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12/04/2023 | FRANCE | N°21/03548

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 12 avril 2023, 21/03548


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 AVRIL 2023



N° RG 21/03548 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U34Y



AFFAIRE :



S.A.R.L. ASSAINISSEMENT ET PRODUITS INDUSTRIELS EUROPEENS (APIE)





C/

[D] [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

N° Sectio

n : C

N° RG : 21/00145



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sandrine GENOT



AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE AVRIL DEUX MILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 AVRIL 2023

N° RG 21/03548 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U34Y

AFFAIRE :

S.A.R.L. ASSAINISSEMENT ET PRODUITS INDUSTRIELS EUROPEENS (APIE)

C/

[D] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

N° Section : C

N° RG : 21/00145

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sandrine GENOT

AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. ASSAINISSEMENT ET PRODUITS INDUSTRIELS EUROPEENS (APIE)

N° SIRET : 310 .18 9.8 32

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sandrine GENOT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R012

APPELANTE

****************

Monsieur [D] [P]

né le 31 Décembre 1967 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Valérie LANES de l'AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185 substitué par Me Alexandre MARIUS, avocat au barreau de Paris

INTIME

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Mars 2023, Madame Laure TOUTENU, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [P] a été engagé par la société Assainissement et produits industriels européens (ci-après dénommée APIE) suivant un contrat de travail à durée déterminée en qualité de chef d'équipe à compter du 4 juillet 2005. La relation de travail s'est poursuivie sous forme de contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2006.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Le 18 décembre 2013, la société APIE a convoqué M. [P] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 19 décembre 2013, M. [P] a subi un accident du travail, indiquant avoir chuté au sol en nettoyant des gaines de ventilation.

Le salarié a fait l'objet d'arrêts de travail jusqu'au 30 novembre 2015.

Le 4 janvier 2016, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude temporaire au poste.

Le 1er février 2016, le médecin du travail a rendu l'avis suivant :

« Inapte au poste, apte à un autre.

Serait apte à un poste sédentaire avec marche réduite à 50 m, sans utiliser d'outil de la main droite et en évitant les stations debout prolongées. »

Par lettre du 26 février 2016, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 9 mars 2016.

Par lettre du 16 mars 2016, l'employeur a licencié le salarié pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Le 1er mars 2018, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir la condamnation de la société APIE au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation, et de diverses indemnités et sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement de départage en date du 9 novembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que le licenciement de M. [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société APIE à lui payer les sommes suivantes :

* 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec

intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021,

* 234,09 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2018,

* 133,34 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 13,33 euros au titre des congés payés incidents, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2018,

* 10,74 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2018,

* 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021,

- ordonné la capitalisation des intérêts, dès lors qu'ils sont dus pour une année entière,

- ordonné à la société APIE de remettre à M. [P] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaires récapitulatif conformes à la présente décision,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société APIE aux entiers dépens,

- rappelé que la décision est assortie de l'exécution provisoire.

Le 6 décembre 2021, la société APIE a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 février 2023, la société APIE demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de M. [P] dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à lui payer les sommes suivantes :

* 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021,

* 234,09 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2018,

* 133,34 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 13,33 euros au titre des congés payés incidents, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2018,

* 10,74 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2018,

* 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021,

- ordonné la capitalisation des intérêts, dès lors qu'ils sont dus pour une année entière,

- lui a ordonné de remettre à M. [P] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaires récapitulatif conformes à la présente décision,

- l'a condamnée entiers dépens,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de ses autres demandes,

et statuant à nouveau :

- de débouter M. [P] de toutes ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 27 janvier 2023, M. [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit son licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris du chef d'indemnité pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse, sauf à préciser que l'indemnité due est celle prévue à l'article L. 1226-15 du code du travail d'un montant minimum de douze mois de salaire et sauf à porter le montant de l'indemnité due sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail à la somme de 40 000 euros,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris des chefs d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés incidents, sauf à préciser que l'indemnité compensatrice de préavis due est celle prévue aux articles L. 1226-14 et L. 5213-9 du code du travail et sauf à porter le montant de l'indemnité compensatrice due sur le fondement des articles L. 1226-14 et L. 5213-9 du code du travail à la somme de 2 331,51 euros et celui des congés payés incidents à la somme de 233,15 euros,

- confirmer, dans son principe, le jugement entrepris des chefs de complément d'indemnité spéciale de licenciement et de complément d'indemnité compensatrice de congés payés, sauf à porter le montant de l'indemnité spéciale de licenciement à la somme de 421,01 euros et celui de l'indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 3 465,35 euros,

- confirmer le jugement entrepris des chefs d'article 700 du code de procédure civile, d'intérêts légaux, de capitalisation des intérêts et le confirmer également en ce qu'il a ordonné à la société APIE la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de salaire conformes,

- infirmer le jugement entrepris du chef de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de formation et d'adaptation,

- statuant à nouveau, condamner la société APIE à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de formation et d'adaptation,

- y ajoutant, condamner la société APIE à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

- assortir d'une astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la remise des documents sociaux qui a été ordonnée par le conseil de prud'hommes,

- dire que la cour se réservera le droit de liquider l'astreinte,

- condamner la société APIE aux entiers dépens, qui comprendront, outre le droit de plaidoirie, l'intégralité des éventuels frais de signification et d'exécution de l'arrêt.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 14 février 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

(') Vous avez été victime d'un accident du travail le 19 décembre 2013 et vous avez été arrêté du 19/12/2013 au 30/11/2015.

Le Docteur [G] [U] [T], médecin du travail, a organisé une visite à sa demande dans le cadre de votre suivi médical. Vous avez bénéficié d'une visite médicale de reprise du travail, le 4 janvier 2016.

En application des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail, lors de la seconde visite du 1er février 2016, le Docteur [G] [U] [T] a déclaré une inaptitude définitive à votre poste de chef d'équipe que vous teniez antérieurement mais nous a informé qu'un poste, de type sédentaire avec une marche réduite à 50 mètres sans utiliser d'outil de la main droite et en évitant les stations debout prolongées, pourrait convenir.

Nous avons, comme indiqué dans l'avis d'inaptitude, recherché les postes de travail susceptibles de convenir à vos nouvelles capacités.

Nous ne sommes malheureusement pas parvenus à trouver un emploi disponible qui corresponde à votre qualification et respecte les préconisations du médecin du travail. Nous constatons que votre reclassement est impossible.

Vous avez été convoqué à un entretien préalable au licenciement, qui s'est tenu le jeudi 10 mars 2016 à 9 heures. Au cours de cet entretien où vous n'avez pas jugé utile de vous faire assister, nous vous avons informé qu'en dépit de nos recherches, nous ne pouvions vous proposer aucun poste de reclassement susceptible de vous convenir.

Par ailleurs, nous vous informons que nous n'avons pas pu interroger le délégués du personnel sur les possibilités de reclassement.

En effet, comme vous le savez, les dernières élections ont donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de carence.

Comme nous vous l'avons déjà indiqué par courrier en date du 23 février 2016 et lors de l'entretien préalable, nous vous rappelons ci-après très précisément les démarches qui ont été menées et les raisons pour lesquelles la société APIE est contrainte de se séparer de vous.

Notre entreprise a un effectif de 16 salariés sous contrat de travail à durée indéterminée et vous avez été embauché, le 4 juillet 2005, en qualité de chef d'équipe. Les restrictions médicales formulées par le médecin du travail sont les suivantes : poste de type sédentaire avec une marche réduite à 50 mètres sans utiliser d'outil de la main droite et en évitant les stations debout prolongées. Nous avons donc recherché tout poste de reclassement ou de mutation, transformation ou aménagement de votre emploi de chef d'équipe.

Nous avons donc procédé à une analyse détaillée des différentes activités de votre poste de chef d'équipe ['].

En conclusion de cette analyse : nous sommes dans l'impossibilité de muter, transformer ou aménager votre emploi de chef d'équipe. Quelles que soient les activités pratiquées sur ce métier, il n'existe pas de possibilité d'effectuer une marche réduite à 50 mètres sans utiliser d'outil de la main droite et en évitant les stations debout prolongées.

Aussi, nous nous sommes orientés sur un reclassement de type sédentaire avec une marche réduite à 50 mètres sans utiliser d'outil de la main droite et en évitant les stations debout prolongées.

Une étude approfondie sur un tel reclassement a été effectuée dans l'entreprise sans résultat positif.

En effet, tous les postes de types administratifs sont déjà pourvus.

En conclusion, nous sommes donc dans l'impossibilité de vous reclasser à votre précédent emploi de chef d'équipe par mutation, transformation ou aménagement de temps de travail et de pouvoir vous reclasser sur un emploi de type sédentaire avec une marche réduite à 50 mètres sans utiliser d'outil de la main droite et en évitant les stations debout prolongées.

Aussi, nous avons interrogé nos différents partenaires pour les solliciter sur un reclassement extérieur.

Par courrier du 17 février 2016, la société CP2,dont l'activité est le nettoyage de salles informatiques, nous a fait savoir qu'aucun poste de reclassement n'était envisageable en leur sein. Les postes techniques similaires sur chantier ne répondent pas aux restrictions formulées par le médecin du travail. Les contraintes en gestes et postures sont identiques à l'entreprise APIE. Par ailleurs, la société CP2 nous a indiqué qu'elle n'avait pas de poste sédentaire administratif vacant.

Par courrier du 17 février 2016, la société SIPIC-HYGIATECH SERVICES, dont l'activité est le nettoyage de salles blanches, nous a fait savoir qu'aucun poste de reclassement n'était envisageable en leur sein. Les postes techniques similaires sur chantier ne répondent pas aux restrictions formulées par le médecin du travail. Les contraintes en gestes et postures sont identiques à l'entreprise APIE. Par ailleurs, la société SIPIC-HYGIATECH SERVICES nous a indiqué qu'elle n'avait pas de poste sédentaire administratif vacant.

Par courrier du 17 février 2016, la société CONFORMAT, dont l'activité est le négoce, nous a fait savoir qu'aucun poste de reclassement n'était envisageable en leur sein. L'entreprise dispose d'un dépôt de stockage de produits gérés par les magasiniers pour les envois et réceptions de marchandises. Ces postes ne correspondent pas non plus aux restrictions annoncées par le médecin du travail et de surcroît aucun poste n'est disponible au dépôt de stockage. Par ailleurs, la société CONFORMAT nous a indiqué qu'elle n'avait pas de poste sédentaire administratif vacant. Par courrier du 17 février 2016, la société HYGIATECH DPA, dont l'activité est l'audit, les mesures et les contrôles particulaires et microbiologiques des environnements protégés, nous a fait savoir qu'aucun poste de reclassement n'était envisageable en leur sein.

Il n'existe pas de poste technique pouvant répondre à vos qualifications et ceux-ci ne correspondent pas non plus aux restrictions annoncées par le médecin du travail. La société nous a indiqué qu'elle n'avait pas de poste sédentaire administratif vacant.

Enfin, par courrier du 22 février 2016, la société HYGIATECH SC, dont l'activité est une société de holding principalement financière, nous a fait savoir qu'aucun poste de reclassement n'était envisageable en leur sein. Il n'existe pas de poste technique dans la holding et la société nous a indiqué qu'elle n'avait pas de poste sédentaire administratif vacant.

Nous vous précisons que votre contrat de travail prend fin à la date d'envoi de cette lettre, soit le 16/03/2016. De ce fait, vous n'effectuerez pas de préavis mais vous percevrez une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 du code du travail ['] ».

Sur l'obligation de consultation

Le salarié indique que l'employeur aurait dû consulter les délégués du personnel sur l'impossibilité de le reclasser, qu'il ne justifie pas de l'existence de procès-verbaux de carence des élections professionnelles, ni de leur transmission à l'inspection du travail dans les 15 jours de l'organisation des élections professionnelles.

L'employeur soutient qu'aucune irrégularité n'a été commise dans la mesure où elle ne pouvait consulter de délégués du personnel, puisque les élections organisées en juin 2014 s'étaient conclues par une carence. Elle ajoute qu'elle justifie du résultat de ces élections et produit les procès-verbaux qui font apparaître une carence au premier et au second tour. Elle précise que l'inspection du travail a bien été informée de ces élections.

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, l'employeur justifie par des éléments suffisants qu'il ne pouvait observer cette obligation de consultation en l'absence de représentants du personnel élus, en produisant des éléments montrant la tenue et la réalité des élections de délégués du personnel en 2014, des procès-verbaux des élections signés précisant la carence au premier tour le 22 mai 2014 et second tour le 5 juin 2014 des élections, l'information de l'inspection du travail par courrier recommandé présenté le 18 juin 2014.

Par conséquent, M. [P] sera débouté de sa demande au titre de l'absence de consultation des instances représentatives du personnel.

Sur l'obligation de reclassement

Le salarié invoque l'absence de respect par l'employeur du périmètre du groupe de reclassement et l'absence de preuve de l'impossibilité qu'il y aurait eu de le reclasser au sein de l'une des sociétés du groupe. Il fait également valoir que l'employeur n'a pas sollicité le médecin du travail aux fins d'une solution de reclassement et qu'il n'y a pas eu de mutation, transformation de poste ou aménagement du temps de travail envisagé.

L'employeur indique qu'il a mené ses recherches de reclassement avec loyauté et sérieux. Il précise que la société n'a qu'un établissement, qu'il n'existait aucun poste disponible conforme à l'avis du médecin du travail. Il ajoute que la société a sollicité les autres sociétés liées et que les recherches se sont avérées vaines. Il soutient qu'il y a eu des échanges avec le médecin du travail et des démarches entreprises en lien avec lui pour favoriser une solution de reclassement.

En l'espèce, l'employeur produit notamment un compte-rendu du médecin du travail de la réunion du 27 janvier 2016 justifiant de l'étude de poste par ce dernier, concluant à l'absence de poste disponible compte-tenu des capacités restantes, des restrictions d'aptitude et de la petite taille de l'entreprise ainsi que dans le groupe, aucun poste n'étant apparu disponible, la seule éventualité était une étude de création d'un poste à temps partiel qui n'a pas abouti.

Or, l'employeur n'avait pas d'obligation de création d'un poste mais devait rechercher à reclasser le salarié parmi les emplois disponibles.

L'employeur justifie avoir recherché un reclassement au sein de la société APIE, la structure employant 18 salariés et n'ayant aucun poste disponible correspondant aux compétences du salarié et aux préconisations du médecin du travail.

Ainsi, la société justifie également par la production des demandes adressées aux sociétés du groupe Conformat, Hygiatech D.P.A., Hygiatech Services - SIPIC, Hygiatech SC, C.PC2 et de leurs réponses, signées par les dirigeants dûment habilités, de recherches de reclassement entreprises au sein des sociétés du groupe auquel elle appartient et de l'absence de poste disponible répondant aux préconisations du médecin du travail et aux compétences et aptitudes du salarié.

Le salarié est mal fondé à reprocher à l'employeur de ne pas avoir effectué de recherches de reclassement auprès de la société Lecaspring, cette société étant tiers à Conformat à la date du licenciement, ou auprès de la société Net Tech Europe, s'agissant d'une société tchèque basée exclusivement en République tchèque.

Le salarié est mal venu à contester les recrutements intervenus, ceux-ci étant soit incompatibles avec les compétences et aptitudes du salarié, soit avec les préconisations du médecin du travail :

- M. [J] a été embauché en qualité de technicien de contrôle avec des diplômes Bac+5 pour des missions nécessitant une maîtrise de l'écrit et des outils informatiques ainsi que des compétences scientifiques,

- M. [H] a été embauché en qualité de gestionnaire de planning, nécessitant des compétences en terme de planification, suivi administratif, analyse, gestion, maîtrise d'Excel et d'un progiciel de planification, de gestion des temps et d'affectation,

- 3 agents de service ont été embauchés avec des tâches de nettoyage nécessitant des déplacements de plus de 50 mètres, le port de charges incompatibles avec les restrictions du médecin du travail,

- Mme [Z] [C] a été embauchée en qualité de téléprospectrice/assistante au sein de la société CP2, nécessitant la maîtrise d'outils informatiques de type Word, Excel, PowerPoint, et une bonne maîtrise du français.

Par conséquent, l'employeur a mené ses recherches de reclassement de façon loyale et sérieuse.

L'employeur ayant rompu le contrat de travail en raison de son impossibilité de reclassement, le salarié sera débouté de sa demande au titre de la violation par l'employeur de son obligation de rechercher le reclassement.

Par conséquent, en l'absence de violation de l'article L. 1226-10 du code du travail, M. [P] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur l'indemnité spéciale de licenciement

Le salarié sollicite un complément d'indemnité spéciale de licenciement d'un montant de 421,01 euros sur la base d'un salaire de référence de 2 114,5 euros par mois.

L'employeur conclut au débouté de la demande, subsidiairement, propose de fixer le montant dû à 43,32 euros sur la base d'un salaire de référence de 2 030,83 euros par mois.

En application des dispositions de l'article L. 1226-14 du code du travail, le salarié avait droit à une indemnité de licenciement égale au double de l'indemnité légale.

Cette indemnité est calculée sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par la maladie professionnelle.

Le salaire de référence doit être fixé à 2 030,83 euros correspondant au salaire moyen des trois derniers mois travaillés avant l'accident du travail.

Le salarié a une ancienneté du 4 juillet 2005 au 16 mars 2016, soit 10 ans, 8 mois et 13 jours.

L'indemnité spéciale de licenciement doit être calculée comme suit :

2 030,83X0,2X 10 ans = 4 061,66

2 030,83 X 0,2/12X8 mois = 270,78

2 030,83 X 0,2/365X 13j = 14,47

2 030,83 X 2/15X8 mois = 180,52

2 030,83 X 2/15/365X13j= 9,64

soit un sous-total de 4 537,07 euros,

après doublement l'indemnité s'élève donc au montant total de 9 074,13 euros.

Après déduction de l'indemnité spéciale réglée au salarié pour un montant de 9 026,95 euros, il reste dû à ce dernier la somme de 47,18 euros, somme que la société APIE sera condamnée à payer à M. [P] au titre du complément d'indemnité spéciale.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le salarié prétend à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire compte-tenu de son statut de travailleur handicapé sur le fondement des articles L. 1226-14 et L. 5213-9 du code du travail.

L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas contesté son solde de tout compte sur ce point, de sorte qu'il est désormais forclos pour faire une demande à ce titre.

Aux termes de l'article L. 1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

En l'espèce, l'indemnité compensatrice de préavis figure au solde de tout compte signé le 16 mars 2016 par le salarié. Elle n'a pas été contestée dans le délai de six mois par ce dernier. Par conséquent, le solde de tout compte devient libératoire pour l'employeur pour cette indemnité. M. [P] doit être débouté de sa demande à ce titre et aux congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu d'ordonner la remise par la société APIE à M. [P] d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de complément d'indemnité compensatrice de congés payés

Le salarié sollicite la somme de 3 465,35 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas contesté son solde de tout compte sur ce point, de sorte qu'il est désormais forclos pour faire une demande à ce titre.

Aux termes de l'article L. 1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

En l'espèce, l'indemnité compensatrice de congés payés figure au solde de tout compte signé le 16 mars 2016 par le salarié. Elle n'a pas été contestée dans le délai de six mois par ce dernier. Par conséquent, le solde de tout compte devient libératoire pour l'employeur pour cette indemnité. M. [P] doit être débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ces points.

Sur l'obligation de formation

Le salarié sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à ses obligations de formation et d'adaptation. Il indique qu'il n'a bénéficié d'aucune formation valorisante, ni d'aucune formation ayant pour objectif le développement de son employabilité, les seules formations dispensées étant des formations de maintien dans son emploi. Il conclut qu'il subit un préjudice en terme d'évolution professionnelle et dans le cadre de ses futures recherches d'emploi.

L'employeur fait valoir que le salarié a bénéficié de nombreuses formations, en adéquation avec son poste de travail et les missions confiées. Il précise que le salarié n'a jamais formulé de demandes d'autres formations spécifiques.

En l'espèce, l'employeur justifie du suivi par le salarié des formations suivantes en lien avec les missions qui lui étaient confiées : risque chimique niveau 1, formation en prestation de décontamination chimique, CACES plateforme élévatrice mobile de personnes, PHNIV1 port du harnais sur site équipé, habilitation des personnels des entreprises extérieures niveau 1, hygiénisation des réseaux aérauliques, formation conduite.

En outre, le salarié ne caractérise pas un préjudice au titre de l'absence de suivi d'une formation valorisante ou ayant pour objectif de développer son employabilité.

Par conséquent, M. [P] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation et d'adaptation.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société APIE succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra régler à M. [P] une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [D] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de la société Assainissement et produits industriels européens à son obligation de formation et d'adaptation,

- condamné la société Assainissement et produits industriels européens à payer à M. [D] [P] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2021,

- condamné la société Assainissement et produits industriels européens aux entiers dépens,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute M. [D] [P] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1226-15 du code du travail,

Déboute M. [D] [P] de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que d'indemnité compensatrice de congés payés,

Condamne la société Assainissement et produits industriels européens à payer à M. [D] [P] la somme de 47,18 euros à titre de complément d'indemnité spéciale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes,

Ordonne la remise par la société Assainissement et produits industriels européens à M. [D] [P] d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision,

Condamne la société Assainissement et produits industriels européens aux dépens d'appel,

Condamne la société Assainissement et produits industriels européens à payer à M. [D] [P] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03548
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.03548 ?
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