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12/04/2023 | FRANCE | N°22/00804

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 12 avril 2023, 22/00804


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 AVRIL 2023



N° RG 22/00804 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VB4M



AFFAIRE :



[K] [A]





C/

S.A.S. MICROSOFT FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

° RG : 20/00075



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO



la SELARL CAPSTAN LMS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE AVRIL DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 AVRIL 2023

N° RG 22/00804 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VB4M

AFFAIRE :

[K] [A]

C/

S.A.S. MICROSOFT FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 20/00075

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO

la SELARL CAPSTAN LMS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [A]

né le 01 Décembre 1970 à [Localité 5] (75)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Geoffrey CENNAMO de la SELEURL CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0750 - N° du dossier 19.067 substitué par Me Philippe THIVILLIER avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. MICROSOFT FRANCE

N° SIRET : 327 733 184

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Aurélien LOUVET de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 - N° du dossier PLA20034 substitué par Me Jules SACHEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[K] [A] a été engagé par la société Microsoft France suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 juillet 2012 en qualité de responsable de compte ('account executive'), position III B, coefficient 180, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres des industries de la métallurgie.

Par avenant au contrat de travail, il a été prévu à compter du 1er juillet 2018 le versement d'une rémunération variable de 61 % de son salaire fixe annuel brut à objectifs atteints, payable une fois par an et attribué en fonction des résultats et de la réalisation des objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés dans le cadre de sa mission, de son temps de présence sur l'année fiscale au sein de la société et de son appartenance aux effectifs de la société au dernier jour de l'année fiscale.

Par lettre datée du 3 juillet 2019, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 juillet suivant, puis par lettre datée du 18 juillet 2019, lui a notifié son licenciement, en le dispensant de l'exécution du préavis qui lui a été rémunéré.

Par lettre datée du 26 juillet 2019, le salarié, par l'intermédiaire de son conseil, a contesté les motifs du licenciement.

Par lettre datée du 7 août 2019, l'employeur a maintenu sa décision.

Le 16 décembre 2019, [K] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la nullité de son licenciement au motif d'une discrimination liée à l'âge, subsidiairement que soit constaté son caractère dépourvu de cause réelle et sérieuse, et la condamnation de la société Microsoft France au paiement de diverses indemnités et rappel de salaire tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 20 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, ont condamné la société Microsoft France à payer à [K] [A] les sommes suivantes :

* 8 190 euros à titre de rappel de rémunération variable (CBI) 2018/2019,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ont débouté le salarié de l'ensemble de ses autres demandes, ont rappelé que les sommes allouées en justice, quelles qu'elles soient, sont soumises au traitement social et fiscal résultant de la loi en vigueur, que les dispositions résultant de la loi de sécurité sociale, qui assujettissent les sommes allouées, y compris indemnitaires, à charges salariales et patronales, sont d'ordre public, et qu'il appartient, en conséquence, à chacune des parties de s'acquitter des cotisations pouvant lui incomber, ont débouté la société Microsoft France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ont mis les éventuels dépens à la charge de 'Monsieur Société Aerzen France'.

Le 11 mars 2022, [K] [A] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 17 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [K] [A] demande à la cour de :

- sur le licenciement, infirmer le jugement, statuant à nouveau, lui accorder à titre principal la somme de 203 886 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement discriminatoire fondé sur l'âge, à titre subsidiaire, 135 924 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- sur la discrimination relative à l'âge, infirmer le jugement, statuant à nouveau, condamner la société Microsoft France à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- sur le non-respect de la charte compliance, infirmer le jugement, statuant à nouveau, condamner la société Microsoft France à lui verser la somme de 5 000 euros a titre de dommages et intérêts,

- sur la rémunération variable, confirmer le jugement en ce qu'i1 a condamné la société Microsoft France à lui verser 8 190 euros brut au titre de la rémunération variable CBI de 2018/2019, l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappel de rémunération variable et statuant à nouveau, condamner la société Microsoft France à lui verser :

* 11 572 euros brut au titre de la rémunération variable RBI du 1er juillet au 22 octobre 2019,

* 3 857,33 euros brut, au titre de la rémunération variable CBI du 1er juillet au 22 octobre 2019,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Microsoft France à lui verser 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Microsoft France à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en procédure d'appel.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 18 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Microsoft France demande à la cour de confirmer le jugement sauf en sa condamnation à paiement au titre de la rémunération variable, infirmer le jugement sur ce dernier chef, condamner [K] [A] à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la validité du licenciement

La lettre de licenciement notifié au salarié est ainsi rédigée :

'(...) Nous sommes malheureusement contraints de constater depuis plusieurs mois que vous ne faites pas preuve de la compétence professionnelle que nous sommes en droit d'attendre d'un salarié ayant votre expérience et que votre niveau d'impact reste bien en-dessous des attentes sur plusieurs composantes clé de votre rôle.

Vous faites preuve d'une capacité insuffisante à mettre en place, de manière proactive, des plans stratégiques et les plans d'actions associés, puis à les délivrer.

(...)

Vous n'avez pas non plus réussi à créer un climat de confiance et construire une relation de qualité avec plusieurs de vos clients.

(...)

Enfin vous ne délivrez pas le niveau de résultats attendus et vous ne suivez pas les règles de l'entreprise en matière en gestion des contrats. Vous générez ainsi des attentes que nous ne sommes pas en mesure de satisfaire, ce qui entame la confiance des clients et remet en cause la bonne exécution des contrats.

(...)

En dépit des alertes de votre hiérarchie, vous n'avez pas mis en oeuvre les actions nécessaires pour faire évoluer la situation et vous avez constamment cherché des justifications externes sans jamais vous remettre en question.

(...)'.

Le salarié fait valoir que le véritable motif du licenciement est fondé sur une discrimination liée à son âge.

La société réplique que le licenciement est fondé sur un motif réel et sérieux sans rapport avec l'âge du salarié.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français'.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du même code : ' Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. / Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Au soutien de son moyen tiré d'une discrimination en raison de son âge, le salarié, âgé de 48 ans au moment du licenciement, expose que la société Microsoft France a mené un plan de réduction d'effectifs à partir de juillet 2019 avec une négociation avec les organisations syndicales en relation avec des résultats de l'exercice juillet 2018 à juin 2019 qui n'étaient pas en ligne avec ceux attendus, que cette situation l'a conduite à anticiper quelques départs par des licenciements pour insuffisance professionnelle de résultats, en citant [X] [I], [S] [H] et [U] [L], que tous les salariés licenciés se trouvaient dans une tranche d'âge de 45 à 50 ans comme lui.

Il produit quatre comptes-rendus de réunion des délégués du personnel de septembre 2018, décembre 2018, janvier 2019 et juin 2019, faisant état de questions se rapportant à la rémunération variable des salariés âgés de plus de 45 ans, au recrutement des seniors au sein de la société et à la mise en place d'une accord Gpec permettant aux salariés les plus âgés de bénéficier de conditions favorables lors de leur départ en retraite. Ces pièces ne se rapportent pas à des licenciements de salariés se trouvant dans une tranche d'âge de 45 à 50 ans, ni à la situation du salarié.

D'une part, la lettre de licenciement n'évoque à aucun moment l'âge du salarié.

D'autre part, le salarié ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte dont il aurait été l'objet.

Aucune discrimination en raison de l'âge n'est établie.

Le salarié sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la discrimination ainsi que de nullité du licenciement et d'indemnité pour licenciement nul. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur le bien-fondé du licenciement

Le salarié conclut au caractère dénué de cause réelle et sérieuse du licenciement au motif que la lettre de licenciement ne qualifie pas le licenciement, que l'employeur n'a pas respecté les garanties de fond tirées de ses engagements unilatéraux et que les faits soit ne sont pas établis, soit ne sont pas sérieux.

La société réplique que le licenciement est fondé sur l'insuffisance professionnelle du salarié, qu'elle n'a pris aucun engagement unilatéral fondant une garantie de fond, que les faits sont établis et sérieux et que le salarié doit être débouté de toutes ses demandes au titre du licenciement.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute.

La lettre de licenciement indique expressément au salarié : 'vous ne faites pas preuve de la compétence professionnelle que nous sommes en droit d'attendre d'un salarié ayant votre expérience et que votre niveau d'impact reste bien en-dessous des attentes sur plusieurs composantes clé de votre rôle' et cite plusieurs exemples d'insuffisances dont le salarié a fait preuve dans l'exercice des missions qui lui étaient confiées, sans se référer à aucun moment au caractère délibéré des difficultés rencontrées ou à une mauvaise volonté de sa part dans l'exécution de ses tâches. Il s'en déduit que le licenciement énonce un motif d'insuffisance professionnelle attribuée au salarié.

Au soutien de son argumentation relative au non-respect par l'employeur d'une garantie de fond au licenciement, tirée des engagements unilatéraux de l'employeur, le salarié allègue que l'employeur aurait pris l'engagement de ne pas licencier de façon immédiate après une procédure interne en cas de résultats insuffisants et de laisser un délai d'un mois au salarié pour répondre à 'l'insufficient results' après un 'connect'. Il produit un compte-rendu d'une réunion des délégués du personnel de 2018 dont il ne résulte cependant pas que l'employeur aurait pris de tels engagements, celui-ci ayant seulement indiqué à un point intitulé : 'dernier connect, cas cochée, lettre de convocation' : 'cette situation n'est pas supposer arriver. Les échanges avec le manager doivent permettre au collaborateur d'avoir des feedbacks réguliers quant à sa performance' et à un point intitulé 'case cochée, mais pas d'accompagnement' : 'La case 'insufficient results' doit être utilisée comme un levier de développement'. En tout état de cause, les réponses de l'employeur aux questions des délégués du personnel ne sont pas assimilables à une garantie de fond au licenciement. Le moyen sera écarté.

S'agissant du bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle, il ressort de la pièce 10 produite par la société que le salarié a bénéficié de 22 formations sur tous les aspect de son poste entre 2017 et 2019, à savoir la relation client, la conformité des actions commerciales au regard des règles de l'entreprise, de l'exécution des ventes, du paiement des prestataires, des conflits d'intérêts ; que le compte-rendu d'entretien professionnel du 23 avril 2019 relève des difficultés rencontrées par le salarié dans l'exécution de ses missions, rédigées ainsi qu'il suit : 'Après un an dans le rôle d'account executive force est de constater que [K] n'a pas réussi à appréhender pleinement les contours du poste et à délivrer à cette date le niveau d'impact attendu et ce, malgré les nombreuses séances de coaching et le temps passé avec son n+1 et son n+2", conclut à des résultats insuffisants et lui fixe un certain nombre d'objectifs.

S'agissant du grief relatif à la capacité insuffisante à mettre en place, de manière proactive, des plans stratégiques et les plans d'actions associés, puis à les délivrer

La lettre de licenciement reproche précisément au salarié de ne pas avoir mis en place de plan de gouvernance de la relation avec le client groupe [V] Thermique un mois après avoir acté en présence de ce client la mise en place d'un tel plan, ce qui lui a été rappelé par sa n+1 en présence du client.

Ce grief est établi par le compte-rendu de l'entretien du 24 septembre 2018 avec sa hiérarchie soulignant l'importance de cette mission, le compte-rendu du 23 janvier 2019 avec sa hiérarchie lui indiquant l'importance de travailler sur le plan d'ambition, enjeux et trajectoire pour réussir ces ambitions et construire le plan d'action avec le 'retroplanning associé, owner, revenu attendue', ce à quoi le salarié a acquiescé en indiquant qu'il proposerait avant fin janvier ce plan à l'ensemble de l'équipe entendue. Le salarié ne conteste pas ne pas avoir présenté pour chacun de ses sept clients un tel plan d'action à ses supérieurs hiérarchiques en dépit de relances et n'avoir adressé qu'en mars 2019, soit huit mois après sa prise de fonction au sein de la direction 'enterprise commercial', un seul plan d'action pour le client groupe [V] Thermique. Il ressort du compte-rendu d'évaluation du 23 avril 2019 qu'un mois après cette validation, le plan n'avait toujours pas été mis en oeuvre par le salarié.

Il est constant qu'aucune pièce n'est produite démontrant la mise en oeuvre effective des autres plans d'action demandés à plusieurs reprises par sa hiérarchie.

S'agissant du grief relatif au fait de ne pas avoir réussi à créer un climat de confiance et construire une relation de qualité avec plusieurs des clients

La lettre de licenciement indique précisément au salarié que le client groupe [V] Thermique a demandé à changer d'interlocuteur commercial jugeant son action opaque, qu'il ne se positionnait pas comme un partenaire vis-à-vis de lui et qu'il ne s'intéressait pas à leur organisation et activité, que ce retour lui a été transmis afin de l'aider à progresser et qu'il a alors pris l'initiative sans consulter son management de confronter le client sur ce sujet ce qui a entraîné une situation très délicate pour le client et l'entreprise Microsoft et que sa n+1 a alors reçu une demande expresse du client de ne plus être contacté par lui.

Il ressort d'un échange de courriels du 26 avril 2019 entre M. [O], responsable du service Système d'Information et Transformation Digitale du groupe [V] Thermique et le salarié, que l'attention du salarié a été attirée sur l'importance d'écouter et de comprendre les attentes des clients. Il ressort en outre d'un échange de courriels des 13 et 14 juin 2019 entre M. [O], Mme [V], membre du comité de direction du groupe [V] Thermique et Mme [W], n+1 du salarié, une insatisfaction de la relation créée par le salarié avec les clients, le salarié n'étant pas jugé à l'écoute du client groupe [V] Thermique, ne comprenant pas leurs métiers, leurs préoccupations et leur organisation, et indiquant : 'je n'ai au final pas du tout l'impression d'être le client mais de devoir rendre des comptes en permanence', 'l'ensemble de ces points me donne plus très confiance auprès de [K]'. Il ressort par ailleurs d'un courriel de Mme [V] du 14 juin 2019 l'appréciation suivante : 'je partage l'ensemble des éléments mis en évidence par [F] ([O]) en particulier ceux concernant [K]. Je confirme que moi-même je suis témoin du manque d'empathie de [K] pour les préoccupations et le métier du groupe, nos projets, nos ambitions. (...) 'Penses-tu qu'il serait envisageable de changer d'interlocuteur''.

Il ressort d'un courriel adressé le 19 juin 2019 par Mme [W] au salarié qu'à la suite de la réunion organisée le jour-même avec Mme [V] et M. [O] avec le salarié, ceux-ci 'ont été extrêmement surpris et choqués de l'attitude que tu as eu à leur égard' (...) 'Tous deux se sont sentis agressés et dans une logique de justification' ; elle déplore, après lui avoir partagé leur 'feedback' très mitigé de leur relation avec lui lors de leur dernier meeting du 14 juin, une réaction déplacée et inappropriée de sa part mettant en exergue son incapacité à recevoir un 'feedback' et à se l'approprier en vue de progresser ; elle lui fait part de la décision de lui retirer la gestion de ce client.

La lettre de licenciement reproche en outre au salarié sa passivité dans la gestion d'un problème de facturation sur le compte Cma-Cgm, ce qui a entraîné un courriel de plainte du client au Pdg Microsoft France.

Il ressort d'échanges de courriels entre divers interlocuteurs du client Cma-Cgm et de la société Microsoft France concernant une difficulté de facturation du 15 février 2019 auprès de ce client, que le salarié n'est pas intervenu auprès de son client entre le 15 février et le 10 avril 2019 alors qu'il s'agissait d'un de ses clients privilégiés et qu'il n'est intervenu qu'une fois que le vice-président de Microsoft a été alerté directement par le vice-président de la société Cma-Cgm et que la supérieure du salarié est intervenue dans ce dossier, soit à partir du 10 avril 2019.

S'agissant du grief relatif à l'absence de niveau de résultats attendus et de suivi des règles de l'entreprise en matière de gestion des contrats, en générant des attentes que l'entreprise n'est pas en mesure de satisfaire

La lettre de licenciement reproche précisément au salarié d'avoir généré des attentes auprès du client Cma-Cgm qui demandait l'intégration d'une entreprise rachetée afin d'avoir de meilleures conditions, ce qui a abouti à une situation délicate en interne et indique que son management a reçu une plainte du 'responsable licensing'.

Par un courriel du 4 juin 2019, M. [C], responsable commercial de la société Microsoft France a alerté Mme [W] quant à la non-maîtrise par le salarié des principes essentiels de la gestion des contrats, ce qui a eu pour conséquence de présenter des offres irréalistes au client et de générer des attentes que l'entreprise ne peut pas satisfaire à court terme, et en ce que le salarié attend trop de l'équipe commerciale 'executive'.

Il ressort d'un courriel de Mme [Y], responsable qualité client de la société au salarié du 4 juin 2019, que la présentation d'une offre répondant à la demande du client ne répondait pas aux règles de l'entreprise.

Pa courriel du 7 juin 2019, M. [C] lui a alors demandé d'échanger avec le client afin de lui faire comprendre les raisons de l'impossibilité d'accéder à sa demande.

La lettre de licenciement reproche encore au salarié de ne pas avoir bien su gérer les étapes de la négociation avec le client Stef en insistant pour obtenir une remise additionnelle ce que l'entreprise ne pouvait faire, aboutissant à ce que le contrat ne puisse pas être signé.

Il ressort d'un courriel de Mme [Y] au salarié du 21 juin 2019 que celui-ci a tenté d'obtenir pour le client Stef une remise plus importante que celle autorisée par les règles internes, pourtant connues par le salarié au vu notamment des formations qu'il avait suivies.

Il ressort de tout ce qui précède que la matérialité de l'ensemble des griefs est établie.

Au regard du niveau de responsabilités du salarié, de l'accompagnement de sa hiérarchie à la suite de la détection de difficultés dans la mise en oeuvre des missions qui lui étaient confiées pendant plusieurs mois et des formations suivies, l'insuffisance professionnelle mentionnée dans la lettre de licenciement est établie.

Le licenciement repose par conséquent sur une cause réelle et sérieuse.

Il convient de débouter le salarié de toutes ses demandes afférentes au licenciement.

Sur le non-respect de la charte 'compliance'

Le salarié fait valoir qu'il a réalisé ses missions dans un contexte de difficultés personnelles dont il avait fait part à [R] [D], sa précédente responsable hiérarchique en décembre 2018, qu'il n'a pu s'ouvrir à ses deux nouvelles responsables hiérarchiques, [Z] [W] et [N] [Y] de l'aggravation de ses difficultés personnelles sur le premier semestre 2019, que 'le non-respect de la charte compliance de la société a donc eu pour conséquence directe une dégradation des conditions de travail' et que 'cette violation a donc eu pour conséquence directe une perte de chance pour le salarié de bénéficier du respect et de la bienveillance lui permettant de poursuivre la relation contractuelle dans des conditions sereines'.

Ce faisant, le salarié ne démontre aucun manquement de la société Microsoft France aux dispositions de la charte 'compliance' qu'il invoque.

En tout état de cause, il ne justifie d'aucun préjudice causé par le manquement qu'il invoque.

Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le rappel de rémunération variable

Au titre de la période comprise entre le 1er juillet 2018 et le 30 juin 2019

La société fait valoir qu'au regard de ses résultats insuffisants, le salarié ne pouvait solliciter une rémunération variable Cbi au titre de l'exercice fiscal 2019 soit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019.

Le salarié réplique qu'il a droit à une rémunération variable Cbi sur cette période, n'en ayant perçu aucune.

Le jugement qui a fait droit à la demande de rémunération variable sollicitée pour la période considérée sera confirmé au regard des motifs exacts et pertinents retenus par les premiers juges que la cour adopte, l'employeur ne justifiant en particulier d'aucun élément relatif à l'atteinte des objectifs assignés au salarié, le fait de se référer de manière générale et vague à des 'résultats insuffisants' mentionnés à l'entretien d'évaluation en question ne permettant pas de retenir que l'employeur a satisfait à son obligation de fournir les éléments qui lui incombent.

Au titre de la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 22 octobre 2019, date d'expiration du contrat de travail

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de ce chef, alors que le salarié n'était pas présent dans les effectifs de l'entreprise au 30 juin 2020, condition contractuellement stipulée pour le versement de la part de rémunération variable Cbi. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles et infirmé en ce qu'il statue sur les dépens.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Chaque partie conservera la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il statue sur les dépens,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société Microsoft France aux entiers dépens,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00804
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;22.00804 ?
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