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29/03/2023 | FRANCE | N°21/03374

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 29 mars 2023, 21/03374


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 MARS 2023



N° RG 21/03374

N° Portalis: DBV3-V-B7F-U2WJ



AFFAIRE :



[F] [R]



C/



S.A. KLEE DATA SYSTEM









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : 21/008

47



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



l'ASSOCIATION LECANET & LINGLART



l'ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB MALTET







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT T...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2023

N° RG 21/03374

N° Portalis: DBV3-V-B7F-U2WJ

AFFAIRE :

[F] [R]

C/

S.A. KLEE DATA SYSTEM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 octobre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : 21/00847

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

l'ASSOCIATION LECANET & LINGLART

l'ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB MALTET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [R]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Laurent LECANET de l'ASSOCIATION LECANET & LINGLART, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P554

APPELANT

****************

S.A. KLEE DATA SYSTEM

N° SIRET : 394 915 581

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Pascal PERELSTEIN de l'ASSOCIATION PERELSTEIN ZERBIB MALTET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R062

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

EXPOSE DU LITIGE

M. [F] [R] a été engagé par la société Klee Data System (ci-après dénommée KDS) suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 avril 2015 en qualité de channel manager, position 2.3, coefficient 150, avec le statut de cadre.

Par avenant au contrat de travail du 19 février 2017, une convention individuelle de forfait jours a été instaurée à hauteur de 218 jours travaillés par an.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil, dite Syntec.

Se plaignant de divers manquements de son employeur, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 27 juin 2019 afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Par lettre du 21 juin 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 8 juillet 2019.

Par lettre du 11 juillet 2019, l'employeur a licencié le salarié pour cause réelle et sérieuse.

M. [R] a, de nouveau, saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.

Il a demandé au conseil de prud'hommes la résiliation de son contrat de travail, subsidiairement, de voir dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société KDS au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de diverses indemnités et sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 14 octobre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- prononcé la jonction de l'affaire avec celle portant le numéro RG N°20/00089,

- fixé le salaire brut mensuel de M. [R] à 12 774 euros,

- jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société KDS à lui verser en conséquence la somme de 63 875 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- dit que les intérêts au taux légal seront calculés selon les dispositions de l'article 1231-7 du code civil,

- débouté M. [R] du surplus de ses demandes et débouté la société KDS de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société KDS aux entiers dépens,

- ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois.

Le 12 novembre 2021, M. [R] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 février 2022, M. [R] demande à la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, jugé que la convention de forfait jour était nulle, jugé que le plan de commissionnement était de nature contractuelle et ne pouvait être modifié sans l'accord du salarié,

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a limité la condamnation de la société à la somme de 63 875 euros et l'a débouté de toutes ses autres demandes, et statuant à nouveau:

- condamner la société KDS à lui verser les sommes suivantes :

* 38 324,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 832,45 euros au titre des congés payés y afférents,

* 150 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire, condamner la société KDS à lui verser la somme de 150 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre infiniment subsidiaire, constater que la procédure de licenciement n'a pas été respectée et condamner la société KDS à lui verser la somme de 12 774 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- en tout état de cause, condamner la société KDS à lui verser les sommes suivantes :

* 137 203 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une rémunération variable au titre de l'année 2019 en application des dispositions du dernier plan de commissionnement signé,

* 91 598 euros au titre du paiement des heures supplémentaires à compter du 1er juillet 2016,

* 9 159 euros au titre des congés payés y afférents,

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de repos compensatoire,

* 76 650 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document d'une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes,

- ordonner la capitalisation des intérêts et dire que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine,

- condamner la société KDS aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 janvier 2023, la société KDS demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [R] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser à ce dernier la somme de 63 875 euros à titre de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, et, statuant à nouveau, dire que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le débouter en conséquence de toute demande indemnitaire,

- en conséquence, condamner M. [R] à lui restituer la somme de 64 875 euros qu'elle lui a versée au titre de l'exécution provisoire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le remboursement aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [R] de l'intégralité de ses autres demandes et, en tant que de besoin, débouter ce dernier de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [R] à lui verser les sommes de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 7 février 2023.

MOTIVATION

Sur la rémunération variable au titre de l'année 2019

Le salarié sollicite une somme de 137 203 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier d'une rémunération variable au titre de l'année 2019 en application du dernier plan de commissionnement signé.

Il expose qu'il bénéficiait d'une prime variable sur objectifs contractuelle ainsi que d'un plan de commissionnement. Il précise que ce plan de commissionnement avait également un caractère contractuel et ne pouvait être modifié sans son accord et qu'ayant contesté le plan proposé pour l'année 2019, il avait droit à bénéficier du plan accepté en 2018, dernier plan accepté.

Les demandes formées par le salarié, au vu des fondements développés, s'analysent en demandes de rappel de rémunération variable et non en perte de chance de bénéficier de la rémunération variable comme sollicité par le salarié.

L'employeur fait valoir qu'il n'était engagé que pour le versement de la prime sur objectifs, que pour 2019, celle-ci était identique à celle contractuellement prévue les années précédentes. Il réfute s'être engagé contractuellement à ce que chaque année, des plans de commissions soient structurés de la même façon, avec des objectifs identiques et des commissions calculées selon les mêmes modalités. Il relève que pour l'exercice 2019 le salarié a signé la lettre de mise à jour qui prévoyait une rémunération variable de 40 000 euros à objectifs atteints.

Lorsque la rémunération variable est fixée contractuellement et que les parties n'arrivent pas à s'entendre, il revient au juge de déterminer le montant de cette rémunération variable en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes.

Le contrat de travail du salarié prévoyait une rémunération fixe annuelle de 75 000 euros et une rémunération variable annuelle de 40 000 euros liée à l'atteinte d'objectifs sur la période de l'exercice fiscal de la société KDS.

Chaque année, le salarié a signé une lettre de révision de son salaire et de sa rémunération variable annuelle de bonus sur objectifs :

- le 18 mai 2016 pour l'année 2016/2017, comprenant une rémunération variable de 40 000 euros brut,

- le 30 mai 2017, pour l'année du 1er avril au 31 décembre 2017, comprenant une rémunération variable de 40 000 euros sur une année complète, soit au prorata de 9/12ème de 30 000 euros,

- le 7 mai 2018, pour l'année fiscale 2018, comprenant une rémunération variable de 40 000 euros,

- le 11 mars 2019, pour l'année fiscale 2019, comprenant une rémunération variable de 53,33% de son salaire annuel brut de 75 000 euros soit 40 000 euros.

Cette lettre précisait que les détails du calcul du salaire variable du salarié, seraient établis dans un plan de commissionnement remis ultérieurement.

Ainsi, M. [R] a signé :

- le 30 juin 2015, le plan 2015/2016, pour l'exercice du 1er avril jusqu'au 31 mars,

- le 16 juin 2016, le plan 2016, pour l'exercice du 1er avril jusqu'au 31 mars,

- le 29 juin 2016, le plan 2017, pour l'exercice du 1er avril jusqu'au 31 décembre,

- le 10 avril 2018, le plan 2018, pour l'exercice du 1er janvier jusqu'au 31 décembre.

Il s'en déduit que la part variable du salarié comprenait à la fois une prime sur objectifs, prévue à son contrat de travail, fixée initialement à 40 000 euros par an et révisée chaque année, outre un plan de commissionnement fixé contractuellement, établi par accord entre les parties et renégocié chaque année.

Au vu des bulletins de paie versés aux débats, ont été réglées les commissions suivantes : 1 676,12 euros en mai 2019, 2 912,8 euros en juillet 2019, 1 094,8 euros en août 2019, 374,4 euros en octobre 2019.

Sur la part variable sur objectif

Les objectifs définis contractuellement, ont été largement modifiés dans leurs modalités en 2019 par rapport à l'année antérieure avec introduction de nouveaux objectifs (transactions expense transactée par les nouveaux clients GBT/KDS, renouvellement client KDS avec un taux de 0,94 %) et abandon d'anciens objectifs, quand bien même le quantum de la prime en cas d'atteinte à 100 % des objectifs reste fixé à 40 000 euros.

Il s'en déduit que les parties ne sont pas parvenues à s'entendre pour la fixation de la part variable sur objectif, le salarié ayant refusé les nouvelles modalités proposées en avril 2019, notamment celles relatives au renouvellement client comprenant des modifications significatives. Il y a donc lieu de déterminer la part variable sur objectif en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes.

Il reste dû au salarié une part variable sur objectifs qu'il convient de fixer à un montant de 26 250 euros.

Sur le plan de commissionnement

Il ressort du dossier que les parties ne sont pas parvenues à s'entendre pour la fixation du plan 2019, le salarié ayant refusé le plan de commissionnement proposé par l'employeur comprenant des modifications significatives dans sa détermination.

Le salarié ayant refusé le nouveau plan de commissionnement qui lui a été proposé pour l'année 2019, il y a lieu de déterminer le commissionnement dû en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes.

Il reste dû au salarié un commissionnement d'un montant de 55 000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié soutient que son contrat de travail ne comportait aucune convention individuelle de forfait jours, que la convention de forfait qui lui a été soumise par la suite était inopposable dans la mesure où l'employeur n'a pas respecté les obligations prévues par la convention collective et le contrat de travail relatives à la protection de la santé et de la sécurité.

L'employeur fait valoir que le salarié était soumis à une convention de forfait jours conforme aux dispositions légales et à la convention collective. Il précise avoir respecté ses obligations en matière de droit à la déconnexion, de contrôle du temps de travail et d'entretiens relatifs au temps de travail.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, la convention individuelle de forfait en jours est privée d'effet.

En l'espèce, l'avenant du 19 février 2017 au contrat de travail du salarié prévoit une clause de forfait annuel de 218 jours travaillés.

Il fait référence aux règles prévues conformément aux dispositions sur le temps de travail du 22 juin 1999 et révisées par l'accord du 1er avril 2014 de la convention collective Syntec étendu par arrêté du 26 juin 2014.

En l'espèce, les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 sont depuis leur révision par l'accord du 1er avril 2014 de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

L'avenant conclu le 19 février 2017 étant postérieur à l'arrêté du 26 juin 2014 ayant étendu l'accord du 1er avril 2014, la convention de forfait jours conclue sur la base de cet accord n'est pas nulle.

Le salarié fait valoir que l'employeur n'a pas respecté le droit à la déconnexion, n'a pas mis en place de feuille de temps ou un système qui pourrait y être substitué ou ajouté par la société KDS et qu'il n'a pas bénéficié des deux entretiens individuels prévus sur sa charge de travail en violation des dispositions de l'article 7 de l'avenant à son contrat de travail.

L'employeur conclut qu'il a bien respecté ses obligations.

En l'espèce, les décomptes des jours et demi-journées travaillés versés aux débats par l'employeur ainsi que les entretiens tenus par le supérieur hiérarchique du salarié, non formalisés sur ce point, sont insuffisants pour garantir le respect des durées maximales de travail par le salarié.

Il s'ensuit que le salarié est fondé à demander à ce que la convention de forfait annuel en jours incluse dans son contrat de travail soit considérée comme privée d'effet et à ce que son temps de travail soit comptabilisé selon les règles du droit commun.

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié produit un décompte des heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies du 1er juillet 2018 au 26 juin 2019 avec son heure de prise de poste le matin généralement à 9h30, la déduction d'une pause déjeuner de 45 minutes, son heure de fin de poste en général vers 18h, le total des heures travaillées par jour, et par mois avec les congés payés et les RTT. Au total il revendique 290 heures supplémentaires sur cette année, ainsi que la somme de 91 598 euros calculée sur le taux horaire majoré de 25% sur trois années, outre les congés payés afférents.

Il verse, également, aux débats des échanges de courriels effectués à plusieurs reprises pendant les week-ends ainsi que pendant ses congés ou les jours fériés, certains montrant un réel travail de préparation.

Il produit, en outre, des justificatifs de déplacements dans le cadre de son activité professionnelle depuis juin 2015 dans le cadre de congrès tenus à l'étranger, généralement sur trois jours.

Il s'en déduit que le salarié ne présente pas d'éléments précis quant aux heures supplémentaires qu'il aurait accomplies du 1er juillet 2016 au 30 juin 2018, alors qu'il n'est pas justifié des heures travaillées précisément pendant les congrès en question. Il doit être débouté de sa demande sur cette période.

Il s'en déduit, toutefois, que le salarié présente des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'il considère avoir accomplies du 1er juillet 2018 jusqu'au 26 juin 2019 de sorte que l'employeur est en mesure d'y répondre.

L'employeur ne produit pas d'éléments de contrôle de la durée du travail. L'employeur conteste le décompte produit par le salarié pointant des incohérences et des erreurs sur plusieurs journées. Il verse, également, aux débats les deux attestations précises et concordantes de Mme [D], responsable des ressources humaines, mentionnant que le salarié a pu récupérer des jours lorsqu'il l'a demandé notamment après un congrès les 15 et 16 juin 2017 et qu'il effectuait des horaires de travail très raisonnables, ainsi que de M. [V], 'account management Director Southern Europe', responsable hiérarchique de M. [R] depuis le ler juillet 2017, confirmant des horaires de travail raisonnables et sans heures supplémentaires.

Après pesée des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour considère que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées dans le cadre des missions qui lui étaient confiées du 1er juillet 2018 jusqu'au 26 juin 2019 qu'elle évalue à 12 000 euros, outre 1 200 euros au titre des congés payés afférents. La société KDS sera condamnée au paiement des sommes sus-mentionnées au salarié.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le repos compensateur

Le salarié sollicite une somme de 50 000 euros au titre de l'indemnité pour défaut de repos compensateur. Il expose qu'il a effectué des heures au-delà du contingent annuel et qu'il devait bénéficier d'un repos obligatoire qui ne lui a jamais été alloué, qu'il subit nécessairement un préjudice de ce fait.

L'employeur fait valoir que le salarié ne justifie pas de sa demande et des détails de son calcul.

En l'espèce, le salarié ne justifie pas avoir effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 220 heures fixé à l'article D.3121-24 du code du travail. Il doit être débouté de sa demande d'indemnité pour défaut de repos compensateur.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, le caractère intentionnel du travail dissimulé n'est pas caractérisé, la seule application d'une clause de forfait jour nulle n'étant pas suffisante à établir cet élément intentionnel.

Le salarié sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.

Il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce.

En l'espèce, le salarié invoque les manquements suivants à l'encontre de son employeur :

- la modification de son contrat de travail,

- l'absence de paiement de ses heures supplémentaires.

Au vu des développements qui précèdent, le salarié a accompli des heures supplémentaires non rémunérées du 1er juillet 2018 jusqu'au 26 juin 2019 et s'est vu proposer pour l'année 2019 une modification dans le calcul des éléments variables de sa rémunération ayant entraîné une réduction très importante du versement de primes substantielles depuis son embauche ce qui constitue une modification unilatérale du contrat de travail qu'il était légitime à refuser.

Par conséquent, les manquements de l'employeur étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. La demande de résiliation du salarié était donc fondée et la date de la rupture du contrat de travail doit être fixée au 11 juillet 2019, date du licenciement.

Il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, puisqu'elles ne sont pas contraires au stipulations de l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 et que les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

En vertu des dispositions de l'article L.1235-3 dans sa version applicable au litige, le salarié âgé de cinquante ans et ayant plus de quatre ans d'ancienneté a droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse compris entre trois et cinq mois de salaire brut, qu'il convient de fixer à 40 000 euros.

Il lui est alloué une indemnité compensatrice de trois mois de salaire d'un montant de 38 324,49 euros, outre les congés payés afférents de 3 832,45 euros, montants non contestés par la société intimée.

Le jugement attaqué sera infirmé sur ces points.

Il convient d'ordonner la remise par la société KDS à M. [R] d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire.

Sur la demande de la société KDS de remboursement des sommes en exécution du jugement

Le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de ce chef .

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société KDS aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société KDS succombant à la présente instance en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler à M. [R] une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [F] [R] de ses demandes de condamnation au titre du repos compensateur et du travail dissimulé,

- condamné la société Klee Data System à payer à M. [F] [R] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Klee Data System aux dépens,

- ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés du montant des indemnités de chômage versé au salarié dans la limite de six mois,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit que la demande de résiliation judiciaire de M. [F] [R] était justifiée et fixe la date de la rupture du contrat de travail au 11 juillet 2019,

Condamne la société Klee Data System à payer à M. [F] [R] les sommes suivantes :

65 000 euros à titre de perte de chance de rémunération variable au titre de l'année 2019,

40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

38 324,49 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

3 832,45 euros au titre des congés payés afférents,

12 000 euros au titre des heures supplémentaires du 1er juillet 2018 jusqu'au 26 juin 2019,

1 200 euros au titre des congés payés afférents.

Rappelle que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Ordonne la remise par la société Klee Data System à M. [F] [R] d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision,

Condamne la société Klee Data System aux dépens d'appel,

Condamne la société Klee Data System à payer à M. [F] [R] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03374
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.03374 ?
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