La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/04/2023 | FRANCE | N°21/00688

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 05 avril 2023, 21/00688


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 05 AVRIL 2023



N° RG 21/00688



N° Portalis DBV3-V-B7F-ULA6



AFFAIRE :



S.A. FRANCE MEDIAS MONDE.



C/



[W] [R]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Sec

tion : E

N° RG : F20/00432



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jean-claude CHEVILLER



la SELEURL CABINET ROUMIER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TRO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 AVRIL 2023

N° RG 21/00688

N° Portalis DBV3-V-B7F-ULA6

AFFAIRE :

S.A. FRANCE MEDIAS MONDE.

C/

[W] [R]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F20/00432

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean-claude CHEVILLER

la SELEURL CABINET ROUMIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. FRANCE MEDIAS MONDE

N° SIRET : 501 524 029

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-claude CHEVILLER, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0945

Représentant : Me Hélène FONTANILLE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame [W] [R]

née le 12 Août 1986 à

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sylvain ROUMIER de la SELEURL CABINET ROUMIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2081 substitué par Me Alexandre ABDILLAHI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] [R] a été embauchée, à compter du 4 septembre 2013, de mois en mois, par le biais de contrats de travail à durée déterminée non écrits, pour une durée de travail variable d'un mois à l'autre, en qualité de journaliste rédacteur (statut de cadre) par la société FRANCE MEDIAS MONDE.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective des journalistes.

Le 3 avril 2020, Mme [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour demander la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet et la condamnation de la société FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts.

Par jugement du 10 décembre 2020, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- dit fondée la demande de Mme [R] de requalification de la succession des 'CDD en CDI' ;

- dit infondée la demande de requalification de temps partiel en temps plein ;

- dit fondée la demande de requalification à temps partiel ;

- condamné la société FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

* 1 731,36 euros à titre d'indemnité de requalification ;

* 12 670,20 euros à titre de rappel de salaire et 1 267,02 euros au titre des congés payés afférents ;

* 2 758,82 euros à titre de rappel de salaire 'pour la période COVID 19" ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné la remise de bulletins de salaire conformes à la décision ;

- débouté la société FRANCE MEDIAS MONDE de ses demandes ;

- mis les dépens à la charge de la partie succombant.

Le 25 février 2021 et le 8 mars 2021, Mme [R] et la société FRANCE MEDIAS MONDE ont respectivement interjeté appel à titre principal de ce jugement.

Les deux procédures d'appel ont fait l'objet d'une jonction sous le numéro RG : 21/00688.

Aux termes de ses conclusions du 13 août 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société FRANCE MEDIAS MONDE demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a requalifié la relation de travail avec Mme [R] en contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel ;

- infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau :

* fixer la durée du travail à temps partiel à hauteur de 60 % d'un temps plein ;

* limiter le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 778,46 euros ;

* fixer le salaire de Mme [R] à hauteur de 1 790,40 euros brut mensuels de base (hors 13e mois et droits d'auteur) ;

* limiter le rappel de salaire à la somme de 16 607,88 euros brut et 1 660,78 euros brut au titre des congés payés afférents ;

* débouter Mme [R] de ses autres demandes ;

- condamner Mme [R] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 2 juin 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [R] demande à la cour de :

1. CONFIRMER la décision du Conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT en ce qu'il a :

* Jugé fondée la demande de Mme [R] de requalification de la succession de CDD en CDI

* Condamné la société FRANCE MEDIAS MONDE à une indemnité de requalification

* Condamné la société FRANCE MEDIAS MONDE à un rappel de salaire à hauteur de 12 070,20 euros ainsi que 1 267,02 euros de congés payés afférents

* Condamné la société FRANCE MEDIAS MONDE à un rappel de salaire pour la période COVID-19 de 2 058,82 euros sans congés payés afférents

* Condamné la société FRANCE MEDIAS MONDE à lui payer une indemnité pour exécution loyale du contrat de travail à hauteur de 5.000 euros

* Condamné la société FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC

* Ordonné la remise de bulletins de paie conformes

2. INFIRMER la décision du Conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT en ce qu'il a :

* Débouté Mme [R] de ses demandes relatives au bénéfice d'un contrat de travail de Journaliste rédacteur pour un salaire de 47 218,80 euros brut annuel, incluant les EVP tel que défini par la NAO de 2019 soit 3 934,90 euros brut mensuel, correspondant au salaire brut moyen d'un journaliste rédacteur à temps plein, soit pour 175 jours par an, soit le temps de travail annuel des journalistes rédacteurs en CDI.

* Débouté Mme [R] de sa demande de fixation de son ancienneté au 4 septembre 2013, et n'a condamné la société FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] qu'une indemnisation de requalification d'un montant de 1 731,36 euros au lieu de 31 164,40 euros.

* Débouté Mme [R] de sa demande au titre des rappels de salaire à temps plein, sur la moyenne des salaires NAO de 2019 à hauteur de 97 050,30 euros brut et des congés payés afférents.

* Débouté Mme [R] de sa demande visant à lui reconnaître le bénéfice d'un temps plein, alors qu'elle n'a bénéficié d'aucune prévisibilité dans la fourniture de son travail par la société FRANCE MEDIAS MONDE en violation des dispositions de l'article 3123-14 du Code du Travail et qu'elle n'a travaillé pour aucun autre employeur depuis son embauche en 2016 et qu'elle s'est tenue à l'entière disposition de la société FRANCE MEDIAS MONDE

* Débouté Mme [R] de l'entier quantum de ses demandes de dommages et intérêts relatives à la déloyauté contractuelle, au défaut de protection de sa santé, ainsi que de l'indemnité due par l'employeur en raison de la méconnaissance de l'obligation de transmission des CDD dans les délais légaux (article L-1245- alinéa 2 du nouveau Code du Travail) ainsi que de toutes les demandes subséquentes à celles précédemment énumérées.

* Débouté Mme [R] de sa demande d'exécution provisoire sur le fondement des articles (L-1245-2 et R1245-1).

ET STATUANT DE NOUVEAU SUR L'ENTIER LITIGE,

1. JUGER l'appel incident de Mme [R] recevable et bien fondé ;

2. DEBOUTER la Société FRANCE MEDIAS MONDE de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions ;

3. JUGER que la Société FRANCE MEDIAS MONDE ne satisfait pas aux obligations formelles légales et conventionnelles propres au contrat à durée déterminée, étant dans l'incapacité de fournir des CDD écrits, pour l'ensemble des périodes travaillées par le salarié, alors même que ces CDD sont mentionnés aux AEM destinés à Pôle emploi ;

4. JUGER que l'emploi de « journaliste rédacteur » occupé habituellement par Mme [R] depuis 2016 est un emploi normal et permanent dans l'entreprise ;

EN CONSEQUENCE

REQUALIFIER sur le fondement de l'article L. 1242-12 du Code du travail, la relation de travail liant Mme [R] et la Société FRANCE MEDIAS MONDE en contrat de travail à durée indéterminée depuis l'origine, soit le mois de septembre 2013, comme suit :

- « Journaliste rédacteur »

- Pour un salaire de 47 218,8 euros bruts annuels incluant les EVP tel que défini dans le NAO 2019 soit 3 934,9 euros bruts mensuels, correspondant au salaire brut moyen d'un journaliste rédacteur ;

- A temps plein, soit 175 jours par an, soit la moyenne du temps de travail annuel des plages horaires auxquelles Mme [R] est affectée compte tenu de son état de santé (matinales, journées/soirées) ;

EN CONSEQUENCE ENCORE

- FIXER l'ancienneté de Mme [R] au 4 septembre 2013 ;

- CONDAMNER FRANCE MEDIAS MONDE à verser à Mme [R] conformément aux dispositions des articles R. 1245-1 et L. 1245-2 du Code du travail, une indemnité de requalification d'un montant de 31 164, 4 euros ;

5. JUGER QUE Mme [R] :

* n'a bénéficié d'aucune prévisibilité dans la fourniture de son travail par la Société FRANCE MEDIAS MONDE en violation de l'article L. 3123-14 du Code du travail ;

* n'a travaillé pour aucun autre employeur depuis son embauche ;

* s'est tenue à l'entière disposition de la Société FRANCE MEDIAS MONDE.

EN CONSEQUENCE

REQUALIFIER sur le fondement de l'article L. 1242-12 du Code du travail, la relation de travail liant Mme [R] et la Société FRANCE MEDIAS MONDE en CDI à temps plein depuis l'origine, soit depuis le 4 septembre 2013 ;

CONDAMNER la société FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] la somme de 87 050,3 euros bruts à titre de rappels de salaire sur la base d'un temps plein outre les congés payés afférents correspondants à la somme de 6 841 euros.

6. JUGER que la société FRANCE MEDIAS MONDE a gravement manqué à son obligation de protection de la santé physique de Mme [R] en violation des dispositions de l'article L. 4121-1 du Code du travail ;

EN CONSEQUENCE

CONDAMNER la société FRANCE MEDIAS MONDE à verser à Mme [R] la somme de 47 218, 8euros (12 mois de salaire), sur le fondement des articles 1240 du Code civil et 4121-1 du Code du travail.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

7. JUGER que la société FRANCE MEDIAS MONDE a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail de Mme [R]

EN CONSEQUENCE :

CONDAMNER FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] la somme de 47 218, 9 euros soit 12 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour application déloyale du contrat de travail conformément aux dispositions des articles L. 1222-1 du Code du travail, 1103 et 1104 du Code civil ;

8. JUGER que FRANCE MEDIAS MONDE a manqué à son obligation de transmettre les CDD dans les délais légaux (article L. 1245-1 alinéa 2 nouveau Code du Travail) ;

EN CONSEQUENCE :

CONDAMNER FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] la somme de 23 609,4 euros, à titre d'indemnité due par l'employeur en raison de la méconnaissance de l'obligation de transmission des CDD dans les délais légaux (article L. 1245-1 alinéa 2 nouveau Code du Travail) ;

9. ORDONNER à FRANCE MEDIAS MONDE de régulariser la situation de Mme [R] auprès des organismes sociaux, Caisse de retraite CNAV, Caisse de retraite complémentaire, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document,

10. JUGER que la Cour se réserve le contentieux de la liquidation des astreintes ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

11. CONDAMNER FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] les intérêts au taux légal ainsi que les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme) conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil ;

12. CONDAMNER FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [R] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;

13. CONDAMNER FRANCE MEDIAS MONDE aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 31 janvier 2023.

Le 6 février 2023, Mme [R] a déposé de nouvelles conclusions et pièces au greffe.

Aux termes de conclusions du 6 février 2023, Mme [R] demande à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture ;

- recevoir ses conclusions du 6 février 2023 ;

- renvoyer ce dossier pour les écritures en réponse de la défenderesse à une date de mise en état.

Aux termes de conclusions du 6 février 2023, la société FRANCE MEDIAS MONDE demande à la cour de rejeter les conclusions et pièces déposées par Mme [R] le 6 février 2023.

SUR CE :

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture et la recevabilité des conclusions et pièces déposées par Mme [R] le 6 février 2023 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 801 du code de procédure civile : 'Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office' ; qu'aux termes de l'article 803 du même code : 'L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation' ;

Qu'en l'espèce, Mme [R] se borne à invoquer une 'actualisation, une bonne compréhension et l'évolution' de son dossier depuis ses conclusions du 2 juin 2021 ; qu'elle ne justifie donc pas d'une cause grave au soutien de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de révocation de cette ordonnance et de déclarer irrecevables les conclusions et pièces déposées par Mme [R] le 6 février 2023 ;

Sur la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en un temps complet et le rappel de salaire afférent sur la période de février 2017 à février 2020 :

Considérant que Mme [R] soutient qu'il convient de requalifier son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en un temps complet au motif que son employeur ne renverse pas la présomption de travail à temps complet résultant de l'absence de contrat écrit et que, de surcroît, elle démontre qu'elle était dans l'incapacité de connaître son temps et son rythme de travail et qu'elle se tenait nécessairement à la disposition permanente de l'employeur ; qu'elle réclame en conséquence un rappel de salaire pour la période de février 2017 à février 2020 calculé sur le salaire moyen des journalistes rédacteurs de la rédaction arabophone dans laquelle elle travaillait, ayant une ancienneté comparable, qu'elle évalue à 3 934,90 euros brut mensuel au vu du chiffre mentionné dans les documents relatifs à la négociation annuelle obligatoire (NAO) de l'année 2019 pour les journalistes rédacteurs de la société ;

Que la société FRANCE MEDIAS MONDE, qui ne conteste pas l'absence de contrat écrit, conclut au débouté de la demande de requalification de la relation de travail en un temps complet au motif qu'elle communiquait à la salariée deux à trois semaines en amont les plannings de travail lui permettant de connaître la durée et le rythme de travail, qu'en cas de changements de plannings, le délai de prévenance était en général d'une semaine voire plus, que Mme [R] était libre d'accepter ou de refuser les tâches qui pouvaient lui être proposées, qu'elle avait un autre employeur, qu'elle connaissait donc son rythme de travail et ne se tenait pas à sa disposition permanente ; que la société FRANCE MEDIAS MONDE reconnaît seulement que Mme [R] a accompli un temps partiel à hauteur de 60 % d'un temps complet et fait valoir que le salaire moyen des journalistes rédacteurs de la société FRANCE MEDIAS MONDE ayant la même ancienneté que Mme [R] s'élève, au vu d'un panel qu'elle a réalisé, à 2 984 euros brut ; qu'elle se reconnaît ainsi débitrice, sur ces bases, d'un rappel de salaire d'un montant de 16 607,88 euros bruts pour la période en cause, outre les congés payés afférents ;

Considérant, sur la demande de requalification à temps complet, que selon l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet, et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées et notamment des bulletins de salaire, des plannings de travail de la salariée produits par la société FRANCE MEDIAS MONDE et du tableau récapitulatif des jours travaillés sur toute la période litigieuse, que la durée du travail hebdomadaire et mensuel de Mme [R] était variable d'une semaine et d'un mois à l'autre ; que dans ces conditions, la société FRANCE MEDIAS MONDE ne rapporte pas la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue entre les parties ; qu'elle ne renverse ainsi pas la présomption de travail à temps complet ;

Qu'il y a donc lieu de requalifier la relation de travail en un temps complet ;

Que s'agissant du montant du rappel de salaire en conséquence de cette requalification à temps complet, il ressort des termes des conclusions que les parties fondent le litige implicitement mais nécessairement sur le principe d'égalité de traitement, puisqu'elle se réfèrent l'une et l'autre à un salaire moyen à temps complet des journalistes rédacteurs de l'entreprise ayant une ancienneté similaire ; qu'il sera donc rappelé, dans ces conditions, que le salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité ; qu'il incombe alors à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats que Mme [R] invoque à ce titre le salaire moyen annuel de l'ensemble des journalistes rédacteurs employés par la société FRANCE MEDIAS MONDE au 31 décembre 2017 mentionné dans les documents relatifs à la négociation annuelle obligatoire pour 2019 ; que toutefois aucun élément ne démontre, contrairement à ce qu'elle soutient, que ce salaire moyen correspond lui aussi à une moyenne d'ancienneté de sept ans semblable à la sienne ni qu'il s'applique aux journalistes rédacteurs de la rédaction arabophone au sein de laquelle était affectée ; que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir une rémunération mensuelle d'un montant de 3 934,90 euros brut revendiquée par Mme [R] ; qu'il y a lieu de retenir dès lors la rémunération à temps complet admise par la société FRANCE MEDIAS MONDE d'un montant de 2 984 euros brut ; que par suite, il sera alloué à Mme [R], sur la base de cette rémunération mensuelle à temps complet, un rappel de salaire d'un montant de 66 013,90 euros pour la période de février 2017 à février 2020, outre 6 601,39 euros au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement sera infirmé sur ces points ;

Sur l'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

Considérant qu'eu égard à la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée depuis le 4 septembre 2013, non discutée en appel, Mme [R] est fondée à réclamer une indemnité de requalification en application de l'article L. 1245-2 du code du travail, dont le montant ne peut être inférieur au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction prud'homale ; qu'en conséquence et eu égard notamment à la requalification à temps complet mentionnée ci-dessus, il sera alloué à Mme [R] une somme de 3 000 euros à ce titre, faute de justification d'un plus ample préjudice ; que le jugement sera infirmé sur ce chef ;

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de transmettre les contrats à durée déterminée dans les délais légaux sur le fondement de l'article L. 1245-1 du code du travail :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1245-1 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 : 'Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4./ La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire' ;

Qu'en l'espèce, la société FRANCE MEDIAS MONDE ne conteste pas ses manquements à l'obligation prévue aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1245-1 mentionnées ci-dessus ; qu'il sera alloué en conséquence à Mme [R] une somme de 1 000 euros à titre d'indemnité, en l'absence de justification d'un plus ample préjudice et étant précisé que Mme [R] n'est pas fondée à réclamer le paiement d'une indemnité pour chacun des contrats à durée déterminée en cause mais seulement une indemnité unique ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Considérant que Mme [R] soutient à ce titre que le contrat de travail est exécuté de manière déloyale en ce qu'elle a été affectée à des tranches horaires tant le matin que l'après-midi, le soir ou la nuit, la semaine ou les week-ends, qu'elle n'avait aucune prévisibilité de son temps de travail, que ces candidatures à des postes à pourvoir en contrat à durée indéterminée n'ont pas eu de suite, qu'elle a été rémunérée selon les bulletins de salaire selon un forfait en jours dénué de fondement ; qu'elle réclame en conséquence une somme de 47 218,80 euros à titre de dommages-intérêts ;

Mais considérant qu'en tout état de cause, comme le soutient justement l'employeur, Mme [R] ne justifie d'aucun préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :

Considérant que Mme [R] soutient que ses arrêts de travail pour dépression sont la conséquence de 'l'affectation anarchique et destructurante' par l'employeur à des horaires irréguliers et d'une absence de respect des règles en matière de visite médicale ; qu'elle réclame en conséquence des dommages-intérêts ;

Mais considérant, en tout état de cause, que les arrêts de travail pour maladie versés aux débats ne font état d'aucun lien entre l'état de santé de Mme [R] et ses conditions de travail au sein de la société FRANCE MEDIAS MONDE ; qu'il y a donc lieu de débouter Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur le rappel de salaire 'pour la période Covid-19" :

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont fait droit à cette demande ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur la remise de bulletin de salaire conformes à la décision :

Considérant que la société FRANCE MEDIAS MONDE ne soulève aucun moyen aux fins d'infirmation du jugement sur ce point tandis que Mme [R] se borne à demander la confirmation ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce chef ;

Sur la demande de régularisation de la situation de la salariée auprès des organismes sociaux, caisses de retraite CNAV, caisses de retraite complémentaire, sous astreinte :

Considérant que Mme [R] ne soulève aucun moyen au soutien de sa demande d'infirmation de ce chef ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le débouté sur ce point ;

Sur les intérêts légaux et l'anatocisme :

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que les sommes allouées à Mme [R] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du jugement en ce qui concerne les créances de nature indemnitaire ;

Que la capitalisation des intérêts légaux sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, la société FRANCE MEDIAS MONDE sera condamnée à payer à Mme [R] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejete la demande de révocation de l'ordonnance de clotûre et déclare irrecevables les conclusions et pièces déposées par Mme [W] [R] le 6 février 2023,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le 'rappel de salaire pour la période covid 19", la régularisation de la situation de la salariée auprès des organismes sociaux, les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, la remise de bulletins de salaire, l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [W] [R] les sommes suivantes :

- 66 013,90 euros à titre de rappel de salaire pour la période de février 2017 à février 2020, en conséquence de la requalification à temps complet et 6 601,39 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 000 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée depuis le 4 septembre 2013,

- 1 000 euros à titre d'indemnité prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 1245-1 du code du travail,

Rappelle que les sommes allouées à Mme [W] [R] portent intérêts légaux à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du jugement en ce qui concerne les créances de nature indemnitaire,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société FRANCE MEDIAS MONDE à payer à Mme [W] [R] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Condamne la société FRANCE MEDIAS MONDE aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00688
Date de la décision : 05/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-05;21.00688 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award