COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80K
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 AVRIL 2023
N° RG 21/00914
N° Portalis DBV3-V-B7F-UMRP
AFFAIRE :
Société AUCHAN HYPERMARCHE prise en son établissement AUCHAN LA DEFENSE
C/
[X] [N]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 février 2021 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
Section : C
N° RG : F 18/02417
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Martine DUPUIS
Me Pascale LAPORTE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société AUCHAN HYPERMARCHÉ prise en son établissement AUCHAN LA DEFENSE
N° SIRET : 410 409 460
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Romain ZANNOU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0113
APPELANTE
****************
Madame [X] [N]
née le 13 juin 1989 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Pascale LAPORTE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 332
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [N] a été engagée en qualité d'hôtesse de caisse, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 26 novembre 2012, par la société Auchan Hypermarché (établissement Auchan Paris La Défense).
Cette société est spécialisée dans la grande distribution. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le contrat de travail était initialement conclu pour une durée hebdomadaire de 30 heures, moyennant un salaire mensuel brut à 1 292,20 euros. Plusieurs avenants au contrat de travail ont été conclus afin de modifier le temps de travail de la salariée ainsi que l'organisation de ce temps de travail.
La salariée a été en congé maternité du 8 mars 2017 au 5 septembre 2017.
Le 17 novembre 2017, la salariée a fait l'objet d'un avertissement pour des absences non justifiées et non autorisées des 10 et 11 octobre 2017.
Le 10 janvier 2018, la salariée a fait l'objet d'un rappel de procédure pour de nouvelles absences injustifiées du 25 octobre, 3, 4, 7, 9 et 16 novembre 2017.
Par lettre du 27 mars 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 7 avril 2018.
Elle a été licenciée par lettre du 4 mai 2018 pour faute grave dans les termes suivants :
« Les 12, 14, 19, 20, 26 et 27 mars 2018 vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail, ceci sans autorisation préalable ni justificatif. A date, vous n'avez pas régularisé votre situation vis-à-vis de l'entreprise.
Lors de l'entretien vous avez reconnu les faits et avez ajouté : « je n'ai personne pour garder mes enfants ». Madame [K] [J], chef de secteur caisses, vous a alors proposé, de nouveau à titre exceptionnel de prolonger une période d'horaires aménagés afin de vous laisser de nouveau le temps de trouver une solution pour la garde de vos enfants.
Suite à cette proposition vous avez répondu : « non il n'y aura pas de solution, j'ai réfléchi, cela ne peut pas continuer ».
Nous tenons à préciser qu'en novembre [2017], vous avez reçu un courrier (1A 142 0009242 0) dans lequel il vous a été accordé à titre exceptionnel un aménagement de poste temporaire pendant une période de trois mois. En effet pour vous permettre de trouver une solution de garde, vous avez eu l'opportunité d'avoir des horaires de journée avec une seule nocturne pendant quatre mois : jusqu'à fin mars 2018.
Par ailleurs Monsieur [S], responsable des Ressources Humaines, vous a également proposé lors d'un entretien un poste en rayon sans nocturne. Poste pour lequel vous avez également exprimé un refus.
Malgré ces différentes propositions, vous continuez de ne pas justifier vos absences.
A toute fin utile nous vous rappelons l'article 5.5 du Règlement Intérieur qui stipule :
Obligation du personnel en cas d'absence :« Chaque collaborateur doit respecter les dispositions conventionnelles relatives à l'information de l'entreprise en cas d'absence, et à la production d'un justificatif d'absence valable. »
Nous vous rappelons qu'en référence à l'article 7-3.1.1 de la Convention Collective :
Les absences provoquées par maladie ou accident de trajet ne constituent pas une cause de rupture du contrat de travail, mais une simple suspension, à condition qu' « elles soient :
notifiées aussitôt que possible à l'employeur, et confirmées par lettre postée dans les trois jours calendaires, sauf cas de force majeure;
justifiées par un certificat médical ou, à défaut, sur présentation de la feuille de maladie signée par le médecin. »
Vos absences injustifiées répétées ont perturbé l'organisation du secteur caisses. En effet, sans information de votre part, nous ne sommes pas en mesure de prévoir et d'organiser votre remplacement.
Ce manquement de votre part aux obligations liées à votre contrat de travail ne nous permet pas d'envisager votre maintien dans l'établissement et nous avons pris la décision de sanctionner votre comportement fautif d'un licenciement.
En raison de la faute grave que vous avez commise et qui supprime votre droit à préavis, vous cesserez de faire partie de notre personnel à compter du 4 mai 2018, date d'envoi de ce courrier. »
Le 24 septembre 2018, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de dire et juger, à titre principal, que le licenciement est nul pour discrimination, à titre subsidiaire, de dire et juger que la faute grave n'est pas caractérisée et condamner la société Auchan Paris La Défense aux indemnités afférentes.
Par jugement du 18 février 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section commerce) a :
- dit qu'il n'est pas rapporté la preuve par Mme [N] de la non-application par la société Auchan La Défense de l'accord d'entreprise relatif à l'organisation et l'aménagement du temps de travail du 10 avril 2013,
- dit qu'il n'est pas démontré la nullité du licenciement de Mme [N],
- dit que le licenciement de Mme [N] n'est pas bien fondé,
en conséquence,
- condamne la société Auchan Paris La Défense à verser à Mme [N] les sommes suivantes :
. 1 980,95 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
. 2 375,78 euros au titre de l'indemnité de préavis,
. 237,57 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents,
. 5 939,45 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute Mme [N] du surplus de ses demandes,
- déboute la société Auchan Paris La Défense de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Auchan Paris La Défense aux dépens de l'instance, y compris les frais éventuels d'exécution de la présente décision.
Par déclaration adressée au greffe le 22 mars 2021, la société Auchan Hypermarché a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 3 janvier 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Auchan Hypermarché demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [N] ne repose pas sur un motif discriminatoire,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de nullité du licenciement,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a requalifié le licenciement de Mme [N] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :
. 1 980,95 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
. 2 375,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 237,57 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
. 5 939,45 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
et statuant de nouveau,
- déclarer que le licenciement pour faute grave notifié par la société à Mme [N] le 4 mai 2018 est fondé,
en conséquence,
- débouter Mme [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [N] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [N] demande à la cour de :
- réformer le jugement du 18 février 2021 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité de licenciement,
- confirmer le jugement du 18 février 2021 en ce qu'il a :
. dit et jugé qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes :
* indemnité légale de licenciement : la somme de 1 980,95 euros,
* indemnité au titre du préavis : la somme de 2 375,78 euros,
* indemnité au titre de congés payes afférents: la somme de 237,57 euros,
* licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 8 315,23 euros,
- à titre principal dire et juger le licenciement nul pour discrimination,
- à titre subsidiaire dire et juger que la faute grave n'est pas caractérisée,
- en conséquence, condamner la société Auchan sa au paiement des sommes suivantes :
. indemnité légale de licenciement : la somme de 1 980,95 euros,
. indemnité au titre du préavis : la somme de 2 375,78 euros,
. indemnité au titre de congés payes afférents : la somme de 237,57 euros,
- à titre principal, verser des dommages et intérêts pour licenciement nul, la somme de 35 636,70 euros,
- à titre subsidiaire, verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 8 315,23 euros,
- en tout état de cause condamner la société Auchan à verser 2 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile pour la procédure d'appel en plus des 1 000 euros accordés par le conseil de prud'hommes de Nanterre,
- dire que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
- condamner la société Auchan aux entiers dépens ainsi qu'aux frais d'exécution forcée du jugement à intervenir.
MOTIFS
Sur le bien fondé du licenciement
Invoqué par la salariée comme un fait contribuant à la discrimination dont elle dit avoir été victime, il convient d'examiner en premier lieu le bien fondé du licenciement.
L'employeur conclut au bien fondé du licenciement pour faute grave dès lors que les absences injustifiées de la salariée sont matériellement établies, la salariée, ne contestant pas ses absences mais se contentant de les expliquer. S'agissant, précisément, des explications de la salariée, l'employeur objecte qu'elle ne bénéficiait plus des stipulations de l'accord du 10 avril 2013 faute d'avoir manifesté le souhait d'en bénéficier pour la période comprise entre le 1er juin 2017 et le 31 mai 2018 de telle sorte que s'appliquait son contrat de travail sans les amendements qui lui étaient apportés par ses avenants successifs et donc que ses horaires étaient variables et définis selon un planning remis au moins huit jours à l'avance.
Il ajoute que la fixation des horaires relève de son pouvoir de direction, qu'il avait cherché à trouver des solutions en proposant à la salariée durant une période transitoire soit de la dispenser de nocturnes ou de fermetures à l'exception des samedis, jour pour lesquels elle était en mesure de s'organiser soit de l'affecter sur un autre poste dans le magasin pour diminuer ses contraintes, que cependant, la salariée a refusé ces propositions.
En réplique, la salariée ne conteste pas les absences qui lui sont reprochées mais les explique par ses obligations familiales vis-à-vis de ses trois enfants, dont le dernier, en bas âge, qui l'empêchaient de pouvoir travailler les samedis ou de « faire les nocturnes et les ouvertures ». Elle reproche à l'employeur de ne pas lui avoir appliqué les aménagements prévus par le « contrat maman » et explique que l'employeur lui avait fait des propositions d'aménagement d'horaire de travail inacceptables car incompatibles avec sa vie de mère.
***
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.
En l'espèce, c'est à tort que la salariée soutient qu'elle pouvait prétendre, dès son retour de congé maternité en octobre 2017, au bénéfice de ce qu'elle appelle le « contrat maman » dès lors qu'elle n'en avait pas demandé l'application pour la « période de référence », qui s'étendait du 1er juin 2017 au 31 mai 2018. Pour bénéficier du dispositif spécifique qu'elle revendique, il aurait été nécessaire qu'elle en exprime la demande trois mois avant le 1er juin 2017, ce qu'elle n'a pas fait.
Il est matériellement établi que les 12, 14, 19, 20, 26 et 27 mars 2018, la salariée ne s'est pas présentée sur son poste de travail.
La salariée invoque l'article L. 3122-12 du code du travail qui dispose que lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d'un enfant ou la prise en charge d'une personne dépendante, le refus du travail de nuit ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et le travailleur de nuit peut demander son affectation sur un poste de jour.
Il ressort par ailleurs de l'article L. 3122-2 alinéa 2 que la période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures.
En l'espèce, il arrivait à la salariée d'être planifiée sur un horaire s'étalant au-delà 21h00, que les parties appellent un horaire « nocturne ». Par exemple, il ressort du planning produit par la salariée en pièce 14 qu'elle était programmée le samedi 16 décembre 2017 pour travailler de 15h40 à 21h45.
Toutefois, s'agissant des 12, 14, 19, 20, 26 et 27 mars 2018, la cour ignore si à ces dates correspondaient bien des plages horaires au-delà de 21h00. Ce faisant, il n'est pas établi que le fait, pour la salariée, d'avoir refusé de se présenter sur son poste de travail, était justifié, pour chacune de ces dates, par le fait qu'elle était planifiée sur un horaire de nuit ce qui aurait permis l'application de l'article L. 3122-12.
En outre, il ressort de la lettre adressée par la société à la salariée le 27 novembre 2017 : « Vous déclarez (') que vous ne pouvez plus travailler ni le samedi, ni en nocturne ou fermeture. Le samedi restant le jour de plus forte affluence et les nocturnes devant être réparties sur l'effectif existant cela pose à la fois un problème d'organisation et de cohérence économique mais aussi d'équité dans la répartition de la charge de travail. (')
Lors d'un entretien avec le responsable des ressources humaines (') vous avez évoqué dans un premier temps que vous pourriez vous rendre disponible le samedi et faire au moins une nocturne. Même si cela n'est pas satisfaisant en terme de planification, nous avons été sensibles à la fois à vos difficultés d'organisation familiale et à votre volonté de trouver des solutions. Nous allons donc modifier vos horaires en ce sens pour vous permettre de tester d'autres modes d'organisations personnelles. Nous ferons le point avec vous d'ici le 1er mars 2018 (') ». Cette proposition qu'avait fait l'employeur est rappelée dans un échange de courriels entre le service des ressources humaines et le syndicat UNSA courant avril 2018.
Dès lors, il est établi que la société a cherché à trouver un compromis avec la salariée, laquelle ne l'a pas accepté.
Les griefs sont en conséquence établis et caractérisent à tout le moins, une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les conséquences du licenciement seront examinées plus loin.
Sur la discrimination en raison de la situation de famille
Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, en raison de sa situation de famille.
Il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, la salariée soumet à la cour les faits suivants :
1. le fait qu'elle a été licenciée pour faute grave alors qu'elle n'a pas bénéficié d'un réel aménagement d'horaire tenant compte du fait qu'elle était mère de trois enfants ,
2. le fait qu'elle n'a pas, comme d'autres salariées, bénéficié du dispositif d'aménagement d'horaire de travail issu de l'accord du 10 avril 2013 qu'elle appelle le « contrat maman » ,
3. la volonté de l'employeur de réduire au maximum le nombre des « contrats maman ».
(1) Il ressort des faits constants que la salariée a été licenciée pour faute grave pour des absences injustifiées. Le premier des trois faits soumis à la cour par la salariée est donc établi, mais, comme jugé ci-avant, le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse.
(2) Il ressort de l'accord du 10 avril 2013 la possibilité d'aménager et d'organiser le temps de travail des salariés à temps partiel. Il organise le temps de travail de telle sorte que le salarié soit prévenu de ses horaires de travail au moins quinze jours à l'avance et prévoit qu'il est tenu compte des informations transmises par écrit par le salarié plus d'un mois avant la période annuelle ou, exceptionnellement en cours de période. Il permet ainsi aux salariés bénéficiant de cet aménagement de jouir d'une lisibilité à long terme sur leur emploi du temps, lequel tient compte de leurs contraintes. L'accord du 10 avril 2013 prévoit aussi :
. que la « période de référence » est définie comme s'étendant du 1er juin d'une année au 31 mai de l'année suivante ;
. que « l'objectif des aménagements est de pouvoir répondre à la diversité des attentes des collaborateurs (père et mère de famille, étudiants, double emploi') (') » ;
. que les salariés à temps partiel peuvent voir leur temps de travail aménagé ainsi : « chaque année, trois mois avant le début de la période de référence, les collaborateurs concernés par ce mode d'organisation du travail auront la possibilité de faire connaître leur souhait d'y entrer ou d'en sortir. Ce souhait sera acté par avenant et prendra effet au titre de la période de référence suivante. »
Le dernier avenant signé par la salariée lui a été proposé le 30 mai 2016 et elle l'a accepté le 20 juin 2016. Conformément à l'accord du 10 avril 2013, l'avenant ainsi signé avait une durée déterminée par la « période de référence » qui s'étendait du 1er juin 2016 au 31 mai 2017.
La salariée a bénéficié d'un congé maternité entre le 8 mars 2017 et le 5 septembre 2017. Dans les faits, il ressort du courriel adressé par la salariée à son manager de caisse (M. [F]) le 3 octobre 2017 qu'elle a repris le travail le 2 octobre 2017. A cette date, la salariée n'était plus soumise à l'aménagement de son temps de travail prévu par l'accord du 10 avril 2013, l'avenant à durée déterminée s'étant achevé le 31 mai 2017.
Il est donc établi et il n'est au demeurant pas discuté qu'à son retour de congé maternité, la salariée n'a plus été admise au bénéfice du dispositif d'aménagement d'horaire de travail issu de l'accord du 10 avril 2013 qu'elle appelle « contrat maman » mais qui ne porte pas ce nom dans l'accord en question.
(3) Pour établir la réalité du fait que l'employeur entendrait réduire le nombre des « contrats maman », la salariée produit uniquement la lettre adressée par une collègue à sa hiérarchie, par laquelle elle expose être revenue de congé maladie le 7 mars 2018, n'accepte pas de renoncer à son « contrat maman » et dénonce l'attitude de l'employeur qui, selon elle « tente [d'en] réduire le nombre » (pièce 34 S). Cette pièce, à elle seule, ne suffit pas à établir que l'employeur tenterait de réduire le nombre de « contrats maman ».
Seuls les deux premiers faits que la salariée présente comme contribuant selon elle à la discrimination qu'elle dénonce sont donc établis.
Qu'ils soient pris ensemble ou isolément, ces faits ne laissent pas supposer une discrimination en raison de la situation de famille de la salariée, dont l'employeur était fondé à prononcer le licenciement, ainsi qu'il a été précédemment retenu, cette décision étant justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination en raison de sa situation de famille et de sa demande d'indemnité pour licenciement nul.
Sur les conséquences du licenciement
Ainsi qu'il a été jugé, le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. En revanche, la faute de la salariée ne présente pas un degré de gravité suffisant pour rendre impossible son maintien dans l'entreprise.
D'abord, la cour relève que l'employeur avait conscience des difficultés que posaient à la salariée ses horaires fluctuants compte tenu de ce qu'elle avait trois enfants à charge, dont un en bas âge, et de ce que son mari travaillait à partir de 16 heures en semaine.
Ensuite, il ressort de l'échange de courriels entre le service des ressources humaines et le syndicat UNSA (courriels des 30 avril et 2 mai 2018) que la salariée avait finalement proposé de « faire des nocturnes vendredi et samedi en échange de quoi il lui serait possible de terminer plus tôt en semaine afin de ne pas laisser seuls ses enfants ('). [X] [N] a obtenu des possibilités de garde lui permettant donc d'être présente sur les horaires les plus compliqués pour une hôtesse de caisse. Or, depuis le 27 novembre 2017, force est de constater que (') l'organisation des horaires qui devait être prévue n'a jamais été appliquée. Ainsi [X] [N] n'a jamais réellement pu faire son contrat horaire compte tenu de l'absence d'implication de sa responsable de secteur ». Dès lors, même si la salariée ne pouvait bénéficier sur la période litigieuse des stipulations de l'accord collectif du 10 avril 2013 et même si elle n'avait pas justifié de ses absences, cela ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise.
Compte tenu de ce qui précède, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau, il conviendra de dire le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et de débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a accordé à la salariée les indemnités suivantes, dont le quantum n'est pas discuté par l'employeur :
. 1 980,95 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
. 2 375,78 euros au titre de l'indemnité de préavis,
. 237,57 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents.
Sur les intérêts
Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes soit à compter du 2 octobre 2018.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il conviendra de condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il a octroyé à la salariée la somme de 1 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :
CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [N] de sa demande de nullité du licenciement pour discrimination et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul, et en ce qu'il condamne la société Auchan Hypermarché à payer à Mme [N] les sommes de 1 980,95 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 2 375,78 euros au titre de l'indemnité de préavis, 237,57 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE Mme [N] de sa demande de condamnation de la société Auchan Hypermarché à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DIT que les condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes des chefs de l'indemnité légale de licenciement, de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2018,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Auchan Hypermarché à payer à Mme [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en cause d'appel,
CONDAMNE la société Auchan Hypermarché aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président