COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 52Z
1re chambre 2e section
BAIL RURAL
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 11 AVRIL 2023
N° RG 21/00626 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UJIA
AFFAIRE :
M. [T] [G]
...
C/
M. [U] [M]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Janvier 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de CHARTRES
N° RG : 5119000006
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 11/04/23
à :
Me Alexandre OPSOMER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [T] [G]
[Adresse 14]
[Localité 10]
Représentant : Maître Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269
Madame [E] [I] épouse [G]
[Adresse 14]
[Localité 10]
Représentant : Maître Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269
APPELANTS
****************
Monsieur [U] [M]
[Adresse 12]
[Localité 10]
Madame [S] [N] épouse [M]
[Adresse 13]
[Localité 10]
Monsieur [V] [H]
[Adresse 13]
[Localité 10]
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [M] et Mme [S] [N], épouse [M], sont propriétaires de diverses parcelles de terre sur la commune de [Localité 17], cadastrées section E n°[Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 6], [Cadastre 8], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] lieudit '[Adresse 15]' pour une contenance totale de 33ha 44 a 98 ca. Ces parcelles ont été exploitées depuis plusieurs années par M. [T] [G] et Mme [E] [G], née [I], en vertu d'un bail concédé le 9 novembre 1993.
Par courrier reçu au greffe le 25 mars 2019, M. et Mme [G] ont assigné M. et Mme [M] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres aux fins de contestation du congé pour reprise qui leur a été notifié le 12 mars 2019 par commissaire de justice relativement aux dix parcelles exploitées sur la commune de [Localité 17].
Par jugement contradictoire du 15 janvier 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres a :
- déclaré régulier, valide et fondé le congé délivré pour reprise aux époux [G] le 12 mars 2019, du bail verbal par Maître [L], huissier de justice à [Localité 16], agissant pour le compte de M. et Mme [M], relativement à diverses parcelles appartenant à ces derniers, sises sur la commune de [Localité 17], cadastrées section E n°[Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 6], [Cadastre 8], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] lieudit '[Adresse 15]' pour une contenance totale de 33ha 44a 98,
- dit qu'en conséquence M. et Mme [G] devraient laisser les terres susvisées libres à compter du 31 mars 2021 au plus tard,
- dit qu'au cas où ils se maintiendraient indûment sur ces mêmes terres, ils pourraient être expulsés conformément à la loi et avec l'assistance de la force publique si besoin,
- dit que, passé cette date du 31 mars 2021, les époux [G] seraient redevables envers leur bailleur d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,
- s'est réservé la liquidation de cette astreinte.
Par déclaration reçue au greffe le 1er février 2021, M. et Mme [G] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 29 septembre 2022, M. et Mme [G], appelants, demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,
- infirmer le jugement rendu le 15 janvier 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Chartres en ce qu'il :
*a déclaré régulier, valide et fondé le congé qui leur a été délivré pour reprise le 12 mars 2019, du bail verbal par Maître [L], huissier de justice à [Localité 16], agissant pour le compte de M. et Mme [M], relativement à diverses parcelles appartenant à ces derniers, sises sur la commune de [Localité 17], cadastrées section E n°[Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 7], [Cadastre 3], [Cadastre 6], [Cadastre 8], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] lieudit '[Adresse 15]' pour une contenance totale de 33ha 44a 98,
* a dit qu'en conséquence ils devraient laisser les terres susvisées libres à compter du 31 mars 2021 au plus tard,
* a dit qu'au cas où ils se maintiendraient indûment sur ces mêmes terres, ils pourraient être expulsés conformément à la loi et avec l'assistance de la force publique si besoin,
* a dit que, passé cette date du 31 mars 2021, les époux [G] seraient redevables envers leur bailleur d'une astreinte de 50 euros par jour de retard,
*s'est réservé la liquidation de cette astreinte,
Statuant de nouveau, à titre principal,
- juger le congé qui leur a été délivré le 12 mars 2019 nul et de nul effet,
A titre subsidiaire,
- les juger fondés en leur opposition,
- juger que le bail litigieux conclu avec M. et Mme [M] est prorogé jusqu'au 1er mai 2032 sans que cette date ne puisse être antérieure au 16 juillet 2027 et en toute hypothèse au 16 juillet 2022,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement M. et Mme [M] à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. et Mme [M] aux entiers dépens, ce compris les dépens de première instance.
M. et Mme [M], et M. [H], parties intimées, n'ont pas comparu.
Le greffe de la cour d'appel leur a adressé copie de la déclaration d'appel, par courrier du 2 février 2021. Ils ont été convoqués à l'audience de plaidoirie du 13 décembre 2022, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception, du 1er juillet 2022. Ils ont accusé réception des lettres recommandées qui leur ont été adressées le 2 juillet 2022.
La cour statuera par arrêt réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474, alinéa 1er, du code de procédure civile.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la nullité du congé délivré aux époux [G]
Les époux [G] exposent à la cour que :
- M. et Mme [M] sont propriétaires de plusieurs parcelles agricoles sur la commune de [Localité 17],
- par acte notarié du 9 novembre 1993, ils ont conclu un contrat de bail à ferme au profit des époux [G], qui sont, par ailleurs, propriétaires ou locataires d'autres parcelles,
- par acte de commissaire de justice du 12 mars 2019, M. et Mme [M] leur ont délivré un congé pour reprise au visa de l'article L411-47 du code rural,
Sollicitant à titre principal, que la cour déclare ce congé nul et de nul effet, ils font valoir au soutien de cette prétention que :
- le motif de la reprise n'est pas indiqué dans le congé, non plus que les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire de la reprise,
- les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L.411-54 du code rural ne sont pas reproduites dans le congé.
Réponse de la cour
L'article L.411-47 du code rural dispose :
'Le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire.
A peine de nullité, le congé doit :
-mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur ;
-indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris ;
-reproduire les termes de l'alinéa premier de l'article L. 411-54
La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur".
La régularité formelle du congé s'apprécie à la date du congé (Cass. 3ème civ.19 décembre 2000 n° 99-125), les précisions apportées au congé en cours de procédure étant inopérantes.
Est nul le congé pour reprise qui ne mentionne pas le nom du bénéficiaire de la reprise ou qui est imprécis (Cass. 3e civ., 14 juin 2018, n° 16-24.842).
Le congé litigieux délivré par acte de commissaire de justice le 12 mars 2019, intitulé ' Congé pour exercice du droit de reprise L.411-47 du code rural', à la requête des époux [M] à M. et Mme [G], est particulièrement imprécis en ce qu'il ne mentionne ni les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire de la reprise et ne reproduit pas les dispositions de l'alinéa 1er de l'article L. 411-54 du code rural, comme il est prescrit par l'article précité, en vertu duquel, le congé doit, pour être contesté, être déféré par le preneur au tribunal paritaire des baux ruraux dans le délai de 4 mois à compter du de sa réception, à peine de forclusion.
Cette imprécision n'a pas permis aux preneurs d'apprécier, à la date de la délivrance du congé, la régularité de ce congé ni d'être informés des conditions d'exercice du recours dont ils disposaient légalement.
Il n'est, en outre, pas établi au vu des pièces produites devant la cour que les informations personnelles des preneurs, notamment quant à l'identité et la profession du bénéficiaire de la reprise, palliaient, à la date de la délivrance du congé litigieux, l'omission de ces mentions essentielles à la validité du congé, comme le démontre le fait que le bénéficiaire de la reprise, M. [H], est intervenu volontairement à la procédure et n'a précisé sa qualité qu'à cette occasion.
En conséquence, le congé litigieux sera annulé et le jugement déféré infirmé en toutes ses dispositions.
II) Sur les demandes accessoires
M. et Mme [M], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau
Déclare nul et de nul effet le congé pour reprise délivré le 12 mars 2019 à la requête de M. [U] [M] et Mme [S] [M] à M. [T] [G] et Mme [E] [I], épouse [G] ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [U] [M] et Mme [S] [M] à payer à M. [T] [G] et Mme [E] [I], épouse [G], une indemnité de 3 000 euros ;
Condamne in solidum M. [U] [M] et Mme [S] [M] aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,