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29/03/2023 | FRANCE | N°21/01796

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 29 mars 2023, 21/01796


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 MARS 2023



N° RG 21/01796



N° Portalis DBV3-V-B7F-UR4R



AFFAIRE :



[P], [U] [M] épouse [H]



C/



S.A.S. LES VEDETTES DE LA SEINE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Sectio

n : C

N° RG : F 18/00122



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Alice MONTASTIER



Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF MARS DE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 MARS 2023

N° RG 21/01796

N° Portalis DBV3-V-B7F-UR4R

AFFAIRE :

[P], [U] [M] épouse [H]

C/

S.A.S. LES VEDETTES DE LA SEINE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 18/00122

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alice MONTASTIER

Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [P], [U] [M] épouse [H]

née le 18 Juin 1990 à [Localité 6] (ROUMANIE)

de nationalité Roumaine

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Alice MONTASTIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 420 substitué par Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau du VAL DE MARNE

APPELANTE

****************

S.A.S. LES VEDETTES DE LA SEINE

N° SIRET : 417 736 790

[Adresse 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Laurence HERMAN-GLANGEAUD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 253

Représentant : Me Urielle SEBIRE de la SCP DOUCERAIN-EUDE-SEBIRE, Plaidant, avocat au barreau de LISIEUX

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [P] [M] épouse [H] a été embauchée entre le 16 avril 2014 et le 31 octobre 2015 par le biais de multiples contrats à durée déterminée en qualité de serveuse par la société Vedettes de la Seine.

À compter du 1er novembre 2015, Mme [H] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée par la société Vedettes de la Seine en qualité d'agent administratif et de serveuse.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du personnel des entreprises de transport de passagers en navigation intérieure.

Du 4 au 7 juillet 2017, Mme [H] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre du 11 octobre 2017, la société Vedettes de la Seine a notifié à Mme [H] un avertissement.

À compter du 2 novembre 2017, Mme [H] a de nouveau été placée en arrêt de travail pour maladie, lequel sera prolongé sans discontinuité par la suite.

Le 29 janvier 2018, Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Vedettes de la Seine, produisant les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de cette dernière à lui payer diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de la relation de travail.

Par un jugement du 7 octobre 2020, le conseil de prud'hommes (section commerce) a :

- condamné la société Vedettes de la Seine à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

* 627,43 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à décembre 2015 ;

* 35,12 euros au titre des congés payés y afférents pour la période de janvier à décembre 2015 ;

* 66,31 euros à titre de rappel d'indemnité de précarité ;

* 865 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- condamné la société Vedettes de la Seine aux dépens.

Le 16 décembre 2020, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude de Mme [H] à son poste.

Par lettre du 31 décembre 2020, la société Vedettes de la Seine a notifié à Mme [H] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Le 9 juin 2021, Mme [H] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 18 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [H] demande à la cour de confirmer le jugement attaqué sur les condamnations prononcées à son profit, de l'infirmer sur le débouté de ses demandes et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés, de :

- fixer son ancienneté au 16 avril 2014 ;

- annuler l'avertissement du 11 octobre 2017 ;

- condamner la société Vedettes de la Seine à lui payer les sommes suivantes au titre de l'exécution du contrat de travail :

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives au temps de travail ;

* 11 384,46 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en conséquence de l'annulation de l'avertissement prononcé à son encontre ;

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ou, subsidiairement, pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement nul ou, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, ou plus subsidiairement, dire que son licenciement du 31 décembre 2020 est nul ou sans cause réelle et sérieuse, et en conséquence, condamner la société Vedettes de la Seine à lui payer les sommes suivantes :

* 5 692,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 569,22 euros au titre des congés payés afférents ;

* 831,70 euros à titre d'indemnité de légale de licenciement ;

* 581,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 18 974,10 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonner à la société Vedettes de la Seine de lui remettre une attestation pour Pôle emploi, un bulletin de salaire, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard et par document ;

- ordonner l'anatocisme ;

- condamner la société Vedettes de la Seine à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et une somme de 1 500 euros à ce même titre pour l'instance d'appel outre les entiers dépens ;

- débouter la société Vedettes de la Seine de toutes ses demandes.

Aux termes de ses conclusions du 4 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Vedettes de la Seine demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouter Mme [H] de ses demandes ;

- condamner Mme [H] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 17 janvier 2023.

Aux termes de ses conclusions du 30 janvier 2023, Mme [H] demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la pièce adverse n° 17 notifiée par l'intimée via RPVA le 17 janvier 2023 à 9h50 ;

- à titre infiniment subsidiaire, révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 17 janvier 2023 pour lui permettre de conclure en réponse sur la pièce litigieuse et maintenir la date d'audience fixée au 1er février 2023 à 9h00.

SUR CE :

Considérant au préalable qu'il sera rappelé qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile : 'La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion' ;

Sur la recevabilité de la pièce n°17 de l'intimée :

Considérant qu'il y a lieu de déclarer cette pièce irrecevable, en application de l'alinéa premier de l'article 802 du code de procédure civile, pour avoir été déposée au greffe après le prononcé de l'ordonnance de clôture ;

Sur les dommages-intérêts pour non-respect de la législation sur le temps de travail :

Considérant que Mme [H] demande la condamnation de la société Vedettes de la Seine à lui payer une somme globale de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts à raison des manquements suivants :

- le non-respect du temps de pause quotidien de 20 minutes en janvier et février 2015 ;

- le défaut d'information relatif à l'ouverture de droit à repos compensateur pour le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires en 2014 ;

- le non-respect de la durée maximale journalière de travail en juin et octobre 2014 et le non-respect de la durée maximale hebdomadaire du travail en octobre 2014 ;

Que la société Vedettes de la Seine, au vu du dispositif de ses conclusions, demande la confirmation du débouté des demandes ;

Considérant qu'en l'espèce, la société Vedettes de la Seine, alors que la charge de la preuve lui revient, ne justifie pas du respect du temps de pause quotidien et des durées maximales journalières et hebdomadaires du travail en litige ; qu'en conséquence, le préjudice nécessairement causé à la salariée par ces manquements sera réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, étant précisé que Mme [H] ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice pour le défaut d'information sur les droits à repos compensateur ; que le jugement sera infirmé sur ce chef ;

Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ' ;

Qu'en l'espèce, Mme [H] se plaint de ne pas avoir été payée de l'ensemble des heures de travail accomplies dans le cadre de certains de ses contrats à durée déterminée conclus dans le courant de l'année 2014 ; que toutefois et en tout état de cause, elle ne produit aucun élément démontrant une intention de la société Vedettes de la Seine de mentionner sur les bulletins de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; que le débouté de la demande d'indemnité pour travail dissimulé sera donc confirmé ;

Sur la nullité de l'avertissement et les dommages-intérêts afférents :

Considérant qu'en application de l'article L. 1333-1 du code du travail, le salarié peut demander au juge l'annulation d'une sanction disciplinaire prise à son encontre par son employeur ; que le juge forme sa conviction au vu des éléments apportés par les deux parties ; que toutefois, l'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre cette sanction qui sera annulée si elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée ;

Qu'en l'espèce, l'avertissement du 11 octobre 2017 est motivé par le fait que Mme [H] a laissé sciemment son véhicule personnel en stationnement sur le parking de la société Vedettes de la Seine pendant sa période de congés payés courant du 3 au 26 septembre 2017 ;

Qu'il ressort des débats et des pièces versées que, contrairement à ce que soutient la salariée, aucune disposition du règlement intérieur n'autorisait Mme [H] à laisser son véhicule sur le parking de la société Vedettes de la Seine pendant une période de suspension du contrat de travail liée à la prise de congés payés, de surcroît pendant près de trois semaines ; qu'il s'agit là d'un usage abusif d'un bien appartenant à l'employeur ; que le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail de la part de la salariée est établie ; que la sanction prononcée n'est de surcroît pas disproportionné par rapport à la faute commise ;

Qu'il y a donc lieu de débouter Mme [H] de sa demande de nullité de cette sanction disciplinaire et de sa demande de dommages-intérêts afférents ; que le jugement sera confirmé sur ces points ;

Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :

Considérant que Mme [H] soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de la nouvelle direction de la société Vedettes de la Seine à compter d'avril 2017, à l'origine de la dégradation de son état de santé, et constitué par :

1°) un 'harcèlement managérial' empreint de brutalité ;

2°) un abus d'autorité par son supérieur hiérarchique à raison de convocations informelles à des entretiens de manière répétée et dans un lieu isolé et de la notification d'un avertissement injustifié ;

3°) une modification unilatérale du contrat de travail à raison d'un travail de nuit ;

4°) un comportement agressif et humiliant suivi d'une agression physique et verbale de la part de son supérieur le 31 octobre 2017 ;

5°) une convocation à une visite de reprise pendant l'arrêt de travail pour maladie, des retards dans le versement d'indemnités de prévoyance, un refus de lui envoyer ses 'chèques-vacances' à son domicile, un retard dans le remplissage des documents nécessaires à la perception de la rente d'invalidité prévue par le contrat de prévoyance de l'entreprise ;

Qu'elle réclame en conséquence une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Que la société Vedettes de la Seine conclut au débouté de cette demande en faisant valoir que les faits reprochés ne sont pas établis ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 3122-2 du même : ' La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures' ; qu'aux termes de l'article L. 3122-5 du même code : ' Le salarié est considéré comme travailleur de nuit dès lors que : / 1° Soit il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ; / 2° Soit il accomplit, au cours d'une période de référence, un nombre minimal d'heures de travail de nuit au sens de l'article L. 3122-2, dans les conditions prévues aux articles L. 3122-16 et L. 3122-23" ; qu'aux termes de l'article L. 3122-23 du même code : 'A défaut de stipulation conventionnelle mentionnée à l'article L. 3122-16, le nombre minimal d'heures entraînant la qualification de travailleur de nuit est fixé à deux cent soixante-dix heures sur une période de référence de douze mois consécutifs' ;

Qu'en l'espèce, s'agissant du fait mentionné au 1°), Mme [H] verse aux débats une lettre de son employeur en date du 24 novembre 2017 dans laquelle ce dernier se borne à indiquer qu'il compte faire une 'application rigoureuse' du règlement intérieur en réaction au laxisme existant selon lui précédemment dans l'entreprise ; que Mme [H] ne présente ainsi pas d'élément relatif à un 'harcèlement managérial' ;

Que s'agissant des faits mentionnés au 2°), ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'avertissement notifié à Mme [H] est justifié et proportionné ; que s'agissant des convocations informelles répétées invoquées par Mme [H], l'unique attestation d'un ancien salarié que l'appelante verse sur ce point, laquelle est très imprécise, est insuffisant à en établir la réalité ;

Que s'agissant du fait mentionné au 3°), il est constant que la société Vedettes de la Seine a imposé à Mme [H] à la fin du mois d'octobre 2017 une modification de ses horaires de travail, en ce sens qu'elle n'était plus conduite à accomplir un seul service par semaine de 16h00 à 23h50 ou minuit mais désormais trois services par semaine à ces mêmes heures ; qu'il ressort des débats qu'une telle modification aboutissait à l'accomplissement de plus de 270 heures de nuit sur une période de référence de 12 mois consécutifs ; que l'application de ces nouveaux horaires de travail conduisait donc à faire basculer Mme [H] sous le régime de travailleur de nuit prévu par les dispositions légales mentionnées ci-dessus ; que Mme [H] est donc fondée à soutenir que l'employeur lui a imposé une modification unilatérale de son contrat de travail ;

Que s'agissant des faits mentionnés au 4°), Mme [H] se borne à verser une attestation d'un ancien collègue qui mentionne de manière très imprécise l'existence d'un 'comportement agressif et humiliant de la nouvelle direction' ; que s'agissant des violences verbales et physiques imputées à son supérieur le 31 octobre 2017, Mme [H] se borne à verser aux débats une lettre adressée à l'employeur ne contenant que ses propres déclarations ainsi qu'une attestation d'un ancien salarié qui ne fait état d'aucune violence verbale et physique subie par la salariée ; que Mme [H] ne présente donc pas des éléments suffisants à ce titre ;

Que s'agissant des faits mentionnés au 5°), Mme [H] se borne à procéder par allégations ;

Que s'agissant de la dégradation de l'état de santé, les pièces médicales versées aux débats soit ne font état d'aucun lien de causalité entre l'état de santé de Mme [H] et ses conditions de travail dans l'entreprise, soit font abusivement état d'un tel lien en l'absence de constatation personnelle du praticien quant aux conditions de travail au sein de la société Vedettes de la Seine ;

Qu'il résulte de ce qui précède que Mme [H] présente un seul élément de fait tiré d'une modification de son contrat de travail à la fin du mois d'octobre 2017 ; que ce seul élément est insuffisant à caractériser l'existence d'un harcèlement moral, lequel exige des agissements répétés ;

Qu'il y a donc lieu de débouter Mme [H] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1222 -1 du code du travail : 'Le contrat de travail est exécuté de bonne foi' ;

Que la modification unilatérale du contrat de travail imposée par l'employeur, mentionnée ci-dessus, constitue une exécution déloyale du contrat de travail ; que Mme [H] a protesté contre cette modification à plusieurs reprises, sans être entendue ; que le préjudice moral résultant de ce manquement sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros à ce titre ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention :

Considérant en l'espèce qu'en tout état de cause, Mme [H] n'établit ni même n'allègue l'existence d'un préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de cette demande indemnitaire ;

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail et ses conséquences :

Considérant qu'un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations ; qu'il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce ; que la date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date ;

Qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, aucun harcèlement moral ne ressort des débats, ce qui conduit à débouter l'appelante de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Qu'en revanche, la modification unilatérale du contrat de travail, consistant à faire basculer la salariée sous le régime de travailleur de nuit et constitutive d'une exécution déloyale du contrat de travail, est établie ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;

Qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société Vedettes de la Seine a refusé d'abandonner cette modification d'un élément essentiel du contrat de travail malgré les demandes de la salariée ;

Que Mme [H] établit ainsi l'existence d'un manquement commis par la société Vedettes de la Seine d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail ;

Qu'il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 31 décembre 2020, date du licenciement, et de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;

Qu'en conséquence, Mme [H] est fondée à réclamer des indemnités de rupture, lesquelles sont calculées, à raison des multiples contrats à durée déterminée conclus entre les parties, sur la base d'une ancienneté remontant à la date du 16 avril 2014 par application des stipulations de l'article 29 de la convention collective et sur la base d'une rémunération moyenne mensuelle s'élevant, au vu des pièces versées, à 1 897,41 euros brut ;

Qu'il lui sera ainsi alloué les sommes suivantes, dont les montants ne sont au demeurant pas discutés par l'employeur :

- 5 692,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 569,22 euros au titre des congés payés afférents ;

- 831, 10 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement ;

- 581,90 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Que Mme [H] est également fondée à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre trois et sept mois de salaire brut en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige; qu'eu égard à son âge (née en 1990), à sa rémunération, à sa situation postérieure au licenciement (placement en invalidité de catégorie 1 en décembre 2020 et chômage), il y a lieu d'allouer une somme de 12 000 euros à ce titre ;

Que le jugement sera infirmé sur ces différents chefs ;

Sur la remise de documents sociaux sous astreinte :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'ordonner à la société Vedettes de la Seine de remettre à Mme [H] une attestation pour Pôle emploi, un bulletin de salaire, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt ; que le jugement sera infirmé sur ce point ; que le débouté de la demande d'astreinte sera en revanche confirmé, une telle mesure n'étant pas nécessaire ;

Sur l'anatocisme :

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Vedettes de la Seine aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [H] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur ces deux points ; qu'en outre, la société Vedettes de la Seine sera condamnée à payer à Mme [H] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable la pièce n°17 déposée par la société Vedettes de la Seine,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il statue sur les dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives au temps de travail, les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les indemnités de rupture subséquentes, la remise de documents sociaux, l'anatocisme,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [P] [M] épouse [H] aux torts de la société Vedettes de la Seine à la date du 31 décembre 2020 et dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Vedettes de la Seine à payer à Mme [P] [M] épouse [H] les sommes suivantes :

- 5 692,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 569,22 euros au titre des congés payés afférents,

- 831,10 euros à titre de rappel d'indemnité de légale de licenciement,

- 581,90 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,

-12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de pause et des durées maximales quotidiennes et journalières de travail,

Ordonne à la société Vedettes de la Seine de remettre à Mme [P] [M] épouse [H] une attestation pour Pôle emploi, un bulletin de salaire, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes au présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne le remboursement par la société Vedettes de la Seine aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [P] [M] épouse [H] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Vedettes de la Seine à payer à Mme [P] [M] épouse [H] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Vedettes de la Seine aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01796
Date de la décision : 29/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-29;21.01796 ?
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