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05/04/2023 | FRANCE | N°21/03780

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 05 avril 2023, 21/03780


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 AVRIL 2023



N° RG 21/03780 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U5BO



AFFAIRE :



S.A.S. SFR DISTRIBUTION



C/



[O] [W]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : E

N° RG : 19/00163
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Xavier DECLOUX



M. [I] [L] (Délégué syndical ouvrier)







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 AVRIL 2023

N° RG 21/03780 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U5BO

AFFAIRE :

S.A.S. SFR DISTRIBUTION

C/

[O] [W]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : E

N° RG : 19/00163

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Xavier DECLOUX

M. [I] [L] (Délégué syndical ouvrier)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. SFR DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Xavier DECLOUX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 315 - N° du dossier SFR POST

APPELANTE

****************

Madame [O] [W]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : M. [I] [L] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

EXPOSE DU LITIGE

[O] [W] a été engagée par la société Vepecis, désormais la société Sfr Distribution, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 octobre 2001 en qualité de vendeuse, niveau 2, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.

En dernier lieu, la salariée exerçait les fonctions de responsable de point de vente senior, statut cadre et percevait une rémunération brute moyenne mensuelle de 4 028,49 euros.

Le 22 juillet 2017, elle a été victime d'un accident du travail et a été placée en arrêt de travail.

Dans le cadre de la visite de reprise le 17 décembre 2018, la salariée a fait l'objet d'un avis du médecin du travail ainsi rédigé : 'inapte au poste de responsable d'agence, apte à un poste sans relation avec la clientèle'.

Par lettre datée du 20 février 2019, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 février suivant, puis par lettre datée du 14 mars 2019 lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 7 juin 2019, [O] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye afin d'obtenir la condamnation de la société Sfr Distribution au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 15 novembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné en conséquence la société Sfr Distribution à verser à [O] [W] les sommes suivantes :

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé qu'en vertu de l'article 1231-7 du code civil les intérêts légaux sont dûs à compter du jour du prononcé du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire totale en l'application de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté [O] [W] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Sfr Distribution aux dépens de l'instance et au versement des intérêts de droit et débouté ladite société de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 décembre 2021, la société Sfr Distribution a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 13 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Sfr Distribution demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à paiement de sommes pour les montants et les chefs retenus, de le confirmer en en ce qu'il a débouté [O] [W] de ses autres demandes, de rejeter toutes les prétentions de [O] [W] et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions remises au greffe par son défenseur syndical le 14 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [O] [W] demande à la cour de confirmer le jugement sur les chefs de la demande pour lesquels il est entré en voie de condamnation à son bénéfice sauf sur le quantum alloué au titre de l'indemnité pour licenciement non causé et par réformation partielle, de condamner la société Sfr Distribution à lui payer la somme de 59 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la somme de 1 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de débouter la société Sfr Distribution de toutes ses demandes et de condamner cette société aux dépens de première instance et d'appel.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 28 février 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La société fait valoir que le licenciement repose sur un motif réel et sérieux dans la mesure où elle a satisfait de manière sérieuse et loyale à son obligation de recherche de reclassement, en interrogeant des sociétés du groupe Sfr mais qu'aucun poste disponible en adéquation avec les préconisations du médecin du travail n'était disponible ; elle conclut au débouté des demandes de la salariée.

La salariée conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement au motif que l'employeur ne lui a proposé aucun poste de reclassement, qu'il n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et qu'il n'a pas effectué de consultation des délégués du personnel conformément aux dispositions légalement applicables et qu'il lui doit donc une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige : 'Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce'.

Aux termes de l'article L. 1226-12 du même code :

'Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. (...)'.

Aux termes de l'article L. 1226-15 du même code :

'Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement'.

Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

En l'espèce, force est de constater que l'employeur n'a proposé aucun poste de reclassement à la salariée et que celui-ci se borne à produire un courriel adressé à un certain nombre de personnes, qu'il présente comme des responsables des ressources humaines de sociétés du groupe Sfr, en date du 18 décembre 2018, deux courriels de relance de ceux-ci, des réponses négatives de certains des interlocuteurs interrrogés et un procès-verbal de consultation des délégués du personnel sur la procédure de reclassement mise en oeuvre daté du 18 février 2019. La société Sfr Distribution ne produit ni son registre d'entrées et sorties du personnel ni ceux des sociétés du groupe auquelle elle appartient.

Produisant pour sa part de nombreuses offres d'emploi publiées en interne dans les sociétés du groupe Sfr, la salariée verses en particulier aux débats une annonce relative à un poste de responsable de formation sur le site Altice Campus publiée le 28 février 2019, soit antérieurement à son licenciement notifié le 14 mars 2019, pour lequel la société Sfr Distribution ne conteste pas l'absence de contact avec la clientèle, poste qui n'a pas été proposé à la salariée.

Au regard des constatations qui précèdent, la cour retient que les éléments produits par l'employeur sont insuffisants à rapporter la preuve de l'absence de poste disponible pouvant être proposé à la salariée tenant compte des restrictions émises par le médecin du travail, à savoir l'absence de contact avec la clientèle, dans l'entreprise et les sociétés qui composent le groupe Sfr.

Sans qu'il soit besoin d'examiner d'autre moyen, il en ressort que la société Sfr Distribution ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d'une recherche sérieuse et loyale de reclassement de la salariée.

Il s'ensuit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

La salariée est ainsi fondée à réclamer une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois en application des dispositions des articles L. 1226-15 et L. 1235-3-1 du code du travail. Eu égard à son âge (née en 1977), à sa rémunération, à son ancienneté (dix-sept années complètes), à sa situation professionnelle postérieure au licenciement (prise en charge par Pôle emploi entre le 17 mai 2019 et le 1er avril 2022), il y a lieu de lui allouer une somme de 55 000 euros bruts à ce titre. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Sfr Distribution sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la salariée la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité pour les frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il condamne la société Sfr Distribution à payer à [T] [W] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

CONDAMNE la société Sfr Distribution à payer à [T] [W] la somme de 55 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Sfr Distribution aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Sfr Distribution à payer à [T] [W] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03780
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.03780 ?
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