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29/03/2023 | FRANCE | N°21/03164

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 29 mars 2023, 21/03164


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 MARS 2023



N° RG 21/03164

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UZYE



AFFAIRE :



[N] [V]



C/



S.A.S. SUP INTERIM 77







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 2 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : AD

N° RG : 20/00108



Copies

exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sarah BACHELET



Me Julia AZRIA







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrê...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2023

N° RG 21/03164

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UZYE

AFFAIRE :

[N] [V]

C/

S.A.S. SUP INTERIM 77

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 2 septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

Section : AD

N° RG : 20/00108

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sarah BACHELET

Me Julia AZRIA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N] [V]

née le 26 Octobre 1986 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Sarah BACHELET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 280

APPELANTE

****************

S.A.S. SUP INTERIM 77

N° SIRET : 799 03 9 9 53

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Julia AZRIA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 22

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [N] [V] a été engagée par l'entreprise de travail intérimaire la société Sup Intérim 77 suivant plusieurs contrats de mission temporaire en qualité d'employée administrative puis d'assistante administrative pour l'entreprise utilisatrice la société UPS entre le 26 novembre 2018 et le 3 mai 2019.

Mme [V] a ensuite été embauchée par la société Sup Interim 77 suivant un contrat à durée déterminée du 14 octobre 2019 au 30 avril 2020 en qualité de chargée de recrutement, niveau E.

Mme [V] a fait l'objet un arrêt de travail pour maladie du 13 au 20 décembre 2019.

La relation de travail était régie par l'accord collectif national relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire.

Par lettre du 13 décembre 2019, Mme [V] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien, fixé le 20 décembre 2019, reporté le 23 décembre 2019.

Par lettre du 27 décembre 2019, l'employeur a notifié à la salariée une rupture anticipée de son contrat pour faute grave.

Le 26 février 2020, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin d'obtenir la requalification de la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée, ainsi que la condamnation de la société Sup Intérim 77 au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, et de diverses indemnités et sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 2 septembre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a dit qu'il n'y avait pas lieu à requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, dit que la rupture du contrat de travail de Mme [V] pour faute grave était fondée, débouté Mme [V] de l'intégralité de ses demandes, débouté la société Sup Intérim 77 de ses demandes reconventionnelles, laissé les entiers dépens à la charge de la salariée.

Le 25 octobre 2021, Mme [V] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 janvier 2022, Mme [V] demande à la cour de d' infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et statuant de nouveau, de :

- à titre principal, requalifier la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée,

- condamner la société Sup Intérim 77 au paiement de la somme de 1 900 euros bruts à titre d'indemnité de requalification correspondant à un mois de salaire,

- dire et juger que la rupture anticipée du contrat de travail s'analyse en un licenciement,

- dire et juger nul et dénué de toute cause réelle et sérieuse ce licenciement en ce qu'il repose notamment sur une violation des libertés fondamentales,

- condamner en conséquence la société Sup Intérim 77 au paiement des sommes suivantes :

* 950 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied outre la somme de 95 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 800 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,

* 380 euros au titre des congés payés afférents,

* 11 400 euros à titre de dommages-intérêts pour le caractère nul et injustifié de la rupture anticipée,

- à titre subsidiaire, condamner la société Sup Intérim 77 au paiement des sommes suivantes :

* 950 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied outre la somme de 95 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 800 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,

* 380 euros au titre des congés payés afférents,

* 7 600 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

* 1 330 euros à titre d'indemnité de fin de mission,

- en tout état de cause, condamner la société Sup Intérim 77 au paiement des sommes suivantes :

* 3 800 euros au titre du préjudice distinct lié au caractère brutal et vexatoire de la rupture,

* 2 953,63 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires effectuées entre le 14 octobre et le 12 décembre 2019 outre la somme de 295 euros au titre des congés payés afférents,

* 11 400 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de 6 mois de salaire,

* 8 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail de Mme [V],

- ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

- dire et juger que l'ensemble des indemnités versées porteront intérêts au taux légal à compter de la présente saisine,

- condamner la société au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire 'du jugement à intervenir', sur l'ensemble de ses dispositions.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 19 avril 2022, la société Sup Intérim 77 demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes principales et subsidiaires et statuant à nouveau : de condamner Mme [V] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 7 février 2023.

MOTIVATION

Sur la requalification de la relation contractuelle

La salariée sollicite la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, son contrat de travail étant destiné à pourvoir un poste permanent et lié à l'activité normale de l'entreprise, et le motif figurant au contrat étant insuffisant à justifier du recours à un contrat à durée déterminée.

L'employeur fait valoir que le motif est suffisamment explicite pour permettre d'identifier le recours à un contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire de l'activité mais également pour apprécier ce motif, à savoir des commandes temporaires, donc par définition non structurelles, cet accroissement étant justifié.

En application des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.

Pour être valable, le contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité ne doit pas répondre aux besoins de l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En l'espèce, le contrat de travail litigieux a été conclu "afin de palier à l'accroissement des commandes de l'agence de [Localité 4]" à compter du 14 octobre 2019.

L'employeur produit une analyse de la progression du chiffre d'affaires mensuel de l'agence de [Localité 4] montrant une augmentation régulière du chiffre d'affaires de l'agence liée à son développement, le chiffre d'affaires mensuel ayant démarré à 3 278,95 euros en avril 2018 et ayant augmenté régulièrement pendant l'année 2019 : pour atteindre 130 100,9 euros en janvier 2019 et 250 246,83 euros en décembre 2019, l'employeur ne démontrant pas que cette augmentation de l'activité de l'agence avait un caractère temporaire, précisément limité dans le temps, à défaut de production des éléments relatifs à l'année 2020. Il s'en déduit que le contrat de travail répondait aux besoins de l'activité normale et permanente de l'agence.

Par conséquent, le développement de l'agence ne pouvant justifier le recours à un contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité, le contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée à effet du 14 octobre 2019, date d'effet du contrat à durée déterminée.

En application des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail, la société Sup Intérim 77 doit être condamnée à payer à Mme [V] une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, qu'il convient de fixer à 1 900 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la validité du licenciement et ses conséquences

La salariée fait valoir que la requalification dans le cadre de la rupture du contrat de travail entraîne nécessairement la requalification de la rupture elle-même en licenciement.

Elle soutient que le licenciement est nul en ce qu'il repose notamment sur une violation de ses libertés fondamentales, sa liberté d'expression.

L'employeur réfute toute violation d'une liberté fondamentale à l'encontre de la salariée et conclut au débouté de la demande.

En application des dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et à l'extérieur de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

En l'espèce, le contrat à durée déterminée étant requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture anticipée du contrat de travail devient un licenciement.

La lettre de rupture du contrat de travail fait notamment grief à la salariée d'avoir transmis des courriels et courriers à la direction des ressources humaines et au président du groupe, en abusant de la liberté d'expression.

S'agissant du grief d'abus de la liberté d'expression, l'employeur produit la lettre du 17 décembre 2019.

Il ressort de cette lettre de la salariée adressée au président du groupe Sup Intérim, que cette dernière vise la responsable de l'agence, Mme [L] notamment pour :

- des actes relevant de sa vie privée, la salariée dénonçant une relation intime de Mme [L] avec M. [O], qui aurait un conflit au sein de son entreprise cliente de l'agence, la société CAT, et partirait avec lui en vacances pendant ses arrêts maladie, ce qui relèverait d'escroquerie à l'assurance maladie,

- un projet d'ouverture d'une agence concurrente avec M. [O], ce dernier travaillant illégalement au sein de l'agence, la salariée produisant des photographies non datées, ni circonstanciées de M. [O] sans son autorisation,

- des embauches et aménagements d'emploi du temps de complaisance de Mme [Z] qui serait une amie de Mme [B] et de Mme [Y],

- l'accusation d'infractions de faux, usage de faux et abus de bien social, du fait que Mme [L] réaliserait de fausses notes de frais.

Il s'en déduit que ces éléments, non corroborés par des éléments objectifs, relèvent de l'atteinte à la considération de Mme [L], responsable de l'agence, alors que la salariée vient de rejoindre l'agence depuis deux mois seulement en qualité de chargée de recrutement.

Ainsi, la lettre adressée au président, mettant en cause la responsable de l'agence dans des actes relevant de sa vie privée et dénigrant celle-ci dans sa gestion de l'agence comporte des propos outranciers et sans fondement qui sont diffamatoires et excessifs.

Il s'en déduit que le grief d'abus dans la liberté d'expression est établi à l'encontre de la salariée.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement formée par la salariée doit être rejetée en l'absence d'atteinte à sa liberté d'expression par l'employeur.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences

La salariée indique que la rupture est intervenue en dehors des cas prévus, en l'absence de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

L'employeur soutient que les motifs de la rupture du contrat de travail reposent sur une faute grave.

Le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de rupture du contrat de travail du 27 décembre 2019 fait grief à la salariée d'avoir eu un comportement inadmissible à l'égard de sa responsable d'agence les 12 et 13 décembre 2019 et d'avoir transmis des courriels et courriers à la direction des ressources humaines et au président du groupe, en abusant de la liberté d'expression.

Au vu des développements qui précèdent, la salariée a abusé de sa liberté d'expression. Ce grief est suffisant en lui-même pour établir une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail, fondant le licenciement sans qu'il soit nécessaire d'examiner le grief relatif à son comportement.

Mme [V] doit donc être déboutée de sa demande pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes consécutives à la rupture : dommages et intérêts pour rupture abusive, indemnité conventionnelle de préavis, congés pays afférents, remise des documents de fin de contrat conformes sous astreinte.

La mise à pied était justifiée, Mme [V] doit donc être déboutée de sa demande de rappel de salaire et congés afférents à ce titre.

Il n'y a pas lieu à indemnité de fin de contrat, alors que le contrat n'a pas été mené à son terme, et que le contrat à durée déterminée est mué en contrat à durée indéterminée par requalification.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le caractère brutal et vexatoire de la rupture

La salariée sollicite la somme de 3 800 euros en raison du caractère brutal et vexatoire de la rupture, celle-ci étant intervenue en quelques jours suite à sa lettre de dénonciation de faits graves, sans qu'aucune enquête ne soit diligentée, et pendant les fêtes de fin d'année.

L'employeur conclut au rejet de la demande, la salariée ayant fait l'objet d'une mise à pied conservatoire qui ne peut être considérée comme vexatoire, et les faits s'étant déroulés entre le 12 et le 17 décembre 2019, la procédure a eu lieu logiquement en fin d'année, les délais de procédure ayant été respectés.

En l'espèce, les circonstances brutales et vexatoires invoquées par la salariée ne sont pas établies.

Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

La salariée sollicite la somme de 8 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Elle indique que l'employeur a gravement manqué à ses obligations à l'occasion de la rupture du contrat de travail, que les attestations remises à l'occasion de la rupture étaient erronées et qu'elle n'a pu bénéficier d'allocations de Pôle emploi en dépit de ses demandes de régularisation auprès de l'employeur. Elle précise que l'employeur a fait preuve d'une légèreté blâmable en ne lui adressant pas une attestation correcte, caractérisant la déloyauté avec laquelle il a exécuté son contrat de travail, à l'origine d'un préjudice moral.

L'employeur fait valoir que le problème soulevé par la salariée concerne la rupture du contrat de travail et ne saurait trouver application au titre de la mauvaise exécution du contrat. Il soutient qu'il n'est pas démontré que l'attestation Pôle emploi non conforme ou erronée serait la cause de l'absence d'indemnisation, que la salariée ne justifie pas de sa situation. Il conclut que la raison du rejet de l'indemnisation n'est pas réellement connue et qu'il appartient à la salariée de contester la décision de Pôle emploi.

La salariée produit une seule page de l'attestation Pôle emploi non datée faisant état d'un abandon de mission du salarié, puis une attestation du 5 avril 2019 mentionnant une fin de mission d'intérim avec correction manuscrite du nombre de jours travaillés pour atteindre 89 relative à la période du 26 novembre 2018 au 5 avril 2019, soit antérieurement à la période salariée litigieuse.

Ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour établir que la salariée n'a pu percevoir d'allocations Pôle emploi après la rupture de son contrat de travail du 27 décembre 2019 du fait de son employeur.

La salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La salariée sollicite une somme de 2 953,63 euros au titre d'heures supplémentaires qu'elle considère avoir accomplies entre le 14 octobre et le 12 décembre 2019, outre 295 euros au titre des congés payés afférents après application des taux horaires majorés correspondants.

Elle indique que sa présence était exigée sur l'intégralité de l'amplitude de l'ouverture de l'agence, soit de 9 heures à 18 heures, qu'en réalité, en raison d'un manque de personnel, elle a été contrainte à une amplitude comprise entre 6 heures et 22 heures week-end inclus, elle conclut donc qu'elle a effectué 103,5 heures à la demande de la société.

Elle produit un courriel du 13 décembre 2019 faisant état d'horaires de 8 heures à 18h30 avec trente minutes de pause pour la période du 14 au 25 octobre 2019 ainsi que de 6 heures à 22 heures samedi et dimanche inclus pour la période du 25 novembre au 2 décembre 2019, courriel qui est contresigné par sa collègue Mme [X] [J].

Il s'en déduit que la salariée présente des éléments suffisamment précis de sorte que l'employeur est en mesure d'y répondre.

L'employeur ne produit pas d'éléments propres sur le contrôle des heures effectuées par la salariée et conteste le décompte produit par celle-ci en l'absence d'éléments précis, à défaut de relevé d'heures.

Après pesée des éléments produits par l'une et l'autre des parties, la cour a la conviction que la salariée a accompli des heures supplémentaires conformément aux missions qui lui étaient confiées à hauteur de 1 500 euros sur la période du 14 octobre au 12 décembre 2019. La société Sup Intérim sera donc condamnée à payer à la salariée la somme de 1 500 euros au titre des heures supplémentaires, outre 150 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'élément intentionnel du travail dissimulé n'est pas établi. La salariée sera, par conséquent, déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Sup Intérim 77 succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel. Elle devra également régler une somme de 3 000 euros à Mme [V] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- débouté Mme [N] [V] de ses demandes au titre d'un licenciement nul,

- débouté Mme [N] [V] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [N] [V] de sa demande d'indemnité de fin de contrat,

- débouté Mme [N] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

- débouté Mme [N] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- débouté Mme [N] [V] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée à effet du 14 octobre 2019 en contrat de travail à durée indéterminée à effet du 14 octobre 2019,

Dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en licenciement pour faute grave,

Condamne la société Sup Intérim 77 à payer à Mme [N] [V] les sommes suivantes :

1 900 euros au titre de l'indemnité de requalification,

1 500 euros au titre des heures supplémentaires,

150 euros au titre des congés payés afférents,

Rappelle que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société Sup Intérim 77 aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Sup Intérim 77 à payer à Mme [N] [V] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi Pouniandy, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03164
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.03164 ?
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