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30/03/2023 | FRANCE | N°21/02556

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 30 mars 2023, 21/02556


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MARS 2023



N° RG 21/02556

N° Portalis : DBV3-V-B7F-UWF6



AFFAIRE :



[B] [Y] [A]



C/



S.A.S. CLINEA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : AD

N° RG : 20/00739



Copies e

xécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS



Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB



Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MARS 2023

N° RG 21/02556

N° Portalis : DBV3-V-B7F-UWF6

AFFAIRE :

[B] [Y] [A]

C/

S.A.S. CLINEA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : AD

N° RG : 20/00739

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS

Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB

Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [B] [Y] [A]

née le 17 juillet 1977 à [Localité 7] (CONGO)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANTE

****************

S.A.S. CLINEA

N° SIRET : 301 160 750

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0303 substitué à l'audience par Me ADOLPHE Bruno, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Conseillère,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

Par contrat de travail à durée déterminée du 4 décembre 2012, Madame [B] [Y] [A] a été engagée par la société Clinéa en qualité de commis de cuisine. La relation contractuelle s'est poursuivie par plusieurs contrats de travail à durée déterminée jusqu'au 30 septembre 2019. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de l'hospitalisation privée.

Par requête reçue au greffe le 25 mai 2020, la salariée, exposant avoir subi un harcèlement sexuel, a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée, et la requalification du terme du contrat à durée déterminée en un licenciement nul.

Par jugement du 23 juin 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :           

- débouté Madame [B] [Y] [A] de toutes ses demandes ;

- dit que le terme de son dernier contrat à durée déterminée était régulier ;

- fixé sa rémunération à 1654,64 euros bruts ;

- condamné Madame [B] [Y] [A] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 6 août 2021, la salariée a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 23 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :   

infirmer le jugement entrepris, statuant à nouveau,

- fixer son salaire moyen à la somme de 2 154,92 euros,

- requalifier ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

- juger que la rupture du contrat à durée déterminée en raison de l'arrivée au terme s'analyse en un licenciement nul, à titre principal, ou sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

- juger que la société a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

en conséquence :

à titre principal :

- juger les dispositions de l'article 1235-3 du code du travail inconventionnelles comme contraires à l'article 24 de la charte sociale européenne d'application directe,

- indemnité pour licenciement nul (6 mois minimum), à titre principal ou sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire : 38 788,56 euros

à titre subsidiaire :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (7 mois) : 15 084,44 euros,

en tout état de cause :

condamner la société au paiement des sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat : 25 859,04 euros,

- dommages et intérêts pour harcèlement sexuel : 25 859, 04 euros,

- indemnité légale de licenciement : 3 681,32 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 4309,84 euros,

- congés payés y afférents : 420, 98 euros,

- indemnité de requalification : 2154,92 euros,

- exécution déloyale du contrat de travail : 3 000 euros,

- juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'envoi à la défenderesse de la convocation au bureau de conciliation (article 1231-7 du code civil),

- condamner la société Clinéa au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Clinéa aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 26 décembre 2022 auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société demande à la cour de :

confirmer le jugement dont appel ;

- la déclarer irrecevable comme prescrite en ses demandes de requalification des contrats à durée déterminée et d'action en réparation des préjudices liés aux prétendus manquements de Clinéa à son obligation de sécurité ;

- la déclarer mal fondée pour le surplus de ses demandes ;

- débouter en conséquence Madame [Y] de toutes ses demandes ;

La condamner aux éventuels dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

La salariée invoque la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée en ce qu'ils visaient à pallier un sous-effectif permanent de l'entreprise ; elle indique avoir occupé principalement le même poste de commis de cuisine en remplacement des mêmes salariés dont l'absence est rarement mentionnée sauf une « absence injustifiée » sans preuve de la réalité des absences et des recours à ce type de contrats.

L'employeur fait valoir que : toute demande de requalification au motif de l'irrégularité des contrats de travail à durée déterminée en application de l'article L. 1242-12 du code du travail est partiellement prescrite en vertu de l'article L. 1471-1 du même code ; les contrats ne souffrent d'aucune irrégularité ; les contrats ne sauraient être requalifiés en application de l'article L. 1242-1 de ce code en ce qu'ils auraient eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, du seul fait de remplacements de salariés en congés maladie ou maternité, congés payés ou repos, de manière récurrente ; cette démonstration ne peut résulter du nombre total de contrats signés sur une période de sept ans ; les contrats ne visent pas tous le même poste ni la même personne et ne sont pas successifs ; il est contraint de recourir à ce type de contrat afin de pallier les différentes absences de ses collaborateurs et ce, afin de répondre à son obligation de permanence des soins et de continuité de prise en charge.

Il ressort des 55 contrats de travail à durée déterminée distincts produits aux débats qu'ils ont tous été conclus pour un emploi de service hospitalier / commis de cuisine comme suit ( la date de leur prise d'effet correspondant systématiquement à celle de leur signature ) :

*année 2012 :

du 4 au 10 décembre : arrêt maladie de Mme [H]

du 26 au 30 décembre : congés payés de Mme [L]

*année 2013

du 5 au 20 janvier : arrêt maladie de Mme [H]

du 3 au 4 janvier : arrêt maladie de Mme [K]

du 21 au 24 janvier : arrêt maladie de Mme [H]

du 25 au 30 janvier : arrêt maladie de Mme [H]

du 2 au 22 février : arrêt maladie de Mme [H]

du 17 au 18 février : repos compensateur férié de Mme [W]

du 26 au 27 février : arrêt maladie de Mme [H]

du 2 au 4 mars : arrêt maladie de Mme [U]

du 7 au 31 mars : dans l'attente de l'entrée en service du titulaire du poste

du 1er au19 avril : arrêt maladie de Mme [H]

du 23 au 28 avril : congés payés de Mme [H]

du 11 au 17 mai : arrêt maladie de Mme [W]

du 21 au 22 mai : arrêt maladie de Mme [G]

le 1er juin : absence justifiée de Mme [H]

du 5 août au 3 octobre : dans l'attente de l'entrée en service de M. [S]

du 5 au 16 octobre : congé sans solde de M. [J]

du 19 au 20 octobre : absence injustifiée de M. [J]

du 22 au 23 octobre : absence injustifiée de M. [J]

le 29 octobre : arrêt maladie de Mme [C]

du 9 au 15 novembre : accident de travail de Mme [U]

*année 2014 :

du 2 au 27 janvier : congés payés de Mme [P] [O]

du 1er au 7 février : arrêt maladie de Mme [H]

du 10 février au 11 mars : congés payés de Mme [W]

du 15 au 16 mars : repos compensateur férié de Mme [W]

du 17 au 21 mars : absence justifiée de Mme [W]

du 10 au 12 mai : repos compensateur de remplacement de Mme [W]

du 13 juin au 18 juillet : congés payés de Mme [W]

du 19 au 30 juillet : absence justifiée de M. [E]

du 2 septembre au 6 octobre : congés payés de M. [J]

du 9 octobre au 7 novembre : congé sans solde de M. [J]

du 17 au 21 novembre : absence injustifiée de M. [J]

du 22 au 24 novembre : repos compensateur férié de Mme [W]

du 25 novembre au 1er décembre : repos compensateur férié de M. [J]

du 10 décembre au 8 janvier (2015) : congés payés de Mme [W]

*année 2015

du 28 avril au 16 mai : congés payés de Mme [W]

du 6 au 7 juin : congés payés de M. [J]

le 15 juin : repos compensateur de remplacement de M. [F]

du 10 décembre au 4 janvier (2016) : congés payés de M. [J]

*année 2018

le 31 août : dans l'attente de l'entrée en service du titulaire du poste : M. [N]

du 4 septembre au 31 décembre : dans l'attente de l'entrée en service du titulaire du poste : M. [N]

le 20 septembre : absence injustifiée de Mme [K]

du 13 décembre au 1er janvier (2019) : absence justifiée de Mme [I]

*année 2019 :

le 11 janvier : arrêt maladie de Mme [V] [T]

du 14 au 29 janvier : absence justifiée de Mme [M]

du 2 au 27 février : absence justifiée de Mme [I]

du 2 au 31 mars : absence justifiée de Mme [I]

du 19 au 24 avril : absence justifiée de Mme [I]

du 2 au 31 mai : absence justifiée de Mme [I]

du 4 au 28 juin : absence justifiée de Mme [I]

du 2 au 31 juillet : absence justifiée de Mme [I]

du 3 au 31 août : dans l'attente de l'entrée en service du titulaire du poste : Mme [R]

le 1er septembre : dans l'attente de l'entrée en service du titulaire du poste : Mme [R]

du 10 au 30 septembre : dans l'attente de l'entrée en service du titulaire du poste : Mme [R].

Selon l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

L'article L 1471-1 du code du travail s'est appliqué immédiatement aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi 2013-504 du 14 juin 2013, soit le 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée antérieure.

Il en résulte, compte tenu de l'effet interruptif de la saisine prud'homale du 25 mai 2020, d'une part, que le délai de prescription de l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en raison de leur irrégularité formelle, a couru à compter de la conclusion de chaque contrat, ce dont il est déduit que cette demande est prescrite pour les contrats conclus de 2012 à 2015, d'autre part, que ce même délai de prescription de l'action en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que ces contrats ont eu pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, a couru à compter de la date du terme du dernier contrat le 30 septembre 2019, de sorte que cette demande n'est pas prescrite.

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-12 du même code dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; qu'à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Il résulte des dispositions alors en vigueur de l'article L.1242-2 du code du travail que sous réserve des dispositions de l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas qu'il énumère, notamment, pour le remplacement d'un salarié en cas d'absence ou dans l'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer.

Enfin, selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions notamment des articles L.1242-1 à L.1242-4, et L.1242-12 alinéa 1, du même code.

Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour que : la durée totale des 55 contrats non continus supérieure à deux années n'est pas négligeable sur une période inférieure à sept années ; s'il n'a pas à justifier d'absences résultant de droits des salariés en matière de congés maladie, congés payés ou de repos, l'employeur ne produit aucun élément relatif aux autres absences représentant une proportion significative des durées d'emploi, plus particulièrement pour les derniers contrats signés, qu'il s'agisse, notamment, d'absences dites « justifiées » ou « injustifiées », ou de remplacements dans l'attente de l'entrée en service effective de salariés recrutés en contrat à durée indéterminée alors que la durée de l'indisponibilité alléguée est importante et non continue, étant observé par ailleurs qu'il n'est pas soutenu que ces postes ont été proposés à la salariée ; compte tenu de ces constats, auxquels s'ajoute le fait qu'il s'agissait d'un même emploi de service hospitalier / commis de cuisine, peu important une période d'inactivité entre janvier 2016 et août 2018, le lien nécessaire et général établi par l'employeur entre le recours récurrent à ce type de contrat et la continuité des soins est insuffisant, ce d'autant qu'il n'apporte aucun élément de nature à relier, eu égard à la nature de l'activité, une telle récurrence à des contraintes ou obligations en matière de recrutement et plus largement d'effectif.

Il en résulte que les contrats ont été conclus afin de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Il y a donc lieu à requalification des contrats en contrat à durée indéterminée.

Au vu des éléments d'appréciation, il convient d'allouer à la salariée la somme de 1 500 euros nets au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail.

Sur le harcèlement sexuel

Aux termes de l'article L.1153-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, « Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ».

En vertu de l'article L.1154-1 du code du travail, il incombe au salarié qui l'invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans cette hypothèse, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour infirmation du jugement déféré, la salariée, qui impute un harcèlement sexuel à son supérieur hiérarchique, Monsieur [X], sur son lieu de travail, présente les éléments suivants :

- un échange de Sms avec son supérieur hiérarchique :

*Sms échangés le 30 août 2019 de 18h19 à 18h26 :

« Bonjour chef !

j'ai pas la recette de la crème catalane.

Bonjour [B] c'est en boite, c'est marqué crème renversée ou crème brûlée

rappeler moi comeme chef.

Tu regardes la boite

Tu fais bouillir du lait et la crème liquide

Pour la quantité regarde sur la boite

oui en suite chef '''

Ensuite tu verse la poudre dans le lait et crème liquide chaude

Tu les mets dans les ramequins et refroidir dans le cellule de refroidissement

Ok merci

C'est tout '

Tu m'envoies pas du c'ur

Bonne fin de journée chef.

Lol

C'est pas ce que je Tai demandé »

*Sms de Monsieur [X] du 9 septembre 2019 :

« [Adresse 2].

15h00 »

*Sms du 27 septembre 2019 :

« Bonsoir [B] ton contrat en CDD prend fin le 30 sept 19, je préfère ne pas prolonger ton' »

- son courrier en date du 2 octobre 2019 adressé à la direction dans lequel elle relate ce qui suit :

«' Suite au désistement du commis de cuisine, le chef de cuisine Monsieur [X] m'a fait revenir en cuisine en me promettant un contrat à durée indéterminée à partir d'avril 2019. En juin dernier, Monsieur [X] me rend compte de l'entretien qu'il a eu avec vous-même concernant le poste vacant en vue d'un contrat à durée indéterminée à partir du 15 septembre 2019. Monsieur [X] m'a présentée comme la personne idéale, compétente pour occuper le poste de commis de cuisine, étant donné que je revenais du site de [Localité 8] et qu'il avait eu l'occasion au cours des semaines précédentes de juger mes compétences professionnelles. Très rapidement, j'ai constaté un changement dans le comportement de mon supérieur hiérarchique. Voici les faits que je subissais quotidiennement :

- Des remarques sur mon physique, sur le fait que je lui plaisais et qu'il avait une attirance sexuelle pour moi,

- Ses propos étaient sans ambiguïté et ne laissaient aucun doute sur le fait qu'il me demandait une relation sexuelle,

- Par exemple : « [B], j'ai envie de faire l'amour avec toi' »

- Je vais te prendre dans mes bras, te sentir, embrasse-moi »

Lorsque Monsieur [X] tenait ses propos, il s'arrangeait pour le faire alors que j'étais seule dans l'espace froid du local cuisine. J'ai toujours refusé ses avances de façon catégorique en lui

rappelant que nous avions une relation professionnelle et qu'il était mon supérieur. A plusieurs reprises, Monsieur [X] m'a proposé de le rejoindre dans un hôtel de Boulogne B.

Il est devenu insistant et début septembre il m'a envoyé un message WhatsApp indiquant une adresse [Adresse 2] et un horaire à 15 heures.

Lorsque j'ai regardé à quoi correspondait cette adresse j'ai constaté qu'il s'agissait de l'hôtel CAMPANILLE situé à [Localité 8] près de mon domicile.

Plusieurs jours après Monsieur [X] m'a reproché de ne pas être venue au rendez-vous ; il m'a indiqué que par ma faute il aurait dépensé 30 € de frais prélevés sur son compte.

A la fin du mois de septembre, alors que j'étais dans la réserve de goûter, Monsieur [X] s'est positionné derrière moi et m'a attrapé en se collant à moi.

Je me suis dégagée rapidement et il m'a dit « tu te comportes comme une vierge alors que tu as

quatre enfants' »

Il a été très difficile pour moi de supporter les agissements de Monsieur [X].

Il connaissait ma situation, il m'a fait espérer un passage en contrat à durée indéterminée.

Lorsqu'il a compris que je ne céderai pas à ses avances, j'ai reçu un message WhatsApp le 27 septembre à 20h17 m'informant qu'il ne renouvellerait pas mon CDD.

Pendant toute la durée de mon contrat et depuis février 2019, je n'ai jamais eu aucune remarque

sur la qualité de mon travail et mes compétences professionnelles.

Le refus de mon supérieur de prolonger mon CDD est pour moi directement lié à mon refus de céder à ses avances. »

- le récépissé de déclaration relatif à sa plainte déposée le 2 octobre 2019 au commissariat de [Localité 6] pour harcèlement sexuel par une personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction propos ou comportements à connotation sexuelle imposés de façon répétée ;

- l'absence de réaction de la part de son employeur sauf un courrier du 26 novembre 2019 lui indiquant : « Après étude de la situation et de plusieurs témoignages, aucun élément ne permet de mettre en avant la véracité des faits que vous évoquez. »

Pris dans leur ensemble, ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'un harcèlement sexuel.

L'employeur réplique que : le règlement intérieur prévoit la prévention et la répression de tout acte assimilable à du harcèlement sexuel ; le 28 janvier 2019, il a signé avec les partenaires sociaux un avenant à l'accord relatif à la « Qualité de Vie au travail et à l'égalité professionnelle » qui prévoit des mesures en son article 3 sous la rubrique « Identification de référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » ; l'absence d'alerte de la salariée avant le terme de son dernier contrat à durée déterminée ; le caractère tardif de sa dénonciation ; l'absence de témoignage corroborant les accusations de la salariée après la réception du chef de cuisine en entretien et l'interrogation des salariés amenés à évoluer en cuisine ; le faible nombre

de messages produits par la salariée ne faisant pas ressortir un abus d'autorité du chef de cuisine mais démontrant la bonne relation qu'entretenaient les intéressés ; le fait qu'un « pseudo rendez-vous » dans un hôtel à [Localité 8] se situait en dehors du temps de travail et que le but de celui-ci n'est demeure ignoré ; l'absence de suite connue au dépôt de plainte.

Toutefois, il résulte du courrier de l'employeur en date du 26 novembre 2019 que la salariée s'est présentée le 30 septembre, soit le dernier jour du dernier contrat à durée déterminée conclu entre les parties, dans le bureau de la direction de la clinique, accompagnée d'un représentant du personnel, afin de dénoncer des faits assimilables à des faits de harcèlement sexuel de la part du chef de cuisine, son supérieur hiérarchique. De même, si, dans ce courrier ou dans ses écritures, l'employeur indique avoir interrogé le chef de cuisine et évoque plusieurs témoignages n'étant pas de nature à corroborer les accusations de la salariée, il n'en justifie pas. De plus, alors que les accusations de la salariée, successives, constantes et précises, ont suivi de peu l'envoi des messages précités, ceux-ci révèlent, considérés dans leur contenu et leur chronologie, la volonté du chef de cuisine, en lien hiérarchique avec la salariée qui était sous sa dépendance pour pérenniser la relation de travail, d'obtenir de la part de celle-ci des faveurs de nature sexuelle jusqu'à lui proposer un rendez-vous dans un hôtel à proximité de son domicile ; l'employeur n'apporte aucun élément sérieux de nature à remettre en cause cet enchaînement de faits cohérent ni n'avance aucune explication notamment quant à l'envoi de l'adresse d'un hôtel par son chef de cuisine qu'elle prétend pourtant avoir interrogé sur les accusations portées à son encontre, quand les échanges montrent de surcroît que la salariée n'a jamais, ni suscité, ni répondu aux propos de son supérieur hiérarchique lorsqu'il se plaçait sur un registre à connotation sexuelle.

L'employeur ne prouve donc pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le harcèlement sexuel, dès lors caractérisé, a causé un préjudice moral à la salariée, alors que l'employeur ne justifie pas, au-delà de ses seules affirmations, avoir pris en considération les faits dénoncés le dernier jour de la relation de travail peu après leur révélation progressive à la salariée dans leurs véritables nature et étendue. Ce dernier sera donc condamné à payer à la salariée la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Sur la rupture de la relation de travail et les conséquences indemnitaires

En vertu des articles L. 1153-2 et L. 1153-4 du code du travail, dans leurs rédactions applicables au litige, la rupture de la relation de travail en raison de la seule arrivée du terme du dernier contrat à durée déterminée et en l'absence de tout écrit valant licenciement, doit être qualifiée de licenciement nul en ce que cette rupture a suivi l'annonce de la non prolongation de la relation de travail qui résultait du refus de la salariée de subir le harcèlement sexuel de son supérieur

hiérarchique.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, considérant la date de la rupture le 30 septembre 2019 et la date de la saisine prud'homale le 25 mai 2020, les demandes indemnitaires au titre de la rupture de la relation de travail ne se heurtent à aucune prescription en application de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Au vu des éléments d'appréciation, il y a lieu d'allouer à la salariée :

- une indemnité compensatrice pour un préavis de deux mois, d'un montant de 3309,28 euros bruts en application des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, outre 330,93 euros bruts de congés payés afférents ;

- une indemnité légale de licenciement en application des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, en limitant l'ancienneté à six ans et dix mois tel que retenu par la salariée, d'un montant de 2826,68 euros nets (¿ x 1654,64 € bruts x 6 + ¿ x 1654,64 € bruts 10/12) ;

- en vertu des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, eu égard notamment à son âge au moment de la rupture (42 ans) et à sa capacité à retrouver un emploi telle que celle-ci résulte des éléments fournis, la somme de 17 000 euros nets (un peu plus de dix mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Sur l'obligation de sécurité

La salariée fait valoir que le 25 décembre 2015, alors qu'elle avait déjà subi de tels faits par le chef vacataire de la clinique ayant donné lieu à l'établissement d'une main courante en 2013, elle a été injuriée, agressée verbalement et menacée avec un couteau de cuisine par son supérieur hiérarchique, Monsieur [D], quand elle était enceinte de seize semaines, ce qui a entraîné, du 25 au 26 décembre 2015, la consultation de sa gynécologue en urgence, l'envoi d'un courrier à l'employeur, la rédaction d'une fiche de signalement et d'un récépissé de déclaration de main courante. Elle formule une demande de dommages et intérêts pour non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité qu'elle estime non-prescrite par application de la prescription quinquennale.

L'employeur réplique que les manquements imputés remontant aux années 2013 et 2015, l'action est prescrite en vertu de la prescription tirée de l'article L.1471-1 du code du travail. Il réfute tout manquement à son obligation de sécurité après réception de la seule fiche de signalement et il met en exergue, outre l'absence de toute répercussion sur l'état de santé de la salariée, le défaut de suite donnée aux mains courantes

Il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

La demande indemnitaire de la salariée ne visant pas d'autre fondement que le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, celle-ci est prescrite en application de la prescription biennale de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dès lors que la salariée, qui avait connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit au plus tard à la fin de l'année 2015, a agi plus de quatre ans après cette date.

Le jugement entrepris est donc confirmé sur ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée soutient que l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur découle de la man'uvre frauduleuse ayant consisté pour l'employeur, de mauvaise foi, à l'engager par des contrats de travail à durée déterminée pour occuper un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, quand l'employeur objecte que la salariée ne justifie ni de sa mauvaise foi ni d'un préjudice distinct à indemniser.

La salariée ne justifie pas d'un préjudice découlant de l'exécution déloyale du contrat de travail par le recours illicite à une succession de contrats de travail à durée déterminée et qui ne serait pas indemnisé par le versement de l'indemnité de requalification.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que la salariée est déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

Sur les intérêts au taux légal

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée par Pôle Emploi du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les frais irrépétibles:

En équité, il n'est fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit de la salariée à laquelle est allouée la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens:

La charge des entiers dépens de première instance et d'appel doit être supportée par l'employeur, partie succombante pour l'essentiel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant,

Requalifie les contrats de travail à durée déterminée conclus entre la société Clinéa et Madame [B] [Y] [A] en contrat de travail à durée indéterminée.

Dit nulle la rupture de la relation de travail intervenue le 30 septembre 2019.

Condamne la société Clinéa à payer à Madame [B] [Y] [A] les sommes suivantes:

- 1 500 euros nets à titre d'indemnité de requalification,

- 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel,

- 3 309,28 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 330,93 euros bruts de congés payés afférents,

- 2 826,68 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 17 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul,

-2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Ordonne le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée par Pôle Emploi du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Dit qu'une copie de l'arrêt sera adressée par le greffe à Pôle Emploi.

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société Clinéa aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02556
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.02556 ?
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