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05/04/2023 | FRANCE | N°21/03739

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 05 avril 2023, 21/03739


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 AVRIL 2023



N° RG 21/03739 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U45I



AFFAIRE :



[V] [J] [N] [O]



C/



S.A.S. 101 SÉCURITÉ PRIVEE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 19/02891
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Stéphane MARTIANO



Me Vincent GIRIER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 AVRIL 2023

N° RG 21/03739 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U45I

AFFAIRE :

[V] [J] [N] [O]

C/

S.A.S. 101 SÉCURITÉ PRIVEE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 19/02891

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Stéphane MARTIANO

Me Vincent GIRIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [J] [N] [O]

né le 17 Juillet 1963 à [Localité 5] RDC CONGO

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphane MARTIANO, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1459

APPELANT

****************

S.A.S. 101 SÉCURITÉ PRIVEE

N° SIRET : 500 45 9 8 96

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Vincent GIRIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0324

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

EXPOSE DU LITIGE

[V] [J] [N] [O] a été engagé par la société 101 Sécurité Privée suivant un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à hauteur d'une durée moyenne mensuelle de 72 heures, à compter du 21 janvier 2013 en qualité d'agent de sécurité, niveau 3, échelon 1, coefficient 130, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Par lettres respectivement datées des 30 mars, 4 juillet et 23 juillet 2018, l'employeur a notifié au salarié trois avertissements successifs.

Par lettre datée du 1er mars 2019, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 27 mars et reporté au 5 avril, puis par lettre datée du 24 avril 2019, lui a notifié son licenciement pour faute simple.

Le 30 octobre 2019, [V] [J] [N] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir l'annulation de sanctions disciplinaires et la condamnation de la société 101 Sécurité Privée au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse, pour exécution fautive du contrat de travail et de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 20 octobre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont déclaré [V] [J] [N] [O] irrecevable en ses demandes d'annulation des sanctions disciplinaires des 30 mars, 4 et 23 juillet 2018 en tant que l'action en annulation des demandes était prescrite à la date de saisine de la juridiction, ont débouté [V] [J] [N] [O] du surplus de ses demandes, ont débouté la société 101 Sécurité Privée de sa demande reconventionnelle et ont condamné [V] [J] [N] [O] aux entiers dépens.

Le 21 décembre 2021, [V] [J] [N] [O] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 8 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [V] [J] [N] [O] demande à la cour de le dire recevable en ses demandes, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de :

- annuler les sanctions disciplinaires des 30 mars, 4 et 23 juillet 2018 et condamner la société 101 Sécurité Privée à lui payer une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi,

- à titre principal, annuler le licenciement et condamner la société 101 Sécurité Privée à lui verser la somme de 11 000 euros à titre d'indemnité en réparation du caractère illicite de la rupture sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail,

- à titre subsidiaire, dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société 101 Sécurité Privée à lui verser la somme de 6 421 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail,

- condamner la société 101 Sécurité Privée à lui verser la somme de 6 500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- débouter la société 101 Sécurité Privée de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement sur sa condamnation aux dépens et condamner la société 101 Sécurité Privée aux dépens de l'instance.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 13 mai 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société 101 Sécurité Privée demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner [V] [J] [N] [O] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 28 février 2023.

MOTIVATION

Sur la demande d'annulation des sanctions disciplinaires notifiées les 30 mars, 4 et 23 juillet 2018

Sur la recevabilité de la demande

L'article L. 1471-1 du code du travail dispose en son premier alinéa que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Il en résulte que l'action en annulation des sanctions disciplinaires notifiées au salarié les 30 mars, 4 juillet et 23 juillet 2018, formée le 30 octobre 2019, soit dans le délai de la prescription applicable, n'est pas prescrite.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la demande

Il ressort de l'article L. 1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à la mise en oeuvre du droit disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction, que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il ressort de l'article L. 1333-2 du code du travail que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Sur l'avertissement notifié le 30 mars 2018

L'avertissement notifié le 30 mars 2018 au salarié lui reproche l'absence d'envoi des plannings de son autre employeur, de, le 3 mars 2018, ne pas avoir contacté la permanence alors que les portes du quai de chargement du site étaient ouvertes, ni effectué de ronde intérieure du site, d'avoir laissé la porte de secours située entre les quais 7 et 8 en position ouverte avec une cale, de ne pas avoir mentionné les pointeaux manquants sur la main-courante, de ne pas avoir mentionné la présence des clés de contact sur les chariots élévateurs stationnés devant les quais de chargement, de ne pas avoir mentionné le 10 mars 2018 sur la main-courante que le quai 5 du site était grand ouvert et qu'à nouveau les clés des chariots élévateurs étaient sur le contact devant les quais, de ne pas avoir bougé de son poste le 10 mars 2018 alors que plusieurs camions et vans passaient le portail, d'être reparti avec un rouleau de film transparent appartenant à la société Dhl sans aucune autorisation, ni demande, d'avoir stationné son véhicule personnel à l'intérieur du site ce qui est interdit, d'avoir laissé la fenêtre entrouverte avec les clés et badge sur la poignée lors du changement de poste de garde vers le poste d'accueil.

Le salarié fait valoir que l'avertissement sanctionne des faits révélés par l'utilisation d'un moyen de preuve illicite, à savoir le visionnage de vidéos de caméra de surveillance alors qu'il n'a pas été informé par l'employeur de ce qu'il était filmé et enregistré en permanence par des caméras et conclut à l'annulation de cette sanction en conséquence.

La société fait valoir que l'avertissement résulte de moyens de preuve loyaux alors que le dispositif de vidéo-surveillance, qui fait l'objet d'un affichage réglementaire dans les locaux de la société Dhl et notamment au niveau du poste de surveillance, ne procède pas de l'employeur mais de la société cliente, n'a pas pour objet de surveiller les agents de sécurité mais les entrepôts de marchandises de la société Dhl, n'a pas lieu au sein des locaux de l'employeur, mais de l'entreprise cliente et est connu du salarié, agent de sécurité puisqu'il s'agit de son outil de travail.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par la société que l'avertissement est fondé sur des faits résultant du visionnage d'un dispositif de vidéo-surveillance équipant les locaux de la société cliente Dhl.

Les faits objets de l'avertissement ne procèdent pas du recours à un moyen de preuve illicite alors que d'une part, le salarié était informé du dispositif de vidéo-surveillance en place dans les locaux de la société cliente, Dhl, celui-ci exécutant ses fonctions en ayant recours au visionnage des images issues de ce dispositif de vidéo-surveillance et ce dispositif faisant l'objet d'une information affichée dans les locaux de la société et notamment du poste de surveillance dans lequel se tenait le salarié et que d'autre part, ce dispositif n'a pas pour objet de surveiller les agents de sécurité du prestataire mais les entrepôts de la société Dhl pour des raisons de sécurité des lieux.

Le moyen n'étant pas fondé, le salarié sera débouté de sa demande d'annulation de l'avertissemnt en cause et de dommages et intérêts consécutifs.

Sur l'avertissement notifié le 4 juillet 2018

L'avertissement notifié le 4 juillet 2018 au salarié lui reproche d'avoir dormi pendant sa vacation du 23 au 24 mars 2018, faits constatés par M. [M], contrôleur à 2h26 et de ne pas avoir prêté attention aux accès aux portes du site pour détecter d'éventuelles anomalies ou dégradations lors de sa ronde à laquelle il l'a accompagné.

Le salarié fait valoir que les faits des 23 et 24 mars 2018 sont prescrits et ne pouvaient donc donner lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire plus de deux mois plus tard.

La société fait valoir que la procédure disciplinaire a été engagée moins de deux mois après le 24 mars 2018.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il ressort des pièces produites par l'employeur que par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 24 avril 2018, portant le cachet de la poste le même jour, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 2 mai 2018 à la suite des faits relatifs à la vacation du 23 au 24 mars 2018. Il en résulte que l'action disciplinaire a été engagée moins de deux mois après les faits. Le moyen tiré de la prescription des faits n'est pas fondé. Le salarié sera débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement en cause et de dommages et intérêts consécutifs.

Sur l'avertissement notifié le 23 juillet 2018

L'avertissement notifié le 23 juillet 2018 au salarié lui reproche d'avoir proféré des menaces et usé de violences physiques à l'encontre de M. [U], responsable d'exploitation, en le saisissant à la gorge et en le poussant, dans la nuit du 29 juin 2018, en présence d'un stagiaire, et de ne pas faire son travail, en se référant à un mail de mécontentement du client Dhl relatif à ses vacations des 14 et 15 puis du 18 juillet 2018, et d'avoir falsifié la main-courante en ajoutant des rondes qu'il n'avait pas faites.

Le salarié fait valoir que lorsque l'employeur lui a notifié l'avertissement du 4 juillet 2018, il avait déjà connaissance des faits du 29 juin 2018 et qu'il a épuisé son pouvoir disciplinaire en ne les sanctionnant pas le 4 juillet 2018, que cet avertissement doit donc être annulé.

La société ne répond pas au moyen du salarié.

Si les faits du 29 juin 2018 étaient connus de l'employeur à la date de notification de l'avertissement du 4 juillet 2018 et ne pouvaient donc donner lieu à sanction postérieurement à cette date, l'avertissement notifié le 23 juillet 2018 vise des faits des 14, 15 et 18 juillet 2018 non connus de l'employeur le 4 juillet 2018, de sorte que le moyen tiré de l'épuisement du pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est pas fondé. Le salarié sera débouté de sa demande d'annulation de l'avertissement en cause et de dommages et intérêts consécutifs.

Sur la validité et le bien-fondé du licenciement

[V] [J] [N] [O] a été licencié en ces termes :

'(...) vous avez notamment été affecté au gardiennage du site DHL de [Localité 6] (Hauts de Seine).

La relation de travail a cependant été émaillée de manquements récurrents de votre part.

Et par des sanctions disciplinaires progressives, la société 101 Sécurité Privée a tenté de vous faire réagir, en vain .

C'est ainsi qu'un premier rappel à l'ordre vous a été adressé le 12 avril 2016 en raison du non respect des formalités de prise de service.

Un second rappel à l'ordre vous a été adressé le 20 octobre 2016 en raison du non respect du matériel mis à votre disposition et consignes afférentes.

Un premier avertissement vous a été adressé par lettre du 30 mars 2018 en raison du non-respect des consignes de sécurité de la société DHL qui vous avaient pourtant été communiquées et de négligences manifestes portant atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Cet avertissement pointait également votre refus persistant de transmettre vos plannings chez vos autres employeurs bien que cette formalité soit indispensable pour le calcul du temps de travail et du repos obligatoire.

Un deuxième avertissement vous a été adressé par lettre du 4 juillet 2018 après que vous ayez été surpris à dormir pendant vos heures de travail, alors que vous étiez en charge de la sécurité du site DHL de [Localité 6].

Enfin, un troisième avertissement vous a été adressé par lettre du 23 juillet 2018 au regard d'une accumulation de manquements professionnels (agression sur l'un de vos supérieurs hiérarchiques, non réalisation de rondes de sécurité, absence de contrôle d'accès des véhicules, falsification de la main courante'), outre le refus de transmettre vos plannings de travail chez vos autre employeurs.

C'est dans ce contexte que vous avez persévéré dans vos nombreux manquements professionnels, particulièrement lors des vacations des 9 et 10 novembre 2018 (non réalisation des rondes, absence de contrôle d'accès, portail d'accès au site laissé ouvert toute la nuit').

Nous vous avions d'ailleurs convoqué à un entretien préalable pour recueillir vos observations sur ces faits, et avant que nous ayons eu le temps de statuer sur la sanction disciplinaire adéquate, nous avons été informés de nouveaux faits vous concernant : lors de votre vacation du 16 février 2019, vous avez laissé un salarié de la société DHL stationner son véhicule personnel à l'intérieur du site, ce qui est strictement interdit par les consignes de sécurité DHL, d'autant que ledit véhicule a été stationné à un emplacement gênant la circulation des nombreux véhicules de livraison circulant sur site.

Nous avons donc été contraints de vous convoquer à un nouvel entretien préalable pour recueillir vos observations sur ces faits nouveaux.

Malgré les diverses sanctions disciplinaires à votre encontre, vous persistez dans deux types de manquements : votre refus de transmettre vos plannings chez vos autres employeurs et votre non-respect des consignes de sécurité.

- Refus de transmettre les plannings de travail :

La transmission de vos plannings chez vos autres employeurs est indispensable afin de nous permettre de vérifier, d'une part le respect de la durée maximale de travail (article L 8261- 1 et L 8261-2 du code du travail), d'autre part le respect des dispositions relatives au temps de repos.

De plus, conformément à l'article 2.3 de l'avenant n°1 du 23 septembre 1987 à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, les plannings doivent être établis au moins 7 jours à l'avance. C'est la raison pour laquelle nous vous avons instamment demandé de nous transmettre avant le 23 de chaque mois votre planning détaillé pour le mois suivant, en vain.

Dès le 21 janvier 2014, nous vous avions adressé une lettre portant mise en demeure de nous adresser vos plannings chez vos autres employeurs, cette formalité étant indispensable pour le calcul des temps de travail et de repos.

Si, au regard de cette mise en demeure, vous avez daigné nous transmettre votre planning du mois de février 2014 chez votre autre employeur, vous avez ensuite cessé de nous transmettre votre planning, vous bornant à nous informer tardivement de vos « disponibilités » en toute opacité.

C'est ainsi que de manière récurrente, vous ne nous informez de vos disponibilités que les derniers jours de chaque mois, et en dernier lieu, vous nous avez transmis votre planning de mars 2019 le 25 février 2019 et celui d'avril 2019 le 23 mars 2019.

Ce manquement est toujours d'actualité, malgré la réitération des demandes de communication de vos plannings les 30 mars 2018 (1er avertissement) et 23 juillet 2018 (3ème avertissement).

Et ce manquement est doublement préjudiciable : à votre égard, il ne nous permet pas de vérifier la conformité de votre temps de travail et de vos temps de repos par rapport aux règles applicables en la matière ; à l'égard de l'ensemble du personnel de la société 101 sécurité qui est impacté par la désorganisation que vous provoquez en matière de planification.

- Non respect des consignes de sécurité :

Je vous rappelle qu'en tant qu'agent de sécurité, vous êtes en charge de la sécurité des personnes et des biens.

Votre vigilance doit être encore accrue en cette période de plan Vigipirate.

Or, les contrôles ponctuels effectués par la société DHL montrent que vous ne respectez ni les consignes élémentaires de sécurité, ni les consignes particulières établies par notre cliente la société DHL, malgré les plans d'action mis en 'uvre (réunion d'information, remises de consignes et de notes de service').

C'est ainsi que vous laissez ouvert des accès sécurisés aux entrepôts DHL : lors de votre vacation du 3 mars 2018, vous avez laissé plusieurs portes d'accès sécurisées ouvertes durant votre service ; lors de votre vacation du 9 novembre 2018, vous n'avez pas fermé le portail d'accès au site qui est resté ouvert toute la nuit.

Vous ne procédez pas non plus aux vérifications d'usage durant vos rondes : vous n'avez pas remarqué durant vos rondes la présence des clés de contact sur les chariots élévateurs stationnés (vacations du 3 mars 2018, 10 mars 2018), l'absence de verrouillage de certaines portes d'accès (vacations du 10 novembre 2018).

Parfois, vous ne procédez même pas aux rondes prévues (vacation des 3 mars 2018, 10 mars 2018, 14 juillet 2018, 9 et 10 novembre 2018) et vous n'hésitez pas à falsifier la main courante en mentionnant des rondes non effectuées (vacation des 14 juillet 2018, 9 et 10 novembre).

Vous ne procédez pas non plus au contrôle d'accès des véhicules en entrée ou en sortie, lorsqu'il s'agit pourtant de l'une de vos missions essentielles : lors de vos vacations des 10 mars 2018, 18 juillet 2018, 9 et 10 novembre 2018, de nombreux véhicules ont pu entrer ou sortir du site sans aucune vérification.

Vous avez même été surpris en plein sommeil pendant vos heures de travail, dans la nuit du 23 et 24 mars 2018.

Enfin, vous laissez des véhicules personnels se stationner à l'intérieur du site, que ce soit le vôtre ou ceux de salariés DHL, ce qui est totalement prohibé par la société DHL, comme nous vous l'avons rappelé à plusieurs reprises. La présence de votre véhicule personnel à l'intérieur du site a été constatée lors de vos vacations des 10 mars 2018 et 10 novembre 2018.

Et ces agissements se sont poursuivis lors de votre vacation du 16 février 2019 puisque vous avez persisté à ne pas appliquer les consignes de sécurité en laissant notamment le véhicule personnel d'un salarié DHL se stationner à l'intérieur du site.

En l'état de vos manquements persistants et de votre absence de réaction malgré les précédentes sanctions disciplinaires, nous vous voyons contraint de vous notifier désormais votre licenciement pour faute simple (...)'.

Sur la validité du licenciement

Le salarié conclut à la nullité du licenciement en faisant valoir que ce licenciement est intervenu en représailles de l'attestation qu'il a établie en faveur d'un collègue le 12 avril 2018.

La société conclut au débouté de cette demande en faisant valoir que le licenciement est fondé sur des faits distincts et établis sans lien avec la liberté d'expression du salarié.

Le salarié produit l'attestation qu'il a rédigée en faveur d'un collègue, M. [T] [H], datée du 12 avril 2018 alors que celui-ci a été licencié, et indique que son attestation a été versée aux débats dans le cadre d'une procédure judiciaire engagée par M. [T] [H] à l'encontre de la société 101 Sécurité Privée. Il fait valoir qu'à compter de la remise de cette attestation, il a fait l'objet d'avertissements, de retenues sur salaire en mai et juin 2018 et enfin d'un licenciement pour faute et en déduit que la concomitance des événements 'laisse effectivement penser' qu'il a été sanctionné et licencié à titre de représailles.

D'une part, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne reproche pas au salarié d'avoir établi une attestation en faveur de son collègue.

D'autre part, le salarié ne fournit aucun élément concret et précis permettant de faire un lien entre l'établissement d'une attestation au bénéfice de M. [T] [H] et les sanctions disciplinaires et le licenciement intervenus, étant rappelé que les moyens du salarié au soutien de l'annulation des avertissements ne sont pas fondés et que le licenciement est fondé sur des faits précis, datés et matériellement vérifiables, ainsi qu'il sera retenu plus avant, n'ayant aucun lien avec l'exercice de la liberté d'expression du salarié.

Le salarié sera débouté de ses demandes d'annulation du licenciement et d'indemnité réparant le caractère illicite de la rupture et le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur le bien-fondé du licenciement

Le salarié conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement au motif que les griefs sont infondés.

La société conclut au bien-fondé du licenciement en raison des faits matériellement établis, constitutifs d'une faute.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

S'agissant du refus de transmettre les plannings de travail de son autre employeur, le salarié allègue que la société 101 Sécurité Privée avait connaissance de son contrat de travail et de sa durée contractuelle chez son autre employeur, qu'il n'avait aucune obligation de donner son planning et qu'il transmettait ses disponibilités, que la société 101 Sécurité Privée avait accepté cette manière de procéder.

Cependant, il ressort des pièces produites aux débats que la société 101 Sécurité Privée, contrairement à ce qu'allègue le salarié, a demandé de manière récurrente au salarié la transmission de ses plannings chez son autre employeur dans un délai lui permettant de réaliser son planning et celui des autres salariés d'un mois sur l'autre, et ce, afin de respecter ses obligations légales en matière de respect des temps de travail et de repos pour tout salarié. Cette demande a notamment été formulée par une lettre de mise en demeure datée du 21 janvier 2014 et dans l'avertissement notifié le 30 juillet 2018 et son non-respect par le salarié a été sanctionné par l'avertissement notifié le 30 mars 2018.

Force est de constater que malgré plusieurs demandes, le salarié a persisté à ne pas communiquer, et ce, de manière délibérée, à la société 101 Sécurité Privée ses plannings de travail chez son autre employeur au moins sept jours à l'avance avant le début du mois, conformément aux dispositions conventionnelles applicables, afin de permettre à la société de s'assurer que le salarié bénéficiait des durées de repos légalement prescrites et ne travaillait pas au-delà des amplitudes maximales de travail journalières et hebdomadaires prévues par la loi.

Ce manquement fautif est établi.

S'agissant du non-respect des consignes de sécurité, indépendamment des faits des 9 et 10 novembre 2018 pour lesquels le salarié invoque la prescription, il ressort des pièces produites par la société 101 Sécurité Privée que le 16 février 2019, le salarié n'a pas, et ce, de manière délibérée, appliqué les consignes de sécurité sur le site Dhl, émargées par celui-ci, en laissant pénétrer et stationner un véhicule personnel d'un salarié Dhl sur le site, alors qu'aucun véhicule personnel n'est autorisé à pénétrer et stationner sur le site, l'accès au site étant réservé aux véhicules de livraison Dhl et sur présentation du badge personnel du chauffeur, l'allégation du salarié relative au fait que le salarié en question aurait été autorisé à entrer avec son véhicule personnel n'étant établie par aucun élément.

Alors que le salarié a été sanctionné à plusieurs reprises pour un non-respect des consignes de sécurité, le non-respect délibéré et réitéré de telles consignes le 16 février 2019 par le salarié constitue un manquement fautif à l'exécution de ses obligations contractuelles.

Au regard de tout ce qui précède, les faits objets du licenciement sont établis et constitutifs d'une faute justifiant le licenciement intervenu.

Le salarié sera par conséquent débouté de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Le salarié forme une demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail en faisant valoir qu'il a fait face depuis le mois d'avril 2018 à des conditions de travail déloyales de la part de l'employeur en étant sanctionné à plusieurs reprises de manière injustifiée.

Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur n'est pas fondé.

Le salarié sera débouté de sa demande de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Le salarié sera condamné aux dépens d'appel.

La société sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré [V] [J] [N] [O] irrecevable en ses demandes d'annulation des sanctions disciplinaires des 30 mars, 4 et 23 juillet 2018,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

DECLARE non prescrites les demandes d'annulation des sanctions disciplinaires des 30 mars, 4 et 23 juillet 2018,

DEBOUTE [V] [J] [N] [O] de ses demandes d'annulation des sanctions disciplinaires notifiées les 30 mars, 4 et 23 juillet 2018 et de dommages et intérêts consécutifs,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE [V] [J] [N] [O] aux dépens d'appel,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03739
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.03739 ?
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