauraient se prévaloir d'une clause d'exclusion concernant les litiges afférents aux frais, honoraires et facturations d'assuré, dès lors que le présent litige ne porte nullement sur la prise en charge de frais, honoraires et facturations, la demande de remboursement de frais, à laquelle il n'a au demeurant pas été fait droit, n'étant formulée qu'au titre de la réparation d'une partie très résiduelle du préjudice subi du fait des fautes commises par la société [D].
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Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les MMA doivent être condamnées in solidum à payer à M. [S] la somme de 75.277,50 € à titre de dommages et intérêts :
- au titre de la police n°112.788.909, dans la limite du plafond de garantie unique de 3.000.000 € ; cette somme sera séquestrée dans les conditions fixées au dispositif ;
- au titre de la police n°114.247.742, dans la limite du plafond de garantie unique de 4.000.000 €, sans séquestre ;
- au titre de la police n°120.137.363, dans la limite du plafond de garantie unique de 1.250.000 €, sans séquestre.
Pour faciliter la compréhension et donc l'exécution de l'arrêt, le jugement sera infirmé sur l'ensemble de ces points.
Sur la demande au titre de l'imputation de l'indemnité
Conformément à la demande de M. [S], l'indemnité allouée s'imputera par priorité, par ordre décroissant, des plafonds de garanties de la police n°114.247.742, puis de la police n°112.788.909 et enfin de la police n°120.137.363.
Sur la demande au titre de la résistance abusive
L'exercice d'un droit ne dégénère en abus qu'en cas de faute équipollente au dol qui n'est pas caractérisée en l'espèce à l'égard des MMA, étant précisé que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute. Aussi, le jugement déféré, par substitution de motifs, sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande indemnitaire à ce titre.
Sur les intérêts
Par infirmation du jugement, en application de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts courront au taux légal à compter de l'assignation.
Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Au regard de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.
Les MMA, qui succombent in fine, supporteront les dépens d'appel et seront condamnées in solidum à payer à M. [S] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
Rejette les fin de non-recevoir soulevées par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ;
Infirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives à la demande indemnitaire au titre de la procédure abusive, à la capitalisation des intérêts, aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [N] [S] la somme de 75.277,50 € à titre de dommages et intérêts :
- au titre de la police n°112.788.909, dans la limite du plafond de garantie unique de 3.000.000 € ; cette somme sera séquestrée dans les conditions fixées ci-après,
- au titre de la police n°114.247.742, dans la limite du plafond de garantie unique de 4.000.000 €, sans séquestre,
- au titre de la police n°120.137.363, dans la limite du plafond de garantie unique de 1.250.000 €, sans séquestre ;
Désigne la Caisse des dépôts et consignations comme séquestre, avec pour mission de conserver la somme de 75.277,50 € due à M. [N] [S] en application de la police n°112.788.909 dans l'attente des décisions définitives statuant sur les réclamations formées à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, au titre de cette police, en raison de manquements des sociétés [D] et Gesdom à l'origine de dommages ayant la même cause que celle décrite au présent arrêt, sans que cette conservation puisse excéder 5 ans à compter de la date à laquelle le présent arrêt deviendra définitif ;
Dit que l'indemnité allouée s'imputera par priorité, par ordre décroissant, des plafonds de garanties de la police n°114.247.742, puis de la police n°112.788.909 et enfin de la police n°120.137.363 ;
Dit que les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ne peuvent se prévaloir que d'une seule franchise par sinistre et par police, soit 15.000 € au titre de la police n°112.788.909, 20.000 € au titre de la police n°114.247.742 et 20.000 € au titre de la police n°120.137.363 ;
Dit que les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ne peuvent opposer chaque franchise précitée individuellement à M. [N] [S] ;
Dit que les intérêts sur la somme allouée courront au taux légal à compter de l'assignation, soit du 14 décembre 2015 ;
Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux dépens d'appel ;
Condamne in solidum les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. [N] [S] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Mme Patricia GERARD, Faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le faisant fonction de greffier, Le président,