La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2023 | FRANCE | N°21/03430

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 29 mars 2023, 21/03430


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 MARS 2023



N° RG 21/03430 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U3AQ



AFFAIRE :



S.A.S. 5 SENS





C/

[F] [E]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F14/01420



Copies ex

écutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP COURTAIGNE AVOCATS



Me Marie gabrielle DUVAL







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2023

N° RG 21/03430 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U3AQ

AFFAIRE :

S.A.S. 5 SENS

C/

[F] [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F14/01420

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP COURTAIGNE AVOCATS

Me Marie gabrielle DUVAL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. 5 SENS

N° SIRET : 499 27 2 2 35

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 022031

Représentant : Me Delphine LIAULT de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T03 substitué par Me Valentine TRONCY, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [F] [E]

né le 20 Juillet 1977 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Marie gabrielle DUVAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau d'AUBE - N° du dossier 80-2018

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [E] a été engagé par la société 5 Sens suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 novembre 2009 en qualité de second de cuisine. La durée contractuelle du travail était fixée à 35 heures.

M. [E] a été promu aux fonctions de directeur de restaurant, niveau 5, échelon 1, avec le statut de cadre à compter du 1er novembre 2011 par avenant à son contrat de travail.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Par lettre du 20 novembre 2013, M. [E] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en raison de divers manquements qu'il a imputés à celui-ci.

Le 22 mai 2014, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de faire produire à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société 5 Sens au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de diverses indemnités et sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement de départage en date du 20 octobre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- dit que la prise d'acte de M. [E] s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 3 929,27 euros pour 151.67 heures,

- condamné la société 5 Sens à payer à M. [E] les sommes suivantes :

* 56 744,68 euros à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires,

* 5 674,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires,

* 11 877,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 187,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2014,

* 4 147,40 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 23 755,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé,

* 33 257,54 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- ordonné le remboursement par la société 5 Sens aux organismes concernés des indemnités de chômages versées à M. [E], du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 2 mois de salaire,

- ordonné à la société 5 Sens de remettre à M. [E] un certificat de travail, le solde de tout compte, l'ensemble des bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés dans le mois de la notification du présent jugement,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R.1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus des demandes,

- condamné la société 5 Sens à payer à M. [E] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Le 18 novembre 2021, la société 5 Sens a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, la société 5 Sens demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de M. [E] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 3 929,27 euros pour 151.67 heures,

- l'a condamnée à payer à M. [E] les sommes suivantes :

* 56 744,68 euros à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires,

* 5 674,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires,

* 11 877,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 187,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2014,

* 4 147,40 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 23 755,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé,

* 33 257,54 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- lui a ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômages versées à M. [E], du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 2 mois de salaire,

- lui a ordonné de remettre à M. [E] un certificat de travail, le solde de tout compte, l'ensemble des bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés dans le mois de la notification du présent jugement,

- l'a condamnée à payer à M. [E] la sommes de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'absence de visite médicale, de sa demande de dommages et intérêts au titre du défaut d'information aux droits à repos compensateur, de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'absence de contrepartie obligatoire en repos, de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires,

en conséquence, statuant à nouveau :

- constater que la prise d'acte de son contrat de travail par M. [E] produit les effets d'une démission, le débouter de l'ensemble de ses demandes,

- lui ordonner de lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'exécution.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 janvier 2023, M. [E] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que sa prise d'acte s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 3 929,27 euros pour 151.67 heures,

- condamné la société 5 Sens à lui payer les sommes suivantes :

* 56 744,68 euros à titre de rappel de salaires sur les heures supplémentaires,

* 5 674,47 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de salaires,

* 11 877,81 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 187,78 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2014,

* 4 147,40 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 23 755,62 euros à titre d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé,

* 33 257,54 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- ordonné le remboursement par la société 5 Sens aux organismes concernés des indemnités de chômages versées, du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 2 mois de salaire,

- ordonné à la société 5 Sens de lui remettre un certificat de travail, le solde de tout compte, l'ensemble des bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi rectifiés dans le mois de la notification du présent jugement,

- condamné la société 5 Sens à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil et l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes,

statuant à nouveau,

- condamner la société 5 Sens à lui verser les sommes suivantes :

* 1 000 euros de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,

* 10 000 euros de dommages et intérêts au titre du défaut d'information aux droits à repos compensateur,

* 12 864,11 euros de dommages et intérêts pour l'absence de contrepartie obligatoire en repos,

* 5 147,22 euros de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires,

* 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel et les entiers dépens de l'instance incluant les éventuels frais d'exécution forcée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 7 février 2023.

MOTIVATION

Sur l'absence de visite médicale d'embauche

Le salarié sollicite une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale.

Sur la prescription

L'employeur soulève la prescription de la demande, s'agissant d'une demande portant sur l'exécution du contrat de travail soumise à la prescription biennale.

Le salarié fait valoir que la prescription quinquennale s'applique au jour de la conclusion du contrat de travail, que la demande n'est donc pas prescrite.

En application des dispositions de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire a eu connaissance des faits lui permettant de l'exercer.

En application des dispositions de l'article L. 1471-1, alinéa 1 du code du travail entrées en vigueur le 17 juin 2013, la prescription de l'action en exécution du contrat de travail est de deux ans à compter du jour où celui qui exerce l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Les dispositions du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En l'espèce, le salarié a été embauché le 18 novembre 2009.

L'action fondée sur la visite médicale d'embauche puis sur la première visite médicale périodique après deux ans était soumise à la prescription quinquennale.

Au 17 juin 2013, date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail, il restait au salarié un délai d'un an et cinq mois pour agir pour que la durée totale de la prescription n'excède pas cinq ans, durée prévue par la loi antérieure.

La requête ayant été déposée le 19 mai 2014, l'action relative à la deuxième visite médicale périodique après quatre ans n'était donc pas prescrite.

Le moyen tiré de la prescription de l'action relative aux visites médicales soulevé par la société 5 Sens doit, par conséquent, être rejeté.

Sur le fond

Le salarié indique qu'il n'a pas été reçu en visite médicale d'embauche, puis en visites périodiques, lesquelles auraient dû se tenir tous les vingt-quatre mois. Il ajoute qu'il a été privé de la possibilité de faire part au médecin du travail des conséquences que son rythme de travail avaient sur sa santé et d'obtenir que cette situation puisse cesser.

L'employeur fait valoir que les visites n'ont pas eu lieu en raison de l'impossibilité pour le centre de médecine du travail de les organiser compte-tenu de l'insuffisance de médecins du travail. Il souligne que ce manquement est ancien et que le salarié ne démontre pas de préjudice.

Aux termes de l'article R. 4624-10 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.

Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l'article R. 4624-19 ainsi que ceux qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L. 421-1 du code de l'aviation civile bénéficient de cet examen avant leur embauche.

En vertu de l'article R. 4624-16 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié bénéficiait de visites médicales périodiques du médecin du travail au moins tous les vingt-quatre mois.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le salarié n'a pas bénéficié de visites médicales d'embauche et périodiques de la médecine du travail.

Le salarié a ainsi été privé de la possibilité d'informer le médecin du travail de son rythme de travail et a perdu une chance d'obtenir son intervention à l'origine d'un préjudice qu'il convient de fixer à 1 000 euros, somme que la société 5 Sens sera condamnée à payer à M. [E] en réparation de son préjudice.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié indique que la durée contractuelle de travail a été fixée à 35 heures mais qu'il a effectué 2002 heures supplémentaires et sollicite la somme de 56 744,68 euros à titre de rappel de salaires outre 5 674,47 euros au titre des congés payés afférents pour la période du 1er août 2011 au 24 novembre 2013 après application des taux horaires majorés.

Il produit:

- son contrat de travail de 35 heures par semaine et l'avenant ne modifiant pas son temps de travail,

- les plannings du personnel travaillant en cuisine du 1er août 2011 au 24 novembre 2013 montrant généralement des semaines de cinq jours travaillés, 10,5 heures par jour avec une prise de poste de 8h à 15h et de 19h à 0h00 et la déduction d'une pause déjeuner d'une heure et d'une pause dîner de 30 minutes avant les services, avec parfois un sixième, voire un septième jour travaillé,

- des tableaux récapitulatifs des heures supplémentaires qu'il considère avoir effectuées sur la période avec un temps de travail calculé de façon hebdomadaire, des heures rémunérées à 110 % puis 120 % et 150 %,

- les attestations précises et concordantes de collègues, M. [G], M. [C], M. [P], M. [W] ainsi que de sa concubine Mme [J] faisant part de lourds horaires de travail souvent plus de cinq jours par semaine et plus de dix heures par jour,

- une nouvelle attestation de M. [C] indiquant qu'il avait démissionné pour partir à l'étranger et qu'il était mensonger de prétendre qu'il était parti en mauvais termes avec son employeur,

- une attestation de M. [O] du 21 novembre 2018 contestant sur l'honneur l'attestation présentée par M. [R] en son nom, précisant qu'il avait été obligé et harcelé pour faire cette lettre, qu'il l'avait rédigée par peur de perdre son emploi,

- un dépôt de plainte pour faux contre les attestations de M. [X], [L], [S], [I] auprès du procureur de la République le 22 novembre 2018.

Il s'en déduit que le salarié présente des éléments suffisamment précis des heures supplémentaires qu'il prétend avoir accomplies de sorte que l'employeur est en mesure d'y répondre.

L'employeur conteste toute heure supplémentaire de la part du salarié. Il verse aux débats l'attestation de M. [R], gérant, contestant les plannings et toute heure supplémentaire effectuée par le salarié ainsi que plusieurs attestations imprécises et contradictoires de salariés quant aux horaires de travail de M. [E] :

- M. [X] et M. [O] : 'de 9h30 à 14h ou 14h30",

- M. [L], M. [S] : ' de 19h30 à 22h30",

- M. [W] : 'jusqu'à 14h puis il reprenait vers 19h30 pour finir à 22h30".

L'employeur relève que M.[E] a essayé d'intimider quatre d'entre eux en portant plainte contre eux pour faux témoignage et a menacé les salariés qui ont nouvellement attesté, sans apporter d'élément de preuve sur ce point. Il conteste la qualité des attestations produites par le salarié, la cour appréciant la valeur probante de ces attestations versées aux débats et soumises aux observations contradictoires des parties. Il produit une attestation du salarié M. [E] du 2 juillet 2010 certifiant que ses horaires de travail sont conformes à son contrat de travail. Toutefois, cette attestation est antérieure à la promotion du salarié en qualité de directeur de restaurant le 1er novembre 2011 avec de nouvelles responsabilités et à la période des heures supplémentaires sollicitées. Elle est insuffisamment probante.

Après pesée des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour considère que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées conformément aux missions qui lui étaient confiées pour un montant total de 56 744,68 euros, outre 5 674,47 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La cour confirme, par adoption de motifs, le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société 5 Sens à payer à M. [E] une indemnité de 23 755,62 euros au titre du travail dissimulé.

Sur la demande au titre du défaut d'information aux droits à repos compensateur

Le salarié sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du défaut d'information aux droits à repos compensateur.

Il indique qu'il n'a pas été en mesure de formuler une demande de repos conformément à la convention collective applicable du fait de son employeur et qu'il subit un préjudice spécifique et distinct du non-paiement des heures supplémentaires.

L'employeur rappelle qu'il n'a pas violé ses obligations légales et qu'il ne peut être soutenu qu'un quelconque préjudice doive être indemnisé.

Le salarié qui n'a pas été mis en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi.

Aux termes de l'article 4 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail, le paiement des heures supplémentaires ainsi que leurs majorations définies ci-dessus peut être remplacé en tout ou partie par un repos compensateur de remplacement de 110 % pour les 4 premières heures, de 120 % pour les 4 suivantes et de 150 % pour les autres.

Dans le respect de l'article L. 3121-24 du code du travail, les règles d'attribution de ce repos, notamment sa date, sa périodicité et sa forme, sont définies au niveau de chaque entreprise par l'employeur, après concertation du ou des salariés concernés, en fonction des nécessités du service et des besoins de la clientèle.

Lorsque les heures supplémentaires sont payées sous forme de repos compensateur, celui-ci doit être pris à l'intérieur d'une période de 12 mois consécutifs ou de 52 semaines.

En l'espèce, il ressort du dossier que le salarié n'a pas été informé de son droit à repos compensateur. Il n'a ainsi, pas été mis en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos. Il lui sera alloué une somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information, ce préjudice étant spécifique et distinct de celui résultant du non-paiement des heures supplémentaires.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la contrepartie obligatoire en repos

Le salarié sollicite la somme de 12 864,11 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire au repos.

Il expose qu'il a dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires tel que fixé par la convention collective et qu'il a droit au montant d'une indemnité de repos et aux congés payés afférents.

L'employeur fait valoir que le salarié n'était éligible à aucune contrepartie obligatoire en repos.

Aux termes de l'article L. 3121-38 du code du travail, à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Pour l'application du premier alinéa du présent article, l'effectif salarié et le franchissement du seuil de vingt salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale.

En vertu de l'article 5.3 de l'avenant n° 2 du 5 février 2007 relatif à l'aménagement du temps de travail, le contingent d'heures supplémentaires est fixé à 360 heures.

En l'espèce, il est démontré que le salarié a accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel. Il lui sera donc alloué une indemnité correspondante calculée comme suit :

Heures au-delà du contingent annuel :

en 2011 : 2 heures,

en 2012 : 689 heures,

en 2013 : 231 heures,

soit un total de 922 heures supplémentaires au-delà du contingent annuel.

L'indemnité s'élève donc à 922X50% X 25,368 euros = 11 694,65 euros, outre 1 169,46 euros au titre des congés payés afférents, somme que la société 5 Sens sera condamnée à payer au salarié au titre de la contrepartie obligatoire au repos.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des repos hebdomadaires

Le salarié sollicite la somme de 5 147,22 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires.

Il fait valoir qu'il a régulièrement travaillé six jours par semaine voire tous les jours d'une même semaine pour un total de 26 jours et qu'il n'a donc pas bénéficié des deux jours de repos hebdomadaires prévus à la convention collective. Il conclut qu'il a nécessairement subi un préjudice à hauteur de la rémunération perçue au cours des journées de travail qu'il n'aurait pas dû effectuer.

L'employeur indique que le salarié a toujours bénéficié de deux jours de repos hebdomadaires, que la société n'a pas violé ses obligations et qu'aucun préjudice ne doit être indemnisé.

En vertu de l'article 21 de la convention collective applicable, tout salarié bénéficie de deux jours de repos hebdomadaires consécutifs ou non.

En l'espèce, au vu des plannings produits aux débats par le salarié, corroborés par les attestations précises et concordantes de salariés de la société et de sa concubine sur le fait qu'il travaillait souvent plus de cinq jours par semaine, il est établi que le salarié a effectué 26 jours de travail pendant les jours où il aurait dû se trouver en repos hebdomadaire, dépassant régulièrement la durée maximale du travail hebdomadaire. Ce dépassement de la durée maximale du travail hebdomadaire a nécessairement causé un préjudice au salarié qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, somme que la société 5 Sens sera condamnée à lui payer en réparation de son préjudice.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la prise d'acte et ses conséquences

Le salarié indique que l'employeur a commis des manquements graves et répétés, chacun de ces manquements étant considéré comme suffisamment grave pour justifier la requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur fait valoir que les griefs exposés par le salarié sont soit infondés, soit ne présentent pas le caractère de gravité suffisant pour justifier que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission et la charge de la preuve des faits pèse sur le salarié.

En l'espèce, le salarié invoque les manquements suivants à l'encontre de l'employeur :

l'absence de visite médicale d'embauche et de visites périodiques,

des heures supplémentaires non rémunérées,

le non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail,

le non-respect des repos hebdomadaires et des repos compensateurs.

Au vu des développements qui précèdent, l'employeur a commis les manquements 1) 2) 3) 4). Ces manquements, notamment en matière de non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail, des repos hebdomadaires et des repos compensateurs, et en matière de demande d'heures supplémentaires non rémunérées au salarié, sont d'une gravité telle qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté a droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être inférieurs à six mois de salaire.

Le salarié étant âgé de 34 ans lors de la rupture et ayant plus de quatre ans d'ancienneté, il lui sera alloué des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 25 000 euros. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Il a droit à une indemnité compensatrice de préavis conventionnelle d'un montant de 11 877,81 euros, outre 1 187,78 euros au titre des congés payés afférents, quantum non contesté par la société appelante. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Il sera alloué au salarié une indemnité légale de licenciement de 4 147,4 euros calculée sur la base d'un salaire de référence comprenant les heures supplémentaires effectuées qui auraient dû être réglées. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

La société 5 Sens sera condamnée à remettre à M. [E] un certificat de travail, un solde de tout compte, des bulletins de paie et une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société 5 Sens aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de deux mois d'indemnités.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les créances salariales et assimilées produisaient intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2014 et que les créances indemnitaires produisaient intérêts à compter du jugement.

Les créances indemnitaires fixées à la présente décision produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société 5 Sens succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens d'appel. Elle devra également payer à M. [E] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société 5 Sens à payer à M. [F] [E] une somme de 33 257,54 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [F] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale, de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d'information aux droits à repos compensateur, de sa demande de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire au repos, de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Condamne la société 5 Sens à payer à M. [F] [E] les sommes suivantes :

25 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,

1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'information aux droits à repos compensateur,

11 694,65 euros au titre de la contrepartie obligatoire au repos,

1 169,46 euros au titre des congés payés afférents,

1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des repos hebdomadaires,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société 5 Sens aux dépens d'appel,

Condamne la société 5 Sens à payer à M. [F] [E] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi Pouniandy, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03430
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.03430 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award