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30/03/2023 | FRANCE | N°21/02558

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 30 mars 2023, 21/02558


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MARS 2023



N° RG 21/02558

N° Portalis : DBV3-V-B7F-UWGC



AFFAIRE :



[R] [T]



C/



S.A.S. COMPAGNIE PAUL PREDAULT











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : I

N° RG : 19/00376





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS



Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE MA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MARS 2023

N° RG 21/02558

N° Portalis : DBV3-V-B7F-UWGC

AFFAIRE :

[R] [T]

C/

S.A.S. COMPAGNIE PAUL PREDAULT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : I

N° RG : 19/00376

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [T]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANT

****************

S.A.S COMPAGNIE PAUL PREDAULT

N° SIRET : 829 324 334

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Jean-christophe GOURET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 8 ; substitué à l'audience par Me ARTZ Jérôme, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L97

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Conseillère,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

Par contrat de travail à durée indéterminée du 27 août 2015, Monsieur [R] [T] a été engagé par la société Paul Prédault à compter du 1er septembre 2015 avec reprise d'ancienneté depuis le 27 mai 2014, en qualité d'opérateur salage. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la salaison et de la charcuterie.

Monsieur [T] s'est vu notifier deux mises à pied disciplinaires le 24 février 2017 puis le 8 septembre 2017.

Par courrier du 16 octobre 2017, Monsieur [T] a été convoqué, avec confirmation de mise à pied conservatoire verbale du même jour, à un entretien préalable qui s'est tenu le 27 octobre 2017, puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 8 novembre 2017, il a été licencié pour faute grave.

Par requête reçue au greffe le 8 juillet 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le versement de diverses sommes.

Par jugement du 29 juin 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Montmorency a :           

- déclaré irrecevables et mal fondées les demandes de Monsieur [T] [R] ;

- débouté Monsieur [T] [R] de l'intégralité de ses prétentions ;

- condamné Monsieur [T] [R] à rembourser à la Sas Compagnie Paul Prédault la somme de 600 euros au titre du trop-perçu sur le solde de tout compte ;

- débouté la Sas Compagnie Paul Prédault du surplus de ses demandes ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens éventuels.

Par déclaration au greffe du 6 août 2021, le salarié a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 23 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, le salarié demande à la cour de :  

infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- fixer le salaire mensuel brut à 1800 euros ;

- juger la Charte sociale européenne, art 24, directement applicable en droit interne, ce faisant, juger le barème issu de l'Ordonnance du 22 septembre 2017 inconventionnel ;

- annuler la mise à pied disciplinaire du 08 septembre 2017 ;

en conséquence,

- condamner la société Compagnie Paul Prédault à lui verser :

149,17 euros au titre du rappel de salaire suite à l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 08 septembre 2017,

14,9 euros au titre des congés payés afférents,

- annuler la mise à pied disciplinaire du 24 février 2017 ;

en conséquence,

- condamner la société Compagnie Paul Prédault à lui verser :

74,59 euros au titre du rappel de salaire suite à l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 février 2017,

7,46 euros au titre des congés payés afférents ;

- juger le licenciement nul, à titre principal, ou sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire ;

- annuler la mise à pied à titre conservatoire,

en conséquence,

- condamner la société Compagnie Paul Prédault à lui verser :

1800 euros de rappel de salaire suite à l'annulation de la mise à pied conservatoire,

180 euros de congés payés afférents,

en tout état de cause :

- condamner la société Compagnie Paul Prédault aux sommes de :

5000 euros de dommages et intérêts pour discrimination et non-respect de l'égalité de traitement,

7000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

3600 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

360 euros de congés payés afférents,

1650 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

Indemnités pour licenciement abusif :

21 600 d'indemnité pour licenciement nul, à titre principal

14 400 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire

1000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

3500 euros de rappel de salaire au titre des primes,

150 euros de rappel de salaire au titre des congés payés acquis,

750 euros de rappel de salaire au titre du 13ème mois,

3000 euros de rappel de salaire au titre des primes d'intéressement et de participation,

2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- juger que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devenant l'article 1343-2 du code civil.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 13 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société demande à la cour de :

à titre principal :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

confirmer le même jugement en ce qu'il a :

déclaré irrecevables et mal fondées les demandes de Monsieur [T],

débouté Monsieur [T] de l'intégralité de ses prétentions,

condamné Monsieur [T] à rembourser à la SAS Compagnie Paul Prédault la somme de 600€ au titre du trop-perçu sur le solde de tout compte,

en conséquence et statuant à nouveau du chef de jugement infirmé,

- déclarer irrecevables comme étant prescrites l'ensemble des demandes, fins et conclusions relatives à la mise à pied disciplinaire notifiée le 24 février 2017,

- déclarer irrecevables comme étant prescrites l'action portant sur la rupture du contrat de travail de Monsieur [T] ainsi que l'ensemble des demandes, fins et conclusions relatives à son licenciement pour faute grave,

- débouter Monsieur [T] de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 8 septembre 2017,

- débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 600 euros au titre du remboursement de l'acompte versé en septembre 2017,

- condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire :

si par impossible la cour jugeait recevable la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 février 2017, débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions relatives à la mise à pied disciplinaire notifiée le 24 février 2017,

si par impossible la cour jugeait recevables les demandes de Monsieur [T] relatives à la rupture de son contrat de travail, débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions relatives à son licenciement pour faute grave,

- débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 4000 €eurosau titre de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre infiniment subsidiaire :

si par impossible la cour jugeait que le licenciement de Monsieur [T] n'était pas fondé sur une faute grave,

- juger le licenciement de Monsieur [T] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence :

- débouter Monsieur [T] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réduire à de plus justes proportions le montant des rappels de salaire sollicités au titre de la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents et des dommages et intérêts sollicités,

Y additant :

- la recevoir en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence :

- condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [T] aux entiers dépens,

en tout état de cause :

- condamner Monsieur [T] à lui verser la somme de 600 euros au titre du remboursement de l'acompte versé en septembre 2017,

- débouter Monsieur [T] de sa demande de communication du registre d'entrée et de sortie du personnel et des contrats de travail de ses salariés ;

- juger que les condamnations prononcées à son encontre ne pourront porter sur la période antérieure au 2 mai 2017,

en conséquence :

- débouter Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions portant sur la période antérieure au 2 mai 2017,

- réduire à de plus justes proportions, si par impossible la cour devait estimer tout ou partie des demandes de Monsieur [T] bien fondées, le montant des rappels de salaire et des dommages et intérêts sollicités,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 février 2017

Le salarié sollicite l'annulation de la mise à pied disciplinaire d'une journée notifiée par lettre recommandée avec avis de réception le 24 février 2017 en ce qu'il l'estime disproportionnée eu égard aux faits et à ses états de service. Pour infirmation du jugement entrepris qui a retenu la prescription biennale de l'article L.1471-1 du code du travail, le salarié fait valoir que l'employeur s'en prévaut dans ses conclusions et que le point de départ du délai de prescription se situe au moment où il n'est plus sous lien de subordination juridique.

L'employeur soulève la prescription de deux ans prévue par l'article précité en ce que ce délai a couru à compter de la notification du 24 février 2017 et était expiré à la date de la saisine prud'homale.

Il ressort des éléments d'appréciation que le salarié a reçu notification de la mise à pied disciplinaire d'une journée par courrier recommandé présenté le 24 février 2017.

L'action en annulation de cette sanction disciplinaire est prescrite en application de la prescription biennale visée à l'article L. 1471-1 du code du travail puisqu'elle a été introduite le 8 juillet 2019, soit plus de deux ans après la notification du 24 février 2017, date à laquelle le salarié a connu les faits lui permettant d'exercer son droit, ce dernier ne justifiant pas par ailleurs pouvoir s'appliquer les dispositions de l'article 2234 du code civil selon lesquelles « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».

La demande sera donc déclarée irrecevable comme prescrite.

Le salarié doit être débouté de sa demande en paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents qui n'est formée qu'au titre d'une annulation de la mise à pied disciplinaire.

Sur l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 8 septembre 2017

Le salarié invoque l'impossibilité de se rendre à l'entretien préalable à sanction devant se tenir le 29 août 2017 en raison de la déloyauté de l'employeur qui l'a convoqué par courrier recommandé au cours de ses congés annuels et s'est abstenu de l'en informer alors qu'il était au travail ce jour-là. Il en sollicite l'annulation, la considérant non établie au vu du seul témoignage du salarié avec lequel l'altercation reprochée aurait eu lieu. Il fait valoir l'existence d'un doute devant lui profiter.

L'employeur réplique que le salarié est à l'origine de la non réception du courrier recommandé dès lors que celui-ci s'est absenté de son domicile sans avoir fait suivre son courrier et sans l'informer de son lieu de résidence, et n'a pas récupéré le courrier à son retour de congés le 27 août 2017. Il précise que le salarié en a été informé à la reprise du travail le 28 août 2017. Il ajoute que les faits reprochés, soit des insultes et des violences à l'encontre d'un collègue de travail dont l'attestation remet en cause la version du salarié contenue dans sa lettre de contestation du 23 octobre 2017, sont avérés et justifient le prononcé de la sanction.

L'envoi du courrier recommandé de convocation à l'entretien préalable à sanction au cours des congés annuels du salarié lorsqu'il était absent de son domicile, ne porte pas en lui-même une atteinte au droit de la défense dès lors, d'une part, que l'attitude obstructive de l'employeur n'est pas avérée, d'autre part, que le salarié ne justifie pas de l'impossibilité de récupérer le courrier postal avant la date à laquelle devait se tenir l'entretien, le cas échéant afin d'en solliciter le report.

En revanche, il est reproché au salarié d'avoir insulté un collègue sans qu'aucune insulte ne soit précisément citée ni dans la lettre du 8 septembre 2017 ni dans l'attestation du collègue concerné.

Or, un doute sérieux subsiste quant aux violences imputées au salarié dès lors que si le collègue qui atteste en avoir été victime évoque une chemise arrachée au niveau de sa manche gauche et un hématome ainsi que des traces de griffure sur son bras gauche, les circonstances précises de l'altercation, plus particulièrement du ou des gestes à l'origine des dommages vestimentaires et physiques invoqués, ne sont pas décrites sauf le fait que le salarié se serait jeté sur lui, alors que c'est vainement que l'employeur, qui ne présente aucun élément susceptible de corroborer cette version, soutient que le salarié ne peut se prévaloir de sa lettre de contestation du 23 octobre 2017, le délai d'envoi étant insuffisant à cet égard, quand le salarié, dont la crédibilité n'est pas utilement remise en cause, y décrit de manière précise et détaillée des circonstances contraires à la version de son collègue qui, pris d'un accès de violence, aurait tapé sur son bureau et dans les murs.

En conséquence, il y a lieu d'annuler la sanction disciplinaire en application des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail.

Au vu des éléments d'appréciation, il convient d'allouer au salarié un rappel de salaire d'un montant brut de 149,17 euros et, dans les limites de la demande, 14,90 euros bruts de congés payés afférents, par suite de l'annulation de la mise à pied disciplinaire.

Ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019, date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur le harcèlement moral 

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

Il résulte des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments de fait présentés par le salarié laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, à l'appui de sa demande au titre d'un harcèlement moral, le salarié invoque un acharnement disciplinaire, soit, en seulement huit mois et en l'absence de tout précédent, une mise à pied d'une journée qu'il estime disproportionnée notifiée le 24 février 2017 pour « le non-respect d'un sens de circulation », une mise à pied de deux jours notifiée le 8 septembre 2017 qu'il a contestée par écrit et qu'il estime injustifiée, ainsi qu'une mise à pied conservatoire avec refus d'explication et ordre de quitter les lieux sous la menace d'un appel à la police tel que relaté dans son courrier du 23 octobre 2017, dans le cadre d'une convocation, par lettre du 16 octobre 2017, à un entretien préalable à mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'à un licenciement.

Considérés ensemble, ces faits laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Toutefois, l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, dès lors, d'une part, que le caractère proportionné de la sanction infligée le 24 février 2017 pour deux

types de faits fautifs, non utilement contestés par le salarié, s'agissant, premièrement, du non-respect d'une consigne relative à l'hygiène des produits d'une particulière importance eu égard à l'activité de l'entreprise ayant consisté à sortir par une porte malgré une interdiction matérialisée par un panneau sens interdit au mépris des règles de circulation et malgré l'interpellation de la directrice qualité, secondement, de quatre anomalies de pointage sur des journées entières ; dès lors, d'autre part, que la gravité des accusations de violences portées à l'encontre du salarié par un collègue de travail ont pu l'amener à considérer devoir le sanctionner de deux jours de mise à pied alors que le salarié ne s'était pas rendu à l'entretien préalable pour assurer sa défense et que cette situation lui était exclusivement imputable ; compte tenu, de troisième part, des circonstances dans lesquelles la mise à pied à titre conservatoire a été verbalement notifiée au salarié et la menace d'un appel aux forces de l'ordre a dû être évoquée, telles que ces circonstances résultent du témoignage de Monsieur [X], référent chargé de la sécurité et délégué syndical, qui indique de manière précise et détaillée, sans être utilement contredit, que le 16 octobre 2017 le salarié a refusé de travailler et de quitter le site, ce qui l'a contraint à devoir « parlementer » avec lui pendant quarante minutes pour qu'il accepte finalement de partir de lui-même.

En conséquence, le salarié doit être débouté de ses demandes formées au titre d'un harcèlement moral.

Sur la discrimination et l'inégalité de traitement

Le salarié invoque une inégalité de traitement et le fait que les éléments à ce titre sont détenus par l'employeur, d'une part, par le coefficient, fixé à 160, quand ses collègues occupant le même poste bénéficiaient d'un coefficient de 180 ou 190, ce qu'il indique avoir appris en cours d'exécution du contrat de travail et vainement dénoncé dans son courrier du 23 octobre 2017, d'autre part, faute de versement des primes d'intéressement et de participation, l'employeur conditionnant ce paiement à l'acceptation d'une modification de ses heures de travail, de troisième part, en l'absence de versement de la prime Fillon contrairement à tous les autres salariés. Il ajoute que c'est à l'employeur de produire les éléments « qui permettront au Conseil d'apprécier l'inégalité de traitement ».

L'employeur fait valoir, outre l'absence de tout élément factuel au soutien de la demande du salarié à laquelle il estime ne pas devoir suppléer, le défaut d'identification du ou des collègues auxquels ce dernier se compare, le fait que la prime Fillon ne constitue pas un élément de salaire mais correspond à une réduction de cotisations patronales sur les bas salaires, et la circonstance selon laquelle le changement d'horaires que le salarié savait n'être que temporaires correspondait au positionnement de ses fonctions de préparateur de la saumure en début de chaîne de production. Il indique ne pas devoir pallier la carence du salarié dans l'apport des éléments au soutien de ses prétentions.

En premier lieu, en application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, le salarié, qui n'indique pas de critère illicite de discrimination, ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

En second lieu, en application de l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil, le salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité alléguée, l'employeur devant dès lors rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

En l'espèce, le salarié ne présente pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement en matière de rémunération. Il ne se compare à aucun autre salarié désigné occupant un poste similaire ou de valeur égale. Il n'établit pas l'existence d'une prime dite « Fillon » ou d'un droit s'y rapportant.

Plus généralement, le salarié ne présente pas d'éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de traitement en matière de droit individuel ou collectif, financier ou non.

L'employeur ne saurait suppléer sa carence et la cour n'est pas saisie d'une demande de communication d'éléments en vue d'établir la preuve de l'inégalité salariale.

Le salarié est dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et non-respect de l'égalité de traitement.

Sur les demandes en paiement de rappels de salaires au titre « des primes », « des congés payés acquis » et du « 13eme mois » et la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié sollicite le paiement de rappels de salaires au titre « des primes », « des congés payés acquis » et du «13eme mois » ainsi que de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

L'employeur en sollicite le rejet faute de preuves et en ce qu'elles ne sont pas détaillées dans ses écritures ni étayées par des justificatifs.

Au soutien de ces différentes prétentions, le salarié n'invoque aucun moyen au sein de ses conclusions, notamment dans la partie « discussion », en méconnaissance des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile. Il n'allègue aucun fait ni ne présente aucun élément au soutien de ses prétentions.

Ces demandes seront donc en voie de rejet.

Sur le rappel de primes d'intéressement et de participation

Le salarié soutient que malgré sa reprise d'ancienneté, il n'a pas bénéficié des primes d'intéressement et de participation liées à l'ancienneté, se fondant sur son propre courrier du 23 octobre 2017 au sein duquel il affirme que l'employeur a subordonné leur paiement à l'acceptation d'un changement d'horaires.

C'est à juste raison que l'employeur fait valoir l'absence de toute preuve rapportée par le salarié au soutien de cette prétention dès lors en effet que ce dernier ne justifie d'aucun élément tant sur l'existence du droit lui-même que sur la reconnaissance de celui-ci par l'employeur, les allégations du salarié sur un chantage exercé par ce dernier ne résultant que de sa production personnelle sans être corroborée par d'autres éléments.

Le salarié sera donc débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de primes d'intéressement et de participation.

Sur la demande au titre d'un licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, et les demandes subséquentes

Le salarié soutient que son licenciement est nul en raison d'un harcèlement moral qu'il relie dans ce cadre à un acharnement disciplinaire et à une inégalité de traitement qui ne sont pas retenus par la cour qui, dès lors, doit rejeter ses demandes au titre de la nullité du licenciement.

A titre subsidiaire, le salarié formule plusieurs demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand l'employeur soulève la prescription de telles demandes en ce que le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L.1471-1 du code du travail a couru à compter de la notification du licenciement le 8 novembre 2017 et était expiré à la date de la saisine prud'homale, le salarié répliquant que la prescription quinquennale est applicable et qu'aucun délai de prescription n'a couru faute de preuve de la notification du licenciement.

En application des dispositions alors en vigueur de l'article L.1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Il résulte des éléments d'appréciation, notamment de la lettre du salarié en date du 10 janvier 2018 par laquelle il conteste son licenciement en indiquant : « ' je me vois signifié mon licenciement pour faute grave, or les motifs qui m'ont été exposés lors de cet entretien ne sont pas du tout ceux dont vous me notifiez dans la lettre de licenciement du 8 novembre 2017. », que les demandes du salarié de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de voir annuler sa mise à pied à titre conservatoire et condamner l'employeur à lui payer un rappel de salaire et les congés payés afférents correspondant à la période de mise à pied conservatoire, de

voir condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de préavis et les congés payés afférents, d'une indemnité égale de licenciement ainsi que d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont prescrites dès lors que le délai de douze mois qui a couru à compter de la notification du licenciement, au plus tard à compter du 10 janvier 2018, était expiré lors de la saisine prud'homale du 8 juillet 2019.

Il y aura lieu en conséquence de déclarer ces demandes irrecevables comme prescrites.

Sur la demande reconventionnelle

L'employeur sollicite la confirmation du jugement entrepris sur la condamnation du salarié au paiement d'une somme de 600 euros au titre d'un trop-perçu en ce qu'un acompte de ce montant versé en septembre 2017 n'a pas été déduit du salaire versé en fin de mois.

Le salarié, qui sollicite l'infirmation du jugement entrepris et qu'il soit statué à nouveau, ne demande pas à la cour de débouter l'employeur de cette demande et ne développe aucun moyen en défense sur ce chef.

Il ressort des éléments d'appréciation, notamment des bulletins de paie et d'un document relatif à un virement de 600 euros réalisé le 13 septembre 2017 du compte bancaire de la société Compagnie Paul Prédault vers le compte bancaire du salarié, que ce dernier est redevable d'un trop-perçu de salaire égal à ce montant.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il condamne le salarié à payer à l'employeur la somme de 600 euros de ce chef.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de civile au profit de quiconque.

Sur les dépens:

La charge des entiers dépens de première instance et d'appel doit être supportée par l'employeur, partiellement succombant.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Dit irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur [R] [T] en annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 février 2017.

Annule la mise à pied disciplinaire du 8 septembre 2017.

En conséquence,

Condamne la Sas Compagnie Paul Prédault à payer à Monsieur [R] [T] la somme de 149,17 euros bruts au titre d'un rappel de salaire, outre 14,90 euros bruts de congés payés afférents.

Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019, date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Déboute Monsieur [R] [T] de ses demandes au titre :

- d'un harcèlement moral,

- d'une discrimination,

- d'une inégalité de traitement,

- d'un licenciement nul,

- de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

- d'un rappel de salaire au titre des primes,

- d'un rappel de salaire au titre des congés payés acquis,

- d'un rappel de salaire au titre du 13ème mois,

- d'un rappel de salaire au titre des primes d'intéressement et de participation.

Dit prescrites les demandes de Monsieur [R] [T] de voir : - son licenciement être déclaré sans cause réelle et sérieuse,

- sa mise à pied à titre conservatoire être annulée, - condamner la Sas Compagnie Paul Prédault à lui payer un rappel de salaire et les congés payés afférents correspondant à la période de mise à pied conservatoire, une indemnité de préavis et les congés payés afférents, une indemnité égale de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne Monsieur [R] [T] à payer à la Sas Compagnie Paul Prédault la somme de 600euros au titre d'un trop-perçu de salaire.

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne Sas Compagnie Paul Prédault aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et parMadame Angeline SZEWCZIKOWSKI Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02558
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.02558 ?
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