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29/03/2023 | FRANCE | N°21/03529

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 29 mars 2023, 21/03529


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 MARS 2023



N° RG 21/03529 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U3YN



AFFAIRE :



S.A.S. HYGECO POST MORTEM ASSISTANCE



C/

[Z] [R]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 août 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F20/00060



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



l'ASSOCIATION DUMONTEIL & MAZUR



Me Banna NDAO



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Ve...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2023

N° RG 21/03529 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U3YN

AFFAIRE :

S.A.S. HYGECO POST MORTEM ASSISTANCE

C/

[Z] [R]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 août 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F20/00060

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

l'ASSOCIATION DUMONTEIL & MAZUR

Me Banna NDAO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS HYGECO POST MORTEM ASSISTANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Christophe ROSSI, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0716 et par Me Banna NDAO, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667

APPELANTE

****************

Monsieur [Z] [R]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bernard DUMONTEIL de l'ASSOCIATION DUMONTEIL & MAZUR, constitué / plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0158.

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Alicia LACROIX.

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [R] a été engagé par la société Hygeco Post Mortem Assistance (ci-après Hpma) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 juillet 2017 en qualité de chauffeur brancardier, niveau III, coefficient 2, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des pompes funèbres.

Par lettre datée du 29 août 2019, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 9 septembre 2019, puis par lettre datée du 12 septembre 2019 lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par lettre datée du 19 septembre 2019, le salarié a demandé à l'employeur de préciser les motifs du licenciement.

Par lettre datée du 26 novembre 2019, le salarié, par l'intermédiaire de son conseil, a contesté le bien-fondé du licenciement.

Le 5 février 2020, [Z] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir la condamnation de la société Hpma à lui payer diverses indemnités et rappel de salaire au titre du licenciement qu'il estime dénué de cause réelle et sérieuse.

Par jugement mis à disposition le 30 août 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ont fixé la moyenne de la rémunération mensuelle brute à la somme de 2 514,07 euros, ont condamné la société Hpma à payer à [Z] [R] les sommes suivantes :

* 5 028,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 502,81 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 838,02 euros au titre du salaire 13ème mois prorata temporis,

* 83,30 euros au titre des congés payés sur 13ème mois,

* 1 445 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 7 542,21 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ont dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Hpma de sa première convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la date de mise à disposition au greffe du jugement pour les créances indemnitaires, ont ordonné à la société Hpma de remettre à [Z] [R] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes, ont ordonné l'exécution provisoire du jugement, ont ordonné à la société Hpma de rembourser aux organismes compétents les indemnités de chômage éventuellement versées à [Z] [R], à concurrence de six mois d'indemnités, à charge pour lesdits organismes de justifier des versements et ont débouté les parties du surplus des demandes.

Le 2 décembre 2021, la société Hpma a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 18 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Hpma demande à la cour d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de juger que les faits reprochés à [Z] [R] sont constitutifs d'une faute grave et en tout état de cause d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, à titre principal de débouter [Z] [R] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire de le débouter de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [Z] [R] de sa demande de rappel de salaire au titre des 24 au 26 août 2019, d'ordonner le remboursement à son profit de toutes les sommes versées à [Z] [R] au titre de l'exécution provisoire du jugement et de condamner [Z] [R] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 24 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [Z] [R] demande à la cour de débouter la société Hpma de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes, statuant à nouveau, de condamner la société Hpma à lui payer les sommes suivantes :

* 103,11 euros bruts au titre de la retenue pour absence injustifiée des 24, 25 et 26 août 2019,

* 10,31 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,

* 8 557 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens. 

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 14 février 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement pour faute grave notifiée au salarié est ainsi rédigée :

'(...) Le 7 août 2019, une conseillère funéraire a sollicité notre société afin d'ouvrir le funérarium de [Localité 3]. L'agent de régulation en astreinte vous a attribué cette intervention à effectuer entre 2h30-02h45 du matin. Malheureusement, il semble que vous ayez eu des difficultés avec le portail. Et que vous ayez très vite perdu vos nerfs devant le transporteur qui attendait pour déposer un défunt. Lors de l'entretien, vous vous êtes justifié en disant que cette conseillère avait été imbuvable avec vous.

Vous vous êtes finalement permis de partir sans avoir effectué la tâche pour laquelle vous étiez présent. Par ailleurs, après votre départ du site, vous avez enfin répondu à la régulation après plusieurs appels manqués sur un ton très agressif et irrespectueux.

L'ouverture a dû finalement être effectuée par une autre société vers 4H00 du matin et le responsable des funérariums a été prévenu de l'incapacité d'un employé de notre société à réaliser cette prestation.

Le lendemain alors que vous étiez en repos, vous vous êtes permis de recontacter cette même conseillère funéraire sur le portable d'astreinte afin de faire une mise au point avec elle (faits que vous avez reconnus durant l'entretien). Vous avez insinué que les clés qu'elle vous aurait donné n'étaient pas les bonnes et qu'elle mentait lorsqu'elle vous a répondu qu'elle ne vous avait rien donné. Vous avez finalement raccroché. Mais celle-ci s'est déclarée choquée (...).

Il est donc inacceptable que vous vous soyez permis d'adopter ce ton et ce comportement avec l'un de nos clients. Entendu que nous avons dû présenter nos excuses pour votre comportement envers ce client et son personnel. Par ailleurs, le fait de ne pas répondre tout de suite à la régulation et de ne pas avoir effectué et cherché à répondre aux attentes de notre client est un comportement fautif de votre part.

Par ailleurs nous avons un deuxième fait à vous reprocher.

En effet, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail les 24, 25 et 26 août 2019 et n'avez à ce jour fourni aucun justificatif d'absence valable. Vous avez évoqué le fait de ne pas avoir reçu la modification du planning envoyé par M. [B] le 15 juillet à 13h52 par mail. Cependant comme le montre votre fiche d'activité, vous avez suivi l'ancien planning que vous avez déclaré ne pas avoir reçu. Ensuite vous avez mentionné des problèmes familiaux et en avoir informé M. [B].

Nous n'avons pas pu palier à votre absence dans de bonnes conditions. Votre absence injustifiée a fortement désorganisé le planning, ce qui encore une fois est inacceptable (...)'.

La société conclut à titre principal au bien-fondé du licenciement pour faute grave en ce que les faits reprochés au salarié le 7 août et son absence injustifiée des 24 au 26 août 2019 sont établis et demande à ce qu'il soit débouté de toutes ses demandes.

Le salarié conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement au motif que les faits qu'il conteste ne sont matériellement pas établis par l'employeur et n'empêchaient de toutes les façons pas son maintien dans l'entreprise.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur qui l'invoque.

En l'espèce, s'agissant des faits du 7 août 2019, la société produit un courriel adressé par [G] [E], conseillère funéraire et prévoyance au sein de la société Pompes Funèbres et Marbrerie Miquel Tournier, cliente de la société Hpma, relatant les faits dont elle a été l'objet de la part du salarié dans la nuit du 7 août et le lendemain aux alentours de 22 heures 30 lors d'un appel téléphonique au cours duquel celui-ci l'a invectivée.

Ce courriel circonstancié et précis fait état de ce que le salarié n'a pas effectué sa prestation de travail le 7 août 2019 à 2 heures au motif qu'il n'aurait pas disposé du trousseau de clés permettant l'ouverture du funérarium alors que selon Mme [E], il disposait du bon trousseau et qu'il 'fallait jouer avec la serrure pour l'ouvrir', qu'il a notamment employé un ton agressif à son encontre en la désignant par le terme 'l'autre bonne femme' à l'occasion d'une conversation avec une employée de la société Hpma qu'elle a entendue car elle était en ligne avec cette employée, que le transporteur avec le corps du défunt a par conséquent dû attendre un autre prestataire jusqu'à 4 heures, que le salarié l'a contactée sur le portable d'astreinte le lendemain à 22 heures 29 alors qu'il était en repos pour 'faire une mise au point concernant la veille', qu'il a haussé le ton en étant agressif, lui disant : 'vous m'avez pris pour un imbécile!', qu'il a insisté en ayant un ton plus froid et désobligeant et a rajouté 'd'un air odieux' : 'vous vous êtes foutu de moi, vous continuez à me prendre pour un imbécile ! Vous m'avez donné des clés qui ne sont pas les bonnes', soutenant qu'elle mentait quand elle lui avait dit ne rien lui avoir donné et de se calmer dans ses propos et qu'il lui avait raccroché au nez à 22 heures 33, précisant avoir été choquée par les propos et l'agressivité de ce chauffeur.

S'agissant des faits d'absence injustifiée des 24 au 26 août 2019, la société produit le planning modifié du salarié qui lui a été adressé le 15 juillet 2019 mentionnant des journées de travail les 24, 25 et 26 août 2019. Le salarié soutient qu'il s'est conformé au planning définitif qui lui a été adressé le 10 juillet 2019 mentionnant des repos sur ces trois jours, alors que le planning modificatif annulant et remplaçant le premier planning a été adressé au salarié le 15 juillet 2019 à 13 heures 52 et non le 22 août 2019 comme il le prétend, ce dont il s'ensuit que celui-ci a donc disposé d'un délai de prévenance suffisant pour pouvoir s'organiser et que son absence sur les trois jours en cause était injustifiée.

Il résulte des éléments qui précèdent que le salarié n'a pas effectué sa prestation de travail le 7 août 2019 sans justification valable, qu'il a adopté un comportement inapproprié et employé un ton agressif avec une salariée de l'entreprise cliente de la société Hpma le 7 août 2019, qu'il a réitéré ce comportement virulent le lendemain soir en la contactant sur son téléphone portable d'astreinte en l'invectivant sans à-propos et qu'il a été absent sans justification de son poste de travail durant les 24 au 26 août 2019.

Alors que le règlement intérieur de la société Hpma stipule que la nature de l'activité de l'entreprise comporte des exigences tant au niveau de la clientèle que du public en général et que pour l'exécution des services et dans les relations avec les clients, les salariés doivent veiller à adopter le langage, la présentation et la discrétion inhérents à la profession, le comportement du salarié empreint de violence réitérée à l'égard d'une employée d'une société cliente le 7 août 2019 outre son absence injustifiée au poste de travail pendant trois jours constituent des fautes d'une importance telle qu'elles rendaient impossibles son maintien dans l'entreprise.

Le licenciement est fondé sur une faute grave.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ses condamnations de la société Hpma au paiement des diverses indemnités retenues et de remise de documents et en ce qu'il ordonne le remboursement aux organismes compétents des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié à concurrence de six mois, et confirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa demande de rappel de salaire pour les journées des 24 au 26 août 2019 et e congés payés afférents.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

Pour des raisons tirées de l'équité et de la situation économique des parties, la société Hpma sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté [Z] [R] de ses demandes au titre de la retenue pour absence injustifiée des 24, 25 et 26 août 2019 et de l'indemnité de congés payés afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DIT que le licenciement de [Z] [R] est fondé sur une faute grave,

DEBOUTE [Z] [R] de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement,

DIT n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement aux organismes compétents des indemnités de chômage éventuellement versées à [Z] [R] à concurrence de six mois.

Y ajoutant,

CONDAMNE [Z] [R] aux entiers dépens,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03529
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.03529 ?
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