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30/03/2023 | FRANCE | N°20/02766

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 30 mars 2023, 20/02766


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 MARS 2023



N° RG 20/02766 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGBG



AFFAIRE :



[K] [T]



C/



S.A.S. SEPHORA Prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE

-BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F17/01051











Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Anna MEKOUAR



Me Philippe SUARD







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 MARS 2023

N° RG 20/02766 -

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGBG

AFFAIRE :

[K] [T]

C/

S.A.S. SEPHORA Prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Septembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F17/01051

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anna MEKOUAR

Me Philippe SUARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Anna MEKOUAR de la SELEURL CLAIM, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0901

APPELANTE

****************

S.A.S. SEPHORA

N° SIRET : 393 712 286

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Philippe SUARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0536

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SAS Sephora, dont le siège social est situé à [Localité 3] dans les Hauts-de-Seine, est spécialisée dans la vente de produits de beauté. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale parfumerie-esthétique remplacée le 24 juin 2011 par la convention collective nationale de l'esthétique-cosmétique et de l'enseignement technique et professionnel lié aux métiers de l'esthétique et de la parfumerie.

Mme [T], née le 26 novembre 1970, a été engagée par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 2003, en qualité de conseillère vente, statut employé, moyennant un salaire initial de 1 158,62 euros et de 1 923 euros dans le dernier état de la relation contractuelle.

Après un entretien préalable qui s'est déroulé le 2 mai 2017, Mme [T] s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par courrier du 19 mai 2017, motifs pris de manquements au savoir-être et d'insubordination pour avoir refusé d'imprimer des étiquettes de prix et d'utiliser une caisse mobile.

Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en contestation de son licenciement par requête reçue au greffe le 25 août 2017.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 30 septembre 2020, la section commerce du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- dit et jugé que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [T] était bien fondé,

- débouté Mme [T] de l'intégralité de ses demandes,

- laissé les dépens à la charge des parties.

Devant le conseil de prud'hommes, Mme [T] avait présenté les demandes suivantes :

- dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Sephora à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts courant à compter du prononcé de la décision,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Sephora à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- condamner la société Sephora aux entiers dépens.

La procédure d'appel

Mme [T] a interjeté appel du jugement par déclaration du 4 décembre 2020 enregistrée sous le numéro de procédure 20/02766.

Par ordonnance rendue le 25 janvier 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 2 février 2023.

Prétentions de Mme [T], appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 24 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [T] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

. l'a déboutée de sa demande tendant à voir requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Sephora à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts courant à compter du prononcé de la décision,

. l'a déboutée de sa demande tendant à voir ordonner la capitalisation des intérêts,

. l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Sephora à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ce faisant, statuant à nouveau,

- requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence condamner la société Sephora à lui verser une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts courant à compter du prononcé de la décision,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Sephora à lui verser une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sephora aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prétentions de la société Sephora, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 6 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Sephora demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

à titre principal,

- dire et juger que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [T] est bien-fondé,

- débouter en conséquence Mme [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires,

à subsidiaire,

vu ensemble les articles L. 1235-3 et suivants du code du travail,

si, par extraordinaire, le conseil (sic) devait considérer que le licenciement de Mme [T] est sans cause réelle et sérieuse,

- constater que Mme [T] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la réalité et de l'étendue de son préjudice, au-delà du minimum légal,

- limiter en conséquence strictement le montant des dommages-intérêts éventuellement alloués à Mme [T] à la somme de 11 538 euros soit six mois de salaires,

en tout état de cause,

- débouter Mme [T] de ses autres demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner Mme [T] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [T] aux entiers dépens.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le licenciement

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement pour motif personnel à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du même code dispose qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Par courrier du 19 mai 2017, la société Sephora a noti'é à Mme [T] son licenciement pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :

« Pour les motifs qui vous ont été exposés lors de l'entretien préalable en date du 2 mai 2017, en présence de [M] [S] [J] qui vous assistait, et après réflexion et analyse approfondie de la situation, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse reposant sur la violation caractérisée et réitérée de vos obligations professionnelles et contractuelles inhérentes au poste de conseillère que vous occupez.

Ces manquements que nous vous reprochons ne nous permettent plus aujourd'hui de poursuivre notre relation contractuelle et justifient cette mesure de licenciement. Nous vous rappelons les différents griefs retenus à votre encontre :

Vous exercez vos fonctions de Conseillère depuis le 15 septembre 2003 et dernièrement sur notre magasin Sephora [Adresse 5].

Or, nous constatons ces derniers mois une nette dégradation de votre comportement professionnel au travail, laquelle ne peut être tolérée davantage en raison des répercussions néfastes qu'elle entraîne sur le bon fonctionnement de notre magasin :

1/ Des manquements en termes de savoir-être :

De février à mars 2017, des salariés du magasin ont spontanément tenu à rencontrer la direction du magasin, ainsi que la Responsable Ressources Humaines, afin de leur faire part de faits graves vous concernant. Dans la mesure où les agissements et manquements, dont certains remontent à plusieurs mois, ont été portés à notre connaissance pour la première fois sur cette période de février à mars 2017, aucune prescription du fait fautif ne saurait nous être opposée :

- Vous avez insulté votre collègue [X] [A] en employant les termes « espèce de petit con » (sic).

- Vous avez cherché à obtenir des informations personnelles une nouvelle fois sur [X]

[A], concernant notamment son orientation sexuelle. Vous avez par la suite dit à des collègues le concernant « sale pédé » (sic).

- Vous avez dit à votre collègue, [I] [N], « T'arrives à avoir des copains, car t'es un peu ronde quand même » (sic).

- Vous avez critiqué ouvertement le conjoint de [I] [N] en déclarant « J'aurais honte de sortir avec ton copain, il est trop grand » (sic).

- Vous avez dit concernant deux personnes «je ne comprends pas comment on peut être si gros » (sic).

- Vous avez dit « en France, il y en a que pour les noirs et les arabes » (sic).

Ces faits justifient à eux seuls la présente mesure de licenciement initiée à votre encontre ainsi que la décision qui en découle.

2/ Non-respect des consignes données par votre hiérarchie :

Nous vous reprochons également votre comportement vis-à-vis de votre hiérarchie, qui consiste à refuser certaines tâches qui vous sont confiées, sous prétexte que vous n'avez pas la formation adéquate, et ceci alors que les tâches concernées ne sont ni plus ni moins que des élémentaires de votre fonction et de votre fiche de poste. A titre d'illustration :

- Le 19 avril 2017, votre manager [G] [C], vous a demandé de réaliser les prix manquants sur votre rayon. Vous avez répondu que vous ne saviez pas comment réaliser cette tâche. Vous avez pourtant été formée à plusieurs reprises sur le sujet, et vous ne pouvez prétendre ignorer cette tâche basique de votre métier au vu de votre ancienneté de plus de 13 ans.

- Le vendredi 31 mars 2017, un vol en magasin a mobilisé plusieurs personnes du magasin. Il vous a alors été demandé de prendre une caisse pour aider vos collègues.

Vous avez refusé prétextant ne pas savoir vous servir du clavier.

Quelques minutes plus tard, et au vu de la file d'attente qui ne cessait de croître, il vous a été demandé d'aider l'équipe avec une caisse mobile. Vous avez répondu « je ne sais pas utiliser la caisse mobile » et vous êtes restée les bras croisés à discuter avec une animatrice.

Vous avez pourtant été formée à l'outil, comme toute l'équipe, à la mise en place du projet, puis reformée en janvier 2016 par [Y] [V], et débriefée au cours de l'année par [G] [C].

Ces faits supplémentaires démontrent votre impossibilité à vous situer dans une structure hiérarchisée.

Par conséquent, il n'est pas tolérable que vous puissiez vous comporter et agir de la sorte à l'encontre vos collègues et de votre hiérarchie. Pour rappel, Sephora s'inscrit dans une démarche de respect mutuel et toute dérive à ce principe est fermement réprimée. Aussi, nous considérons vos manquements à vos obligations contractuelles et professionnelles comme étant caractérisés.

Votre comportement et vos propos inacceptables impactent inéluctablement l'image de notre enseigne, et s'avèrent fortement préjudiciables au bon fonctionnement de notre point de vente. »

Aux termes de cette lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, Mme [T] se voit reprocher deux griefs :

- des manquements en termes de savoir-être,

- le non-respect de consignes données par sa hiérarchie.

S'agissant des manquements en termes de savoir-être

Mme [T] oppose en premier lieu la prescription de ce grief.

Concernant la prescription du grief

Il est rappelé qu'en application de l'article L. 1332-4 du code du travail, « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».

La société Sephora justifie avoir eu une connaissance exacte et complète des faits reprochés à la salariée en termes de savoir-être, par courriel de Mme [F], directrice du magasin rue du commerce à [Localité 4], daté du 17 février 2017 (pièce 5 de l'employeur), ce que la salariée ne remet pas en cause.

La société Sephora justifie avoir engagé la procédure disciplinaire le 10 avril 2017 en remettant en mains propres à la salariée le 12 avril 2017 une lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 avril 2017 (pièce 4 de l'employeur), même si, faisant état d'une erreur dans la convocation, elle a de nouveau convoqué la salariée par lettre recommandée du 19 avril 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 mai 2017 (pièce 2 de la salariée). Faisant le lien entre ces deux lettres, elle indique dans la deuxième lettre : « Par courrier recommandé (') daté du 10 avril 2017, nous vous avons convoquée à un entretien préalable. Après relecture, nous vous informons avoir commis une malencontreuse erreur dans cette convocation à entretien préalable. Aussi, en considération du comportement fautif que vous avez choisi d'adopter, lequel est de nature à remettre en cause la poursuite de notre relation de travail, nous sommes amenés à envisager à votre encontre une mesure de licenciement pour faute (...) ».

Il s'est écoulé moins de deux mois entre la connaissance du grief par l'employeur (17 février 2017) et l'engagement de la procédure (10 avril 2017), de sorte que le grief n'est pas prescrit.

Concernant le bien-fondé du grief

Le descriptif de poste de conseillère de vente mentionne, comme obligations professionnelles en termes de savoir-être, le fait d'avoir l'esprit d'équipe, de respecter ses collègues, d'être solidaire dans le travail, de contribuer à une bonne ambiance globale (pièce 1 de l'employeur).

Le règlement intérieur de la société oblige les salariés à adopter un comportement respectueux vis-à-vis de leurs collègues de travail. Il prévoit : « les valeurs développées par la société Sephora, ainsi que la tradition de qualité des rapports internes, justifient que chacun s'efforce de faire preuve de courtoisie en toute circonstance, de respect de l'autre, d'équité, de discrétion et de politesse. Chacun doit par ailleurs veiller à assurer un service client dans le respect de ces principes, conformes aux usages et à l'image de la société Sephora » (pièce 2 de la société).

La charte éthique de la société prévoit également : « Comportement au travail. Respect des autres. Les collaborateurs de Sephora traitent les autres avec respect, courtoisie et dignité. Discrimination. Sephora ne discrimine personne et ne tolère aucune discrimination » (pièce 3 de la société).

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions mais aussi plus généralement de toute relation de travail salariée, l'obligation pour Mme [T] d'adopter un comportement respectueux à l'égard de ses collègues de travail.

Au soutien du grief qu'elle reproche à la salariée, la société Sephora produit à titre principal le courriel de Mme [F], directrice du magasin, en date du 17 février 2017, laquelle informe la direction de faits reprochés à la salariée en ces termes :

« Objet : acte de discrimination entre CV (conseillers de vente)

Bonjour [B],

Je viens vers toi pour ton aide sur un souci humain concernant 1 CV (envers) plusieurs de ses collègues. Il s'agit de Mlle [R], personne bien connue par [W] et [Z] qui ont eu l'occasion de la rencontrer.

Elle a été absente du magasin en AT en 2015 et en mi-temps thérapeutique en 2016, puis en maladie de novembre à janvier 2017.

A son retour, elle a fait la connaissance de [X] [A] un CV couleur arrivé en juin.

Dès le départ, il y a eu des hostilités envers ce garçon (il est originaire de la Martinique). Il y a deux semaines, elle l'a traité de petit con en surface de vente. Depuis, elle parle de lui avec les autres CV, sur son orientation sexuelle et a utilisé les propos : pédé. Il y a deux ans, je l'avais déjà recadrée sur des propos racistes tenus avec moi sur « En France, il n'y a que des noirs et des arabes ». Suite à une demande refusée auprès de [P], notre DP Sud, elle m'a dit « Sud est le syndicat des arabes ». [X] n'est pas la seule cible : elle a traité [I] [N] de « grosse et sale » et insulté [H] [L] (CV nouvelle recrue) le samedi 11 février sur la surface de vente, elle l'a fait pleurer. Il est vrai que j'ai été tolérante à une période où elle avait ses problèmes de santé, mais là, ça va trop loin, ses propos homophobes, racistes et autres, détruisent notre équipe. Les personnes ci-nommées ont fait appel à moi, [P] notre DP n'est pas au courant. Elles sont toutes prêtes à écrire un courrier. Peux-tu me donner les directives ' Merci d'avance. » (pièce 5 de l'employeur).

La société Sephora produit également des courriers de Mme [N] et de M. [A] des 20 et 21 février 2017, lesquels dénoncent les propos tenus à leur égard par Mme [T] auprès de la direction Sephora (pièces 6 et 7 de l'employeur). M. [A] a en outre précisé dans son courrier qu'il avait été « extrêmement affecté » et que « sans réponse ou action concrète de votre part, je m'en remettrai dans un premier temps au médecin du travail avant, le cas échéant, de saisir le tribunal compétent pour violation de l'article L. 1152-1 du code du travail »  mettant ainsi en cause la responsabilité de l'employeur à son égard compte tenu du comportement de Mme [T].

Elle produit encore les témoignages d'autres salariés du magasin, à savoir Mme [C], Mme [D], Mme [F] et Mme [O] (ses pièces 8 à 11).

L'ensemble de ces témoignages sont concordants et circonstanciés, et corroborent les propos reprochés à la salariée.

De son côté, Mme [T] produit de très nombreuses attestations de personnes qui disent avoir travaillé avec elle ou qui disent faire partie de ses connaissances, comme son petit ami, un ami, un voisin et des clientes, qui tous confirment son comportement irréprochable.

Pour autant, ces témoignages sont sans portée dès lors qu'aucune des personnes qui a attesté n'était présente au moment des faits reprochés à la salariée.

Par ailleurs, Mme [T] ne justifie pas, comme elle le soutient pourtant dans ses écritures, « qu'il régnait entre collègues une entente familière et bon enfant », ce qui en tout état de cause, ne pourrait excuser les propos tenus.

Ainsi, au vu des éléments en présence, il y a lieu de retenir que la matérialité de ce grief est établie.

S'agissant du non-respect des consignes données par la hiérarchie

Il est reproché à Mme [T] d'avoir le 31 mars 2017, refusé de prendre une caisse mobile afin d'aider ses collègues de travail d'une part et d'avoir le 19 avril 2017 refusé de réaliser les étiquettes de prix manquantes dans son rayon d'autre part.

La fiche de poste de conseillère de vente met à la charge de la salariée les obligations de « réaliser les opérations d'encaissement en respectant les procédures dédiées » et de « mettre à jour les prix des articles » (pièce 1 de l'employeur) de sorte que la salariée ne peut valablement prétendre que ces tâches ne relèveraient pas de ses fonctions.

Pour justifier son inaction, qu'elle reconnaît, sur ces deux points, Mme [T] prétend qu'elle n'a pas été formée aux outils utilisés.

L'employeur précise, sans être démenti, que la salariée a bien été formée à l'outil, comme toute l'équipe, à la mise en place du projet, notamment en janvier 2016 par Mme [V], mais également au cours de l'année 2017 par Mme [C].

Mme [C] atteste d'ailleurs en ces termes : « Pendant un an, j'ai été missionnée manager, à plusieurs reprises, j'ai été confrontée à des refus de sa part pour effectuer des tâches ordinaires concernant l'encaissement, la réalisation d'étiquettes prix, sachant que je l'ai moi-même formée plusieurs fois sur celles-ci » (pièce 8 de l'employeur).

Pour sa part, Mme [T] ne produit aucune pièce utile à l'appui de son allégation.

Ainsi, au vu des éléments fournis par les parties, il y a lieu de retenir la matérialité de ce deuxième grief.

L'employeur démontre par ailleurs avoir délivré à Mme [T] dans le cadre de la relation contractuelle, deux avertissements, que la salariée ne justifie pas avoir contestés.

Le 26 juin 2007, Mme [T] a reçu un avertissement pour avoir manqué de respect à Mme [U], à qui elle a tenu des propos injurieux et irrespectueux le mardi 12 juin 2007 devant une autre collègue en lui disant : « Tu es une racaille puisque tu es une arabe », puis « dommage que tu te sois ratée !» en faisant référence à de graves problèmes personnels rencontrés par Mme [U] (pièce 12 de l'employeur).

Le 30 novembre 2010, Mme [T] a reçu un nouvel avertissement pour avoir le 23 novembre 2010, répondu à une cliente que « ce n'était pas son rayon, qu'elle était aux soins ». Alors que sa responsable lui a fait observer que cette remarque n'était pas acceptable, elle lui a sèchement répondu qu'elle savait qu'elle n'était pas à l'aise en couleur alors qu'elle venait d'assister à une formation sur la maîtrise de la couleur en avril 2010. Il lui a alors été rappelé que le respect des clients et de la hiérarchie devait être une préoccupation de chaque instant et que la polyvalence était l'une des qualités indispensables pour exercer le métier de conseillère, qu'elle pouvait mettre en 'uvre, forte de ses sept ans d'expérience (pièce 13 de l'employeur).

La nature des manquements de Mme [T], tels qu'ils ont été mis en évidence, au regard de l'existence d'un passé disciplinaire, conduit à retenir le caractère sérieux des griefs, justifiant le licenciement de la salariée.

Le licenciement de Mme [T] apparaît dans ces conditions bien fondé.

Le jugement dont appel, qui a débouté la salariée de ses demandes contraires, sera en conséquence confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Mme [T], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à la société Sephora une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 250 euros.

Mme [T] sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 30 septembre 2020,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [K] [T] au paiement des entiers dépens,

CONDAMNE Mme [K] [T] à payer à la SAS Sephora une somme de 250 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [K] [T] de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02766
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;20.02766 ?
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