La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2023 | FRANCE | N°21/00831

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 05 avril 2023, 21/00831


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 AVRIL 2023



N° RG 21/00831

N° Portalis DBV3-V-B7F-UL7L



AFFAIRE :



[A] [N] [T]



C/



Société API RESTAURATION SAS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : C

N° RG : F 18/00405
r>

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Noémie LE BOUARD



Me Jean-François CORMONT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 AVRIL 2023

N° RG 21/00831

N° Portalis DBV3-V-B7F-UL7L

AFFAIRE :

[A] [N] [T]

C/

Société API RESTAURATION SAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : C

N° RG : F 18/00405

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Noémie LE BOUARD

Me Jean-François CORMONT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [A] [N] [T]

née le 28 février 1959 à [Localité 5] (République centrafricaine)

de nationalité centrafricaine

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Noémie LE BOUARD de la SELARL LE BOUARD AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 113

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/010325 du 08/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Société API RESTAURATION SAS

N° SIRET : 477 181 010

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-François CORMONT de la SELARL AUXIS AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de LILLE, vestiaire: 0079

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 3 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [T] a été engagée en qualité de cuisinière, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er septembre 2008, avec reprise d'ancienneté au 1er décembre 2003, par la société API Restauration.

Cette société est spécialisée dans dans le domaine de la restauration collective. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective du personnel des entreprises de la restauration de collectivité en date du 20 juin 1983.

La salariée a été placée en arrêt de travail du 22 avril 2015 au 26 avril 2015 consécutivement à un accident du travail du 21 avril 2015.

Elle a repris son emploi entre le 27 avril 2015 et le 10 juin 2015.

La salariée a par la suite été placée en arrêt maladie à compter du 11 juin 2015. Elle n'a pas repris son emploi et a été placée en invalidité à compter du 6 avril 2016.

Par un premier avis du 2 mai 2016, le médecin du travail a conclu que la salariée était inapte au poste de cuisinière. Après une étude de postes réalisée le 17 mai 2016 et par un second avis en date du 18 mai 2016, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude définitive de la salariée au poste de cuisinière.

Par lettre du 13 juin 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 22 juin 2016.

Elle a été licenciée par lettre du 25 juin 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants :

« A la suite de notre entretien en date du 22 juin 2016, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier en raison de votre inaptitude médicale et de l'impossibilité de vous reclasser.

Lors de la visite médicale du 2 mai 2016, le médecin du travail vous a déclaré inapte : « Inapte cuisinière. Apte sur un poste administratif assis sans manutention, stations debout prolongées, ni longs déplacements à pieds.

Étude de poste à prévoir. A revoir dans 15 jours ».

Une étude de poste a été réalisée le 17 mai 2016 par le médecin du travail Docteur [H] et en présence de Madame [E] [W] et Monsieur [P] [G].

Le 18 mai 2016, vous avez été vue en deuxième visite d'inaptitude et le Docteur [H] vous a déclarée inapte définitive : « Étude de poste réalisée le 17 mai 2016. Inapte définitive au poste de cuisinière. Apte à un poste assis sans port de charges, de type administratif, avec trajet sans marche prolongée ».

C'est ainsi que dans le cadre de notre obligation de reclassement, nous avons étudié les modalités de reclassement possibles.

Le service des Ressources Humaines a procédé à une recherche de reclassement correspondant à vos capacités au niveau de l'ensemble des sociétés du groupe, à savoir API Restauration, Lys Restauration, les Pyramides, la SARL INFRES. Envies de saison et CREAPI.

En ce sens, nous avons adressé un courrier à l'ensemble des régions API Restauration et des sociétés du groupe.

Nous n'avons pas identifié de postes et nous vous avons informée par courrier en date du 9 juin 2016 n°2C096 127 3195 1.

Nous avons poursuivi nos recherches de reclassement mais aucun poste pouvant correspondre à vos capacités et compétences n'a pu être défini.

C'est la raison pour laquelle nous vous licencions pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Ce licenciement étant la conséquence d'une inaptitude médicale, il prend effet à la date de la présente lettre sans préavis.

En effet, votre état de santé ne vous permet pas de travailler pendant la durée du préavis que vous n'êtes donc pas amené à réaliser. »

Le 18 juin 2018, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 8 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Montmorency (section commerce) a :

- dit que le licenciement de Mme [T] repose bien sur une inaptitude d'origine non professionnelle et est fondé,

- condamné la société API Restauration, prise en la personne de ses représentants légaux, à verser les sommes suivantes à Mme [T] :

. 142,94 euros à titre de rappel de salaires

. 1 590,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- dit que la moyenne des salaires de Mme [T] est de 1 795,68 euros bruts, aux fins de l'exécution provisoire du présent jugement prévue à l'article R.1454-28 du code du travail,

ordonné à la société API Restauration de remettre à Mme [T] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent jugement,

- débouté Mme [T] du surplus de ses demandes,

- débouté la société API Restauration de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration adressée au greffe le 12 mars 2021, Mme [T] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 3 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [T] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 8 juin 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a dit que la moyenne des salaires est de 1 795,68 euros bruts,

- confirmer le jugement du 8 juin 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a dit condamné la société API Restauration à lui payer la somme de 142,94 euros correspondant au rappel de salaires,

- confirmer le jugement du 8 juin 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a dit condamné la société API Restauration à lui payer la somme de 1 590,55 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés,

- réformer le jugement du 8 juin 2020 rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a :

. dit que le licenciement repose bien sur une inaptitude d'origine non professionnelle et est fondé,

. l'a déboutée du surplus de ses demandes, dont les indemnités relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation résultant de l'article L. 6321-1 du code du travail, l'indemnité conventionnelle de licenciement restant due, le complément de salaire restant dû, la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard et l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- dire son action recevable et bien fondée,

- dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la société API Restauration à lui régler la somme de 21 548,16 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que la société API Restauration a manqué à son obligation d'action de formation en vertu de l'article L. 6321-1 du code du travail,

en conséquence,

- condamner la société API Restauration à lui payer la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,

- condamner la société API Restauration à lui payer la somme de 5 711,62 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement restant due,

- condamner la société API Restauration à lui payer la somme de 13 543,83 euros au titre du complément de salaire suite aux arrêts maladie,

- condamner la société API Restauration à lui payer la somme de 13 407,36 euros au titre du complément de salaire restant dû,

- condamner la société API Restauration à la remise, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard :

. des bulletins de salaires de juin 2013 à juin 2016 conformes,

. de l'attestation Pôle emploi conforme,

. du solde de tout compte conforme,

. du certificat de travail conforme,

- débouter la société API Restauration de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société API Restauration à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société API Restauration aux entiers dépens de l'instance,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société API Restauration demande à la cour de :

- rejeter la demande d'irrecevabilité des pièces 1 à 35 figurant au bordereau de la société API Restauration formulée par Mme [T] et les déclarer recevables,

- dire et juger l'appel interjeté par Mme [T] recevable mais mal fondé,

- dire et juger l'appel incident formé par la société API Restauration recevable et bien fondé,

en conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de montmorency le 8 juin 2020 en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [T] reposait bien sur une inaptitude d'origine non professionnelle et était fondé, et en ce qu'il a débouté Mme [T] du surplus de ses demandes,

- par conséquent, débouter Mme [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à ce titre,

- infirmer le jugement rendu par conseil de prud'hommes de montmorency le 8 juin 2020 en ce qu'il a :

. condamné la société API Restauration à verser à Mme [T] les sommes de :

* 142,94 euros à titre de rappel de salaires,

* 1 590,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

. ordonné à la société API Restauration de remettre à Mme [T] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent jugement,

. débouté la société API Restauration de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause,

- condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile madame [T] à verser à la société API Restauration la somme de :

. 1 200 euros au titre de la première instance,

. 2 000 euros au stade de l'appel.

MOTIFS

Sur l'origine de l'inaptitude de la salariée

La salariée conclut que son inaptitude est d'origine professionnelle expliquant que le 21 avril 2015, elle a été victime d'un accident du travail lui ayant occasionné une blessure au pied qui, par la suite, a donné lieu à des complications médicales (plaies bulleuses consécutives à un érysipèle) qui résultent de son accident du travail et sont en lien avec son inaptitude.

En réplique, l'employeur fait observer que l'arrêt de travail consécutif à l'accident du travail du 21 avril 2015 n'a duré que du 22 avril au 26 avril 2015, que la salariée a ensuite été placée en arrêt maladie ' et non pas en rechute d'accident du travail ou en maladie professionnelle ' à compter du 11 juin 2015 soit 15 jours plus tard de sorte que ces deux événements sont distincts, que les plaies bulleuses et l'érysipèle de la salariée sont sans lien avec son accident du travail, d'autant que la salariée faisait fréquemment, avant son accident du travail, l'objet d'arrêts maladie en raison d'un diabète et d' une obésité morbide.

***

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Le juge ne peut se fonder sur la seule appréciation du médecin-conseil de la CPAM pour exclure l'origine partiellement professionnelle de l'inaptitude et doit effectuer la recherche lui-même.

Il importe peu que le salarié, pendant son arrêt de travail, ait été pris en charge au titre de la maladie par la CPAM.

L'indication, par le médecin du travail, de l'origine professionnelle de la maladie a quant à elle une portée probante mais, à l'inverse, l'absence d'une telle indication ne dispense pas le juge de vérifier l'origine alléguée par le salarié sur la base d'une décision de reconnaissance par la CPAM.

La charge de la preuve de l'origine professionnelle de l'inaptitude incombe au salarié et il revient au juge du fond d'apprécier souverainement si cette preuve est rapportée, le juge ayant l'obligation de caractériser le lien de causalité si l'employeur en conteste l'existence.

L'application volontaire par l'employeur des règles de procédure prévues en faveur des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle est sans portée au fond.

En l'espèce, il n'est pas discuté que la salariée a été victime d'un accident du travail le 21 avril 2015. Elle a, en conséquence de cet accident du travail, fait l'objet d'un arrêt de travail du 22 avril 2015 au 26 avril 2015. La caisse d'assurance maladie du Val d'Oise a d'ailleurs informé la salariée par lettre du 18 mai 2015 « que les éléments en [sa] possession [lui permettaient] de reconnaître le caractère professionnel de [cet] accident (') ».

Il n'est pas non plus discuté que la salariée a, après sa reprise de travail le 27 avril 2015, fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail à compter du 11 juin 2015. Cet arrêt de travail était un arrêt de travail pour maladie.

Ainsi que le montre son compte-rendu d'hospitalisation du 23 juin 2015, la salariée a été hospitalisée du 11 juin 2015 au 24 juin 2015 pour des « plaies aigues bulleuses des membres inférieurs bilatérales à prédominance gauche ». Les parties s'accordent pour admettre qu'il s'agit d'un érysipèle ainsi que le diagnostiquait le Dr [M]. Le compte-rendu faisait aussi état de plusieurs antécédents tel qu'un diabète de type II.

La société conteste le lien causal entre l'inaptitude et l'accident du travail, au regard desdits antécédents et du fait que l'accident du travail n'a causé aucune lésion à la jambe gauche de la salariée. Cette dernière, en sens contraire, affirme que l'accident du travail lui a causé une égratignure sur l'orteil du pied gauche.

De première part, s'il est vrai que la déclaration d'accident du travail ne mentionne pas d'égratignures ou de plaies, il convient toutefois d'observer que la description des blessures y est sommaire et peu informative : « siège des lésions : coude et gros orteil gauche / Nature des lésions : Douleur ».

De seconde part, même si effectivement, l'obésité et le diabète favorisent l'érysipèle (cf. pièce 32 de l'employeur ' extrait d'un article consacré à l'érysipèle tiré du site internet eurekasante.vidal.fr), il demeure que dans son certificat du 21 août 2019, le Dr [M] certifie que la salariée, « à la suite d'une plaie subie au travail le 21 avril 2015, a développé une érysipèle assez intense et invalidant. Les arrêts de travail survenus entre avril 2015 et mai 2016 sont manifestement liés à son accident du 21 avril 2015 de même que les complications qui ont suivies ». Ce certificat établit à tout le moins l'existence d'une plaie consécutive à l'accident du travail du 21 avril 2015. Il établit aussi le lien entre l'accident du travail et l'origine de l'inaptitude de la salariée, ce lien étant renforcé par le fait qu'il ressort de l'article produit par l'employeur que « en général, la bactérie [à l'origine de l'érysipèle] s'introduit dans l'organisme par une plaie (la « porte d'entrée ») » et qu'au rang des facteurs à risque de l'érysipèle, outre l'obésité et le diabète, figure au premier chef « l'existence d'une plaie de la peau (coupure, ulcères, plaies de jardinage, piqûre d'insecte, autres maladies de la peau, plaie chirurgicale, etc.) ». Il doit au surplus être observé que la déclaration d'accident du travail fait ressortir que la salariée a été blessée à l'orteil gauche et que le compte-rendu d'hospitalisation de la salariée du 23 juin 2015 mentionne : « Motif d'hospitalisation : plaies aiguës bulleuses des membres inférieurs bilatérales à prédominance gauche ».

Enfin, il importe de relever que l'arrêt de travail pour accident du travail de la salariée a débuté le 22 avril 2015 pour s'achever le 26 avril 2015 et que le nouvel arrêt de travail de la salariée consécutif à l'apparition de plaies bulleuses (l'érysipèle) date du 11 juin 2015 soit à une date proche de la fin de l'arrêt précédent.

Dès lors, quand bien même le nouvel arrêt de travail de la salariée n'a pas été prononcé en raison d'une rechute d'accident du travail, les éléments qui précèdent établissent néanmoins l'existence d'un lien de causalité, au moins partiel, entre l'inaptitude et l'accident.

En revanche, il n'est pas établi que l'employeur ait eu connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée au moment où il a procédé à son licenciement dès lors que l'arrêt de travail dont a bénéficié la salariée ne mentionnait pas qu'il avait pour cause une rechute et que le médecin du travail n'a pas mentionné l'origine professionnelle de l'inaptitude. Ainsi, l'employeur n'avait, au vu des éléments médicaux dont il disposait alors, aucun moyen de faire le lien entre l'accident du travail de la salariée et son inaptitude, d'autant que la salariée avait déjà fait l'objet par le passé de multiples arrêts de travail sans aucun lien avec une origine professionnelle, mais en lien avec son état de santé général.

Les deux conditions cumulatives (inaptitude du salarié ayant au moins partiellement pour origine un accident du travail ou un maladie professionnelle et connaissance par l'employeur de cette origine professionnelle au moment du licenciement) pour que la salariée puisse bénéficier des règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle n'étant pas réunies, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [T] repose bien sur une inaptitude d'origine non professionnelle.

Sur le licenciement pour inaptitude

La salariée conclut au visa de l'article L. 1226-10 à l'absence de recherche de solutions de reclassement et à l'irrégularité de la consultation des délégués du personnel. Elle conclut aussi au défaut d'observation, par l'employeur, des prescriptions de l'article L. 1226-12 relatif à la notification par écrit des motifs s'opposant au reclassement.

Elle invoque aussi le manquement de l'employeur à lui proposer une formation qui aurait permis de la reclasser sur un poste de chef gérant.

En réplique, l'employeur objecte qu'il n'était pas tenu de consulter les délégués du personnel et qu'il a loyalement satisfait à son obligation de reclassement.

***

En ce qui concerne la recherche d'une solution de reclassement, l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, dispose que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

L'employeur n'a pas l'obligation d'apporter un complément de formation initiale ou une nouvelle qualification à la salariée ni celle de la former à un métier différent du sien.

En l'espèce, la salariée a été engagée en qualité de cuisinière. La fiche d'aptitude médicale établie par le médecin du travail  indique : « deuxième visite. Étude de poste réalisée le 17 mai 2016. Inapte définitive au poste de cuisinière. Apte à un poste assis sans port de charges, de type administratif, avec trajet sans marche prolongée ».

Il n'est pas discuté que la salariée avait plusieurs fois demandé une formation au poste de chef gérant. Néanmoins, indépendamment du fait que l'employeur n'a pas l'obligation d'apporter un complément de formation initiale ou une nouvelle qualification à la salariée ni celle de la former à un métier différent du sien, l'employeur démontre, par la production de sa pièce 37 (fiche de poste de chef gérant), que l'activité de chef gérant « implique une position debout prolongée, des manutentions de charges (') ». Par conséquent, à supposer que la salariée ait été admise au bénéfice d'une formation de chef gérant, un tel poste n'aurait pas pu lui être proposé en raison de son incompatibilité avec les prescriptions du médecin du travail. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de formation est inopérant.

Par un courriel du 20 mai 2016, adressé à l'ensemble des directeurs de région de la société API Restauration et aux sociétés composant son unité économique et sociale (UES), l'employeur a rappelé que la salariée était cuisinière depuis le 1er décembre 2003 et a joint à son courriel les conclusions du médecin du travail la concernant. Il a rappelé que la salariée avait été déclarée inapte de façon définitive à son poste de travail et demandé aux destinataires de lui indiquer si des postes étaient disponibles.

L'employeur produit les réponses qui lui ont été adressées montrant soit qu'aucun poste n'était disponible, soit que des postes étaient disponibles mais incompatibles avec les restrictions du médecin du travail.

L'employeur produit en outre un extrait du registre du personnel dressant la liste des entrées et sortie du personnel à l'époque du licenciement dont il ne ressort pas qu'un des postes ouverts à cette époque pouvait lui être proposé en conformité avec les préconisations médicales.

Compte tenu de ce qui précède, l'employeur justifie des démarches loyales et sérieuses qu'il a accomplies en vue du reclassement de la salariée.

En ce qui concerne la notification par écrit des motifs s'opposant au reclassement, compte tenu du sens du présent arrêt, l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, qui prévoit que « lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement » et qui n'est applicable qu'en cas d'inaptitude d'origine professionnelle ne peut être invoqué par la salariée.

De même, en ce qui concerne la consultation des délégués du personnel, l'article L. 1226-10 du code du travail, consacré aux cas d'inaptitude consécutives à une maladie professionnelle ou un accident du travail, est inapplicable à l'espèce. Le moyen tiré de l'absence de consultation des délégués du personnel est donc infondé au visa de l'article L. 1226-10. Il le serait d'ailleurs tout autant au visa de l'article L. 1226-2 du code du travail qui, dans sa version applicable avant le 1er janvier 2017 s'agissant d'un licenciement prononcé le 25 juin 2016, ne prévoyait pas de consultation des délégués du personnel en cas d'inaptitude consécutive à un accident ou une maladie non professionnel.

En conclusion de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé et en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de complément d'indemnité spéciale de licenciement fondée sur l'article L. 1226-15 du code du travail.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de formation

Au visa de l'article L. 6321-1 du code du travail, la salariée expose que l'employeur ne lui a proposé aucune formation alors qu'elle avait manifesté le souhait en 2011 et en 2012 d'en faire, en particulier pour être chef gérant, et que les formations qui lui ont été dispensées n'étaient que des formations obligatoires en matière d'hygiène.

L'employeur conteste pour sa part tout manquement, exposant avoir permis à la salariée de se former et objectant, s'agissant de la formation au poste de chef gérant, que la société avait accepté ladite formation, mais que la salariée n'a pas rempli le dossier de Fongecif afférent.

***

L'article L. 6321-1 du code du travail dispose que l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.

Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1.

En l'espèce, la salariée a pris ses fonctions au sein de la société API Restauration dans le cadre d'un transfert de contrat de travail le 1er septembre 2008. Ayant été licenciée en juin 2016, elle bénéficiait d'un peu moins de huit ans d'ancienneté.

Durant ces huit années, il n'est justifié que de deux formations, l'une en mars 2010 (un jour de formation consacré à l'hygiène) et l'autre en septembre 2013 (à nouveau un jour de formation consacré à l'hygiène).

Le fait, pour la salariée, pendant sa présence dans l'entreprise de près de huit ans, de n'avoir bénéficié que de deux jours de formation professionnelle, caractérise un manquement de l'employeur à son obligation de veiller au maintien de la capacité de la salariée à occuper un emploi.

Il en est résulté pour la salariée un préjudice qui, par voie d'infirmation du jugement, sera réparé par une somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le rappel de complément de salaire consécutif aux arrêts maladie

A titre liminaire, il convient de relever que la salariée a formé, dans le dispositif de ses conclusions, deux demandes au titre du complément de salaire : l'une tendant à la condamnation de la société API Restauration « à lui payer la somme de 13 543,83 euros au titre du complément de salaire suite aux arrêts maladie », et l'autre à sa condamnation « à lui payer la somme de 13 407,36 euros au titre du complément de salaire restant dû ».

Les moyens qu'elle développe dans les motifs de ses écritures ne sont présentés qu'au soutien de la seconde de ces deux demandes. Aucun moyen n'est en revanche présenté au soutien de la première. Or, il ressort de l'article 954 alinéa 5 du code de procédure civile que la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque, ce que la salariée ne fait pas. Il conviendra donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande tendant à la condamnation de la société API Restauration « à lui payer la somme de 13 543,83 euros au titre du complément de salaire suite aux arrêts maladie ».

S'agissant de sa demande visant à la condamnation de l'employeur « à lui payer la somme de 13 407,36 euros au titre du complément de salaire restant dû », la salariée revendique, au visa de l'article 25 de la convention collective pour les années 2013 à 2016, et également, pour l'année 2016, de l'accord du 4 novembre 2015 conclu au niveau de l'UES API Restauration, un complément de salaire au titre des années 2013 à 2016 représentant la somme de 13 407,36 euros, en raison de ses congés maladie.

En réplique, l'employeur objecte que l'accord conclu au niveau de l'UES ne produit pas d'effet rétroactif de sorte que la salariée ne peut solliciter une quelconque somme pour la période antérieure à 2016 ; qu'en outre, elle fait une mauvaise lecture des dispositions de la convention collective, que selon la bonne interprétation, il n'y a matière à indemniser que 183 jours d'arrêts maladie lesquels ont d'ores et déjà été indemnisés, et qu'au surplus, l'accord conclu au niveau de l'UES, qui n'est pas rétroactif, ne « prévoit pas que les compteurs sont remis à zéro à chaque période d'indemnisation ».

***

L'article 25 de la convention collective prévoit :

« (') B.- Indemnisation de la maladie

Dès lors que le salarié justifie de 1 année d'ancienneté, chaque maladie dûment constatée par certificat médical donne lieu au versement des indemnités ci-après :

De 1 an à 2 ans d'ancienneté :

- 90 % du salaire brut du 8e au 37e jour d'arrêt ;

- 66 % du salaire brut du 38e au 67e jour d'arrêt ;

- 60 % du salaire brut du 68e au 183e jour d'arrêt.

De 2 ans à 3 ans d'ancienneté :

- 90 % du salaire brut du 8e au 37e jour d'arrêt ;

- 70 % du salaire brut du 38e au 183e jour d'arrêt.

Après 3 ans d'ancienneté :

- 90 % du salaire brut du 8e au 40e jour d'arrêt ;

- 70 % du salaire brut du 41e au 183e jour d'arrêt.

C. - Conditions d'indemnisation

1. L'ancienneté prise en compte pour la détermination du droit à indemnisation s'apprécie au 1er jour de l'absence.

Pour le calcul de l'ancienneté, toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise, dans le cadre d'un contrat de travail, seront prises en compte.

2. Les pourcentages d'indemnisation s'appliquent sur la base du salaire brut qui aurait été effectivement perçu par le salarié s'il avait assuré son travail.

3. Pour le calcul des indemnités dues au titre d'une période de paie, il sera tenu compte des indemnités déjà perçues par l'intéressé durant les 12 mois antérieurs de telle sorte que, si plusieurs absences pour maladie ont été indemnisées au cours de ces 12 mois, la durée totale d'indemnisation ne dépasse pas celle prévue à l'article 25.B.

4. Le régime ci-dessus s'entend y compris les prestations de sécurité sociale perçues par le salarié. Il ne se cumule pas avec tout autre régime ayant le même objet.

5. Le paiement sera effectué sur présentation du décompte de la sécurité sociale portant indication des prestations versées. En aucun cas, l'intéressé ne pourra percevoir une rémunération supérieure à celle perçue s'il avait travaillé normalement.

6. La présente convention ne remet pas en cause la répartition, entre employeur et salarié, de la charge des couvertures existant dans chaque entreprise à ce jour.

Par contre, le financement de l'amélioration globale de ces régimes découlant de la convention collective, par rapport aux situations existant dans chaque entreprise, est à la charge de l'employeur, chaque entreprise restant libre de négocier paritairement les conditions financières de régimes allant au-delà de la convention collective.

(') »

Selon l'article 25 C. 3. de la convention collective la durée du complément de salaire dû par l'employeur en cas d'arrêt pour maladie de son salarié est limitée à 183 jours au cours d'une période de 12 mois. Il faut en déduire que, contrairement à ce que soutient l'employeur, tous les 12 mois, le salarié peut prétendre à un complément de salaire pendant 183 jours.

L'accord conclu au niveau de l'UES le 4 novembre 2015 prévoit quant à lui en son article 2 que « à compter du 1er janvier 2016, en cas de maladie, il a été convenu que les salariés de statut employé bénéficieront d'un complément de salaire à hauteur de 60 % du 184ème au 365ème jour de maladie ».

L'accord conclu le 4 novembre 2015, qui effectivement n'est applicable qu'à partir du 1er janvier 2016 étend donc pour sa part la durée de l'indemnisation déjà prévue par la convention collective, à raison de 60 % de la rémunération entre le 184ème et le 365ème jour de maladie.

Au cas d'espèce, il n'est pas discuté que la salariée a fait l'objet de plusieurs arrêts pour maladie :

. en 2013 (de juillet à décembre) : du 1er juillet au 12 août,

. en 2014 : du 13 mai au 15 juin, du 5 au 18 août, du 19 au 21 septembre et du 2 au 26 novembre,

. en 2015 : du 16 janvier au 7 avril, du 22 au 26 avril, du 11 juin au 10 décembre,

. en 2016 : du 1er janvier au 30 avril.

Il n'est pas non plus discuté que la salariée n'a, sur la période considérée, perçu à titre de complément de salaire qu'une somme de 1 105,20 euros (cf page 19 de ses écritures), pour la seule année 2013.

A partir de l'année 2013, la salariée justifiait de trois années d'ancienneté de sorte qu'elle pouvait prétendre, en application de l'article 25 B précité, à un complément de salaire de 90 % du salaire brut du 8e au 40e jour d'arrêt et de 70 % du salaire brut du 41e au 183e jour d'arrêt par périodes de 12 mois. A compter du 1er janvier 2016 seulement, elle pouvait en outre prétendre à un complément correspondant à 60 % de de son salaire brut du 184e au 365e jour d'arrêt. Toutefois, sur cette période, elle n'a pas été arrêtée pendant plus de 184 jours.

Les calculs présentés par la salariée dans ses écritures montrent qu'elle n'a pas fait application de l'accord conclu au niveau de l'UES pour les années 2013 et 2014, ne demandant, pour ces années là que l'application des dispositions de la convention collective.

Pour ces années là, il convient donc de faire droit à la demande de la salariée soit :

. la somme de 1 871,45 euros à titre de complément de salaire pour 2013 (déduction faite des indemnités journalières de sécurité sociale),

. la somme de 2 296,99 euros à titre de complément de salaire pour 2014 (déduction faite des indemnités journalières de sécurité sociale).

Pour l'année 2015, il ressort du calcul de la salariée qu'elle sollicite 81 jours de complément de salaire à 90 % et 165 jours de complément de salaire à 70 %. Toutefois, elle était, pour l'année 2015, limitée à 33 jours (du 8e au 40e jour d'arrêt) de complément à 90 % puis à 143 jours (du 41e au 183e jour d'arrêt) de complément à 70 %. Il n'est pas discuté que pour l'année 2015, le « salaire brut qui aurait été effectivement perçu par [la salariée] salarié [si elle] avait assuré son travail » était de 1 804,35 euros.

Sur cette base, la salariée peut prétendre à un complément de salaire de 7 806,79 euros dont il faut cependant déduire la somme qu'elle a perçue au titre des indemnités de sécurité sociale pour cette période, soit 7 061,62 euros. Par conséquent, au titre de l'année 2015, la salariée peut prétendre à un rappel correspondant au solde soit la somme de 745,17 euros.

Pour l'année 2016, la salariée ne revendique que 60 % de son salaire brut à titre de complément de salaire. Statuant dans les limites de la demande, il convient de faire droit aux prétentions de la salariée pour cette année là à hauteur de 3 071,55 euros (déduction faite des indemnités journalières de sécurité sociale).

Au total, de 2013 à 2016, la salariée aurait dû percevoir la somme de 7 985,16 euros. De cette somme, il convient de déduire celle de 894,25 euros (cf page 20 de ses écritures) versée par l'employeur.

En conclusion de ce qui précède, il convient, infirmant le jugement, de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme totale de 7 090,91 euros à titre de rappel de complément de salaire entre 2013 et 2016.

Sur le rappel de salaire de 142,94 euros

Le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 142,94 euros à titre de rappel de salaires. Tandis que la salariée conclut à la confirmation de ce chef de jugement, l'employeur demande de le réformer et, statuant à nouveau, d'en débouter la salariée.

L'article 954 alinéa 5 du code de procédure civile prescrit que la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

En l'espèce, la société n'énonce aucun moyen de fait ou de droit au soutien de sa demande d'infirmation.

Il convient en conséquence de confirmer de ce chef le jugement.

Sur les congés payés

L'employeur, qui conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la salariée la somme de 1 590,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, expose que la salariée demande un reliquat de congés payés pour les années 2014 et 2015 alors qu'elle ne les a pas acquis car elle était en arrêt pour maladie simple durant ces deux années, et que seul un arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail ouvre droit à acquisition de congés payés et ce, pendant une période limitée à un an.

La salariée conclut pour sa part à la confirmation du jugement, expliquant qu'en janvier 2014 et en mai/juin 2015, il lui a manqué respectivement 9,5 et 12,45 jours de congés payés. Elle forme, pour ces deux périodes, une demande globale de 1 590,55 euros : 678,96 euros pour l'erreur de janvier 2014 et 911,59 euros pour l'erreur de mai/juin 2015.

***

L'article L. 3141-5 du code du travail dispose que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

1° Les périodes de congé payé ;

2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;

3° Les contreparties obligatoires en repos prévues par l'article L. 3121-11 du présent code et l'article L. 713-9 du code rural et de la pêche maritime ;

4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3122-2 ;

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.

Même si l'énumération donnée par l'article L. 3141-5 doit être interprétée de façon restrictive de telle sorte que ne sont pas assimilées à des périodes de travail effectif les périodes de maladie ainsi que le soutient à juste titre l'employeur, il demeure que la salariée ne prétend pas à l'acquisition de congés payés durant ses périodes d'arrêt maladie. La salariée ne se livre en effet qu'à une explication arithmétique résultant d'une comparaison entre certains bulletins de paie sans jamais alléguer qu'elle aurait pu prétendre à un crédit de congés payés qui ne lui auraient pas été accordés.

La salariée soutient qu'il « manque 9,5 jours de congés payés non comptabilisés et payés (pour janvier 2014, il reste à Mme [T] 16,50 jours de congés et non 9,17 car elle n'a pris que 4 jours dans le mois et il y a oubli de comptabilisation de 2 jours d'ancienneté) ».

Il ressort de son bulletin de salaire du mois de décembre 2013 qu'il lui restait à prendre 13 jours. Au titre du mois de janvier 2014, il reste à la salariée 9,17 jours au titre des « congés N-1 » et 13,61 jours au titre des « congés N » soit au total 22,78 jours ce qui représente un gain de 9,78 jours. La salariée a donc été remplie de ses droits pour le mois de janvier 2014.

La salariée soutient encore que « pour 2015, il manque 10,45 jours non comptabilisés et non payés (pour mai 2015, l'employeur a déduit 19 jours d'absence et sur le compteur des congés payés, il est indiqué que Mme [T] a pris dans le mois 17,81 jours (congés N-1, 1,19 jours de congés N et 2 jours pour congés ancienneté, soit au total 21 jours) et pour le mois de juin, elle a pris 10 jours de congés et non 12 jours. Il manque donc 2 jours soit au total pour 2015, 12,45 jours (') »

Il ressort du bulletin de salaire du mois d'avril 2015 qu'il lui restait à prendre 17,98 jours au titre des « congés N-1 », 14,69 jours au titre des « congés N » et 2 jours au titre des « congés ANC » soit au total 34,67 jours. Le bulletin de paie du mois de mai 2015 montre qu'il lui restait à prendre 4 jours au titre des « congés N-1 », 1,26 jours au titre des « congés N » et 2 jours au titre des « congés ANC » soit au total 7,26 jours soit une différence de 27,41 jours par rapport au mois précédent.

Cette différence ne s'explique pas car il ne ressort pas du bulletin de paie du mois de mai 2015 qu'elle a pris des congés. En outre, il découle du bulletin de paie du mois de juin 2015 que douze jours de congés ont été déduits alors qu'il résulte des explications de la salariée qu'elle n'en a pris que dix. Or, il appartient à l'employeur, débiteur de l'obligation de payer les salaires, d'établir les raisons pour lesquelles il a déduit douze jours, et non dix, du solde de congés payés de la salariée ce qu'il ne fait pas. Par conséquent, il conviendra de retenir, comme le soutient la salariée, que 12,45 jours doivent lui être recrédités.

L'erreur de 12,45 jours s'est répétée d'un mois sur l'autre jusqu'au terme de la relation contractuelle de sorte qu'au titre du solde de tout compte, ces 12,45 jours manquaient encore. Ils doivent en conséquence lui être rétribués sous forme d'indemnité compensatrice de congés payés à concurrence de 911,59 euros correspondant à la somme réclamée par la salariée pour les erreurs de bulletin de paie des mois de mai et juin 2015.

Il conviendra donc d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 911,59 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la remise des documents

Il conviendra de donner injonction à l'employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il conviendra de condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [T] repose bien sur une inaptitude d'origine non professionnelle et est fondé, en ce qu'il condamne la société API Restauration à verser à Mme [T] la somme de 142,94 euros à titre de rappel de salaires, en ce qu'il déboute Mme [T] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel d'indemnité spéciale de licenciement, en ce qu'il déboute Mme [T] de sa demande tendant à la condamnation de la société API Restauration à lui payer la somme de 13 543,83 euros au titre du complément de salaire suite aux arrêts maladie, et la société API Restauration de sa demande reconventionnelle,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société API Restauration à payer à Mme [T] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'obligation de formation,

CONDAMNE la société API Restauration à payer à Mme [T] la somme de 7 090,91 euros à titre de rappel de complément de salaire,

CONDAMNE la société API Restauration à payer à Mme [T] la somme de 911,59 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de congés payés,

DONNE injonction à la société API Restauration de remettre à Mme [T] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,

REJETTE la demande d'astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société API Restauration à payer à Mme [T] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société API Restauration aux dépens de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00831
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.00831 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award