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12/04/2023 | FRANCE | N°21/03411

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 12 avril 2023, 21/03411


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 AVRIL 2023



N° RG 21/03411 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U25Q



AFFAIRE :



[G] [U]





C/

S.A.S. LOXAM









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 18/01404



Co

pies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



l'AARPI JRF AVOCATS



ASSOCIATION BL & ASSOCIES





le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rend...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 AVRIL 2023

N° RG 21/03411 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U25Q

AFFAIRE :

[G] [U]

C/

S.A.S. LOXAM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 18/01404

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

l'AARPI JRF AVOCATS

ASSOCIATION BL & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [U]

né le 15 Avril 1970 à [Localité 10] (56)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Thomas CARTIGNY de la SELEURL CARTIGNY AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P155 - substitué par Me Déborah WILLIG avocat au barreau de Paris

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20211016

APPELANT

****************

S.A.S. LOXAM

N° SIRET : 450 776 968

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie BOURGUIGNON de l'ASSOCIATION BL & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J095 substitué par Me Nicolas DEMTCHINSKY avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Mars 2023, Madame Laure TOUTENU, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY

EXPOSE DU LITIGE

M. [G] [U] a été engagé par la société Loxam suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 octobre 2001 en qualité de réviseur comptable, niveau 6, échelon 1, coefficient 410, avec le statut de cadre.

Par avenant à son contrat de travail, M. [U] a été promu à compter du 1er janvier 2007 au poste de directeur du service d'audit interne, niveau 6, échelon 2, coefficient 450, avec le statut de cadre.

Par avenant à son contrat de travail, il a de nouveau été promu à compter du 11 mars 2013 au poste de responsable de secteur, niveau 8, coefficient C30, avec le statut de cadre.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des entreprises de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiment, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes.

Il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 19 au 23 mai 2017.

Par courriel du 13 juillet 2017, M. [U] a reçu un avertissement daté du 17 juillet 2017 quant à la préparation de l'opération du 'Tour de France'.

Il a fait l'objet d'arrêts de travail pour maladie du 7 août au 21 décembre 2017.

Par lettre du 5 avril 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 16 avril 2018.

Par lettre du 20 avril 2018, l'employeur a licencié le salarié pour cause réelle et sérieuse, pour insuffisances professionnelles.

Le 19 novembre 2018, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la condamnation de la société Loxam au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses indemnités et sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 14 octobre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, constaté que M. [U] a été rempli de l'intégralité de ses droits, l'a débouté en conséquence de toutes ses demandes, a débouté la société Loxam de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge de M. [U].

Le 17 novembre 2021, M. [U] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 12 janvier 2023, M. [U] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, a constaté qu'il avait été rempli de l'intégralité de ses droits, l'a débouté en conséquence de toutes ses demandes, mis les dépens à sa charge, et statuant de nouveau de :

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- juger la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur recevable,

- annuler l'avertissement en date du 17 juillet 2017,

- condamner la société Loxam à lui payer les sommes suivantes :

* 99 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 44 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur,

* 44 868,09 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires impayées de novembre 2015 à avril 2018, outre 4 486,80 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

* 18 579,07 euros nets à titre d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos,

* 44 526,17 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour l'avertissement injustifié,

* 2 000 euros nets, à titre de dommages et intérêts pour la remise erronée d'une attestation pôle emploi,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les créances salariales de l'intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 19 novembre 2018, et les sommes indemnitaires à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un bulletin de salaire conformes à l'arrêt,

- ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Loxam aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 10 octobre 2022, la société Loxam demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la demande de M. [U] relative à la prétendue violation par la société Loxam de son obligation de sécurité,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de M. [U] et de le condamner à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 14 février 2023.

MOTIVATION

Sur l'obligation de sécurité

Sur la fin de non-recevoir

L'employeur soulève l'irrecevabilité de cette prétention nouvelle en cause d'appel en vertu des articles 542, 561, 564, 566 du code de procédure civile. Il ajoute que les prétentions au titre du manquement à l'obligation de sécurité et au titre du manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail sont basées sur des fondements juridiques distincts.

Le salarié expose qu'il a formé une prétention au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail en première instance et que la demande pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur tend aux mêmes fins que celle formée au titre de l'exécution déloyale, qu'elle n'est donc pas nouvelle.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, le salarié a sollicité une somme de 43 994,22 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail devant le conseil de prud'hommes.

Il demande en appel une somme de 44 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur.

Il s'en déduit que la prétention n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins, obtenir des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur au titre de l'exécution du contrat de travail, que celle soumise au premier juge, même si le fondement juridique est différent. Ce moyen soulevé par l'employeur doit donc être écarté.

Sur le fond

Le salarié indique qu'il a dénoncé une surcharge de travail, un harcèlement de la part de sa supérieure hiérarchique, un manque de moyens persistant l'empêchant d'accomplir correctement ses missions, que l'employeur n'a pas pris de mesures appropriées et a laissé la situation se dégrader.

L'employeur fait valoir que le salarié doit démontrer la faute de l'employeur, constitutive d'un manquement à l'obligation de sécurité, l'existence d'un préjudice et le lien direct entre celui-ci et la faute alléguée mais qu'il n'en rapporte pas la preuve.

L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l'espèce, le salarié produit une dizaine de courriels pour chacune des années 2016 et 2017, envoyés à des heures tardives mais sans caractère urgent ou n'appelant pas une réponse immédiate.

Il ne démontre pas avoir informé son employeur d'une surcharge de travail avant la contestation de son avertissement le 21 août 2017, suivie d'une période d'absence pour arrêt de travail pour maladie jusqu'au 21 décembre 2017, ni avoir dénoncé de harcèlement de la part de sa supérieure hiérarchique. Aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'est établi.

Au surplus, le salarié ne justifie pas d'un préjudice en lien avec les manquements allégués.

Par conséquent, M. [U] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'En qualité de responsable du secteur nord de LOXAM Access, vous avez en charge la gestion de votre secteur, son développement commercial et le management de votre équipe. Malheureusement, nous devons déplorer de nombreuses insuffisances dans ces domaines malgré nos différents échanges.

1. Gestion du secteur

L'une de vos missions principales consiste à atteindre les objectifs qui vous sont fixés sur le budget d'exploitation, en agissant sur les résultats commerciaux et les différents postes de charges. Vous avez connaissance de ces objectifs.

En votre absence à la fin de l'année dernière, la directrice de division a établi le budget prévisionnel de votre secteur, là encore accessible sur l'intranet de l'entreprise.

Il vous a été demandé lors de votre entretien de reprise du 22 décembre 2017, les priorités suivantes :

Dans un premier temps, visiter les agences pour reprise de contact et établissement du plan d'action, terminer les PAC restants, les 12 autres ayant été effectués par la directrice commerciale afin de vous aider, réaliser les bilans 2017 et fixer les orientations 2018 de chaque agence.

Le 18 janvier, vous avez transmis un simple état des lieux des trois agences dont vous avez la charge. Ces rapports ne contenaient aucun plan d'action, contrairement à ce qui vous avait été demandé.

Lors du point hebdomadaire du 19 janvier, votre supérieur hiérarchique vous a interpellé sur l'absence de visite sur [Localité 12] étant donné la taille et la situation compliquée de cette agence. Un compte rendu a été transmis par vos soins, le 2 février ; celui-ci ne faisait pas suite à une visite et ne contenait pas de plan d'action, contrairement aux directives. Cela n'est pas sérieux !

À date, nous n'avons pas reçu le compte rendu de visite d'[Localité 11], [Localité 7], [Localité 6], [Localité 9] et surtout [Localité 12] ; plus grave encore, vous n'avez pas donné les orientations 2018 pour [Localité 11], [Localité 12] et [Localité 13].

2. Gestion commerciale

Tel que cela est mentionné dans votre descriptif de poste, vous devez être le garant de la réalisation des objectifs fixés. Faute d'avoir établi les plans d'action dans toutes vos agences il est bien évident qu'il est autant plus difficile d'obtenir les résultats attendus.

Sur [Localité 12], votre supérieur hiérarchique vous a rappelé à plusieurs reprises (entretien de reprise du 22 décembre 2017, point hebdomadaire du 19 janvier, entretien du 12 février et courriel du 8 mars 2018) la priorité accordée à l'agence de [Localité 12]. Vous prétendez dans votre e-mail du 9 mars dernier que nous vous aurions demandé d'assumer le poste de responsable d'agence ce qui n'est pas le cas. Nous vous avons simplement rappelé que cette agence méritait un suivi de proximité méthodique, ce qui n'a malheureusement pas été le cas et les résultats s'en ressentent.

Concrètement, au premier trimestre 2018, le budget de votre secteur n'a pas été réalisé une seule fois. C'est le seul secteur dans cette situation.

Force est de constater que la progression du chiffre d'affaires dans votre secteur par rapport au premier trimestre 2017 est également moindre quand dans tous les autres secteurs (4 % secteur Nord, 8 % secteur Ouest, 8 % secteur sud et 16 % secteur est).

Uniquement trois agences sur 8 sont au budget ([Localité 9], [Localité 8], [Localité 13]).

En considérant d'autres ratios tels que le taux de productivité, là encore votre secteur détient le plus faible (17,3 %) ; le taux de rotation est non seulement faible mais il est en baisse (56,7 %).

La variation des prix reste faible, +2,5 % contre +4,6 % pour l'ensemble de la division.

La marge courante est aussi la plus faible de la division (57,8 %) et elle continue à se dégrader (-3,3 %).

Enfin, le taux de couverture transport est le plus faible de la division (0,96) et le seul à ne pas couvrir les coûts de transport.

3. Mauvais management ' non-respect des procédures

Vous devez être à l'écoute de votre équipe et adapter les moyens en fonction de l'activité. À ce titre, vous êtes notamment chargés de recruter sur votre secteur. Là encore, rien n'est fait.

Depuis des mois nous souffrons d'une pénurie de main-d''uvre sur votre secteur parce que les décisions ne sont pas prises, parce que vous ne motivez pas les salariés à nous rejoindre. Vous vous plaignez de l'absence d'un responsable d'agence à [Localité 12] mais vous manquez d'initiative dans les recrutements de mécaniciens, chauffeurs opérateurs, responsable de location, par exemple. Ce n'est pas là ce que nous attendons d'un responsable de secteur.

Le 2 février 2018, puis lors de votre entretien le 12 février, votre hiérarchie vous a reproché de ne pas l'avoir informé de l'accident survenu la veille dans la matinée, alors que vous étiez en congé l'après-midi et que vous ne pouviez donc pas en assurer le suivi.

Nous vous avons rappelé que la procédure en cas d'accident est d'immédiatement informer votre hiérarchie.

Dans votre e-mail du 9 mars dernier, vous reconnaissez ne pas avoir informé votre hiérarchie, qui a dû gérer en votre absence sans information préalable un accident corporel.

À nouveau, le 30 mars votre hiérarchie vous a reproché de ne pas l'avoir informé directement de l'accident survenu le 28 mars à 8h30, au cours duquel une jeune fille de 15 ans a été percutée par une nacelle automotrice.

Pire encore, vous n'avez pas jugé bon d'envoyer un message de sécurité à vos agents suite à cet accident.

Votre attitude est d'autant plus incompréhensible que, déjà en juillet 2017, nous vous avions adressé un avertissement portant sur le management des équipes et la nécessité de faire respecter les règles de sécurité.

Vous n'avez même pas programmé d'entretien annuel avec vos collaborateurs, suivant le planning établi par la DRH ; au cours de votre entretien vous avez expliqué que cela n'était pas une priorité pour vous, alors que c'est le cas pour le groupe. En aucun cas, ceci n'a fait l'objet d'une validation préalable de votre hiérarchie.

De plus, vous vous plaignez d'un manque d'effectif mais le traitement des candidatures qui vous sont envoyées par la DRH n'est pas efficace et ne donne pas lieu à des retours réguliers, notamment le recrutement d'une secrétaire administrative de région.

Nous vous rappelons, par ailleurs, que nous vous permettons dans l'intervalle d'utiliser les ressources telles que des intérimaires. Quant au responsable technique de région il travaille à temps plein pour vous sur votre secteur depuis le 1er janvier du fait du recrutement d'un directeur technique national.

Nous ne comprenons pas, qu'alors que votre secteur est le moins étendu, que vous disposez des mêmes moyens que les autres responsables de secteur, que vous n'arriviez pas à réaliser au moins les priorités qui vous sont demandées.

Au cours de l'entretien, vos explications se sont limitées à la charge de travail et à un manque de ressources.

Nous n'avons pas manqué d'attirer votre attention sur le fait que vos priorités n'étaient pas celle de votre direction, que les résultats se dégradent et que malgré cela, vous persistez à ne pas respecter les directives de votre hiérarchie.

Ainsi et pour l'ensemble de ces insuffisances nous vous signifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse[...]'.

Le salarié conteste les motifs de licenciement invoqués à son encontre. Il indique qu'il n'a pas été associé à la fixation du budget du fait de son arrêt de travail et qu'aucune insuffisance de résultat ne peut lui être imputée de ce fait. Il relève que la pénurie de main d'oeuvre est sans lien avec son management, et que le manque de moyens accordés par la direction et l'absence de recrutement d'un responsable d'agence sur [Localité 12] sont à l'origine d'une surcharge de travail et d'un sous-effectif persistant. Il note que le grief tiré d'un prétendu non-respect des procédures est d'ordre disciplinaire, que les faits sont de même nature que ceux qui ont été sanctionnés de façon injuste par un avertissement.

L'employeur fait valoir que le licenciement est fondé sur les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement et justifiés par des éléments précis et objectifs. Il souligne que le salarié a reconnu ne pas avoir fait le travail demandé, que son secteur n'était pas le plus important et que le salarié n'explique pas pourquoi il n'a pas exécuté ses tâches en dépit de consignes après quatre mois et deux relances. L'employeur soutient que le secteur du salarié connaissait les plus mauvais résultats et que le salarié avait connaissance des objectifs qui étaient fixés par le budget d'exploitation. L'employeur indique que le salarié présentait des insuffisances de management concernant le recrutement et qu'il n'a pas respecté les procédures en matière de sécurité.

Sur le bien fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute.

La lettre de licenciement reproche, en substance, au salarié :

une mauvaise gestion de son secteur,

une insuffisance de résultats commerciaux,

un mauvais management et le non-respect des procédures.

La fiche de responsable de secteur remise au salarié lors de sa promotion fait état des missions principales suivantes :

'- Gérer le secteur

définir un budget d'exploitation conforme aux objectifs et en agissant sur les résultats commerciaux et les différents postes de charges,

contrôler et maîtriser le chiffre d'affaires et les charges d'exploitation conformément au budget,

s'assurer du traitement des litiges et du suivi de relances client pour ses agences,

contrôler et viser les factures fournisseurs du secteur,

faire respecter la législation, les règles et les normes en vigueur dans la société.

- Mission commerciale

[...]

- Manager son équipe

[...]

- Moyens matériels

[...]'.

S'agissant de la gestion du secteur 1), il ressort du dossier qu'en l'absence du salarié en arrêt de travail pour maladie à la fin de l'année 2017, le budget du secteur a été établi par la directrice de division et qu'il est accessible sur l'intranet de l'entreprise.

Ainsi, le salarié, en tant que chef de secteur Nord, avait pour mission de contrôler et maîtriser le chiffre d'affaires et les charges afin d'atteindre le budget fixé sur son secteur. Le fait que le salarié ait été en arrêt de travail pour maladie pendant l'élaboration du budget n'a pas empêché que celui-ci soit porté à sa connaissance et qu'il trouve à s'appliquer dans son secteur.

Il est fait grief au salarié de ne pas avoir respecté les priorités fixées lors de son entretien de reprise du 22 décembre 2017 : visiter les agences pour reprise de contact, terminer les 4 'PAC' restant pour les agences de [Localité 13], [Localité 8] et [Localité 5], la directrice commerciale ayant effectué les 12 autres, réaliser les bilans 2017 et fixer les orientations 2018 de chaque agence.

Ainsi, l'employeur verse aux débats un rapport intitulé 'état des lieux du 1er février 2018" adressé par le salarié à sa responsable hiérarchique le 2 février 2018, outre un courriel de cette dernière du 8 mars 2018 mentionnant notamment l'insuffisance des rapports du salarié du 18 janvier 2018 sans plan d'actions à mener sur les agences, l'absence de visite de l'agence parisienne au 1er février 2018 en dépit des rappels sur la priorité à lui accorder, l'absence de compte-rendu de visite ou de plan d'actions pour les autres agences du périmètre : [Localité 6], [Localité 9], [Localité 11] lesquels ont été adressés postérieurement avec retard par le salarié.

Les problèmes de ressources et de moyens invoqués par le salarié ne peuvent justifier ces insuffisances, s'agissant de missions essentielles lui incombant au vu de ses responsabilités de chef de secteur.

Il s'en déduit que le salarié a manifesté des difficultés à exercer correctement sa prestation de travail en terme de gestion de son secteur, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les deux autres griefs 2) 3) invoqués au vu d'éléments objectifs au regard de ses responsabilités de chef de secteur.

Le licenciement du salarié est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il doit être débouté de ses demandes consécutives en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur l'avertissement du 17 juillet 2017

Le salarié conteste l'avertissement, les faits ne lui étant pas imputables et étant connus de la direction pour les avoir acceptés les années précédentes.

L'employeur fait valoir que le salarié a reconnu ne pas avoir respecté les règles relatives au repos hebdomadaire ce qui a nécessité l'intervention de sa supérieure hiérarchique, que les deux autres griefs sont établis, de sorte que l'avertissement était justifié.

Aux termes de l'article L. 1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

L'avertissement du 17 juillet 2017 fait grief au salarié dans la préparation de l'opération 'Tour de France' de :

ne pas avoir respecté les règles relatives au congé hebdomadaire pour les opérateurs,

avoir remis des éléments financiers de façon tardive et incomplète,

de ne pas avoir traité un conflit avec un opérateur.

Le salarié fait valoir qu'il n'était pas responsable de l'organisation de l'opération, que M. [R] est responsable de celle-ci depuis 2016, qu'en outre, les années précédentes les règles relatives au congé hebdomadaire pour les opérateurs n'ont pas été respectées.

L'employeur ne répond pas sur ces points.

Il s'en déduit que l'imputabilité au salarié d'un projet ne respectant pas les règles relatives au congé hebdomadaire, ce qui a d'ailleurs été rectifié en temps utile, de la remise d'éléments financiers de façon tardive et incomplète et de ne pas avoir traité un conflit avec un opérateur n'est pas établie. L'avertissement n'est donc pas justifié, faute d'éléments établis et imputables au salarié, il doit donc être annulé.

Le salarié qui s'est vu notifier un avertissement injustifié à la veille de ses congés d'été a subi un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.

Sur les heures supplémentaires et la contrepartie obligatoire en repos

Le salarié indique qu'il a effectué des heures supplémentaires travaillant régulièrement plus de 38 heures par semaine et que l'employeur ne lui a pas remis l'accord d'annualisation du temps de travail de 2012, ni l'accord de 2017. Il sollicite l'application du droit commun.

L'employeur fait valoir que le salarié travaillait forfaitairement 38 heures par semaine conformément aux accords d'annualisation du temps de travail de 2012 et 2017.

En l'espèce, le contrat de travail du salarié ne fait pas état de la durée du travail, mentionnant uniquement au titre de la rémunération que celle-ci est forfaitaire, indépendamment du temps de travail consacré par le salarié à l'exercice de ses fonctions.

Il résulte de l'accord d'annualisation de 2017, qu'un premier accord avait été signé en 2012, qui avait été dénoncé et qu'un nouvel accord a été conclu applicable à compter du 15 juillet 2017 prévoyant que les salariés travaillent 38 heures par semaine et définissant un seuil annuel de déclenchement des heures supplémentaires, dépendant du nombre de jours fériés de l'année considérée.

Il s'en déduit que le salarié est fondé à solliciter l'application du droit commun en matière d'heures supplémentaires au-delà des 38 heures hebdomadaires de travail.

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié sollicite la somme de 44 868,09 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre novembre 2015 et avril 2018, outre 4 486,8 euros au titre des congés payés afférents.

Il produit sur la période considérée des décomptes hebdomadaires distinguant pour chaque mois le nombre d'heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies au-delà des 38 heures hebdomadaires, montrant qu'il travaillait régulièrement les lundis et vendredis de 7h30 à 18h30 avec une pause méridienne d'une heure et du mardi au jeudi de 8h à 19h. Il sollicite l'application des taux horaires majorés de 25% et 50%.

Il considère avoir accompli sur la période considérée :

en novembre et décembre 2015 : 31 heures supplémentaires majorées à 25%, 35 heures supplémentaires majorées à 50%,

en 2016 :188 heures supplémentaires majorées à 25%, 238 heures supplémentaires majorées à 50%,

en 2017 : 112,5 heures supplémentaires majorées à 25%, 140,25 heures supplémentaires majorées à 50%,

de janvier au 20 avril 2018 : 64 heures supplémentaires majorées à 25%, 78 heures supplémentaires majorées à 50%.

Il s'en déduit que le salarié présente des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies de sorte que l'employeur est en mesure d'y répondre.

L'employeur ne produit pas ses propres éléments de suivi des heures travaillées par le salarié et critique le décompte produit par le salarié comme étant la seule pièce à l'appui de sa demande et ne pouvant être prise en considération avec quelques courriels adressés hors de son temps de travail, n'établissant pas que des tâches étaient demandées au salarié au-delà de son temps de travail.

Après pesée des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires correspondant aux missions qui lui étaient confiées qu'elle évalue à 14 800 euros, outre 1 480 euros au titre des congés payés afférents, somme que la société Loxam sera condamnée à payer à M. [U] à ce titre.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Le salarié sollicite une somme de 18 579,07 euros à titre d'indemnité pour absence de contrepartie obligatoire en repos, demande sur laquelle le conseil de prud'hommes n'a pas statué.

Il n'est pas établi que le salarié ait effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires. La demande au titre de l'absence de contrepartie obligatoire en repos doit être rejetée.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, l'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas établi et ne saurait se déduire d'une mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail forfaitaire.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre d'une attestation erronée

Le salarié sollicite une somme de 2 000 euros au titre d'une attestation Pôle emploi erronée ayant donné lieu à une allocation sous-estimée.

Le salarié ne justifie pas d'un préjudice dans la perception de ses allocations Pôle emploi au montant dûment calculé. Il sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de documents

Il sera ordonné à la société Loxam de remettre à M. [U] un bulletin de paie conforme à la décision. La demande au titre d'une attestation Pôle emploi sera rejetée, l'employeur ayant déjà communiqué une attestation rectifiée.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Loxam succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra régler à M. [U] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Loxam,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [G] [U] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de sa demande d'annulation de l'avertissement et de dommages et intérêts pour avertissement injustifié et de sa demande de remise d'un bulletin de paie conforme,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Annule l'avertissement du 17 juillet 2017,

Déboute M. [G] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

Condamne la société Loxam à payer à M. [G] [U] :

14 800 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre novembre 2015 et avril 2018,

1 480 euros au titre des congés payés afférents,

1 000 euros de dommages et intérêts pour avertissement injustifié,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Ordonne la remise par la société Loxam à M. [G] [U] d'un bulletin de paie conforme à la décision,

Déboute M. [G] [U] de sa demande de remise d'une attestation Pôle emploi conforme,

Condamne la société Loxam aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Loxam à payer à M. [G] [U] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03411
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.03411 ?
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