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29/03/2023 | FRANCE | N°21/03543

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 29 mars 2023, 21/03543


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 MARS 2023



N° RG 21/03543

N° Portalis : DBV3-V-B7F-U33V



AFFAIRE :



[J] [Z]



C/



S.A.S.U. CODIR









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE:

Section : C

N° RG : 20/00115


>Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Arthur BOUCHAT



Me Oriane DONTOT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2023

N° RG 21/03543

N° Portalis : DBV3-V-B7F-U33V

AFFAIRE :

[J] [Z]

C/

S.A.S.U. CODIR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE:

Section : C

N° RG : 20/00115

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Arthur BOUCHAT

Me Oriane DONTOT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [Z]

né le 15 Février 1991 à [Localité 5] (78)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Arthur BOUCHAT de la SAS NARVAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0785

APPELANT

****************

S.A.S.U. CODIR

N° SIRET : 729 804 161

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Représentant : Me Sophie UETTWILLER de la SCP UGGC AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0261

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

EXPOSE DU LITIGE

M. [J] [Z] a été engagé par la société Codir suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2014 avec reprise d'ancienneté au 1er avril 2013, en qualité d'agent de production, coefficient 110, avec le statut d'employé.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de l'optique-lunetterie de détail.

Par lettre du 30 janvier 2020, M. [Z] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 6 février 2020.

Par lettre du 4 mars 2020, l'employeur a licencié le salarié pour faute grave.

Le 7 septembre 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes La Jolie aux fins de voir dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, subsidiairement, est fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société Codir au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de diverses indemnités et sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 16 novembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a dit que le licenciement pour faute grave de M. [Z] était justifié, a débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes, a dit qu'il supportera les entiers dépens.

Le 4 décembre 2021, M. [Z] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 15 février 2022, M. [Z] demande à la cour d' infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et y ajoutant, de:

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la société Codir à lui verser les sommes suivantes :

* 20 894,37 euros à titre d'indemnisation de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 298,23 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 5 969,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 596,98 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

* 2 984,91 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

- subsidiairement, juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute « grave », en conséquence, condamner la société Codir à lui verser les sommes suivantes :

* 5 298,23 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 5 969,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 596,98 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

* 2 984,91 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

- en tous les cas, condamner la société Codir à indemniser son préjudice subi résultant du caractère vexatoire de ce licenciement à hauteur de 5 969,82 euros,

- condamner la société Codir à lui verser la somme de 2 880 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 mai 2022, la société Codir demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner M. [Z] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, recouvrés directement par Maître Dontot, Jrf & Associés.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 7 février 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La lettre de licenciement énonce en substance le grief de harcèlement moral et sexuel au sein de l'équipe de production de l'atelier 'TSV' de jour, en lien avec un collègue M. [U] [D] notamment à l'encontre d'un employé qui a brutalement quitté l'entreprise.

Sur la prescription

Le salarié fait valoir que les faits reprochés sont prescrits, l'employeur en ayant eu connaissance suite à l'enquête portant sur l'accident du travail du 10 septembre 2019.

L'employeur indique que ce n'est qu'à compter d'une nouvelle enquête interne que la direction a été avisée des faits imputables au salarié et que la convocation à entretien préalable est intervenue dans le délai de deux mois.

En application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, l'engagement des poursuites disciplinaires doit intervenir dans un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de commission extraordinaire CSSCT du 28 février 2020, qu'une première enquête a été menée suite à un accident du travail survenu le 10 septembre 2019, qui a fait remonter des suspicions de faits notamment de harcèlement moral et sexuel au sein de l'un des ateliers de la direction industrielle et qu'une seconde enquête a été diligentée dans le cadre d'un plan d'action et de prévention.

Ainsi, le 11 décembre 2019, a eu lieu une réunion de lancement de la seconde enquête portant sur les suspicions notamment de faits de harcèlement moral ou sexuel et du 6 janvier au 10 février 2020 ont eu lieu des entretiens, qui ont permis une première synthèse le 10 février 2020 puis des entretiens complémentaires du 11 au 14 février 2020 ainsi qu'une synthèse finale le 28 février 2020.

Il est établi que la direction a eu connaissance des faits fin janvier 2020, celle-ci indiquant avoir eu connaissance des faits dans toute leur ampleur notamment à l'issue de l'audition d'un témoin clé le 16 janvier 2020.

La convocation à entretien préalable ayant eu lieu le 30 janvier 2020, l'engagement des poursuites disciplinaires est bien intervenu dans le délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance des faits. Le moyen tiré de la prescription de l'action sera donc rejeté.

Sur le fond

Le salarié soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de fiabilité de l'enquête, de l'absence de gravité des faits reprochés, du caractère inéquitable et à charge de l'enquête diligentée en raison de la privation du droit de se défendre lors de l'entretien préalable et d'un doute qui profite au salarié. Subsidiairement, il conclut à l'absence de faute grave, suite à son affectation en équipe de nuit à compter de janvier 2019, sa présence dans l'entreprise pendant la durée du préavis n'étant pas impossible.

L'employeur expose que les faits sont avérés et reconnus par le salarié, qui ne réalise pas la gravité de ses actes et les minimise en les caractérisant de jeux puérils ou d'ambiance de vestiaire. Il précise que l'enquête a été menée de façon rigoureuse et paritaire, que l'un des intérimaires victime a finalement accepté de relater les faits dont il a été victime et qu'il n'a pas osé dénoncer avant de quitter brutalement l'entreprise et que six autres personnes ont été reconnues comme victimes.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

En l'espèce, l'employeur produit une attestation de M. [T], victime des faits, ainsi que les conclusions de l'enquête CSSCT du 25 février 2020 qui s'est tenue avec deux membres du CSSCT et un représentant de la direction, qui a consisté à entendre treize personnes ayant travaillé dans le service ou été en lien avec les faits, les entretiens ayant été menés conjointement par deux ou trois personnes, membres du CSSCT et représentant de la direction, et ayant duré entre une heure et une heure trente.

Cette enquête a été menée avec sérieux et est soumise aux observations contradictoires des parties, la cour en appréciant la valeur probante.

L'enquête met en cause deux personnes, [J] [Z] et [U] [D]. Ce sont les seuls à parler de jeux puérils et d'ambiance de vestiaire ainsi que d'agissements réciproques avec [V] [T] et d'une vengeance sur leurs positions de référents.

M. [Z] est ainsi mis en cause de façon concordante par les personnes entendues pour les faits suivants commis entre 2017 et 2018 :

- jeu de l'olive,

- accès de colère avec actes de violence : coups de pieds dans les matériels et matériel jeté dans la pièce,

- gestes déplacés sur les parties intimes sur les hommes,

- propos à connotation sexuelle,

- propos et actes rabaissant voire injurieux envers des collègues,

- menaces sur autrui.

Six personnes sont identifiées comme victimes de ces agissements : M. [T], M. [Y], Mme [C], Mme [G], M. [O], M. [M], M. [T] étant qualifié de victime principale, et ayant quitté brutalement l'entreprise où il avait un statut d'intérimaire.

M. [T] a lui-même témoigné le 16 janvier 2020 avoir subi les faits suivants :

- surnom de 'pose-caca',

- arrachage de sa combinaison de travail (6 à 7 fois),

- doigt dans les fesses à de multiples reprises.

L'entretien préalable a eu lieu le 6 février 2020, date à laquelle avaient bien eu lieu les principaux entretiens de l'enquête et avait été produit le témoignage de la victime principale M. [T] qui avaient permis de mettre en évidence les principaux faits reprochés au salarié.

M. [Z] a ainsi reconnu dans sa lettre du 8 février 2020 à l'attention de l'employeur des attouchements, l'utilisation du surnom de 'pose-caca' à l'encontre de [V] [T], des jeux puérils, tout en les minimisant et en indiquant recevoir le même traitement de sa part, ce qui n'est corroboré par aucun autre témoignage que par celui des deux personnes mises en cause.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les faits de harcèlement moral et sexuel envers plusieurs membres de l'équipe de production de l'atelier 'TSV' de jour sont établis à l'encontre de M. [Z], notamment à l'encontre de M. [T].

Ces faits étaient suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Le licenciement est donc fondé sur une faute grave caractérisée.

Le salarié sera, par conséquent, débouté de l'ensemble de ses demandes à ce titre : dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité légale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents.

La mise à pied conservatoire était justifiée, le salarié sera donc débouté de sa demande conséquente en rappel de salaire.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur les dommages et intérêts pour rupture vexatoire

Le salarié sollicite une somme de 5 969,82 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du caractère vexatoire du licenciement, demande sur laquelle le conseil de prud'hommes n'a pas statué.

L'employeur indique que la mise à pied conservatoire puis la notification du licenciement n'ont pas été prononcées dans des circonstances vexatoires.

M. [Z] ne caractérise pas le caractère vexatoire du licenciement invoqué. Il doit donc être débouté de sa demande de ce chef, celle-ci n'étant pas établie.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [Z] succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Dontot, JRF & Associés pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il devra également régler à la société Codir une somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant :

Déboute M. [J] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Condamne M. [J] [Z] aux dépens d'appel et dit que Maître Oriane Dontot, JRF & Associés pourra les recouvrer directement pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Condamne M. [J] [Z] à payer à la société Codir la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03543
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.03543 ?
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